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Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 4 octobre 2022, 22/02170
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-1
ARRÊT AU FOND
DU 04 OCTOBRE 2022
D.D.
N°2022/312
Rôle N° RG 22/02170 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BI3ME
Association UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS – QUE CHOISIR
C/
S.A.R.L. JANTES ON LINE
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Raphaëlle MAHE DES PORTES
Me Alexis REYNE
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge de la mise en état d’AIX-EN-PROVENCE en date du 03 Février 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/04419.
APPELANTE
Association UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS – QUE CHOISIR, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Raphaëlle MAHE DES PORTES de la SCP SCP CHABAS ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Alexis GUEDJ de la SELEURL Cabinet Alexis GUEDJ, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Fabio LHOTE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.A.R.L. JANTES ON LINE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Alexis REYNE de la SELARL AVOCATIA, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Manon RIVIERE, avocat au barreau de MARSEILLE
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COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Août 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier BRUE, Président, et Mme Danielle DEMONT, Conseiller, chargés du rapport.
Mme Danielle DEMONT, Conseiller, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier BRUE, Président
Mme Danielle DEMONT, Conseiller
Mme Sylvie PEREZ, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Agnès SOULIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Octobre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Octobre 2022.
Signé par Monsieur Olivier BRUE, Président et Mme Colette SONNERY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
La société Jantes on line édite à l’adresse internet [04] un site de commerce de jantes et de pneus.
Le 24 février 2020, par l’intermédiaire de son conseil, elle a sollicité le retrait de 7 fils de discussions et d’une trentaine de messages hébergés sur le forum des consommateurs de l’association Union fédérale des consommateurs-Que choisir.
Le 13 mars 2020, elle a relancé l’association en vue d’obtenir la suppression de ces fils de discussions et messages.
Le 10 septembre 2020, la société Jantes on line a adressé une notification à l’association Union fédérale des consommateurs-Que choisir au visa de l’article 6-I-2° de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance en l’économie numérique (LCEN) pour solliciter le retrait sous 10 jours des fils de discussion sur le forum des consommateurs de l’association Union fédérale des consommateurs- Que choisir, ainsi que le retrait sous 10 jours des messages.
Par exploit du 28 octobre 2020 la société Jantes on line a fait assigner l’association Union fédérale des consommateurs-Que choisir aux mêmes fins de retrait sous astreinte, ainsi que pour obtenir le versement de dommages et intérêts pour atteinte à son image et à sa réputation.
Par ordonnance en date du 3 février 2022 juge de la mise en état du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, statuant sur un incident d’exception de procédure tenant à la nullité de l’assignation élevé par l’association Union fédérale des consommateurs-Que choisir, a débouté l’association Union fédérale des consommateurs-Que choisir de sa demande de nullité de l’assignation du 28 octobre 2020 délivrée par la société Jantes on Line, déclaré irrecevables les demandes de cette dernière, rejeté les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et réservé les dépens.
Le 14 février 2022 l’association Union fédérale des consommateurs-Que choisir a relevé appel de cette décision.
Par conclusions du 4 mai 2022 elle demande à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise, statuant à nouveau, in limine litis, de prononcer la nullité de l’assignation du 28 octobre 2020 pour violation des dispositions de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, à titre principal, de prononcer l’irrecevabilité des demandes formées par la société Jantes on line contre l’association, en conséquence de l’en débouter, et de la condamner à lui payer la somme de 10’500 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par conclusions du 3 juin 2022 la société Jantes on line demande à la cour de confirmer l’ordonnance entreprise, de rejeter l’exception de procédure, de débouter l’association de toutes ses demandes, et à titre reconventionnel, de la condamner à lui payer la somme de
4 000e, au titre de l’article 700 du code de procédure, outre les dépens de l’incident.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l’exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.
