Licenciement pour non port d’équipements de sécurité individuelle

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Licenciement pour non port d’équipements de sécurité individuelle

Extraits :
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/02404 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HZ3K

LR/EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORANGE

09 septembre 2020 RG :F 18/00217

E.U.R.L. MENUISERIE [E]

C/

[S]

Grosse délivrée

le

à

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 07 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ORANGE en date du 09 Septembre 2020, N°F 18/00217

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Leila REMILI, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

E.U.R.L. MENUISERIE [E]

[Adresse 3]

[Localité 5] / FRANCE

Représentée par Me Lisa MEFFRE de la SELARL SELARLU MG, avocat au barreau de CARPENTRAS

INTIMÉ :

Monsieur [B] [S]

né le 02 Septembre 1976 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Frédéric GAULT de la SELARL RIVIERE – GAULT ASSOCIES, avocat au barreau D’AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 03 novembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 07 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [B] [S] a été engagé à compter du 12 février 2008, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de magasinier, préparateur de chantier par l’EURL menuiserie [E].

Le 6 septembre 2018, un entretien s’est tenu entre employeur et salarié en vue d’une rupture conventionnelle mais qui n’a pas aboutie.

Le 4 octobre 2018, M. [B] [S] a été mis à pied à titre conservatoire par l’EURL menuiserie [E] et convoqué à un entretien préalable, fixé au 10 octobre.

Le 9 novembre 2018, M. [B] [S] a été licencié pour faute grave.

Par requête du 23 novembre 2018, M. [B] [S] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orange en contestation de son licenciement et en condamnation de l’EURL menuiserie [E] au paiement de diverses sommes indemnitaires.

Par jugement, en date du 9 septembre 2020, le conseil de prud’hommes d’Orange a :

– dit et jugé que le licenciement pour faute grave dont a fait l’objet M. [B] [S] est infondé. II ne repose pas davantage sur une cause réelle et sérieuse,

– condamné l’EURL menuiserie [E] à payer à M. [B] [S] les sommes suivantes :

– 15.023,30 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.713,13 euros à titre de rappel de salaire du 4 octobre au 9 novembre 2018,

– 171,31 euros au titre des congés payés y afférents,

– 3.004,66 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 300,45 euros à titre de congés payés sur préavis,

– 4.089,68 euros à titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 1.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté l’EURL menuiserie [E] de sa demande reconventionnelle,

– ordonné l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,

– condamné l’EURL menuiserie [E] aux entiers dépens.

Par acte du 29 septembre 2020, l’EURL menuiserie [E] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 27 octobre 2022, l’EURL menuiserie [E] demande à la cour de :

– infirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

– dire et juger que le licenciement de M. [B] [S] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– débouter M. [B] [S] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. [B] [S] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

L’EURL menuiserie [E] soutient que :

– le conseil de prud’hommes n’a pas respecté les règles de procédure civile, notamment le principe du contradictoire, argumentant sur l’obligation de sécurité de l’employeur qui n’était pas dans le débat.

– le licenciement pour faute grave est fondé, en raison de faits d’insubordination et d’indiscipline, d’absences fréquentes non justifiées, d’erreurs et négligences dans son travail et de manquements aux règles de sécurité mises en place dans l’entreprise. Concrètement, le salarié a refusé à plusieurs reprises d’effectuer les tâches lui incombant. Il a pris part à une réunion qui ne le concernait pas et en a perturbé le déroulement. Il s’est absenté pendant les heures de travail pour se rendre dans le garage voisin. Il a commis des erreurs grossières d’assemblage de produits et ne respectait pas les règles de sécurité, comme cela ressort d’une photographie qui ne résulte pas d’un « coup monté ».

Au termes de ces dernières écritures du 23 mars 2021, M. [B] [S] demande à la cour de :

-rejeter comme infondé l’ensemble des prétentions de l’EURL menuiserie [E] à voir réformer le jugement entrepris

-et y ajoutant,

-condamner l’EURL menuiserie [E] à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’intimé fait valoir qu’à son retour de congés, en septembre 2018, l’employeur a tenté de lui imposer une rupture conventionnelle afin de la pousser dehors mais suite à son refus, a multiplié les brimades et les pressions jusqu’à la mise à pied puis le licenciement.

Il conteste ensuite les griefs reprochés.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 6 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 3 novembre 2022 à 16 heures et a fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 17 novembre 2022.

