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Par contrat, la SCI VHI a autorisé la réalisation sur son domaine d’un « corpus » d’œuvres monumentales intitulé « Demeure du chaos » réalisé par quatre auteurs et a obtenu l’usufruit de la propriété matérielle de l’œuvre.
Par avenant, les auteurs ont concédé à la SCI VHI un droit de reproduction de l’œuvre pour une durée de sept ans en contrepartie du financement des frais de production d’œuvres futures qu’ils réaliseraient.
La SCI VHI a concédé à la société Groupe Serveur et à ses filiales l’utilisation exclusive de l’image de la « Demeure du Chaos » pendant une durée de trois ans en échange du paiement d’une somme de 900 000 euros HT. Par la suite, la SCI VHI a signé avec la SARL « Musée L’organe » un contrat dans lequel cette dernière s’engageait à prendre en charge le coût de réalisation matérielle des œuvres de la demeure du chaos et à gérer l’ensemble des produits de la propriété intellectuelle moyennant le versement d’une redevance de 900 000 euros HT pour une durée de trois ans à compter rétroactivement du 30 juin 2006.
Pour estimer que le contrat conclu entre la SCI VHI et la société Groupe Serveur avait eu pour conséquence de faire entrer la SCI VHI dans le champ de l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés, l’administration fiscale s’est fondée sur la circonstance que ce contrat qui concède à la société Groupe Serveur et à ses filiales l’utilisation exclusive de l’image de la « Demeure du Chaos » devait s’analyser, de ce seul fait, comme un contrat de sous-concession du droit de reproduction des œuvres qui avait été concédé à la SCI VHI.
Toutefois, le contrat conclu a uniquement porté sur la concession au groupe Serveur de « l’utilisation exclusive de l’image véhiculée par la Demeure du Chaos et les œuvres qui la composent » alors que le droit à l’image est un droit de la personnalité indépendant du droit de reproduction appartenant à l’auteur d’une œuvre en vertu des dispositions de l’article L. 122-1 du code de la propriété intellectuelle.
Plus précisément, ledit contrat n’a pas prévu la sous-concession du droit de reproduction des œuvres, inclus dans le droit d’exploitation des auteurs qui l’ont concédé à la SCI VHI, sous-concession qui aurait dû, le cas échéant et selon les termes de l’article L. 131-3 du code précité, être expressément prévue.
Il ne ressort ainsi d’aucun des contrats conclus que le droit de reproduction des œuvres, concédé par les auteurs à la SCI VHI, aurait été sous-concédé par celle-ci à la société Musée L’organe. Par suite, c’est à tort que l’administration fiscale a considéré que le contrat du 30 juin 2006 impliquant la réalisation d’actes de gestion du patrimoine d’autrui relevait de l’agence d’affaires et, à ce titre, d’une activité commerciale et qu’elle a assujetti pour ce motif la SCI VHI à des cotisations primitives d’impôt sur les sociétés au titre des exercices vérifiés.
Pour rappel, l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle précise que : « l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. (…) » L’article L. 122-1 du même code prévoit que « Le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. » et l’article L. 122-3 du code précité précise que : « La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte. Elle peut s’effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique. (…) ».
L’article L. 131-3 du même code énonce : « La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée. »
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CAA de LYON
5ème chambre
4 novembre 2021
N° 19LY01300
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux requêtes enregistrées sous les n°1708187 et 1708303, la société civile immobilière (SCI) Vae Homini Injusto a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge en droits et pénalités des cotisations primitives d’impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos aux 31 décembre 2006 et 2007 ainsi que des pénalités afférentes aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période courant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007.
Par un jugement n° 1708187, 1708303 du 5 février 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 avril 2019 et 29 mai 2020, la SCI Vae Homini Injusto, représentée par Me Dumas, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 5 février 2019 et lui accorder les décharges sollicitées ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SCI Vae Homini Injusto soutient que :
– le tribunal n’a pas répondu au moyen tiré de la contestation de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant la charge exposée par la SCI au profit de la société Musée L’organe ;
– elle ne peut être assujettie à l’impôt sur les sociétés dès lors qu’elle n’a pas exercé d’activité commerciale au sens des articles 34 et 206 du code général des impôts et elle ne s’est pas enrichie ;
– la taxe sur la valeur ajoutée grevant la charge exposée au profit de la société Musée L’organe est déductible ;
– la pénalité pour manquement délibéré est disproportionnée.
Par un mémoire, enregistré le 13 novembre 2019, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 7 septembre 2020 a fixé la clôture de l’instruction au 8 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,
– les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
– et les observations de Me Dumas, pour la SCI Vae Homini Injusto ;
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Vae Homini Injusto (VHI), dont l’objet social est la location de terrains et autres biens immobiliers, est propriétaire des murs situés 17 rue de la République à Saint-Romain-au-Mont-d’Or, abritant « la Demeure du Chaos », et donnés en location au groupe de sociétés dont la holding est la société Groupe Serveur. A la suite d’une vérification de comptabilité portant sur la période courant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, l’administration lui a notifié une proposition de rectification du 6 juillet 2009 mettant à sa charge des cotisations primitives d’impôts sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de pénalités, au titre respectivement des exercices clos les 31 décembre 2006 et 31 décembre 2007 et de la période courant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007. La SCI VHI relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces suppléments et rappels.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La SCI VHI soutient que les premiers juges n’ont pas répondu au moyen tiré de la contestation de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant la charge de 900 000 euros hors taxes (HT) exposée par la SCI au profit de la société Musée L’organe. Toutefois, dans ses écritures devant le tribunal, la SCI VHI admettait avoir déduit à tort par anticipation la taxe grevant cette dépense ainsi qu’il lui avait été précisé par la proposition de rectification du 6 juillet 2009. La société appelante a ainsi expressément indiqué dans sa requête introductive d’instance « accepter le rehaussement principal mais contester les majorations afférentes ». Dans ses conclusions, elle s’est bornée à demander au tribunal de « confirmer le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée grevant ladite charge » et n’a sollicité la décharge que de la majoration pour manquement délibéré afférente. Par suite, c’est sans entacher son jugement d’irrégularité que le tribunal a circonscrit le litige en matière de taxe sur la valeur ajoutée à la pénalité pour manquement délibéré.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l’article 206 du code général des impôts : « 1. (…) sont passibles de l’impôt sur les sociétés (…) toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif / (…) 2. (…) les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, même lorsqu’elles ne revêtent pas l’une des formes visées au 1, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35. / (…) ». L’article 34 du même code prévoit que : « Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l’application de l’impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l’exercice d’une profession commerciale, industrielle ou artisanale./ (…) ». En vertu de l’article L. 110-1 du code de commerce : ” La loi répute actes de commerce : (…) 6° Toute entreprise de fournitures, d’agence, bureaux d’affaires, établissements de ventes à l’encan, de spectacles publics ; “.
4. L’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle précise que : « l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. (…) » L’article L. 122-1 du même code prévoit que « Le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. » et l’article L. 122-3 du code précité précise que : « La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l’oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d’une manière indirecte. Elle peut s’effectuer notamment par imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage et tout procédé des arts graphiques et plastiques, enregistrement mécanique, cinématographique ou magnétique. (…) ». L’article L. 131-3 du même code énonce : « La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée. »
5. Il résulte de l’instruction que, par un contrat du 9 décembre 1999, la SCI VHI, propriétaire du domaine de la Source à Saint-Romain au Mont d’Or, a autorisé la réalisation sur son domaine d’un « corpus » d’œuvres monumentales intitulé « Nutrisco et Extinguo, l’esprit de la Salamandre » ou « Demeure du chaos » réalisé par quatre auteurs et a obtenu l’usufruit de la propriété matérielle de l’œuvre. Le 21 juin 2005, par avenant, les auteurs ont concédé à la SCI VHI un droit de reproduction de l’œuvre pour une durée de sept ans en contrepartie du financement des frais de production d’œuvres futures qu’ils réaliseraient. Le 30 juin 2006, la SCI VHI a concédé à la société Groupe Serveur et à ses filiales l’utilisation exclusive de l’image de la « Demeure du Chaos » pendant une durée de trois ans courant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 en échange du paiement d’une somme de 900 000 euros HT. Le 31 décembre 2006, la SCI VHI a signé avec la SARL Musée L’organe un contrat dans lequel cette dernière s’engageait à prendre en charge le coût de réalisation matérielle des œuvres de la demeure du chaos et à gérer l’ensemble des produits de la propriété intellectuelle moyennant le versement d’une redevance de 900 000 euros HT pour une durée de trois ans à compter