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La diffusion d’images obtenues par un procédé illicite à la suite de l’intrusion non autorisée dans des locaux peut être couverte par la liberté d’expression. Par ailleurs, la liberté d’expression peut, à l’évidence, être opposée sérieusement au droit de propriété d’un l’exploitant. Le juge des référés doit rechercher un équilibre entre le droit de propriété et le droit d’informer ou vérifier le caractère proportionné des moyens utilisés pour l’information du public.
Dans cette affaire, trois personnes appartenant à l’association DXE (Direct Action Everywhere France, qui a pour but de dénoncer l’exploitation intensive des animaux, ainsi que les méthodes de production industrielle de viande et d’oeufs) et un député se sont introduits dans les locaux appartenant à un couple d’exploitants animaliers, ont pris des photographies et vidéos des animaux élevés dans ces locaux et ont posté photographies et vidéos sur internet et sur les réseaux sociaux.
La juridiction d’appel avait conclu qu’en pénétrant dans les locaux sans y avoir été invité ou autorisé, DXE a violé le domicile de l’exploitant et a porté atteinte au droit de propriété de celui-ci. Le retrait du film litigieux avait également été ordonné.
Cette décision vient d’être censurée par la Cour de cassation. Selon l’article 809 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, le président du tribunal judiciaire, même en présence d’une contestation sérieuse, peut prendre en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En vertu de l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 1er de son protocole additionnel n° 1, toute personne, y compris une association, a droit à la liberté d’expression, comprenant notamment la liberté de communiquer des informations ou des idées, l’exercice de cette liberté comportant toutefois des devoirs et des responsabilités et pouvant être soumis à des restrictions ou sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires.
Toute personne physique ou morale a le droit au respect de ses biens.
Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, entre deux droits conventionnellement protégés, le juge national doit toujours procéder à une mise en balance des intérêts en présence afin de rechercher un équilibre entre les droits en concours et, le cas échéant, privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime (CEDH, arrêt du 5 janvier 2000, Beyeler c. Italie, n° 33202/96, point 107 ; CEDH arrêt du 16 juillet 2014, Aliiæ et autres c. Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie, Slovénie et l’ex-République yougoslave de Macédoine [GC], n° 60642/08, point 108).
Selon cette jurisprudence, les restrictions à la liberté d’expression doivent répondre à un besoin social impérieux, en particulier lorsqu’elles concernent un sujet d’intérêt général, tel que la protection des animaux (CEDH, arrêt du 30 juin 2009, Verein gegen Tierfabriken Schweiz c. Suisse [GC], n° 32772/02, point 92 ; CEDH, arrêt du 22 avril 2013, Animal Defenders International c. Royaume-Uni [GC] n° 48876/08, points 103 à 105).
En outre, une association qui entend se prévaloir de la liberté d’expression au soutien de la défense de la cause animale doit, comme les journalistes, observer un comportement responsable et, partant, respecter la loi mais, si la violation de la loi constitue un motif pertinent dans l’appréciation de la légitimité d’une restriction, elle ne suffit pas, en soi, à la justifier, le juge national devant toujours procéder à cette mise en balance des intérêts en présence (CEDH, arrêt du 10 décembre 2007, Atoll c. Suisse [GC] n°69698/01, point 112 ; CEDH, arrêt du 20 octobre 2015, Pentikäinen c. Finlande [GC], n° 11882/10, point 90).
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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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Audience publique du 2 février 2022
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 101 FS-D
Pourvoi n° Y 20-16.040
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2022
L’association Red Pill, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de l’association Direct Action Everywhere France DXE France, a formé le pourvoi n° Y 20-16.040 contre l’arrêt rendu le 17 mars 2020 par la cour d’appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. [Z] [I], domicilié [Adresse 4],
2°/ à la société de [Adresse 3], exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l’association Red Pill, de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de M. [I], de la société de [Adresse 3], et l’avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l’audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Avel, Mornet, Mmes Kerner-Menay, Bacache-Gibeili, M. Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Poirret, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 17 mars 2020), rendu en référé, en mai 2019, l’association Direct Action Everywhere France (l’association DXE), qui a pour but de dénoncer l’exploitation intensive des animaux, ainsi que les méthodes de production industrielle de viande et d’oeufs, a mis en ligne sur son site internet et les réseaux sociaux un film qu’elle a tourné en s’introduisant sans autorisation dans la porcherie de l’Earl [Adresse 2].
