La fixation de dates de réunions et de consignes générales et impersonnelles données à un photographe dans des termes qui ne révèlent ni un quelconque caractère comminatoire, ni la manifestation d’un pouvoir de direction sur la personne de l’intervenant, s’inscrit dans le cadre habituel du fonctionnement d’un établissement d’enseignement (pas de qualification en contrat de travail du contrat de photographe, prestataire de services)
En vertu de l’article L8221-6-I du code du travail, sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales (…).
Le paragraphe II de ce même article dispose que l’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.
Il est constant que le lien de subordination juridique est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Il y a contrat de travail lorsqu’une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre, moyennant rémunération.
* * *
Cour d’appel de Rennes, 7ème Ch Prud’homale, 15 décembre 2022, 19/06875
7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°551/2022
N° RG 19/06875 – N° Portalis DBVL-V-B7D-QF3O
M. [D] [Z]
C/
SAS OUEST CONCEPT ET ENSEIGNEMENT
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 31 Octobre 2022
En présence de Monsieur [T], médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Décembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [D] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Lara BAKHOS de la SELEURL PAGES – BAKHOS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
SAS OUEST CONCEPT ET ENSEIGNEMENT Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Bruno LOUVEL de la SELARL PHENIX, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Karen AZRAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Ouest concept et enseignement (OCE), filiale de la SAS MJM Graphic design, est un établissement privé hors contrat d’enseignement professionnel des arts appliqués situé à [Localité 3].
M. [D] [Z] exerce une activité de création artistique sous le statut d’auto-entrepreneur depuis le 1er novembre 1999.
À compter de janvier 2010, M. [Z] intervenait en qualité de photographe au sein de l’école OCE MJM.
De janvier 2010 à mai 2017, M. [Z] facturait ses prestations à 40 euros de l’heure de cours, hors taxe.
À partir de juin 2017, il facturait ses prestations à 43,26 euros de l’heure de cours.
Les 20 et 23 juin 2017, suite à une lettre d’observations de l’Urssaf, la société OCE proposait à M. [Z] de poursuivre la relation contractuelle dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée selon les conditions de rémunération des enseignants salariés, soit une rémunération à hauteur de 22,50 euros bruts de l’heure de cours.
Par courrier en date du 28 juillet 2017, M. [Z] acceptait la proposition à condition de maintenir sa rémunération horaire au dernier niveau de facturation et à condition d’appliquer la convention collective des organismes de formation, convention qui n’était pas appliquée par la SAS OCE.
Par courrier en date du 29 août suivant, la société OCE confirmait sa proposition initiale sans en modifier les termes selon les conditions de M. [Z].
En septembre 2017, M. [Z] n’était plus sollicité pour participer aux activités de l’établissement.
Le 23 novembre 2017, l’avocat de M. [Z] informait la société OCE de l’intention de son client de solliciter une requalification de la relation contractuelle en contrat de travail et du souhait de l’intéressé de rechercher préalablement une solution amiable.
***
M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes le 07 mai 2018 afin de voir:
– Ordonner la requalification de la relation contractuelle depuis novembre 2009 en contrat a durée indéterminée
– Dire et juger les parties liées par un contrat de travail a temps partiel de 24 heures hebdomadaires
– Dire et juger que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il sollicitait en conséquence la condamnation de la société OCE à lui payer les sommes suivantes:
– Rappel de salaires au titre de l’année 2014/2015 : 24 254,50 Euros
– Rappel de salaires au titre de l’année 2015/2016 : 24 254,50 Euros
– Rappel de salaires au titre de l’année 2016/2017 : 25 320,42 Euros
– Indemnité compensatrice de préavis : 6 472,12 Euros et congés payés afférents : 647,21 euros
– Indemnité légale de licenciement : 5 l77,70 Euros
– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 19 416,36 Euros
– Indemnité pour travail dissimulé : 19 416,36 Euros
Il demandait la remise sous astreinte de 50 euros par jour de retard, des bulletins de salaire, du certificat de travail et de l’attestation Pôle Emploi régulièrement libellés, le conseil de prud’hommes se réservant le pouvoir de liquider l’astreinte.
