Droit à l’image de Nathalie Saint-Cricq : la France insoumise condamnée

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Droit à l’image de Nathalie Saint-Cricq : la France insoumise condamnée
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Les personnalités publiques disposent du droit au respect de leur image comme tout un chacun. Un parti politique ne peut utiliser l’image d’une personnalité politique (qui s’est régulièrement placée elle-même en opposante de la France insoumise) pour mener une campagne d’incitation à inscription sur les listes électorales dans un contexte de forte abstention.

Affaire la France insoumise

En l’occurrence, si la campagne publicitaire de la France insoumise poursuit l’objectif d’inciter les lecteurs à s’inscrire sur les listes électorales, ce but, d’intérêt général, n’est pas exclusif du respect du droit à l’image d’une journaliste, personnalité publique reconnue, dont, en dépit de propos piquants relevés par la défenderesse, aucun engagement dans le champ politique n’est établi.

L’intérêt général invoqué ne peut donc justifier l’usage de l’image de la demanderesse, au regard des critères et du contexte ci-avant rappelés.

Atteinte au droit à l’image

En utilisant, sans son consentement, l’image de Nathalie Saint-Cricq sur un visuel dont elle était responsable, LA FRANCE INSOUMISE a porté atteinte à son droit à l’image.

L’action en référé

En application de l’article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder toute mesure propre à faire cesser le dommage ; il peut accorder une provision au créancier, dans les cas et à la hauteur où cette obligation n’est pas sérieusement contestable, étant entendu que si la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image par voie de presse ouvre droit à réparation, il appartient au demandeur de justifier de l’étendue du dommage allégué de manière concrète, au jour où le juge statue ; l’allocation de dommages et intérêts ne se mesure pas à la gravité de la faute commise, mais l’étendue de la divulgation est de nature à accroître le préjudice.

En l’espèce, la contestation soumise au juge des référés par Nathalie Saint-Cricqporte sur une atteinte à son droit à l’image par la publication, non contestée, d’un visuel portant sa photographie sur différents réseaux sociaux de LA FRANCE INSOUMISE. Dès lors que cette constatation caractérise l’urgence, le juge des référés est compétent.

Le respect du droit à l’image

Pour rappel, conformément à l’article 9 du code civil et à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne, quelle que soit sa notoriété, dispose sur son image et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.

Ce droit doit néanmoins se concilier avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La combinaison de ces deux principes conduit à limiter le droit à l’information du public d’une part, pour les personnes publiques, aux éléments relevant de la vie officielle, et d’autre part, aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général.

Ainsi, alors que le droit au respect de la vie privée, incluant le droit à l’image, et le droit à la liberté d’expression ont la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime.

Pour effectuer cette mise en balance des droits en présence, il y a lieu de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet de la publication, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que les circonstances de la prise des photographies, pour procéder à l’examen de chacun de ces critères.

Contexte de l’affaire

[E] [V] est éditorialiste politique, travaillant au sein du groupe France Télévision ; elle a notamment été responsable, entre 2012 et 2019, du service politique de France 2.

Deux procès verbaux de constat d’huissier, en date des 28 et 29 février 2024, établissent la publication sur différents réseaux sociaux de LA FRANCE INSOUMISE, le 28 février 2024, d’un visuel, portant, sur fond rose, une photographie de [E] [V], de face, en train de s’exprimer, et, en lettres rouges, le message suivant “[E] [V] VOTE. ET VOUS ?” accompagné du logo du mouvement La France Insoumise. Un bandeau est apposé au bas de l’image, où, sur fond rouge, en lettres blanches, puis jaunes, est indiqué : “ON S’INSCRIT sur les listes électorales ONVOTEINSOUMIS.FR”. Ces réseaux sociaux sont les suivants :
– X (anciennement Twitter) : @FranceInsoumise ; à la date du 28 février 2024, le tweet avait fait l’objet de 26 200 vues, 215 repost et 496 “j’aime” ; à la date du 11 mars (pièce n°4 en demande) , il avait atteint 910 200 vues ;
– Instagram : franceinsoumise ; à la date du 29 février 2024, le message avait fait l’objet de 1020 “J’aime” ;
– Facebook : La France insoumise ; à la date du 29 février 2024, le message avait fait l’objet de 13 partages, 42 commentaires, 82 “J’aime” ;
– Telegram : La France Insoumise ; à la date du 29 février 2024, le message avait fait l’objet de 1300 vues.

