Droit à l’image en crèche : pas de zèle
Droit à l’image en crèche : pas de zèle
Ce point juridique est utile ?

Le licenciement d’une animatrice de crèche pour atteinte à l’image des enfants est abusif dès lors que le cliché en cause ne permet pas de distinguer clairement les visages des enfants dormant dans la chambre et que cette photographie n’a été diffusée que sur un groupe de discussion privé interne à l’association (Facebook). Ce seul grief, à le supposer établi, n’est pas suffisant pour fonder une mesure de licenciement.


ARRÊT N° /2023

PH



DU 25 MAI 2023



N° RG 22/00635 – N° Portalis DBVR-V-B7G-E6EA







Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANCY

20/00428

23 février 2022











































COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2













APPELANTE :



Association MULTI ACCUEIL SUPER CHOUETTE ANCIENNEMENT DENOMMEE ‘ LA SOURIS VERTE’ prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Fabrice GOSSIN de la SCP FABRICE GOSSIN ET ERIC HORBER, substitué par Me FORT, avocats au barreau de NANCY







INTIMÉE :



Madame [W] [N]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Adrien PERROT de la SCP PERROT AVOCAT, avocat au barreau de NANCY









COMPOSITION DE LA COUR :



Lors des débats et du délibéré,



Président : WEISSMANN Raphaël,

Conseillers : BRUNEAU Dominique,

STANEK Stéphane,



Greffier lors des débats : RIVORY Laurène





DÉBATS :



En audience publique du 09 Mars 2023 ;



L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 25 Mai 2023 ; par mise à disposition au greffe conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;



Le 25 Mai 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

Exposé du litige








EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES.



Mme [W] [N] a été engagée sous contrat de travail à durée déterminée à temps partiel à hauteur de 26 heures hebdomadaires, par l’association La Souris Verte, devenue Multi Accueil Super Chouette, à compter du 31 décembre 2007 jusqu’au 31 décembre 2008, en qualité d’aide à l’animation et à l’entretien de la structure parentale;



La relation contractuelle s’est poursuivie sous contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à hauteur de 26 heures hebdomadaires, à compter du 31 décembre 2008, en qualité d’assistance d’animation.



Par avenant contractuel du 03 mars 2014, la durée de travail hebdomadaire de la salariée a été réduit à 25 heures.



Au dernier état de ses fonctions, la salariée occupait le poste d’animateur d’activité, pour un temps de travail de 25 heures hebdomadaires.



Par courrier du 03 février 2020 remis en mains propres, Mme [W] [N] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 12 février 2020, avec notification de sa mise à pied à titre conservatoire.



Par courrier du 21 février 2020, Mme [W] [N] a été licenciée pour faute grave.



Par requête du 30 octobre 2020, Mme [W] [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Nancy, aux fins :

– de voir requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,

– de voir dire et juger que son licenciement pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse,

– de voir condamner l’association Multi Accueil Super Chouette à lui payer les sommes de:

– 9 167,14 euros de rappel de salaire sur requalification à temps plein, outre 916,74 euros de congés payés afférents,

– 1 252,94 euros de rappel de salaire pour heures complémentaires, outre 125,23 euros de congés payés afférents,

– 227,46 euros de rappel de salaire pour complément maladie, outre 22,74 euros de congés payés afférents,

– 5 000,00 euros de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires,

A titre principal :

– 8 845,42 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– 16 216,60 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 136,08 euros de rappel de salaire sur mise à pied, outre 13,61 euros de congés payés afférents,

– 4 815,85 euros d’indemnité légale de licenciement,

– 2 948,47 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre 294,84 euros de congés payés afférents,

A titre subsidiaire :

– 7 254,78 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– 13 300,43 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 111,70 euros de rappel de salaire sur mise à pied, outre 11,17 euros de congés payés afférents,

– 3 949,83 euros d’indemnité légale de licenciement,

– 2 418,25 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre 241,82 euros de congés payés,

– d’ordonner la rectification des documents de fin de contrat sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir,

– d’ordonner l’exécution provisoire,

– de condamner l’association Multi Accueil Super Chouette à lui payer la somme de 2 000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.



Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Nancy rendu le 23 février 2022 qui a:

– dit que le licenciement de Mme [W] [N] est sans cause réelle et sérieuse,

– requalifié le contrat de travail en contrat de travail à temps plein,

– en conséquence, condamné l’association La Souris Verte, devenue Multi Accueil Super Chouette, à payer à Mme [W] [N] les sommes de:

– 9 167,14 euros de rappel de salaire sur requalification à temps plein,

– 916,74 euros de congés payés afférents,

– 9 870,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 136,08 euros de rappel de salaire sur mise à pied,

– 13,61 euros de congés payés afférents,

– 227,46 euros de rappel de salaire pour complément maladie, outre 22,74 euros de congés payés afférents,

– 4 815,85 euros d’indemnité légale de licenciement,

– 2 948,47 euros d’indemnité compensatrice de préavis,

– 294,84 euros de congés payés afférents,

– 500,00 euros de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires,

– ordonné la rectification des documents de fin de contrat sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard passé 15 jours suivant la notification du jugement,

– dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement, soit le 23 février 2022,

– condamné l’association La Souris Verte, devenue Multi Accueil Super Chouette, à payer à Mme [W] [N] la somme de 1 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire totale de la décision en application de l’article 515 du code de procédure civile,

– débouté l’association La Souris Verte de l’ensemble de ses demandes,

– condamné l’association La Souris Verte, devenue Multi Accueil Super Chouette, aux entiers frais et dépens de l’instance.



Vu l’appel formé par l’association Multi Accueil Super Chouette le 16 mars 2022,



Vu l’appel incident formé par Mme [W] [N] le 18 juillet 2022,



Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Moyens




Vu les conclusions de l’association Multi Accueil Super Chouette déposées sur le RPVA le 13 juin 2022, et celles de Mme [W] [N] déposées sur le RPVA le 18 juillet 2022,



Vu l’ordonnance de clôture rendue le 08 février 2023,

L’association Multi Accueil Super Chouette demande à la cour:

– de dire et juger Mme [W] [N] mal fondée en ses demandes, fins et conclusions,

– en conséquence, d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– condamné l’association LA SOURIS VERTE, devenue Multi Accueil Super Chouette, à payer à Mme [W] [N] les sommes suivantes :

– 9 167,14 euros de rappel de salaire sur requalification à temps plein,

– 916,74 euros de congés payés afférents,

– 9 870,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 136,08 euros de rappel de salaire sur mise à pied,

– 13,61 euros de congés payés afférents,

– 227,46 euros de rappel de salaire pour complément maladie, outre 22,74 euros de congés payés afférents,

– 4 815,85 euros d’indemnité légale de licenciement,

– 2 948,47 euros d’indemnité compensatrice de préavis,

– 294,84 euros de congés payés afférents,

– 500,00 euros de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires,

– 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné la rectification des documents de fin de contrat sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard passé 15 jours suivant la notification du jugement,

– condamné l’association LA SOURIS VERTE, devenue Multi Accueil Super Chouette, à payer à Mme [W] [N] la somme de 1 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté l’association LA SOURIS VERTE de l’ensemble de ses demandes,

– condamné l’association LA SOURIS VERTE, devenue Multi Accueil Super Chouette, aux entiers frais et dépens de l’instance,

*

– de débouter Mme [W] [N] de l’ensemble de ses demandes,

– de condamner Mme [W] [N] à lui verser la somme de 2 500,00 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner Mme [W] [N] aux entiers dépens.



Mme [W] [N] demande à la cour:

– de dire et juger que les demandes et l’appel incident sont recevables et bien fondées,

A titre principal :

– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– condamné l’association La Souris Verte, devenue Multi Accueil Super Chouette à lui payer la somme de 9 870,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné l’association La Souris Verte, devenue Multi Accueil Super Chouette à lui payer la somme de 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires,

– l’a déboutée de sa demande au titre du travail dissimulé,

– de confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant à nouveau :

– de dire et juger que les faits de travail dissimulé sont caractérisés,

– de condamner l’association Multi Accueil Super Chouette à lui payer les sommes de :

– 8 845,42 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– 16 216,60 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5 000,00 euros de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires entourant le licenciement,

*

A titre subsidiaire, en l’absence requalification à temps plein du contrat de travail :

– de dire et juger qu’elle a effectué des heures complémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées,

– de dire et juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement,

– en conséquence, de condamner l’association Multi Accueil Super Chouette à lui payer les sommes de:

– 1 252,94 euros de rappel de salaire pour heures complémentaires, outre 125,23 euros de congés payés afférents,