2. Le 4 juillet 2019, l’Earl [Adresse 2] et son gérant, M. [I], ont assigné en référé l’association DXE, aux droits de laquelle se trouve l’association Red Pill, afin d’obtenir la saisie du film litigieux, l’interdiction de son utilisation, la publication de la décision à intervenir et une provision à valoir sur la réparation du préjudice de l’Earl.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
3. L’association Red Pill fait grief à l’arrêt d’ordonner le retrait du film litigieux présent sur le site internet de l’association DXE, ainsi que sur l’ensemble des réseaux sociaux et des plateformes de vidéos en ligne, d’ordonner subsidiairement la saisie des supports et des clichés photographiques et films vidéos, d’interdire à toute personne leur utilisation et leur diffusion et de condamner l’association DXE à publier le dispositif de l’ordonnance, alors « que, en toute hypothèse, pour apprécier l’illicéité manifeste d’un trouble résultant d’une atteinte à un droit conventionnellement garanti, le juge des référés est tenu de rechercher si cette atteinte n’était pas justifiée par l’exercice d’un droit fondamental de même valeur et doit s’assurer que les mesures qu’il ordonne ne portent pas une atteinte disproportionnée à un tel droit ; qu’en retenant, pour refuser de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la diffusion des images de l’élevage porcin prises par l’association DXE n’était pas nécessaire à la tenue d’un débat public d’intérêt général sur la question du bien-être animal, que « le juge des référés n’a pas à rechercher un équilibre entre le droit de propriété et le droit d’informer, ou encore à vérifier le caractère proportionné des moyens utilisés pour l’information du public », quand il lui appartenait au contraire d’opérer un contrôle de proportionnalité, la cour d’appel a violé l’article 809 du code de procédure civile, dans sa version applicable à l’espèce, ensemble l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 809 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, et les articles 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 1er de son protocole additionnel n° 1 :
4. Selon le premier de ces textes, le président du tribunal de grande instance, même en présence d’une contestation sérieuse, peut prendre en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
5. En vertu du deuxième, toute personne, y compris une association, a droit à la liberté d’expression, comprenant notamment la liberté de communiquer des informations ou des idées, l’exercice de cette liberté comportant toutefois des devoirs et des responsabilités et pouvant être soumis à des restrictions ou sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires.
6. Suivant le troisième, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.
7. Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, entre deux droits conventionnellement protégés, le juge national doit toujours procéder à une mise en balance des intérêts en présence afin de rechercher un équilibre entre les droits en concours et, le cas échéant, privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime (CEDH, arrêt du 5 janvier 2000, Beyeler c. Italie, n° 33202/96, point 107 ; CEDH arrêt du 16 juillet 2014, Aliiæ et autres c. Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie, Slovénie et l’ex-République yougoslave de Macédoine [GC], n° 60642/08, point 108).
8. Selon cette jurisprudence, les restrictions à la liberté d’expression doivent répondre à un besoin social impérieux, en particulier lorsqu’elles concernent un sujet d’intérêt général, tel que la protection des animaux (CEDH, arrêt du 30 juin 2009, Verein gegen Tierfabriken Schweiz c. Suisse [GC], n° 32772/02, point 92 ; CEDH, arrêt du 22 avril 2013, Animal Defenders International c. Royaume-Uni [GC] n° 48876/08, points 103 à 105).
9. En outre, une association qui entend se prévaloir de la liberté d’expression au soutien de la défense de la cause animale doit, comme les journalistes, observer un comportement responsable et, partant, respecter la loi mais, si la violation de la loi constitue un motif pertinent dans l’appréciation de la légitimité d’une restriction, elle ne suffit pas, en soi, à la justifier, le juge national devant toujours procéder à cette mise en balance des intérêts en présence (CEDH, arrêt du 10 décembre 2007, Atoll c. Suisse [GC] n°69698/01, point 112 ; CEDH, arrêt du 20 octobre 2015, Pentikäinen c. Finlande [GC], n° 11882/10, point 90).
10. Pour accueillir les demandes de l’Earl [Adresse 2] et de M. [I], l’arrêt retient que la liberté d’expression ne peut, à l’évidence, être opposée sérieusement au droit de propriété de l’exploitant et que le juge des référés n’a pas à rechercher un équilibre entre le droit de propriété et le droit d’informer ou encore à vérifier le caractère proportionné des moyens utilisés pour l’information du public dès lors que l’association DXE a pénétré dans les locaux de celle-ci sans y être autorisée ni par la propriétaire ni par le juge.
11. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
12. L’association Red Pill fait grief à l’arrêt de condamner l’association DXE à payer la somme d’un euro à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice de l’Earl [Adresse 2], alors « que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l’arrêt en ce qu’il a condamné l’association DXE au paiement d’une provision à valoir sur la réparation du préjudice de l’Earl [Adresse 2], en application de l’article 624 du code de procédure civile ».