L’association Union fédérale des consommateurs- Que choisir soulève la nullité de l’assignation signifiée le 28 octobre 2020, motif pris de ce que cette assignation, même si elle mentionne et vise les dispositions relatives à la loi pour 1a confiance dans l’écononie numérique, invoque l’existence de ‘messages diffamants et dénigrants, présentant un caractère maniestement illicite’ et un préjudice résultant de ‘l’atteinte à son image et à sa réputation’.
Elle soutient que le comportement d’une société qualifié de ‘escroquerie, (…) arnaque’ n’a pas pour objet de mettre en cause la qualité des prestations fournies par la société, ni de critiquer un de ses produits, mais constitue une atteinte à son honneur et à sa réputation ; que ces termes sont régis par les dispositions l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; que l’action n’est pas fondée uniquement sur la responsabilité délictuelle qui recouvre le dénigrement ; que la société demanderesse était dès lors dans l’obligation d’observer les règles d’ordre pubic en matière de diffamation énoncées à l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881.L ‘assignation signifiée à la demande de la société Jantes on line devait donc, à peine de nullité, préciser les faits objets de la poursuite, indiquer le texte de loi applicable et qualifier les faits incriminés, ce qu’elle ne le fait pas. Elle est donc nulle.
Mais l’article 6 -I-2° de la loi sur la confiance en l’économie numérique (LCEN), dans sa version applicable au litige issue de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, dispose que :
« Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par de destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ce services si elles n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère manifestement illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible. »
Il en résulte une action autonome devant le juge de droit commun, distincte de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, qui est ouverte à toute personne prétendant faire cesser un dommage qu’elle subit ou prévenir sa réalisation.
L’assignation délivrée le 28 octobre 2020 vise explicitement cet article 6 de la loi du 21 juin 2004 et l’article 1240 du code civil, et non la loi sur la liberté de la presse.
L’assignation vise à obtenir du tribunal de :
” juger manifestement illicites et enjoindre à l’association la suppression des messages et fils de discussion qualifiés par la requérante de diffamatoires, dénigrants, insultants et manifestement illicites ;
‘ juger l’association UFC – Que Choisir fautive pour ne pas avoir accompli les diligences
nécessaires à la suppression de l’accès à l’ensemble des contenus signalés comme illicites
par la société Jantes On Line, et notifiés par courrier LRAR en date du 10 septembre 2020 ;
‘ en conséquence, d’enjoindre à l’association UFC – Que Choisir de retirer ou rendre inaccessible les contenus illicites susvisés hébergés sur le site [03], sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par contenu illicite non supprimé à compter de la signification du jugement à intervenir;
‘ d’ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site [V] ;
‘ et de condamner l’association UFC – Que Choisir à payer à la société Jantes on line la somme de 25 000 euros, en réparation de son préjudice résultant de l’atteinte à son image et à sa réputation la même somme de 25 000 euros, en réparation de son préjudice économique’ ;
Dans le corpus de l’assignation, la société Jantes on line articule cette demande indemnitaire à une faute de l’association UFC-Que choisir, au sens de l’article 1240 du code civil, consistant dans son refus persistant de retirer les mentions lui causant un préjudice en ce qu’il porte atteinte à la bonne réputation de l’entreprise et qui ruine sa campagne commerciale, et ce en dépit de la connaissance par l’association de leur caractère manifestement illicite. L’acte introductif ne décrit pas ainsi un dommage qui serait issu directement des messages portant atteinte à son image et à sa réputation, mais un dommage issu de leur maintien en ligne par la défenderesse.
L’association ne saurait dénaturer l’action engagée contre elle pour prétendre la soumettre aux conditions édictées par la loi du 29 juillet 1881 régissant la liberté de la presse.
Le juge de la mise en état a donc justement rejeté la demande de nullité de l’acte introductif d’instance et rejeté les deux fins de non-recevoir, tirées de l’absence de mise en cause du directeur de publication et de la prescription de l’action au regard de ce texte.
L’ordonnance déférée sera confirmée.
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
Condamne l’association UFC-Que Choisir à payer à la SARL Jantes on line, la somme de 2 500€, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT