Licenciement sans cause réelle d’un entraîneur de basket ball

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Licenciement sans cause réelle d’un entraîneur de basket ball
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Cour d’appel de Rouen, Chambre Sociale, 16 mars 2023, 21/01315

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 01 Février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 16 Mars 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 16 Mars 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [N] [B] a été engagé en contrat à durée indéterminée le 14 juin 2010 par la société ALM [Localité 3] Basket Eure en qualité de coordinateur technique à la formation, puis, le 27 février 2017, les parties ont décidé de suspendre ce contrat compte tenu de la signature d’un contrat à durée déterminée en qualité d’entraîneur pour la période du 27 février au 30 juin 2017.

M. [B] a transmis un courrier de démission de son contrat à durée indéterminée le 31 mai 2017 à effet du 30 juin et le 21 juin 2017, les parties ont conclu un nouveau contrat à durée déterminée pour trois saisons, soit du 1er juillet 2017 au 30 juin 2020.

Par courrier du 27 février 2020, il a été notifié à M. [B] la rupture anticipée de son contrat à durée déterminée pour faute grave dans les termes suivants :

‘ (…) Vous exerciez jusqu’à présent les fonctions d’entraîneur de l’équipe professionnelle de l’ALM [Localité 3] Basket selon contrat à durée déterminée conclu du 1er juillet 2017 au 30 juin 2020.

Au cours de cette saison, nous avons pu constater de graves problèmes de communication entre vous et l’équipe que vous étiez chargé d’entraîner.

Au cours des derniers matchs, nous avons constaté que la situation avait empiré : il existe un manque total de communication entre vous et les joueurs conduisant à ce jour notre club dans une situation catastrophique puisque celui-ci est à 2 points de la relégation.

Le manque de communication est tellement criant que les prestations des joueurs, notamment à l’occasion du match du mardi 11 février dernier, devant le public ébroïcien, ont été pitoyables et ont entraîné une réaction très négative de notre public lors de ce match ; le public a en effet sifflé et quitté massivement la salle.

Vos méthodes sont directement à l’origine de cette situation.

Les stratégies de jeu que vous avez mises en place ne sont pas adaptées.

Surtout, votre gestion de l’équipe et votre communication avec les joueurs sont déficientes et ont abouti à la situation actuelle. Plusieurs joueurs se sont d’ailleurs plaints auprès de la direction du club de vos méthodes et particulièrement de votre absence d’écoute à leur égard.

Bien que la direction de l’ALM ait à plusieurs reprises attiré votre attention sur ces graves difficultés, vous n’avez pris aucune mesure pour remédier à la situation et n’avez pas modifié votre comportement et vos méthodes.

Vos déclarations dans la presse témoignent d’ailleurs de ce que vous ne remettez nullement en question vos méthodes et n’avez pas pris la mesure de la gravité de la situation.

Tout récemment encore, nous avons eu à déplorer votre comportement lors de la reprise de l’entraînement les lundi 17 et mardi 18 février : vous n’avez pas assuré les entraînements et avez pris d’autres engagements (camp basket) sans même en avoir fait la demande préalablement aux dirigeants du Club.

Ce comportement est particulièrement inacceptable au regard de la situation catastrophique du Club qui nécessite plus que jamais votre présence au côté de l’équipe et votre plein investissement.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire, au sein de l’ALM [Localité 3] Basket. (…)’.

Par requête du 10 septembre 2020, M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evreux en contestation de la rupture, ainsi qu’en paiement d’indemnités et rappel de salaires.

Par jugement du 9 mars 2021, le conseil de prud’hommes, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, a :

– dit que la rupture du contrat de travail de M. [B] s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixé le salaire mensuel moyen de M. [B] à hauteur de 5 150 euros et condamné la société ALM [Localité 3] Basket Eure à payer à M. [B] les sommes suivantes :

indemnité pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée, mise à pied conservatoire et congés payés inclus : 24 808,79 euros

rappel de salaire : 1 192,88 euros

congés payés afférents : 119,29 euros

indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros

– débouté M. [B] du surplus de ses demandes et la société ALM [Localité 3] Basket Eure de ses demandes reconventionnelles,

– ordonné à la société ALM [Localité 3] Basket Eure de faire parvenir à M. [B] des documents de fin de contrat (bulletin de salaire, attestation destinée à Pôle emploi et certificat de travail) rectifiés correspondant à la présente décision sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter du 21ème jour suivant la notification du présent jugement, le conseil se réservant la possibilité de liquider l’astreinte,

– dit que les condamnations prononcées en ce qu’elles n’ont pas le caractère de dommages et intérêts porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil, et à compter du prononcé du jugement pour les condamnations à des dommages et intérêts,

– condamné la société ALM [Localité 3] Basket Eure aux entiers dépens et dit qu’à défaut d’exécution spontanée du jugement, et en cas d’exécution forcée par voie extrajudiciaire, l’intégralité des sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application de l’article10 du décret du 8 mars 2011 portant modification du décret du 12 décembre 1996, devraient être supportées par la société ALM [Localité 3] Basket en plus des condamnations mises à sa charge sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [B] a interjeté appel de cette décision le 26 mars 2021.