Il sollicitait la condamnation de la société OCE à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il demandait enfin le bénéfice de l’exécution provisoire et la condamnation de la société OCE aux entiers dépens y compris ceux éventuels d’exécution.
La SAS OCE concluait à titre principal à l’irrecevabilité des demandes et à titre subsidiaire, au débouté des demandes de M. [Z], considérant que l’intéressé n’avait pas la qualité de salarié.
Elle sollicitait sa condamnation à lui payer la somme de 2 500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux dépens.
Par jugement en date du 19 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Rennes s’est déclaré compétent et a:
– Requalifié la relation contractuelle depuis janvier 2010 en contrat à durée indéterminée à temps partiel sans modification des horaires pratiqués.
– Jugé que la rupture intervenue par courrier en date du 25 septembre 2017 est un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Condamné la société OCE à payer Monsieur [Z] les sommes suivantes:
– 1 053 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 105,30 euros à titre de congés payés afférents au préavis.
– 838,19 euros à titre d’indemnité de licenciement.
– 1 579,50 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Ordonné la remise sous astreinte des bulletins de salaire des trois derniers mois de travail avant la rupture, du certificat de travail et de l’attestation Pôle emploi régulièrement libellés sous astreinte de 15 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement.
– Dit que le conseil se réserve le droit de liquider l’astreinte.
– Condamné la société OCE à payer à Monsieur [Z] la somme de 1 500 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– Débouté Monsieur [Z] du surplus de ses demandes.
– Débouté la société OCE de ses autres demandes.
– Ordonné l’exécution provisoire du jugement.
– Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la citation, celles à caractère indemnitaire à compter du prononcé du jugement.
– Ordonné le versement par la société OCE à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à Monsieur [Z] dans la limite de six mois d’indemnisation.
– Condamné la société OCE aux dépens y compris ceux éventuels d’exécution du jugement.
***
M. [Z] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 17 octobre 2019.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 08 février 2021, M. [Z] demande à la cour d’appel d’infirmer le jugement entrepris et de:
– Dire et juger les parties liées par un contrat de travail à temps partiel de 24 heures hebdomadaires.
– Condamner en conséquence la société Ouest concept et enseignement à lui payer :
– 24 254,50 euros de rappel de salaires au titre de l’année 2014/2015,
– 24 254,50 euros de rappel de salaires au titre de l’année 2015/2016,
– 25 320,42 euros de rappel de salaires au titre de l’année 2016/2017.
– 6 472,12 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 647,21 euros de congés payés afférents
– subsidiairement 2 151,16 euros outre 215,12 euros de congés payés afférents,
– 5 177,70 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ou subsidiairement 1 720,93 euros,
– 19 416,36 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou subsidiairement 8 604,64 euros,
– 19 416,36 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé, ou subsidiairement 6 453,48 euros ;
– Condamner la société OCE à délivrer sous astreinte de 50 euros par jour de retard, les bulletins de salaire, le certificat de travail et l’attestation Pôle Emploi régulièrement libellés,
– Confirmer pour le surplus la décision entreprise,
– Condamner la société OCE au paiement d’une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
– Condamner la société OCE aux entiers dépens, y compris ceux éventuels d’exécution.