C’est dans ces conditions qu’a été délivrée la présente assignation.

La compétence du juge des référés

LA FRANCE INSOUMISE, en soulignant que la demanderesse n’a pas effectué de mise en demeure avant la présente assignation, soutient que n’est pas caractérisée l’urgence nécessaire à l’usage de la procédure de référé, dès lors qu’au regard des spécificités des réseaux sociaux et du grand nombre de publications de LA FRANCE INSOUMISE, la publication litigieuse n’est déjà plus d’actualité.

[E] [V] fait valoir que la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image caractérise l’urgence et ouvre droit à réparation, le juge des référés étant compétent à cet égard ; elle ajoute que l’urgence est toujours caractérisée au jour de l’audience, dès lors que les publications sont toujours en ligne.

Les atteintes à la vie privée et au droit à l’image :

Conformément à l’article 9 du code civil et à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne, quelle que soit sa notoriété, dispose sur son image et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.

Ce droit doit néanmoins se concilier avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Les mesures sollicitées :

La demanderesse justifie sa demande de retrait des publications litigieuses par la violation invoquée ; elle précise que cette demande se limite au visuel litigieux. S’agissant de la demande indemnitaire, elle met en avant le retentissement de la campagne, exposant par exemple que le message publié sur X avait été vu, le 11 mars 2024, 910 200 fois.

Les autres demandes

Succombant à l’instance, LA FRANCE INSOUMISE sera, en application de l’article 696 du code de procédure civile, condamnée aux dépens. En outre, et en application de l’article 700 du même code, qui prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dép

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/51714 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4IDW

N° : 1/fm

Assignation du :
01 Mars 2024

[1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 22 mars 2024

par Delphine CHAUFFAUT, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Fabienne FELIX, faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSE

Madame [E] [V]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Eric ANDRIEU de la SCP PECHENARD & Associés, avocats au barreau de PARIS – #R0047

DÉFENDERESSE

Association LA FRANCE INSOUMISE – LFI
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Mathieu DAVY de la SELARL ORIAMEDIA, avocats au barreau de PARIS – #E0233

DÉBATS

A l’audience du 13 Mars 2024, tenue publiquement, présidée par Delphine CHAUFFAUT, Juge, assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier,

Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,

Vu l’assignation en référé délivrée sur autorisation à assigner à heure indiquée le 1er mars 2024 pour l’audience du 8 mars 2024, à LA FRANCE INSOUMISE, à la requête de [E] [V], laquelle, estimant qu’il a été porté atteinte au respect dû à son droit à l’image sur les réseaux sociaux de l’association, le 28 février 2024, nous demande, au visa des articles 9 du code civil, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 485 et 492 du code de procédure civile de :
– ordonner à LA FRANCE INSOUMISE de procéder au retrait sur tous supports des visuels litigieux associant l’image de [E] [V] à LFI, et notamment le tweet publié sur X et les messages publiés sur Instagram, Facebook et Telegram visés dans le constat, sous astreinte définitive de 1 000 euros par infraction constatée ou par jour de retard à compter du prononcé de l’ordonnance ;
– faire interdiction à LA FRANCE INSOUMISE, sous la même astreinte, de procéder à toute nouvelle publication du visuel litigieux comportant l’image de [E] [V] ;
– se réserver la liquidation des astreintes ;
– condamner LA FRANCE INSOUMISE à payer à [E] [V] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels en réparation du préjudice subi ;
– condamner LA FRANCE INSOUMISE à payer à [E] [V] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;
– ordonner que l’ordonnance sera exécutoire au seul vu de la minute.