Réponse de la Cour
Vu l’article 624 du code de procédure civile :
13. Selon ce texte, la cassation s’étend à l’ensemble des dispositions de la décision cassée se trouvant dans un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
14. En application de ces dispositions, la cassation de l’arrêt sur le premier moyen entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif condamnant l’association DXE à payer un euro de dommages-intérêts à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice causé à l’Earl [Adresse 2].
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 17 mars 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;
Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Caen ;
Laisse à chacune des parties les dépens par elle exposés ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour l’association Red Pill.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR ordonné le retrait de la vidéo litigieuse présente sur le site internet de l’association DXE France, aux droits de laquelle vient la société Red Pill, ainsi que sur l’ensemble des réseaux sociaux et des plateformes de vidéos en ligne, d’AVOIR ordonné subsidiairement la saisie par toute personne dépositaire de l’autorité publique et mandatée à cet effet des supports et des clichés photographiques et films vidéos pris par les membres de l’association DXE France lors de leur intrusion dans les locaux d’exploitation de l’EARL [Adresse 2] ; d’AVOIR dit que cette saisie pourra s’effectuer en tous lieux et notamment au siège de l’association DXE France et au domicile de ses membres ; d’AVOIR interdit à toute personne l’utilisation et la diffusion de ces clichés photographiques et films vidéos et d’AVOIR condamné l’association DXE France à publier le dispositif de la présente ordonnance en haut de la première page de son site internet en police Arial de taille 12, ainsi que dans trois quotidiens nationaux laissés au choix de la requérante dans les quinze jours de son prononcé ;
AUX MOTIFS QUE, sur le trouble manifestement illicite, l’association DXE reconnaît que trois personnes appartenant à l’association DXE et un député se sont introduits le 21 mai 2019 dans les locaux appartenant à M. [I] et à l’EARL [Adresse 2], ont pris des photographies et vidéos des animaux élevés dans ces locaux et ont posté photographies et vidéos sur internet et sur les réseaux sociaux ; qu’en pénétrant dans les locaux de l’EARL sans y avoir été invité ou autorisé, DXE a violé le domicile de l’EARL [Adresse 2] et a porté atteinte au droit de propriété de celle-ci ; que l’absence de fermeture des locaux n’autorise pas l’intrusion, ne l’explique pas, ne la justifie pas ; que, de même, l’association DXE a pénétré dans les locaux d’exploitation de suidés en méconnaissant la réglementation applicable, pour des raisons sanitaires évidentes compte tenu du mode de propagation de certaines épizooties, à l’accès aux exploitations de suidés lequel est réservé à des personnes autorises (détenteurs de suidés, vétérinaires, professionnels de la filière porcine) et dans des conditions particulières (sas, vêtements spéciaux ) ; qu’or, l’association DXE dont les membres ne sont pas autorisés à pénétrer dans les lieux, ne peut soutenir que les dispositions sanitaires ne les concernent pas ; que par ailleurs, même s’il est en définitive avéré qu’aucun cas de peste porcine n’a été détecté au moment des faits, l’intrusion dans de telles conditions cause nécessairement un risque sanitaire pour la population des suidés, fait courir un risque à l’exploitant et au consommateur ; que la diffusion des images obtenues par un procédé illicite à la suite de l’intrusion non autorisée dans les locaux de l’EARL prolonge le trouble anormal, manifestement illicite, causé par cette intrusion illicite des membres de l’association DXE dans les locaux de l’exploitation [Adresse 2] ; qu’à cet égard, il importe peu que les images ne permettent en aucune façon d’identifier le propriétaire des lieux, de localiser l’exploitation concernée ou de dénigrer qui que ce soit et qu’il importe également peu que les images ne fassent état d’aucune infraction à la loi, à la différence de l’action d’une autre association, l’association DXE sachant parfaitement ne pas avoir l’habilitation nécessaire pour les constater au sens des dispositions des articles L. 205-1 et L. 221-5 du code rural ; que si la liberté d’information est invoquée, elle ne peut, à l’évidence, en l’espèce, être opposée sérieusement au droit de propriété de l’exploitant ; que le juge des référés n’a pas à rechercher un équilibre entre le droit de propriété et le droit d’informer, ou encore à vérifier le caractère proportionné des moyens utilisés pour l’information du public, alors que DXE n’est autorisée à pénétrer dans les locaux ni par le propriétaire, ni par le juge ; que le trouble qui résulte de la diffusion de ces images sur internet et sur les réseaux sociaux est manifestement illicite ; que la demande d’interdiction et de saisie doit être accueillie ; qu’ainsi, l’ordonnance du premier juge sera infirmée ; que les mesures sollicitées seront ordonnées sans astreinte ;