Par conclusions remises le 18 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, M. [B] demande à la cour d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a requalifié la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et fixé son salaire moyen à 5 150 euros, et statuant à nouveau, de :

– requalifier le contrat à durée déterminée du 27 février 2017 en contrat à durée indéterminée, ainsi que subséquemment celui du 21 juin 2017,

– annuler ou dire sans effet sa démission de son précédent contrat à durée indéterminée en date du 14 juin 2010, et fixer son ancienneté au 14 juin 2010,

– condamner la société ALM [Localité 3] Basket Eure à lui payer les sommes suivantes :

rappel de salaire au titre de la garantie contractuelle de minimum salarial de juillet 2017 à février 2020 : 1 192,88 euros

congés payés afférents : 119,29 euros

indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée: 5 150 euros

indemnité pour non-respect de la procédure : 5 150 euros

rappel de salaire concernant la période de mise à pied à titre conservatoire : 1 103,57 euros

congés payés afférents : 110,38 euros

indemnité compensatrice de préavis : 15 450 euros

congés payés afférents : 1 545 euros

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 92 700 euros

indemnité pour préjudice d’image : 15 000 euros

indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance : 3 000 euros

indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel : 3 000 euros

– avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice pour les rappels de salaire et l’indemnité de licenciement, et à compter de la décision à intervenir pour les demandes à caractère indemnitaire,

– ordonner la capitalisation des intérêts qui seront dus pour une année entière,

– ordonner à la société ALM [Localité 3] Basket Eure de rectifier le certificat de travail, les bulletins de salaire correspondant aux rappels de salaire et l’attestation Pôle emploi, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter du 15ème jour de la décision à intervenir,

– condamner la société ALM [Localité 3] Basket Eure aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 11 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société ALM [Localité 3] Basket Eure demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que la rupture du contrat de travail s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’a condamnée à payer une indemnité pour rupture anticipée du contrat ainsi qu’un rappel de salaire de juillet 2017 à février 2020,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [B] du surplus de ses demandes,

– statuant à nouveau, débouter M. [B] de l’ensemble de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 26 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

M. [B] soutient que le contrat à durée déterminée signé le 27 février 2017 et conclu pour la période de février à juin 2017, doit être requalifié en contrat à durée indéterminée dès lors que le code du sport n’autorise la conclusion d’un tel contrat pour une durée inférieure à douze mois que si cette modalité est prévue par une convention ou un accord collectif national, ou, à défaut, le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, l’article 8.3 de la convention collective du basket professionnel relatif au statut des entraîneurs n’autorisant pas cette possibilité. En tout état de cause, il relève que ce contrat ne mentionne pas le nom et la qualification de la personne remplacée, ni l’adresse de la caisse de retraite complémentaire.

Enfin, considérant que la prescription n’a commencé à courir qu’à l’expiration du deuxième contrat à durée déterminée dont il demande également la requalification en conséquence de celle sollicitée pour le contrat signé le 27 février, il estime que son action n’est pas prescrite.

En réponse, la société ALM [Localité 3] Basket Eure fait valoir que si l’article du code du sport visé par M. [B] s’applique effectivement, il est néanmoins prévu aux termes de la convention collective du sport la possibilité de conclure un contrat à durée déterminée pour une période de moins de douze mois dès lors que ce contrat court jusqu’à la fin de la période sportive, étant au surplus relevé que ce contrat a été homologué par la ligue nationale de basket-ball.

En tout état de cause, elle relève que l’action de M. [B] est prescrite dès lors qu’un défaut de mention se révèle dès la signature et, à supposer que la cour retienne le terme du contrat comme point de départ de la prescription, elle rappelle que celui-ci doit être fixé au 30 juin 2017 dans la mesure où M. [B] ne réclame pas la requalification du contrat à durée déterminée conclu en juin 2017.

