Droit d’usage d’un parking

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Droit d’usage d’un parking
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Il apparaît ainsi qu’en refusant en février 2021 à sa locataire de continuer à faire usage du quai de déchargement, partie commune et nécessaire à l’exercice de son activité commerciale prévue au bail, sans justifier d’aucune interdiction ou restriction d’usage de cette partie commune ni d’aucun abus de son droit d’usage par la société VDE et Cie, le syndicat des copropriétaires a causé à sa locataire un trouble manifestement illicite auquel le premier juge a justement mis fin selon les modalités prévues à son ordonnance, qu’il convient d’approuver et de confirmer.


 

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/08615 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFX47

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Avril 2022 -Président du TJ de PARIS – RG n° 22/51103

APPELANT

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU C.I.A.T. SIS [Adresse 2] représenté par son syndic, FONCIA PARIS RIVE DROITE (RCS de PARIS sous le n°582 098 026)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et assistée par Me Jean-françois BLANC, avocat au barreau de PARIS, toque : E0308

INTIMEE

S.A.R.L. VDE ET CIE, (RCS de PARIS sous le n° 421 828 344)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée et assistée par Me Judith BENGUIGUI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2254

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 Octobre 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat du 28 octobre 2009, le syndicat des copropriétaires du C.I.A.T sis [Adresse 2], a donné à bail à la société VDE et Cie un local commercial situé au premier sous-sol de l’immeuble sis [Adresse 2].

La société VDE et Cie reproche à son bailleur de refuser de lui remettre un badge d’accès à la zone d’emplacements de stationnement située à proximité du local loué, dont elle a besoin pour transporter le matériel nécessaire à son activité de prestations dans les domaines musical, audiovisuel et cinématographique.

Par acte du 20 décembre 2021, elle a fait assigner le syndicat des copropriétaires du CIAT pris en sa qualité de bailleur devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de le voir condamner, au visa de l’article 835 du code de procédure civile, à lui remettre ce badge d’accès sous astreinte.

Par ordonnance contradictoire du 8 avril 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

– ordonné au syndicat des copropriétaires du CIAT de remettre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de huit jours à compter de la signification des présentes et pendant un an, à la société VDE et Cie un badge d’accès à la zone d’emplacements de stationnement et le code du cadenas d’ouverture de la zone de déchargement de l’immeuble sis [Adresse 2] ;

– dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision à valoir sur la réparation du préjudice de résistance abusive ;

– condamné le syndicat des copropriétaires du CIAT à payer à la société VDE et Cie la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles et rejeté celle formulée par le syndicat des copropriétaires sur ce fondement ;

– rejeté le surplus des demandes ;

– condamné le syndicat des copropriétaires du CIAT aux entiers dépens.

Par déclaration du 27 avril 2022, le syndicat des copropriétaires du CIAT a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 26 septembre 2022, il demande à la cour de :

– infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a ordonné la remise par celui-ci sous astreinte pécuniaire de 50 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de huit jours à compter de la signification des présentes et pendant un an, à la société VDE et Cie d’un badge d’accès à la zone d’emplacements de stationnement et du code du cadenas d’ouverture de la zone de déchargement de l’immeuble ;

– dire et juger qu’aucun trouble manifestement illicite n’est caractérisé ;

– dire et juger que les demandes de la société VDE et Cie se heurtent à des contestations sérieuses ;

– en conséquence, dire n’y avoir lieu à référé sur l’intégralité des demandes, fins et conclusions de la société VDE et Cie et les rejeter ;

– condamner la société VDE et Cie à lui payer une somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société VDE et Cie en tous les dépens d’instance et d’appel, qui pourront être recouvrés directement par Me Jean-François Blanc, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En substance, le syndicat des copropriétaires soutient :

– que ni la désignation des locaux dans le contrat de bail ni aucune clause de ce contrat ne confère à la société locataire un droit d’accès au parking situé en sous-sol ou d’un droit de stationnement dans ce parking pour procéder au déchargement de matériels ;

– que le droit d’accès au parking n’est attaché qu’aux places de stationnement ; que la société VDE et Cie s’est ainsi vu remettre un badge lorsqu’elle était locataire d’un tel emplacement, qu’elle a dû restituer quand son bail a été résilié le 21 janvier 2019 après congé délivré par le bailleur, et elle se trouve à nouveau en possession d’un badge d’accès au parking depuis qu’elle loue un autre emplacement de stationnement ;