1° ALORS QUE le propriétaire d’un bien ne peut s’opposer à la diffusion d’une image de ce bien que s’il établit qu’elle lui cause un trouble anormal ; qu’en retenant, pour ordonner le retrait et la saisie des images de l’élevage porcin prises par l’association DXE France et interdire leur diffusion, que « le trouble qui résulte de la diffusion de ces images sur internet et sur les réseaux sociaux est manifestement illicite », bien qu’elle ait elle-même constaté et qu’il n’ait jamais été contesté que « les images ne permett[aient] en aucune façon d’identifier le propriétaire des lieux, de localiser l’exploitation concernée ou de dénigrer qui que ce soit » et qu’elles ne faisaient « état d’aucune infraction à la loi » (arrêt, p. 5, al. 6 et dernier al.), la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 809 du code de procédure civile, dans sa version applicable à l’espèce, et 544 du code civil ;
2° ALORS QUE seule la violation actuelle d’un droit est susceptible de caractériser un trouble manifestement illicite justifiant que soient ordonnées en référé des mesures destinées à y mettre fin ; qu’en se fondant, pour ordonner le retrait et la saisie des images de l’élevage porcin prises par l’association DXE France et interdire leur diffusion, sur l’illicéité de l’introduction sans autorisation de leurs auteurs dans des locaux appartenant à l’EARL [Adresse 2] et à M. [I], bien qu’elle ait constaté que ce trouble avait cessé, la cour d’appel a violé l’article 809 du code de procédure civile, dans sa version applicable à l’espèce ;
3° ALORS QU’en toute hypothèse, pour apprécier l’illicéité manifeste d’un trouble résultant d’une atteinte à un droit conventionnellement garanti, le juge des référés est tenu de rechercher si cette atteinte n’était pas justifiée par l’exercice d’un droit fondamental de même valeur et doit s’assurer que les mesures qu’il ordonne ne portent pas une atteinte disproportionnée à un tel droit ; qu’en retenant, pour refuser de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la diffusion des images de l’élevage porcin prises par l’association DXE France n’était pas nécessaire à la tenue d’un débat public d’intérêt général sur la question du bien-être animal, que « le juge des référés n’a pas à rechercher un équilibre entre le droit de propriété et le droit d’informer, ou encore à vérifier le caractère proportionné des moyens utilisés pour l’information du public », quand il lui appartenait au contraire d’opérer un contrôle de proportionnalité, la cour d’appel a violé l’article 809 du code de procédure civile, dans sa version applicable à l’espèce, ensemble l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné l’association DXE France, aux droits de laquelle vient la société Red Pill, à payer la somme d’un euro à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice de l’EARL [Adresse 2] ;
AUX MOTIFS QUE cette demande est expliquée, selon les appelants, par l’attitude de l’association DXE, par la sanction nécessaire « d’un tel comportement et afin d’éviter la réitération de tels faits » et dans le corps de leurs écritures, par les violations de la vie privée, du domicile et du droit de propriété ; que les intimés contestent toute condamnation à des dommages-intérêts punitifs ; que, selon l’article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision dans le cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable ; qu’il apparaît que DXE a porté atteinte au droit de propriété de l’EARL [Adresse 2], mais encore qu’elle a prolongé cette atteinte par la diffusion des images obtenues de façon illicite sur internet et sur les réseaux sociaux, chacune des parties sachant parfaitement que les locaux photographiés sont ceux de l’EARL [Adresse 2] ; que le principe de l’obligation de l’association DXE n’est pas sérieusement contestable ; qu’il y a lieu de condamner l’association DXE à payer à l’EARL [Adresse 2] une somme de 1 euro à titre de provision sur la réparation de son préjudice ;
1° ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l’arrêt en ce qu’il a condamné l’association DXE France au paiement d’une provision à valoir sur la réparation du préjudice de l’EARL [Adresse 2], en application de l’article 624 du code de procédure civile ;
2° ALORS QU’en toute hypothèse, seule l’existence d’un préjudice justifie l’allocation de dommages et intérêts ; qu’en se bornant à retenir, pour juger que l’obligation de l’association DXE France d’indemniser le préjudice qu’aurait subi l’EARL [Adresse 2] n’était pas contestable, que « DXE a[vait] porté atteinte au droit de propriété de l’EARL [Adresse 2] » et qu’elle « a[vait] prolongé cette atteinte par la diffusion des images obtenues de façon illicite sur internet et sur les réseaux sociaux, chacune des parties sachant parfaitement que les locaux photographiés sont ceux de l’EARL [Adresse 2] », sans constater l’existence d’un dommage qui résulterait de cette atteinte, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 809 du code de procédure civile, dans sa version applicable à l’espèce, et 1382 devenu 1240 du code civil.