M. [Z] fait valoir en substance que:
– C’est la question de fond (l’existence d’un contrat de travail) qui détermine la compétence ; le conseil de prud’hommes était compétent pour statuer ;
– Il n’a pas refusé de signer un contrat de travail mais il a refusé les conditions financières prévues par l’employeur qui imposaient une diminution de près de moitié de sa rémunération ; il justifie d’un intérêt à agir;
– Depuis le mois de novembre 2009, il a travaillé pour un donneur d’ordre unique à qui il a facturé des prestations à l’heure, selon des plannings élaborés par l’école, avec les matériels et équipements fournis par celle-ci, devant respecter des instructions pour les programmes et les cours, participant aux réunions et étant intégré dans un service organisé; il est démontré un lien de subordination ; il tirait l’essentiel de ses ressources de son travail pour la société OCE ;
– La cour d’appel de Rennes a statué dans un cas similaire le 14 janvier 2021 pour reconnaître l’existence d’un contrat de travail ; la cour d’appel de Colmar également le 3 octobre 2013, le pourvoi formé contre cet arrêt ayant été rejeté le 18 mars 2015 par la cour de cassation ;
– Il n’existait aucune différence entre les intervenants salariés et les autres qui étaient soumis aux mêmes contingences ; (respect des plannings et emplois du temps, convocation aux jurys d’examen, réunions pédagogiques, réunions parents-professeurs, journées portes ouvertes, remplissage des bulletins de notes, contrôle des absences, contrôle du respect de la discipline) ;
– Il est en droit de demander un rappel de salaire sur les trois années précédant la rupture, sur la base de la convention collective nationale des organismes de formation; la durée minimale de 24 heures par semaine est applicable ;
– La rupture du contrat de travail intervenue en dehors de toute procédure, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– La société OCE a consciemment organisé une relation de travail sans déclaration préalable à l’embauche et sans délivrance d’un bulletin de salaire, ce qui caractérise l’élément intentionnel d’un travail dissimulé.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 22 septembre 2022, la SAS Ouest concept et enseignement demande à la cour de:
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a:
– Jugé que le début de la relation de travail se situe au mois de janvier 2010 ;
– Jugé que M. [Z] n’est soumis à aucune durée minimale de travail à temps partiel et l’a débouté de ses demandes de rappels de salaires et congés payés à ce titre
– Jugé que la rupture est intervenue le 25 septembre 2017
– Jugé que M. [Z] ne justifie d’aucun préjudice afférent à la rupture de la relation de travail
– Jugé que M. [Z] ne rapporte pas la preuve de la dissimulation intentionnelle de son emploi et l’a débouté de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé;
– Infirmer pour le surplus le jugement entrepris ;
– Dire que le conseil de prud’hommes de Rennes n’était pas compétent pour connaître du litige et renvoyer le litige devant le tribunal de grande instance de Rennes (sic) ;
Sur le fond, déclarer irrecevable l’ensemble des demandes de M. [Z] faute d’intérêt à agir ;
Subsidiairement,
– Dire et juger que M. [Z] n’avait pas la qualité de salarié et le débouter de toutes ses demandes ;
Très subsidiairement,
– Dire et juger que la convention collective nationale des organismes de formation n’est pas applicable à la société OCE ;
– Dire et juger que la rupture la relation de travail n’est pas imputable à la société OCE ;
– Débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes ;
En tout état de cause:
– Condamner M. [Z] à payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– Condamner M. [Z] aux dépens.
La société OCE fait valoir en substance que:
– En l’absence de contrat de travail, le conseil de prud’hommes n’était pas compétent pour statuer ; il appartient dès lors à la cour de ‘renvoyer l’affaire au tribunal de grande instance de Rennes, la société étant établie à Rennes’ (sic) ;
– M. [Z] revendique la qualité de salarié alors qu’il a refusé de bénéficier de cette qualité en refusant de signer le contrat de travail qui lui a été proposé le 26 juin 2017; il n’a donc pas d’intérêt légitime à agir ;
– La charge de la preuve de l’existence d’un contrat de travail repose sur M. [Z] ; ce dernier étant immatriculé en qualité de travailleur indépendant est présumé ne pas être lié à la société OCE par un contrat de travail ;
– Les plannings étaient établis en fonction des disponibilités de l’intervenant qui proposait librement ses services pour assurer certains remplacements et présentations lorsqu’il était disponible et gérait lui-même ses absences ; il était totalement libre de l’organisation de ses cours ; il n’était pas convoqué mais seulement convié à des réunions d’information ou à des jurys d’examens ; il n’est démontré aucune directive donnée par un employeur ; M. [Z] n’a jamais été sanctionné ; l’intégration à un service organisé n’est qu’un indice qui ne se suffit pas à lui-même pour démontrer l’existence d’un lien de subordination ;
