Déploiement de la 5G : les pouvoirs limités du Maire

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Déploiement de la 5G : les pouvoirs limités du Maire

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Le refus d’installation d’une antenne de téléphonie mobile opposé par un Maire peut être contourné si l’opérateur justifie de l’insuffisance de la couverture du territoire de la commune par le réseau 5 G.

Free Mobile a obtenu des juges une injonction faite au maire de la commune de Bouillargues de délivrer provisoirement l’autorisation de non opposition à déclaration préalable sollicitée par la société TDF (antenne de téléphonie mobile).

En l’espèce, la société TDF justifie de l’insuffisance de la couverture du territoire de la commune de Bouillargues par le réseau 5 G de la société Free mobile.

Ainsi, eu égard à l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par les réseaux de téléphonie mobile, aux intérêts propres de la société TDF qui s’est engagée à réaliser sur le site de Bouillargues les travaux nécessaires au déploiement de ce réseau, et aux intérêts de la société Free mobile qui a pris des engagements en matière de couverture, la condition d’urgence exigée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

Il a été enjoint au maire de la commune de Bouillargues de délivrer provisoirement l’autorisation de non opposition à déclaration préalable sollicitée par la société TDF, dans le délai d’un mois.

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Tribunal Administratif de Nîmes, 17 avril 2023, 2300968

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 17 mars 2023, et un mémoire complémentaire enregistré le 5 avril 2023, la société TDF, représentée par Me Bon-Julien, demande au juge des référés :

1°) de prononcer, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de la décision du 20 septembre 2022 par laquelle le maire de la commune de Bouillargues s’est opposé aux travaux qu’elle a déclarés en vue de l’édification d’une antenne de téléphonie mobile, ensemble, la décision rejetant son recours gracieux ;

2°) d’enjoindre au maire de la commune de Bouillargues de lui délivrer l’autorisation sollicitée dans un délai de 15 jours ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bouillargues la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la condition d’urgence est satisfaite eu égard aux intérêts qui s’attachent à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile et à ses intérêts propres envers la société Free mobile à qui incombe de respecter les engagements qu’elle a pris en la matière ;

– sont propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision en litige les moyens tirés de :

* l’insuffisance de motivation en droit ;

* l’erreur de droit dans l’application de l’article L. 34-9-1 du code des postes et communications électroniques, alors au surplus que ce motif manque en tout état de cause en fait ;

* l’erreur de droit dans l’application de l’article D. 98-6-1 du code des postes et communications électroniques ;

* l’erreur d’appréciation au regard de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme dès lors que la seule présence d’un poteau électrique à proximité du projet ne permet pas de conclure à l’existence d’un risque pour la sécurité publique.

* l’erreur de droit dans l’application du règlement de la zone agricole dès lors que les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs y sont admis.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 mars 2023, la commune de Bouillargues, représentée par AARPI Mb avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– l’urgence à suspendre l’exécution de la décision en litige n’est pas démontrée dès lors que la commune de Bouillargues est déjà couverte par le réseau 5G de la société Free mobile ou d’autres opérateurs ;

– les moyens invoqués par la société TDF ne sont pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

Vu :

– la décision par laquelle le président du tribunal administratif de Nîmes a désigné M. Antolini, vice-président, pour statuer sur les demandes de référés ;

– la requête, enregistrée le 17 mars 2023 sous le n° 2300964, tendant à l’annulation de la décision susvisée ;

– les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code de l’urbanisme ;

– le plan local d’urbanisme de la commune de Bouillargues ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 12 avril 2023 à 10 heures 15 :

– le rapport de M. A ;

– les observations de Me le Rouge-de-Guerdavid, représentant la société TDF, et celles de Me Lenoir, pour la commune de Bouillargues.

La clôture de l’instruction a été prononcée, à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit

:

1. En application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à sa légalité.

2. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. En ce qui concerne une décision de refus d’autorisation d’urbanisme, il appartient au juge des référés, lorsqu’il est saisi d’une demande de suspension, d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets du refus de permis litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. À cette fin, l’urgence s’apprécie objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce, en tenant compte, notamment, des conséquences qui seraient susceptibles de résulter, pour les divers intérêts en présence, de la délivrance d’une autorisation de construire provisoire à l’issue d’un réexamen de la demande ordonné par le juge des référés.

3. La demande de la société Free Mobile tend, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution de la décision du 20 septembre 2022 par laquelle le maire de la commune de Bouillargues s’est opposé aux travaux qu’elle a déclarés en vue de l’installation d’une antenne de téléphonie mobile. En l’espèce, la société TDF justifie de l’insuffisance de la couverture du territoire de la commune de Bouillargues par le réseau 5 G de la société Free mobile. Ainsi, eu égard à l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par les réseaux de téléphonie mobile, aux intérêts propres de la société TDF qui s’est engagée à réaliser sur le site de Bouillargues les travaux nécessaires au déploiement de ce réseau, et aux intérêts de la société Free mobile qui a pris des engagements en matière de couverture, la condition d’urgence exigée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.

4. En l’état de l’instruction, les moyens tirés la méconnaissance de l’erreur de droit dans l’application du code des postes et communications électroniques, de l’erreur d’appréciation au regard de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme et de l’erreur de droit dans l’application du règlement de la zone agricole du plan local d’urbanisme communal sont de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige. Il y a lieu en conséquence de suspendre l’exécution de la décision du 20 septembre 2022 jusqu’au prononcé du jugement de l’affaire enregistrée sous le n° 2300964.

5. En application de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : ” Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution “. L’article L. 911-2 dudit code prévoit en outre que : ” Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé “. Eu égard aux motifs qui fondent la présente ordonnance et à la portée des travaux, la suspension de la décision en litige implique que le maire de la commune de Bouillargues délivre à la société Free mobile une autorisation provisoire, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente ordonnance, jusqu’au prononcé du jugement au fond.

6. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : ” Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation “. Ces dispositions font obstacle à ce que la société TDF, qui n’est pas la partie perdante, verse une quelconque somme à la commune de Bouillargues au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer dans cette instance. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de condamner la commune de Bouillargues à verser à la société TDF la somme qu’elle demande sur le fondement de ces mêmes dispositions.

O R D O N N E

Article 1er

: L’exécution de la décision du maire de la commune de Bouillargues en date du 20 septembre 2022 est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Bouillargues de délivrer provisoirement l’autorisation de non opposition à déclaration préalable sollicitée par la société TDF, dans le délai d’un mois.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société TDF et à la commune de Bouillargues.

Fait à Nîmes, le 17 avril 2023.

Le juge des référés,

J. A

La République mande et ordonne à la préfète du Gard en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

 


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