Aux termes de l’article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Il résulte par ailleurs de l’article L. 222-2-4 du code du sport que si la durée du contrat de travail mentionné à l’article L. 222-2-3 ne peut être inférieure à la durée d’une saison sportive fixée à douze mois, un contrat conclu en cours de saison sportive peut avoir une durée inférieure, dans les conditions définies par une convention ou un accord collectif national ou, à défaut, par le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle dès lors qu’il court au minimum jusqu’au terme de la saison sportive, étant rappelé que les dates de début et de fin de la saison sportive sont arrêtées par le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle.

En l’espèce, M. [B] fonde sa demande de requalification du contrat signé le 27 février 2017 d’une part sur l’absence du nom et de la qualification du salarié remplacé, outre l’absence d’adresse de la caisse de retraite, et d’autre part sur le fait que le contrat ne pouvait être conclu pour une période de moins de douze mois alors qu’il l’a été pour la période de février à juin 2017.

Ayant eu connaissance de ces irrégularités dès la signature du contrat, en ce compris la difficulté liée à sa durée dès lors qu’il était expressément mentionné que le contrat était conclu pour la période du 27 février au 30 juin 2017, la prescription a commencé à courir dès la conclusion de ce contrat.

Aussi, ayant saisi le conseil de prud’hommes le 10 septembre 2020, soit plus de deux ans après la conclusion du contrat, il convient de dire que l’action en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est prescrite, de même que la demande d’indemnité de requalification, peu important la date de fin du contrat.

2. Sur la validité de la démission relative au contrat à durée indéterminée signé le 14 juin 2010

M. [B] soutient que son employeur l’a contraint à démissionner de son emploi de coordinateur technique alors que rien ne l’imposait et que ce contrat aurait pu être suspendu durant la période de trois ans prévue au contrat à durée déterminée signé en juin 2017, comme il l’avait été lors de la conclusion du premier contrat à durée déterminée.

En réponse, la société ALM [Localité 3] Basket Eure rappelle que M. [B] a démissionné de manière non équivoque sans qu’il ne rapporte la preuve de ce que cela lui aurait été imposé.

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte des circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture.

Outre que M. [B] n’invoque que l’existence d’un vice du consentement, à savoir la contrainte qu’aurait fait peser sur lui la société ALM [Localité 3] Basket pour obtenir sa démission, il doit en tout état de cause être noté que son courrier de démission du 31 mai 2017 à effet du 30 juin 2017 ne comportait aucun grief à l’encontre de la société ALM [Localité 3] Basket Eure et qu’il n’en existait aucun à cette date entre les parties, lesquelles s’étaient au contraire rapprochées pour poursuivre leurs relations contractuelles sous une autre forme.

En ce qui concerne la contrainte, si, a priori, il peut apparaître étonnant qu’un salarié renonce à un contrat à durée indéterminée pour conclure un contrat à durée déterminée, il doit néanmoins être relevé, en l’espèce, que le contrat à durée déterminée ne portait ni sur le même poste, ni sur le même statut, ni sur la même rémunération.

Ainsi, alors que M. [B] était auparavant coordinateur technique de la formation, catégorie technicien, et devait percevoir un salaire mensuel brut de 1 500 euros, grâce à la signature de ce contrat, certes plus précaire, il devenait néanmoins entraîneur, statut cadre, avec un salaire de 4 200 euros bruts la première saison, puis 4 700 euros bruts la deuxième saison et enfin 5 150 euros bruts la troisième saison.

Au regard des avantages ainsi associés à la signature de ce contrat à durée déterminée, et alors qu’au surplus M. [B] avait pu prendre pleinement la mesure de son nouveau poste dans le cadre du contrat à durée déterminée conclu en février 2017 durant lequel son contrat à durée indéterminée avait été suspendu, il n’est pas apporté le moindre élément établissant l’existence d’une contrainte et il convient en conséquence de le débouter de sa demande tendant à voir annuler sa démission, ou de la voir dire sans effet, ainsi que de sa demande tendant à retenir une ancienneté au 14 juin 2010.

3. Sur la demande de rappel de salaire au titre de la garantie contractuelle

Alors que, comme vu précédemment, il avait été contractuellement prévu que M. [B] perçoive 4 200 euros bruts la première saison, puis 4 700 euros bruts la deuxième saison et enfin 5 150 euros bruts la troisième saison, l’examen de ses bulletins de salaire montre qu’à compter de juillet 2018, son salaire brut a été moindre que celui prévu contractuellement et il réclame ainsi à juste titre la différence, soit la somme de 1 192,88 euros, outre 119,29 euros au titre des congés payés afférents.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société ALM [Localité 3] Basket Eure à lui verser ces sommes.

4. Sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail pour faute grave

Rappelant que le contrat à durée déterminée comportait une clause excluant toute faute grave pour manque de résultat sportif et que les griefs qui lui sont reprochés ne sont nullement établis, M. [B] fait valoir qu’il ne pouvait en conséquence être mis fin à son contrat de travail dans les conditions mises en oeuvre par la société ALM [Localité 3] Basket Eure et il sollicite en conséquence les indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En réponse, après avoir rappelé que la rupture d’un contrat à durée déterminée en dehors des cas prévus par l’article L. 1243-4 du code du travail ne s’analyse pas en un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais a pour seul conséquence le paiement d’une indemnité correspondant aux salaires dus jusqu’au terme du contrat, la société ALM [Localité 3] Basket Eure soutient que les griefs opposés à M. [B] sont établis, sachant qu’elle justifie du mécontentement des joueurs, sans que M. [B] n’ait su en tenir compte et être présent à leurs côtés, préférant se rendre à d’autres activités sans en avertir le club. Elle conteste par ailleurs que le malaise régnant aurait été dû aux conditions offertes par le club.

Selon l’article L. 1243-4 du code du travail, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8.

Il résulte de l’article 6 du contrat de travail signé le 21 juin 2017 qu’une rupture anticipée du contrat ne pourrait survenir qu’en cas de faute grave, force majeure ou accord commun des parties, avec cette précision qu’eu égard aux aléas sportifs, une insuffisance et/ou une absence de résultat sportif ne saurait être considéré, en elle-même, comme constitutive d’une faute grave imputable à l’entraîneur.

Aussi, et s’il n’est pas contesté que le match tenu le 11 février n’a pas donné les résultats escomptés, pour autant, ce seul événement ne pouvait constituer un cas de rupture du contrat de travail, sans que les sifflements intervenus dans une salle ne puissent être la preuve d’une faute de l’entraîneur.

Par ailleurs, si la société ALM [Localité 3] Basket Eure produit plusieurs attestations de joueurs ayant pour objet de démontrer qu’il existait au sein de l’équipe un problème de communication très important à l’origine de ces mauvais résultats, il doit être relevé que leur rédaction ne permet en aucun cas de retenir une quelconque faute, tant elles sont peu circonstanciées, ainsi trois des joueurs listent, avec des tirets, manque d’écoute de la part de l’entraîneur, absence de remise en question sur les méthodes, absence de communication avec les joueurs, baisse de confiance sur le travail accompli ou encore mauvaise utilisation des joueurs, et ce, sans aucune précision permettant de mieux appréhender les reproches ainsi évoqués.

Ainsi, la seule attestation un peu plus précise est celle de M. [K], entraîneur, qui explique avoir travaillé aux côtés de M. [B] de février 2019 à février 2020 avec pour rôle de l’assister dans le but de faire performer l’équipe, que leur relation de travail durant la semaine précédant le match était très correcte, mais que durant les derniers matchs avant que le coaching ne lui soit retiré, leur relation n’était plus aussi fluide sur le bord du terrain avec beaucoup de nervosité, un langage corporel négatif avec une communication complexe où il ne savait plus comment l’aider, précisant que chacune de ses propositions de solution étaient rejetées sur les deux derniers matchs.

Il ne résulte de ce témoignage, au demeurant là aussi très imprécis à défaut de toute indication quant aux propositions rejetées ou à la traduction du ‘langage corporel négatif’ aucun fait fautif.

En outre, et alors que M. [B] avait le statut de cadre et que ses absences des 17 et 18 février, dont il n’est même pas justifié de la désorganisation qu’elles auraient entraînées, étaient en lien avec son travail, il n’existe aucun fait fautif.

Enfin, les quelques mails produits quant à des choix faits par M. [B] sur des sélections de joueurs, ou les coupures de presse aux termes desquelles il explique assumer ses choix ne sauraient permettre, là encore, de retenir une quelconque faute, et encore moins une faute grave.

Aussi, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les joueurs devaient évoluer dans des conditions matérielles difficiles comme le soutient M. [B], aucune des pièces versées aux débats n’est de nature à établir l’existence d’une quelconque faute grave, étant au surplus relevé que

M. [B] produit plusieurs attestations de joueurs faisant part de leur satisfaction de travailler à ses côtés.

Il convient en conséquence de dire qu’à défaut de faute grave établie par la société ALM [Localité 3] Basket Eure, celle-ci doit verser à M. [B] une indemnité au moins équivalente aux salaires qu’il aurait perçus jusqu’au terme de son contrat, étant noté qu’il ressort des pièces du dossier qu’il a retrouvé un poste d’entraîneur en septembre 2021 et ne justifie que d’une inscription à Pôle emploi entre février 2020 et septembre 2021, sans cependant apporter aucun élément sur les allocations perçues.