– La comparaison avec la situation des salariés ne permet pas de caractériser l’existence d’un contrat de travail avec un travailleur indépendant ;
– Il n’était pas tenu d’appliquer le guide à l’usage des intervenants, qui n’a aucune valeur contraignante ;
– La convention collective nationale des organismes de formation n’est pas applicable; l’activité principale de la société OCE est l’enseignement en cours privés d’étalage, photographie, stylisme, modélisme et décoration d’intérieur ; ces activités ne sont pas visées dans l’article relatif au champ d’application de la convention collective ; le code APE 8559B ne correspond pas aux organismes de formation ; les dispositions dont se prévaut M. [Z] sont des dispositions non étendues ;
– Les contrats de travail à temps partiel conclus avant le 1er janvier 2014 ne sont pas tenus de respecter une durée minimale de 24 heures par semaine ; M. [Z] ne travaillait pas à temps complet ; il se voyait remettre à chaque rentrée scolaire un planning annuel sur lequel figurent les heures de cours qui établissent son temps de travail partiel ; M. [Z] ne conteste pas avoir été payé des montants qu’il a lui-même facturés, qui correspondent aux heures réellement travaillées ;
il n’est pas fondé à revendiquer un salaire horaire de 43,26 euros alors que le taux proposé de 22,50 euros correspond au minima conventionnel pour les enseignants;
– M. [Z] ne justifie pas d’une rupture unilatérale à l’initiative de la société OCE; c’est lui qui n’a pas donné suite à la proposition de contrat de travail à durée indéterminée transmise la société et ne s’est plus présenté à son poste ;
– Le salaire de référence revendiqué par M. [Z] ne correspond à aucune réalité puisque si l’on applique, comme il le revendique, la convention collective nationale de la formation, le taux horaire est de 15,45 euros pour un technicien/agent de maîtrise niveau E ; les demandes de M. [Z] sont toutes formées sur la base d’un taux horaire fantaisiste et seul le taux horaire de 22,50 euros doit être retenu ;
– Il n’est démontré aucune intention de dissimulation d’emploi ;
– Il n’est justifié d’aucune prise en charge par Pôle emploi et il n’y a donc pas lieu de condamner l’employeur de ce chef.
***
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 27 septembre 2022 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 31 octobre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur la compétence de la juridiction prud’homale:
En vertu de l’article L1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient.
Le conseil de prud’hommes est compétent pour statuer sur l’existence d’un contrat de travail et il lui appartient à ce titre, dans le cas où il n’existe pas de contrat de travail apparent, de rechercher si la partie qui revendique l’existence d’un tel contrat, exerce ses fonctions sous l’autorité et le contrôle d’un employeur ayant un pouvoir de contrôle et de sanction, pour qualifier de contrat de travail la relation contractuelle qui lie les parties.
En l’espèce, M. [Z] fonde l’intégralité de ses prétentions sur l’existence revendiquée d’un contrat de travail le liant à la société OCE et remet précisément en cause l’apparence de la relation contractuelle, telle qu’elle résulte de la facturation de prestations d’enseignement.
La société OCE conteste pour sa part la réalité d’un tel contrat de travail sur lequel le salarié fonde ses demandes.
La question soumise à la juridiction prud’homale étant relative à l’existence d’un contrat de travail relève donc pleinement de sa compétence ratione materiae, l’argumentation de l’employeur trouvant d’ailleurs sa propre contradiction lorsqu’il affirme, en page 8 de ses écritures que ‘M. [Z] n’apporte aucun élément prouvant l’existence d’un lien de subordination, alors que la charge de la preuve pèse exclusivement sur l’appelant’, ce dont il se déduit que la question posée est bien une question de fond qu’il revient à la seule juridiction prud’homale de trancher.
Surabondamment et alors qu’en application des dispositions de l’article 75 du code de procédure civile, il incombe à la partie qui soulève une exception d’incompétence de faire connaître devant quelle juridiction elle demande que l’affaire soit portée, il ne peut qu’être constaté que la société OCE demande dans ses conclusions signifiées le 22 septembre 2022 le renvoi devant le tribunal de grande instance de Rennes, juridiction supprimée par la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 et remplacée depuis le 1er janvier 2019 par le tribunal judiciaire.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société OCE et s’est déclaré compétent pour statuer.
2- Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir:
En vertu de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Le conseil de prud’hommes a omis de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la société OCE, tirée du défaut d’intérêt à agir qu’elle oppose à M. [Z].
La société OCE soutient à cet égard que M. [Z] a expressément refusé de signer le contrat de travail qui lui a été soumis, de telle sorte qu’il ne peut pas solliciter le juge pour se voir reconnaître un droit qu’il a lui-même refusé.
Cette affirmation est toutefois formellement contredite par les termes du courrier adressé le 29 août 2017 par l’employeur en réponse au courrier du salarié du 16 août 2017, dans lequel il est indiqué:
‘(…) Par courrier recommandé avec accusé de réception du 26 juillet 2017 que nous avons reçu le 16 août 2017, sans vous référer à ces entretiens, vous confirmez votre accord sur le principe d’un C.D.I. mais vous proposez un taux horaire de 43,26 € brut (…)’.
Il est constant que M. [Z] s’est vu proposer la conclusion d’un contrat de travail moyennant un taux horaire de rémunération de 22,50 euros qu’il a entendu contester et qu’il estime avoir été lié dès l’origine des relations contractuelles avec la société OCE par un contrat de travail, l’intéressé justifiant donc d’un intérêt à agir contre la dite société qui conteste l’existence même d’un tel contrat de travail.
La fin de non-recevoir soulevée par la société OCE doit donc être rejetée.
3- Sur la demande relative à l’existence d’un contrat de travail:
En vertu de l’article L8221-6-I du code du travail, sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales (…).
Le paragraphe II de ce même article dispose que l’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.
Il est constant que le lien de subordination juridique est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Il y a contrat de travail lorsqu’une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la subordination d’une autre, moyennant rémunération.
La société OCE verse aux débats un extrait du site ‘Société.com’ dont il résulte qu’à la date du 7 décembre 2018 M. [Z] était immatriculé au registre du commerce et des sociétés sous la rubrique ‘affaire personnelle personne physique’ depuis le 1er novembre 1999 dans le domaine suivant: ‘Création artistique relevant des arts plastiques’ – code NAF 9003A.
Une telle situation juridique entraîne une présomption d’absence de contrat de travail avec le donneur d’ordre, conformément aux dispositions précitées de l’article L8226-6-I du code du travail.
Pour renverser cette présomption, M. [Z] se prévaut de ce qu’il a travaillé depuis le mois de novembre 2009 pour un unique donneur d’ordre, la société OCE, à qui il a facturé des prestations en se conformant aux plannings établis par l’école et en travaillant avec les matériels et équipements fournis par l’école.
Il ajoute qu’il devait respecter les instructions qui lui étaient données pour les programmes et les cours et qu’il devait participer à des réunions, étant intégré dans un service organisé.
M. [Z] produit les plannings qui lui ont été remis par la société OCE pour les années 2014 à 2017, sur lesquels figurent pour chaque mois le nombre d’heures de cours devant être dispensés ainsi que, identifiées par différents codes couleurs, différentes tâches programmées telles que réunions de rentrée pour les enseignants, réunions bilans, commissions pédagogiques.
Les cours de M. [Z] étant dispensés principalement le lundi et le vendredi, il est versé aux débats des tableaux pour les années scolaires considérées, qui fixent la localisation des cours à l’intérieur de l’établissement.
Il doit ici être relevé que ces documents ont une fréquence annuelle, que rien n’établit qu’ils n’aient pas été élaborés en fonction des disponibilités de l’intervenant et qu’il n’est pas justifié de modifications de planning mises en oeuvre en cours d’année par la société OCE sans l’aval de l’intervenant.
Une note relative aux modalités de l’examen de passage de 1ère et seconde année en spécialité ‘photographie’ n’est pas plus probante, la participation de M. [Z] à un jury d’examen s’inscrivant non pas dans le cadre d’une directive inhérente à une relation de travail subordonnée, mais d’une composante de la prestation globale qu’il facturait à l’établissement.