– 7 254,78 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– 13 300,43 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 111,70 euros de rappel de salaire sur mise à pied,

– 11,17 euros de congés payés afférents,

– 3 949,83 euros d’indemnité légale de licenciement,

– 2 418,25 euros d’indemnité compensatrice de préavis,

– 241,82 euros de congés payés,

– 5 000,00 euros de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires entourant le licenciement,

*

En tout état de cause :

– de condamner l’association Multi Accueil Super Chouette au versement de la somme de 2 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure à hauteur d’appel,

– d’ordonner à l’association Multi Accueil Super Chouette de rectifier les documents de fin de contrat conformément aux dispositions de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de l’arrêt,

– de débouter l’association Multi Accueil Super Chouette de l’intégralité de ses demandes,

– de dire et juger que l’ensemble des condamnations à intervenir portera intérêt au taux légal en vigueur à compter de la saisine du conseil de Prud’hommes,

– de condamner la partie demanderesse aux entiers frais et dépens de l’instance ainsi que ceux d’une éventuelle exécution forcée.

Motivation




SUR CE, LA COUR ;



La cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions déposées sur le RPVA par l’association Multi Accueil Super Chouette le 13 juin 2022, et par Mme [W] [N] déposées sur le RPVA le 18 juillet 2022.



– Sur la requalification du contrat de travail.



Mme [W] [N] expose que, dans le cadre du contrat de travail à temps partiel conclu avec son employeur, elle devait en réalité se tenir à disposition constante de celui-ci.



L’association Multi Accueil Super Chouette soutient que Mme [N] n’apporte aucun élément concernant ce grief, et que par ailleurs elle n’a jamais formé de récrimination relative à ses horaires.



En premier lieu, Mme [W] [N] apporte au dossier des décomptes horaires (pièces n° 14 et 17 du son dossier) qui font apparaître l’exécution d’horaires supérieurs à ceux conventionnellement prévus.



Il ressort des attestations établies par Mmes [A] [Y], [R] [P], [S] [B] et [E] [F] (pièces n° 12, 15, 34 et 37 du dossier de Mme [N]) que les horaires des salariés de l’association étaient irréguliers, qu’ils étaient souvent modifiés ‘à la dernière minute’ et que fréquemment les plannings étaient affichés le vendredi après-midi pour la semaine suivante.



Ce fonctionnement a été confirmé par le président de l’association dans une lettre du 7 avril 2017 (pièce n° 33 du dossier de Mme [N]).



Dès lors, il ressort de ce qui précède que l’employeur ne démontre pas que la salariée n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler.



Dès lors, il sera fait droit à la demande et la décision entreprise sera confirmée sur ce point.



– Sur le rappel de salaire.



C’est par une exacte appréciation des éléments du dossier, soit un salaire mensuel brut de Mme [N] s’établissant, compte tenu de la requalification du contrat, à la somme de 1384,17 euros, et des pièces apportées par la salariée (pièces n° 14 et 17 du son dossier) que les premiers juges ont fixé le montant des rémunérations dues à Mme [N] à la somme de 9167,14 euros outre la somme de 916,74 euros au titre des congés payés afférents.



La décision entreprise sera donc confirmée sur ce point.



– Sur la demande au titre du travail dissimulé.



L’article L 8221- 5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner intentionnellement sur un bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.



Mme [W] [N] expose que l’employeur a omis de faire figurer un nombre important d’heures de travail qu’elle a effectuées.



Toutefois, il ressort du dossier que ces omissions relèvent de la nature erratique de la gestion de l’association et non d’une volonté de dissimulation de l’employeur.



Dès lors, le caractère intentionnel de la sous-comptabilisation des heures de travail effectuées par Mme [W] [N] n’est pas établi, et la demande sera rejetée;



La décision entreprise sera confirmée sur ce point.





– Sur le licenciement.



La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. C’est à l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier d’en rapporter la preuve.



Par lettre du 21 février 2020, l’association Multi Accueil Super Chouette a notifié à Mme [W] [N] son licenciement en ces termes:



‘ Nous faisons suite à notre entretien du 12 février 2020 au cours duquel nous vous avons exposé les griefs qui vous sont reprochés. Comme mentionné durant cet entretien, il nous a été rapporté le 31 janvier 2020 plusieurs faits de nature préoccupante qui nous ont conduits à vous mettre à pied à titre conservatoire le temps de mener à bien la présente procédure. Au cours de l’investigation qui s’en est suivi, d’autres éléments concordants ont été portés à notre connaissance, eux aussi très préoccupants.