rétroactivement du 30 juin 2006. Pour estimer que le contrat conclu le 30 juin 2006 entre la SCI VHI et la société Groupe Serveur avait eu pour conséquence de faire entrer la SCI VHI dans le champ de l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés, l’administration s’est fondée sur la circonstance que ce contrat qui concède à la société Groupe Serveur et à ses filiales l’utilisation exclusive de l’image de la « Demeure du Chaos » devait s’analyser, de ce seul fait, comme un contrat de sous-concession du droit de reproduction des œuvres qui avait été concédé à la SCI VHI le 21 juin 2005. Toutefois, le contrat susvisé conclu le 30 juin 2006 a uniquement porté sur la concession au groupe Serveur de « l’utilisation exclusive de l’image véhiculée par la Demeure du Chaos et les œuvres qui la composent » alors que le droit à l’image est un droit de la personnalité indépendant du droit de reproduction appartenant à l’auteur d’une œuvre en vertu des dispositions de l’article L. 122-1 du code de la propriété intellectuelle. Précisément, ledit contrat n’a pas prévu la sous-concession du droit de reproduction des œuvres, inclus dans le droit d’exploitation des auteurs qui l’ont concédé à la SCI VHI, sous-concession qui aurait dû, le cas échéant et selon les termes de l’article L. 131-3 du code précité, être expressément prévue. Il ne ressort ainsi d’aucun des contrats conclus que le droit de reproduction des œuvres, concédé par les auteurs à la SCI VHI, aurait été sous-concédé par celle-ci à la société Musée L’organe. Par suite, c’est à tort que l’administration a considéré que le contrat du 30 juin 2006 impliquant la réalisation d’actes de gestion du patrimoine d’autrui relevait de l’agence d’affaires et, à ce titre, d’une activité commerciale et qu’elle a assujetti pour ce motif la SCI VHI à des cotisations primitives d’impôt sur les sociétés au titre des exercices vérifiés.
6. Il résulte de ce qui précède que la SCI VHI est fondée à soutenir que c’est à tort que l’administration l’a assujettie à des cotisations primitives d’impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 décembre 2006 et 31 décembre 2007. Le jugement attaqué doit être annulé dans la mesure où il a rejeté la demande en décharge de la société appelante s’agissant des cotisations d’impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de ces exercices.
7. En deuxième lieu, aux termes de l’article 271 du code général des impôts, « I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (…) » Aux termes de l’article 269 du même code : « (…) 2. La taxe est exigible : (…) c) Pour les prestations de services, lors de l’encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d’après les débits. (…) ».
8. Il résulte des dispositions précitées, et ainsi que l’a reconnu la société appelante dans sa réclamation et sa requête introductive d’instance devant le tribunal, que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent à la charge de 900 000 euros HT comptabilisée au titre de l’année 2007 au titre des prestations de services rendues par la société Musée l’Organe à la SCI VHI est justifié en raison de la déduction par anticipation opérée à tort au titre du 2e trimestre 2007 par la SCI VHI de la taxe grevant cette facture dès lors que celle-ci n’a réglé les prestations de services en cause qu’en 2008, soit postérieurement à la période vérifiée. Ce motif de rectification justifie à lui seul le rappel prononcé par l’administration. Par suite, et ainsi qu’il a été dit, la taxe en question n’ayant été réglée que postérieurement à la période en litige, il n’appartient pas à la cour de se prononcer sur le bien-fondé du second motif de rectification opposé par l’administration afférent à la réalité des prestations rendues.
9. En dernier lieu, en vertu de ce qui a été dit au point 6, la SCI VHI ayant été à tort assujettie à des cotisations d’impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2006 et 2007, elle est fondée à solliciter la décharge, par voie de conséquence, de la pénalité pour manquement délibéré qui lui a été infligée. Elle ne conteste plus en revanche en appel la même majoration afférente aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge.
10. Il résulte de ce qui précède que la SCI VHI est uniquement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations primitives d’impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos les 31 décembre 2006 et 31 décembre 2007 en droits et pénalités. Le surplus de ses conclusions en décharge doit être rejeté.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative la somme de 2 000 euros à verser à la SCI VHI au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La SCI Vae Homini Injusto est déchargée des cotisations primitives d’impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos les 31 décembre 2006 et 31 décembre 2007 en droits et pénalités.
Article 2 : Le jugement n° 1708187, 1708303 du 5 février 2019 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L’Etat versera à la SCI Vae Homini Injusto la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Vae Homini Injusto et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l’audience du 7 octobre 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Dèche, présidente,
Mme Le Frapper, première conseillère,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 novembre 2021