– qu’en outre, aucun des deux passages revendiqué par la société VDE et Cie pour transporter son matériel depuis le quai de déchargement auquel elle veut avoir accès jusqu’à son local commercial n’est envisageable, le premier itinéraire impliquant d’emprunter les lots 905 et 912 (quai de déchargement et réserve et emplacement de stationnement) qui sont des parties privatives, le second portant atteinte aux règles de sécurité en nécessitant d’emprunter une allée réservée à la circulation des véhicules ;

– que la société VDE et Cie dispose bien en tout état de cause d’une entrée lui permettant d’acheminer son matériel sans passer par le parking, l’entrée de son local commercial donnant sur un jardin intérieur sous la forme d’un large patio qui donne lui-même sur un hall tout aussi large permettant d’accéder au rez-de-chaussée et à la sortie de l’immeuble ; – qu’il en résulte l’existence de contestations sérieuses sur le fondement de l’alinéa 1 de l’article 835 du code de procédure civile et l’absence de trouble manifestement illicite sur le fondement de l’alinéa 2 de ce texte, la décision de première instance devant ainsi être infirmée.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 19 septembre 2022, la société VDE et Cie demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a :

‘ ordonné au syndicat des copropriétaires du Ciat de lui remettre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de huit jours à compter de la signification des présentes et pendant un an, un badge d’accès à la zone d’emplacements de stationnement et le code du cadenas d’ouverture de la zone de déchargement de l’immeuble sis [Adresse 2],

‘ condamné le syndicat des copropriétaires du Ciat à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles et rejeté celle formulée par le syndicat des copropriétaires sur ce fondement,

‘ rejeté le surplus des demandes,

‘ condamné le syndicat des copropriétaires du Ciat aux entiers dépens,

‘ rappelé que la présente décision est exécutoire par provision conformément aux articles 514 et 514-1 du code de procédure civile,

– réformer l’ordonnance en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision à valoir sur la réparation du préjudice de résistance abusive, et statuant à nouveau,

– condamner le syndicat des copropriétaires du CIAT à lui payer la somme provisionnelle de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

– débouter en tout état de cause, le syndicat des copropriétaires du CIAT de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

– condamner le syndicat des copropriétaires du CIAT à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner le syndicat des copropriétaires du CIAT en tous les dépens, selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En substance, la société intimée fait valoir :

– qu’elle a possédé un badge d’accès au parking du sous-sol et a utilisé le quai de déchargement sans être inquiétée par le syndicat des copropriétaires pendant douze ans, et cela indépendamment de la détention de badges au titre de la location d’emplacements de stationnement ;

– qu’elle a perdu ce droit d’accès à l’occasion de la modification de l’accès par le syndicat des copropriétaires en février 2021 qui lui a ensuite refusé la remise de l’émetteur ayant remplacé l’ancien badge d’accès, qu’elle possède toujours mais qui ne peut plus servir, ce refus étant manifestement motivé par la volonté du bailleur de la voir quitter les lieux pour pouvoir vendre le local commercial qui constitue le dernier lot dont il reste propriétaire ; – qu’il relève pourtant de son obligation de délivrance et d’assurer la jouissance paisible des lieux à son locataire et de ne pas changer la forme de la chose louée pendant le bail, de lui remettre l’émetteur lui permettant de continuer à accéder au parking et au quai de déchargement, qui sont des parties communes ;

– qu’en effet, son activité commerciale l’oblige à acheminer son matériel via ce parking et ce quai de déchargement jusqu’à son local commercial situé à proximité, les locaux loués se situant au niveau -1 de l’immeuble et ne bénéficiant pas d’un accès direct sur la voie publique ;

– que le passage par les lots 905 et 912 ne regarde en rien le syndicat des copropriétaires mais le propriétaire de ces lots qui ne s’est jamais plaint du passage de la société VDE et Cie pour charger et décharger son matériel ; qu’au surplus il existe un autre passage possible via les parties communes de l’immeuble, l’allée en contrebas de la rampe d’accès au parking étant prévue pour faire passer des objets encombrants comme le montrent les photographies versées aux débats, les services d’entretien de l’immeuble utilisant d’ailleurs ce passage prétendument interdit pour des raisons de sécurité ;

– qu’il y a donc lieu de confirmer la décision de première instance, sauf en ce qu’elle a rejeté sa demande de dommages et intérêts provisionnels pour les troubles portés à son exploitation et dont elle justifie par la production de témoignages.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, MOTIFS

L’action de la société VDE et Cie est fondée sur les dispositions de l’article 835 du code de procédure civile.