L’appelant produit encore un courrier daté du 5 septembre 2016, dans lequel la directrice pédagogique de l’établissement demande à l’ensemble des membres du corps enseignant de remettre au plus tard pour le 19 octobre un programme pédagogique et de remettre les sujets d’examen finalisés au plus tard pour le 1er mars, avant validation par la direction de la société, une réunion de travail étant fixée au mois de décembre précédent pour réfléchir aux sujets d’examen.
M. [Z] justifie également de la programmation par la direction de l’établissement de commissions pédagogiques auxquelles il était convoqué à dates fixes et selon des horaires déterminés.
La fixation de dates de réunions et de consignes générales et impersonnelles dans des termes qui ne révèlent ni un quelconque caractère comminatoire, ni la manifestation d’un pouvoir de direction sur la personne de l’intervenant, s’inscrit dans le cadre habituel du fonctionnement d’un établissement d’enseignement et il ne résulte pas du document susvisé, qui apparaît d’ailleurs isolé, une quelconque contrainte s’imposant à M. [Z].
L’appelant produit encore un document intitulé ‘Le guide MJM Graphic Design à l’usage des intervenants’ qui contient une définition des tâches des différents acteurs de l’établissement (direction générale, direction pédagogique, coordinateur de formation, intervenant professionnel, secrétariat et service informatique), une charte de l’intervenant, des informations sur la notation et les examens ainsi qu’un règlement de l’intervenant.
Au-delà des intitulés de chapitre, le contenu de ce document ne contient que des informations à caractère général sur le fonctionnement de l’établissement, les règles relatives à la discipline des élèves et au suivi de leur formation ainsi que de leur notation, la seule consigne donnée au formateur étant celle de l’absence de validation d’un acquis en cas de note inférieure à 12/20.
L’affirmation selon laquelle ce guide ne distingue pas selon le statut des intervenants et caractérise l’existence d’un lien de subordination ne se vérifie nullement à sa lecture, puisque s’il témoigne de l’existence d’un service éducatif organisé au sein duquel les intervenants doivent respecter une charte éducative et pédagogique, il ne contient aucun élément de nature à mettre en évidence une relation de subordination juridique et ne révèle notamment aucun pouvoir de sanction de la société OCE à l’égard des dits intervenants.
Plus généralement, en vain recherchera t’on dans les pièces produites par M. [Z] des éléments objectifs et pertinents de nature à établir que l’intéressé ait exercé son activité selon des ordres et directives précises de la société OCE, qui aurait contrôlé leur exécution et aurait sanctionné les éventuels manquements commis.
Si M. [Z] établit par la production de factures, avis d’imposition et d’un décompte pour la période 2014-2017, le fait d’avoir tiré une part importante de ses revenus déclarés en bénéfices non commerciaux (BNC) des prestations facturées à la société OCE, soit de l’ordre de 70 % des BNC déclarés entre 2014 et 2017, ce seul élément d’ordre économique est impropre à caractériser un lien de subordination juridique caractéristique de l’existence d’un contrat de travail.
Au résultat de l’ensemble de ces éléments, faute pour M. [Z] de renverser utilement la présomption d’absence de contrat de travail avec un donneur d’ordre, telle qu’elle résulte de son statut et des dispositions précitées de l’article L8226-6-I du code du travail, il doit être débouté de sa demande de requalification de la relation de travail ayant existé avec la société OCE en contrat de travail à temps partiel et de toutes ses demandes subséquentes qui dérivent de l’existence d’un tel contrat de travail.
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé sur l’ensemble de ces chefs de demande.
4- Sur les dépens et frais irrépétibles:
En application de l’article 696, M. [Z], partie perdante, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
Il sera donc débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande de ne pas faire droit à la demande de la société OCE fondée sur les mêmes dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de M. [Z] ;
Confirme le jugement entrepris en ce que le conseil de prud’hommes s’est déclaré compétent pour statuer ;
Infirme pour le surplus le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
Déboute M. [Z] de toutes ses demandes ;
Déboute la société Ouest concept et enseignement de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [Z] aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier Le Conseiller pour le
Président empêché
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