Vu les conclusions en réplique, signifiées par voie électronique le 12 mars 2024, produites à l’audience du 13 mars 2024 à laquelle elles ont été soutenues, aux termes desquelles [E] [V] réitère ses demandes, et, y ajoutant, sollicite le rejet des demandes de LA FRANCE INSOUMISE ;

Vu les conclusions en réponse de LA FRANCE INSOUMISE, déposées et soutenues à l’audience du 13 mars 2023, qui nous demande, au visa des articles 835 du code de procédure civile, 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et 9 du code civil de :
– constater l’absence d’urgence et dire n’y avoir lieu à référé ;
– constater l’existence d’une contestation sérieuse, que LA FRANCE INSOUMISE n’a pas dépassé les limites admissibles de la liberté d’expression, qu’aucune atteinte à l’image de la demanderesse n’est caractérisée, non plus que de trouble manifestement illicite, et en conséquence dire n’y avoir lieu à référé et débouter la demanderesse de toutes ses demandes ;
– à titre subsidiaire, réduire le montant de la provision à un euro et limiter la demande de suppression du visuel aux réseaux sociaux maîtrisés par LA FRANCE INSOUMISE en limitant le montant de l’astreinte à 1 euro ;
– condamner [E] [V] à verser à LA FRANCE INSOUMISE la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Les conseils des parties ont soutenu leurs conclusions et ont été entendus en leurs observations à l’audience du 13 mars 2024, à l’issue de laquelle il leur a été indiqué que la présente décision serait rendue le 22 mars 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les faits :

[E] [V] est éditorialiste politique, travaillant au sein du groupe France Télévision ; elle a notamment été responsable, entre 2012 et 2019, du service politique de France 2.

Deux procès verbaux de constat d’huissier, en date des 28 et 29 février 2024, établissent la publication sur différents réseaux sociaux de LA FRANCE INSOUMISE, le 28 février 2024, d’un visuel, portant, sur fond rose, une photographie de [E] [V], de face, en train de s’exprimer, et, en lettres rouges, le message suivant “[E] [V] VOTE. ET VOUS ?” accompagné du logo du mouvement La France Insoumise. Un bandeau est apposé au bas de l’image, où, sur fond rouge, en lettres blanches, puis jaunes, est indiqué : “ON S’INSCRIT sur les listes électorales ONVOTEINSOUMIS.FR”. Ces réseaux sociaux sont les suivants :
– X (anciennement Twitter) : @FranceInsoumise ; à la date du 28 février 2024, le tweet avait fait l’objet de 26 200 vues, 215 repost et 496 “j’aime” ; à la date du 11 mars (pièce n°4 en demande) , il avait atteint 910 200 vues ;
– Instagram : franceinsoumise ; à la date du 29 février 2024, le message avait fait l’objet de 1020 “J’aime” ;
– Facebook : La France insoumise ; à la date du 29 février 2024, le message avait fait l’objet de 13 partages, 42 commentaires, 82 “J’aime” ;
– Telegram : La France Insoumise ; à la date du 29 février 2024, le message avait fait l’objet de 1300 vues.

C’est dans ces conditions qu’a été délivrée la présente assignation.

Sur la compétence du juge des référés

LA FRANCE INSOUMISE, en soulignant que la demanderesse n’a pas effectué de mise en demeure avant la présente assignation, soutient que n’est pas caractérisée l’urgence nécessaire à l’usage de la procédure de référé, dès lors qu’au regard des spécificités des réseaux sociaux et du grand nombre de publications de LA FRANCE INSOUMISE, la publication litigieuse n’est déjà plus d’actualité.

[E] [V] fait valoir que la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image caractérise l’urgence et ouvre droit à réparation, le juge des référés étant compétent à cet égard ; elle ajoute que l’urgence est toujours caractérisée au jour de l’audience, dès lors que les publications sont toujours en ligne.

L’article 834 du code de procédure civile prévoit que dans tous les cas d’urgence, le juge des référé peut ordonner toute mesures qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. En outre, il résulte de l’article 835 du même code que le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation.

Il est constant que la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image caractérise l’urgence et ouvre droit à réparation, les articles sus mentionnés donnant au juge le pouvoir de prendre en référé toutes mesures propre à empêcher ou faire cesser l’atteinte, ainsi qu’à réparer le préjudice qui en résulte.

En l’espèce, il sera constaté que la contestation soumise au juge des référés par [E] [V] porte sur une atteinte à son droit à l’image par la publication, non contestée, d’un visuel portant sa photographie sur différents réseaux sociaux de LA FRANCE INSOUMISE. Dès lors que cette constatation caractérise l’urgence, le juge des référés est compétent.

Sur les atteintes à la vie privée et au droit à l’image :

Conformément à l’article 9 du code civil et à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne, quelle que soit sa notoriété, dispose sur son image et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation.

Ce droit doit néanmoins se concilier avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La combinaison de ces deux principes conduit à limiter le droit à l’information du public d’une part, pour les personnes publiques, aux éléments relevant de la vie officielle, et d’autre part, aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifie une actualité ou un débat d’intérêt général.
Ainsi, alors que le droit au respect de la vie privée, incluant le droit à l’image, et le droit à la liberté d’expression ont la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et de privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt le plus légitime. Pour effectuer cette mise en balance des droits en présence, il y a lieu de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet de la publication, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que les circonstances de la prise des photographies, pour procéder à l’examen de chacun de ces critères.

La demanderesse fait valoir qu’elle dispose sur son image d’un droit exclusif qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation, ce qui est le cas, puisque son image a été utilisée dans le cadre de publications promotionnelles par la FRANCE INSOUMISE, l’associant à un parti alors que la neutralité est un élément essentiel de sa position d’éditorialiste.

La défenderesse soutient que le droit au respect de l’image de [E] [V] doit être mis en balance avec le droit à la liberté d’expression de la FRANCE INSOUMISE, qui n’en a pas excédé les limites, dans la mesure où, dans le cadre d’un sujet d’intérêt général qu’elle porte – l’incitation à l’inscription sur les listes électorales dans un contexte de forte abstention -, elle a usé d’humour et de provocation, en utilisant l’image d’une célèbre chroniqueuse, qui s’est régulièrement placée elle-même en opposante de LA FRANCE INSOUMISE. Elle fait ensuite valoir qu’il n’y a pas de trouble manifeste justifiant la présente action, seule la chaîne France Télévision avait réagi à la campagne, à l’exclusion de [E] [V] qui ne pouvait se considérer comme assimilée à LA FRANCE INSOUMISE par le visuel litigieux, et n’en semblait par ailleurs pas touchée. Elle déniait toute attaque personnelle, détournement ou usurpation de la notoriété de [E] [V].

Il est constant que l’utilisation du portrait de la demanderesse n’a pas été autorisée par cette dernière. Il sera observé que la nécessité de procéder à la mise en balance ci-avant rappelée ne saurait, à elle seule, justifier l’impossibilité de se prononcer par voie de référé, dès lors que les conditions en seraient remplies.

Il sera relevé que, si la campagne litigieuse poursuit l’objectif d’inciter les lecteurs à s’inscrire sur les listes électorales, ce but, d’intérêt général, n’est pas exclusif du respect du droit à l’image d’une journaliste, personnalité publique reconnue, dont, en dépit de propos piquants relevés par la défenderesse, aucun engagement dans le champ politique n’est établi. L’intérêt général invoqué ne peut donc justifier l’usage de l’image de la demanderesse, au regard des critères et du contexte ci-avant rappelés.

Il convient dès lors de considérer qu’en utilisant, sans son consentement, l’image de [E] [V], sur un visuel dont elle était responsable, LA FRANCE INSOUMISE a porté atteinte à son droit à l’image.

Sur les mesures sollicitées : 

La demanderesse justifie sa demande de retrait des publications litigieuses par la violation invoquée ; elle précise que cette demande se limite au visuel litigieux. S’agissant de la demande indemnitaire, elle met en avant le retentissement de la campagne, exposant par exemple que le message publié sur X avait été vu, le 11 mars 2024, 910 200 fois.