Tout d’abord, plusieurs témoignages attestent de comportements, gestes et propos inappropriés vis à vis des enfants de la crèche dans le cadre de vos fonctions.



Une salariée nous a ainsi rapporté vous avoir distinctement vu secouer un enfant, en l’occurrence votre nièce (gardée sous contrat par la structure) en lui disant ‘je vais niquer ta mère’ le mercredi 29 janvier après-midi.



Une ancienne salariée a également rapporté vous avoir surpris à apprendre à votre nièce les gestes de bras d’honneur, doigt d’honneur, ainsi que les propos ‘ta gueule’ et ‘putain’ le vendredi 27 septembre 2019 vers 13h, en salle de repas.

Par ailleurs, des remarques ont été faites sur votre manière régulière de faire prendre les repas aux enfants. En effet, il apparaît que vous les forcez à finir leur assiette, et ceux mêmes quand ceux-ci n’ont plus faim, plus particulièrement en début d’année 2019.



De même, au moment de la sieste, une ancienne salariée nous rapporte que régulièrement sur la période de janvier à juin 2019 vous endormez les enfants de façon inappropriée, en les contraignant à ne pas bouger, ne pas parler et tourner la tête vers le mur afin de ne pas se voir entre eux.



Enfin, plusieurs témoignages concordent pour attester que les enfants sont victimes de cris et pressions de votre part.



Si vous avez reconnu être un peu ‘brute’ et ‘râleuse’ vous avez néanmoins formellement nié l’ensemble de ces faits.



Ensuite, des problèmes de comportement similaires nous ont été remontés, cette fois ci vis-à-vis du personnel de l’association, voire de votre hiérarchie.



En premier lieu, il vous est reproché des problèmes relationnels avec les nouveaux salariés. Ce relationnel se traduit par une absence d’intégration sur le plan personnel, une absence de communication professionnelle, un manque flagrant de politesse voire des insultes directement (‘débile’ envers un collègue en date du 27 et 28 janvier 2020 ou ‘morue’ à plusieurs reprises sur la période de septembre et octobre 2019 entre autres), et ce même devant les enfants.



Ce problème récurrent avait d’ailleurs déjà été abordé plusieurs fois par le passé au cours d’entretiens individuels ou informels, sans toutefois noter une amélioration sur ce point.



Vous n’avez pas nié ces faits et avez reconnu être ‘sauvage’ avec les nouveaux arrivants, et ne pas leur parler, ni même leur transmettre les informations essentielles à la bonne prise en charge des enfants, tout en reconnaissant insulter parfois vos collègues sans mauvaises pensées.



Comme évoqué, cela pose un double problème. Tout d’abord l’ambiance de travail s’en trouve dégradée, ce qui provoque un profond malaise chez les nouveaux salariés qui, de ce fait, ne souhaitent pas rester au sein de la structure.



De plus, sur un plan plus professionnel, les habitudes, pratiques et connaissances nécessaires au sein de la structure ne sont pas transmises d’un collaborateur à l’autre. Or, cela est impératif pour le bien être des enfants dont nous avons la garde !



Par ailleurs, nous avons été informés que vous avez adressé un bras d’honneur à Madame [M] [ES], l’une de vos supérieures hiérarchiques, dans son dos, et ce peu avant votre mise à pied conservatoire soit le jeudi 30 janvier vers 13h00.



Là encore vous avez nié être l’auteur des faits.



Enfin, il vous est reproché d’avoir pris une photo de l’écran de vidéo-surveillance des chambres de la crèche.



Cette photo montrant un salarié de la structure dans l’un des chambres, et laissant apercevoir quelques enfants dans leur lit, a été prise avec votre téléphone portable puis diffusée sur un groupe de discussion sur un réseau social le 10 janvier 2020. Vous avez reconnu les faits.

Comme mentionné lors de cet entretien, la Direction de l’association est la seule destinataire des images enregistrées, dont le seul but est d’assurer la sécurité des biens et des personnes de la crèche. Non seulement, il est interdit d’en prendre des photos, mais il est encore plus grave de les conserver et de les diffuser sur internet ! Et ce d’autant plus qu’y figure des enfants dont nous avons la garde !