Selon ce texte, le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

Si le bail commercial conclu entre les parties ne contient aucune clause stipulant que le locataire bénéficie d’un droit d’accès au quai de déchargement situé au niveau -1 du parking de l’immeuble, aucune clause du bail ne lui fait toutefois interdiction d’utiliser ce quai de déchargement, lequel apparaît sur le plan communiqué par les parties comme étant une partie commune. Or, il n’est pas prétendu que le règlement de copropriété, au demeurant non versé aux débats par le syndicat des copropriétaires, pose des restrictions quant à l’usage de cette partie commune par les propriétaires ou par les locataires, le syndicat des copropriétaires ne justifiant pas plus que les badges d’accès au parking du sous-sol ne peuvent être remis qu’aux propriétaires ou locataires de places de stationnement.

En outre, il est constant que la société VDE et Cie exerce une activité commerciale qui nécessite le transport de matériel lourd, volumineux et fragile, que son local est situé au niveau -1, comme le quai de déchargement litigieux et que son local ne dispose pas d’accès direct sur la voie publique. Il apparaît ainsi indispensable à l’exercice normal de son activité dans les lieux loués de pouvoir transporter son matériel depuis la voie publique jusqu’à son local en utilisant le quai de déchargement situé au même niveau que ce local et à proximité, étant rappelé que le bail a été consenti pour permettre à la société VDE et Cie d’exercer son activité de “prestation dans le domaine musical, audiovisuel, cinématographique, du multimédia ou toutes autres formes, spectacles”, et que le bailleur doit permettre à son locataire de jouir des lieux conformément à la destination du bail.

Enfin, il doit être relevé que le bail consenti à la société VDE et Cie date du 28 octobre 2009, et qu’il n’est pas discuté que la société fait usage du quai de déchargement litigieux depuis cette date, que ce soit au moyen du badge qui lui a été remis au titre de son emplacement de stationnement que du badge qu’elle soutient s’être vu remettre au titre du bail des locaux commerciaux. Or, le syndicat des copropriétaires ne prétend pas et ne produit aucun élément établissant que la société VDE aurait fait usage du quai de déchargement dans des conditions dommageables aux parties privatives ou aux parties communes ni contrevenu à la clause de son bail qui l’oblige “à ne rien faire qui puisse nuire à la tranquillité ou à la jouissance des voisins tant à l’occasion des livraisons qu’à celle des déplacements de personnel (…)”.

Il apparaît ainsi qu’en refusant en février 2021 à sa locataire de continuer à faire usage du quai de déchargement, partie commune et nécessaire à l’exercice de son activité commerciale prévue au bail, sans justifier d’aucune interdiction ou restriction d’usage de cette partie commune ni d’aucun abus de son droit d’usage par la société VDE et Cie, le syndicat des copropriétaires a causé à sa locataire un trouble manifestement illicite auquel le premier juge a justement mis fin selon les modalités prévues à son ordonnance, qu’il convient d’approuver et de confirmer.

Sur la demande de dommages et intérêts provisionnels, il est justifié par la production de témoignages de personnes travaillant avec la société VDE et Cie des difficultés qui ont été rencontrées depuis février 2021 jusqu’à l’exécution de l’ordonnance de référé en mai 2022 par l’absence d’émetteur à disposition dans les locaux pour permettre l’accès au quai de déchargement attenant à ces locaux, la détention d’un seul émetteur au titre de la place de stationnement située au niveau -3 étant insuffisante compte tenu de sa fréquente indisponibilité et des déplacements qu’elle nécessite. Il n’est donc pas sérieusement contestable qu’en se voyant privée pendant quinze mois de l’émetteur d’accès au quai de déchargement proche de local commercial la société VDE et Cie a subi un préjudice de jouissance qu’il convient de réparer par l’allocation d’une indemnité provisionnelle de 1.200 euros. L’ordonnance sera infirmée de ce chef.

Partie perdante, le syndicat des copropriétaires sera condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel, l’ordonnance étant confirmée de ce chef, et à payer à la société VDE et Cie la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, laquelle viendra s’ajouter à l’indemnité de 2.000 euros justement allouée au titre des frais de première instance.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise, sauf en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à payer à la société VDE et Cie la somme provisionnelle de 1200 euros en réparation de son préjudice de jouissance,

Y ajoutant,

Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] aux entiers dépens de l’instance d’appel, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à payer à la société VDE et Cie la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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