Il convient en conséquence de condamner la société ALM [Localité 3] Basket Eure à lui payer la somme de 26 000 euros au titre de l’indemnité prévue par l’article L. 1243-4 du code du travail, laquelle répare justement son préjudice et comprend notamment les salaires courant jusqu’au 30 juin 2020, la somme retenue au titre de la mise à pied conservatoire et les congés payés afférents à ces sommes.

Au contraire, cette rupture ne produisant pas les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de débouter M. [B] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents et rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire, cette dernière somme étant prise en compte dans l’indemnité préalablement accordée.

5. Sur la demande d’indemnité pour non-respect de la procédure

Alors que M. [B] soutient que la procédure est irrégulière dès lors que le délai entre la convocation et l’entretien préalable n’a été que de trois jours et non de cinq jours ouvrables conformément à l’article L. 1232-2 du code du travail, la société ALM [Localité 3] Basket Eure considère que ce délai n’est pas applicable dans la mesure où il ne s’agit pas d’un licenciement mais d’une sanction impliquant l’application de l’article L. 1332-2 du code du travail, lequel ne prévoit qu’un délai raisonnable.

Il résulte de l’article L. 1242-14 du code du travail que les dispositions des articles L. 1232-2 du même code ne sont applicables qu’à la procédure de licenciement et non à celle de la rupture du contrat de travail à durée déterminée laquelle, lorsqu’elle est prononcée pour faute grave, est soumise aux seules prescriptions des articles L. 1332-1 à L. 1332-3 du code du travail qui ne prévoient aucune formalité pour la convocation à l’entretien préalable à la sanction disciplinaire.

Selon l’article L. 1332-2 du code du travail, lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Au cours de l’entretien, l’employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié. La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien. Elle est motivée et notifiée à l’intéressé.

Aussi, ayant été convoqué le 19 février 2020 pour un entretien préalable devant se tenir le 24 février, la société ALM [Localité 3] Basket Eure a respecté un délai raisonnable, ce qui est d’autant plus avéré que M. [B] a pu être assisté par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise lors de cet entretien.

Il convient en conséquence de le débouter de sa demande d’indemnité pour non-respect de la procédure.

6. Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice d’image

M. [B] relève que son employeur n’a eu de cesse de le dénigrer, évoquant dans la presse une obligation de résultat, une défense de bisounours ou encore le fait qu’il conviendrait qu’il motive son équipe en arrêtant de pleurer sur l’arbitrage, et ce, en transmettant une image de lui peu flatteuse.

Si la photo évoquée par M. [B] ne présente aucune particularité de nature à porter préjudice à son image, pas plus que les propos relatifs à la défense de Bisounours dès lors qu’ils concernent davantage l’équipe et qu’il est dans le même temps mis en avant ses qualités s’agissant de l’attaque, au contraire les propos tendant à indiquer que M. [B] ferait mieux de motiver son équipe plutôt que de pleurer sur l’arbitrage sont excessifs et inutilement dénigrant dans la manière dont ils sont énoncés et il convient en conséquence, alors qu’il s’agit de propos publics, diffusés par voie de presse, de condamner la société ALM [Localité 3] Basket Eure à payer à M. [B] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son image.

7. Sur les intérêts

Les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions infirmées.

Les intérêts échus produiront intérêts, dés lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière à compter de l’arrêt, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

8. Sur la remise de documents

Il convient d’ordonner à la société ALM [Localité 3] Basket Eure de remettre à M. [B] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif dûment rectifiés, sans que les circonstances de la cause justifient de prononcer une astreinte.

9. Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie partiellement succombante, il y a lieu de condamner la société ALM [Localité 3] Basket Eure aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [B] la somme de 500 euros sur ce même fondement, en plus de la somme allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a dit que la rupture du contrat de travail s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a débouté M. [B] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice d’image et en ses dispositions relatives au montant de l’indemnité de rupture accordée, à l’astreinte prononcée et aux intérêts ;

L’infirme de ces chefs, statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la rupture du contrat à durée déterminée ne repose pas sur une faute grave ;

Condamne la société ALM [Localité 3] Basket Eure à payer à M. [N] [B] les sommes suivantes :

26 000 euros à titre d’indemnité de rupture,

500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice d’image,

Dit n’y avoir lieu à astreinte pour la remise des documents ;

Dit que les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions infirmées ;

Dit que les intérêts échus produiront intérêts, dès lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière à compter de l’arrêt ;

Condamne la société ALM [Localité 3] Basket Eure aux entiers dépens ;

Condamne la société ALM [Localité 3] Basket Eure à payer à M. [N] [B] la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société ALM [Localité 3] Basket Eure de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente


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