Cet acte, qui peut paraître anodin, porte atteinte à l’image de ce salarié clairement identifié, ainsi qu’à la réputation de l’association. Si cette image avait été diffusée à plus grande échelle, votre responsabilité ainsi que celle de la structure auraient pu être engagées.



Sur la base de l’ensemble des témoignages recueillis, il ressort de votre part un comportement inapproprié vis à vis des enfants comme de vos collègues de travail. Les faits reprochés sont d’une particulière gravité car ils portent atteinte à la sécurité et au bien-être des enfants et conduisent à créer une ambiance de travail désastreuse au sein de la structure, ce qui n’est pas sans conséquence pour l’association, que ce soit en termes de recrutement, d’organisation ou de réputation.





Bien que vous ayez rejeté en bloc la quasi-totalité des faits qui vous sont reprochés, le nombre, la variété et la concordance des témoignages recueillis nous invitent à faire preuve de la plus grande prudence et rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail…’.



– Sur le grief relatif au comportement de Mme [W] [N] vis à vis des enfants.



L’association Multi Accueil Super Chouette expose que Mme [W] [N] adoptait à l’égard des enfants dont elle avait la charge un comportement brutal physiquement et verbalement ; elle apporte au dossier des attestations établies par Mmes [D] [L], [Z] [X], [PY] [K] et [V] [H], et par M. [I] [C].



Toutefois, Mme [W] [N] apporte au dossier des attestations établies par Mmes [J] [O], [E] [UO], [R] [P], [S] [B], [PW] [T], [IK] [IL], [A] [Y] et [G] [X], salariées de l’association, lesquelles indiquent qu’elles n’ont jamais constaté un comportement violent de Mme [N] vis à vis des enfants, mais au contraire un comportement patient et attentif ; elle verse également au dossier la copie d’un courrier adressé le 25 mai 2020 par sa nièce Mme [MD] [N], mère de l’enfant [PX] [U], qui a été confiée à la crèche gérée par l’association, et qui, en substance, s’étonne des reproches formulées à l’encontre de la salariée.



Au regard de ces éléments, il convient de constater que le grief n’est pas établi.



– Sur le grief relatif au comportement de la salariée vis à vis de ses collègues.



L’association Multi Accueil Super Chouette expose que Mme [W] [N] avait vis à vis de ses collègues un comportement générant un malaise dans l’équipe de travail, et se caractérisant notamment pas un mode relationnel difficile particulièrement avec les nouveaux arrivants ; qu’elle s’est par ailleurs livré à un geste inapproprié, en l’espèce un bras d’honneur, vis à vis de l’une des dirigeantes de la structure ; elle apporte au dossier des attestations établies par Mmes [D] [L] et [Z] [X] et par M. [I] [C].



Mme [W] [N] conteste ce grief ; elle apporte au dossier des attestations établies par Mmes [R] [P], [S] [B], [PW] [T] et [IK] [IL] aux termes desquelles Mme [W] [N] entretenait de bons rapports avec les autres membres du personnel, était très disponible vis à vis de ses collègues et s’investissait dans l’accueil et la formation des nouveaux salariés.



S’agissant du geste inapproprié reproché à la salariée, il ressort de l’attestation établie par Mme [R] [AD] qu’elle était l’auteur de ce geste et non Mme [N].



Enfin, si Mme [W] [N] reconnaît un mode de communication verbal souvent ‘direct’, il ne ressort pas des attestations qu’elle apporte au dossier que cet élément a causé à ses collègues une difficulté particulière.



Au regard de ces éléments, il convient de constater que le grief n’est pas établi.









– Sur le grief relatif à la photographie publiée sur un réseau social.



L’association Multi Accueil Super Chouette reproche à Mme [W] [N] d’avoir pris une photographie d’une chambre de la crèche à partir des écrans de surveillance vidéo des lieux laissant apparaître des enfants et l’avoir diffusée sur les réseaux sociaux ; elle verse au dossier la photographie dont il s’agit (pièce n° 19 de son dossier).



Mme [W] [N] conteste ce grief, soutenant d’une part que cette photographie n’a été diffusée que sur un groupe de discussion privé interne à l’association ; que ce cliché est centré non sur les enfants, qui n’apparaissent pas distinctement, mais sur un collègue.