La défenderesse expose que les prohibitions générales et absolues de publication sont contraires à l’article 10 de la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l’Homme, et que ne peut être demandée à LA FRANCE INSOUMISE la suppression du visuel sur des supports et médias qu’elle ne contrôle pas. Elle soutient que l’astreinte, qui s’analyse comme une sanction, n’est pas justifiée en l’espèce et que la demande de provision doit être modérée, dès lors que le déchaînement médiatique autour de cette campagne n’a en réalité été causé que par les prises de parole de la demanderesse et de la présidente de France Télévision, le tumulte n’étant, au moment de l’audience, plus d’actualité, et la demanderesse n’apportant, par ailleurs, aucune pièce au soutien d’un traumatisme que ses interventions publiques démentent.

Il sera rappelé qu’en application de l’article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder toute mesure propre à faire cesser le dommage ; il peut accorder une provision au créancier, dans les cas et à la hauteur où cette obligation n’est pas sérieusement contestable, étant entendu que si la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image par voie de presse ouvre droit à réparation, il appartient au demandeur de justifier de l’étendue du dommage allégué de manière concrète, au jour où le juge statue ; l’allocation de dommages et intérêts ne se mesure pas à la gravité de la faute commise, mais l’étendue de la divulgation est de nature à accroître le préjudice.

En l’espèce, il sera observé que [E] [V] voit, sans son autorisation, son image diffusée sur un visuel publié sur plusieurs réseaux sociaux d’un mouvement politique, le nombre de vues attestant de leur résonnance auprès du grand public.

Cette violation impose d’ordonner à LA FRANCE INSOUMISE de supprimer le visuel des quatre réseaux sociaux sur lesquels il est établi qu’il a été publié.

Il ne saurait en revanche être édicté une interdiction générale et pour le futur de l’usage de cette image par LA FRANCE INSOUMISE, de sorte que ces demandes seront rejetées, étant précisé que tout nouveau manquement est de nature à entraîner de nouvelles sanctions.

En l’absence d’élément laissant à craindre l’inexécution de la condamnation, il ne sera pas fait droit à la demande d’astreinte.

Par ailleurs, la demanderesse ne produit aucun élément justifiant de l’ampleur du préjudice, dont la nature n’est pas même précisée, de sorte que si l’existence d’un préjudice est inhérent à l’atteinte au droit à l’image établi, il convient de limiter le montant des dommages et intérêts alloués au titre de provision à la somme non contestable de 500 euros.

Sur les autres demandes :

Succombant à l’instance, LA FRANCE INSOUMISE sera, en application de l’article 696 du code de procédure civile, condamnée aux dépens. En outre, et en application de l’article 700 du même code, qui prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, LA FRANCE INSOUMISE sera condamnée à verser à [E] [V] la somme de 1500 euros.

En application de l’article 514-1 du code de procédure civile, l’exécution provisoire est de droit, sans qu’il ne soit nécessaire d’ordonner l’exécution au seul vu de la minute.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort :

ORDONNONS le retrait du visuel comprenant la photographie de [E] [V], publié le 28 février 2024, des réseaux sociaux suivants de LA FRANCE INSOUMISE :
– X (anciennement Twitter), compte @FranceInsoumise
– Instagram compte franceinsoumise
– Facebook page La France insoumise
– Telegram compte La France Insoumise

– DEBOUTONS [E] [V] de sa demande plus ample de voir ordonner le “ retrait sur tous supports des visuels litigieux associant l’image de [E] [V]”;

– DEBOUTONS [E] [V] de sa demande d’interdiction de publication de ce visuel, pour le futur ;

– CONDAMNONS LA FRANCE INSOUMISE à payer à [E] [V] la somme provisionnelle de 500 euros à titre de dommages-intérêts à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant de l’atteinte portée à son droit à l’image, dans le visuel publié sur les réseaux sociaux prémentionnés ;

– DEBOUTONS [E] [V] de ses demandes d’astreinte ;

– DEBOUTONS les parties du surplus de leurs demandes ;

– CONDAMNONS LA FRANCE INSOUMISE à verser à [E] [V] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNONS LA FRANCE INSOUMISE aux dépens de l’instance ;

– Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit nonobstant appel.

Fait à Paris le 22 mars 2024

Le Greffier,Le Président,

Fabienne FELIXDelphine CHAUFFAUT

 


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