En premier lieu, il n’est pas réellement contesté que le cliché a été diffusé au sein d’un groupe de discussion interne à l’association ;



En second lieu, le cliché tel qu’il est communiqué à la cour ne permet pas de distinguer clairement les visages des enfants dormant dans cette chambre.



Enfin, ce seul grief, à le supposer établi, n’est pas suffisant pour fonder une mesure de licenciement.



Au regard des éléments précédemment évoqués, il convient de constater que le licenciement de Mme [W] [N] par l’association Multi Accueil Super Chouette est sans cause réelle et sérieuse ; la décision entreprise sera confirmée sur ce point.



– Sur la demande de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Mme [W] [N] avait 50 ans à la date du licenciement, et avait une ancienneté de 12,5 ans ;



Sa rémunération mensuelle moyenne brut après requalification était de 1474,24 euros.



Mme [N] justifie qu’elle a été demandeur d’emploi de mars à novembre 2020, période durant laquelle elle a perçu la somme mensuelle de 709 euros ; postérieurement à cette période, elle a conclu des contrats à durée déterminée rémunérés à hauteur de 1409,80 euros outre une indemnité de sujétion spéciale au taux de 9,21 %.



C’est par une exacte appréciation de ces éléments que les premiers juges ont fixé le montant de l’indemnisation due à Mme [N] à la somme de 9870 euros ;



La décision entreprise sera confirmée sur ce point.



– Sur la demande de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement.



Mme [W] [N] expose que les conditions de son licenciement ont été particulièrement vexatoires, son image vis à vis des parents ayant été ternie.





Toutefois, Mme [W] [N] ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui réparé par l’indemnisation au titre du caractère abusif du licenciement.



En conséquence, la demande sera rejetée et la décision entreprise sera infirmée sur ce point.



– Sur les demandes relatives au rappel de salaire sur mise à pied et aux congés payés afférents, le rappel de salaire pour complément maladie, outre 22,74 euros de congés payés afférents, l’indemnité légale de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.



S’agissant du rappel de salaire sur mise à pied, Mme [W] [N] limite sa demande à la somme de 111,70 euros outre la somme de 11,17 euros au titre des congés payés afférents ; la décision entreprise sera infirmée sur ce point.



C’est par une exacte appréciation des éléments du dossier que les premiers juges ont fixés les sommes dues à Mme [W] [N] aux autres titres.



La décision entreprise sera confirmée sur ces points.



Conformément aux dispositions de l’article L 1235- 4 du code du travail, l’association Multi Accueil Super Chouette sera condamnée à rembourser à l’établissement public Pôle-Emploi les indemnités de chômage versées à Mme [W] [N] à hauteur d’UN mois d’indemnités.



L’association Multi Accueil Super Chouette qui succombe partiellement supportera les dépens d’appel.



Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [W] [N] l’intégralité des frais irrépétibles qu’elle a exposés ; il sera fait droit à la demande sur ce point à hauteur de 1500 euros.


Dispositif

PAR CES MOTIFS:



La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,



INFIRME le jugement rendu le 23 février 2022 par le conseil de prud’hommes de Nancy en ce qu’il a:

– condamné l’association Multi Accueil Super Chouette à payer à Mme [W] [N] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour circonstances brutales et vexatoires du licenciement ;

– condamné l’association Multi Accueil Super Chouette à payer à Mme [W] [N] la somme de 136,08 euros de rappel de salaire sur mise à pied outre la somme de 13,61 euros de congés payés afférents ;



CONFIRME le jugement rendu le 23 février 2022 par le conseil de prud’hommes de Nancy pour le surplus ;



STATUANT A NOUVEAU ;



DEBOUTE Mme [W] [N] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour circonstances brutales et vexatoires du licenciement ;



CONDAMNE l’association Multi Accueil Super Chouette à payer à Mme [W] [N] la somme de 111,70 euros de rappel de salaire sur mise à pied outre la somme de 11,17 euros de congés payés afférents ;



Y ajoutant:



CONDAMNE l’association Multi Accueil Super Chouette à rembourser à Pôle-Emploi les indemnités de chômage versées à Mme [W] [N] dans la limite d’UN mois d’indemnités ;



CONDAMNE l’association Multi Accueil Super Chouette aux dépens d’appel ;



LA CONDAMNE à payer à Mme [W] [N] une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.







Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.



Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.



LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE









Minute en douze pages


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