MOTIFS

Sur le licenciement pour faute grave

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Le juge peut également, conformément aux dispositions de l’article 12 du code de procédure civile, requalifier le licenciement dans la mesure où le comportement reproché au salarié ne correspond pas à la qualification retenue par l’employeur.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l’employeur débiteur qui prétend en être libéré.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et c’est au regard des motifs qui y sont énoncés que s’apprécie le bien-fondé du licenciement.

Mais, si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 7 novembre 2018 est rédigée comme suit :

« (…) A plusieurs reprises, je vous ai fait savoir que je n’approuvais pas certains de vos comportements et vous n’avez pas tenu compte des 3 avertissements que je vous avez déjà donnés

-16 février 2015 : mauvaise préparation de chantier

-3 février 2017 : insubordination : refus de suivre les procédures et consignes. Erreurs de coupe.

-11 mai 2017 : refus de mettre le filet de protection sur la remorque et comportement moqueur.

Le vendredi 27 avril 2018, a été organisée dans nos locaux à [Localité 5], une réunion avec les commerciaux de la société SUN ET LUX, potentiel fournisseur, à laquelle je n’assistais pas puisque j’étais en vacances mais où me représentait mon fis [C] [E], par ailleurs chargé d’affaires.

Fin août 2018, j’ai contacté le représentant de la société SUN ET LUX pour lui dire que depuis la réunion du 27 avril 2018, il ne s’était plus manifesté et que je souhaitais connaître les raisons de son silence. Il m’a expliqué que ce jour-là, la réunion s’est mal passée du fait de votre comportement inadmissible à ses yeux, ce qui n’avait pas permis à la réunion d’arriver à son terme. Comme il ne m’en a pas dit plus, je me suis alors renseigné auprès de ceux qui étaient présents lors de cette réunion et c’est ainsi que j’ai appris que, alors que celle-ci venait de commencer, vous êtes venu pour assister [J] [Y], poseur, qui déchargeait son fourgon à proximité, sauf que votre comportement a été à ce point bruyant qu’il a perturbé la réunion.

Pour cette raison, [C] [E] a du vous demander d’aller plutôt vous préoccuper du rangement des colis de visserie qui venaient d’être livrés. Vous avez donc interrompu le déchargement mais au lieu d’aller ranger la visserie, vous vous êtes mêlé à la réunion alors que si vous n’y aviez pas été convié c’est parce qu’elle ne vous concernait pas (…).

C’est pourquoi [C] [E] a dû vous demander d’aller, comme il vous l’avait demandé, vous occuper de la visserie (…).

Vous vous êtes rendu dans le bureau de Madame [O], secrétaire comptable, pour l’interroger sur l’objet de la réunion et elle vous a confirmé qu’il s’agissait d’une réunion commerciale qui ne nécessitait pas votre présence.

Dès lors, vous vous êtes occupé du déballage des colis de visserie, sauf que vous avez effectué celui-ci dans l’atelier où se tenait la réunion et non dans la zone de stockage comme vous le faites habituellement. Une fois de plus vous vous êtes manifesté en faisant beaucoup de bruit tout en criant à voix forte « faut pas les déranger, ils sont en train de travailler ».

Vous avez ainsi, et tel était manifestement votre intention, perturbé une nouvelle fois la réunion ce qui a contraint [C] [E] à vous demander de cesser d’être aussi bruyant et tant que la réunion n’était pas finie de vous occuper du nettoyage d’une scie à panneaux se trouvant au fond de l’atelier, ce qui permettrait de vous éloigner du lieu de la réunion et à celle-ci de reprendre. En hurlant, vous lui avez répondu « je vais la nettoyer ta scie » tout en défiant [C] [E] par une attitude provocante.

Votre comportement n’a pas manqué de choquer les commerciaux de la société SUN ET LUX, à tel point que ceux-ci l’ont écourtée et ce avant que les négociations commerciales concernant les tarifs, les remises, etc, aient pu être abordées.

Alors que vous n’aviez fini ni le nettoyage de la scie, malgré le départ des commerciaux du fournisseur, ni le rangement des colis, vous êtes allé discuter avec les poseurs qui se trouvaient dehors.

Mon fils s’est trouvé en congés lorsque moi-même suis revenu des miens, et à son retour ne m’a pas fait part de cet incident, de telle sorte que c’est seulement fin août 2018 que j’ai eu connaissance de votre attitude.

Vous n’ignorez pas que mon fils est mon futur successeur lorsque je prendrai ma retraite et force m’est de constater que face à lui vous avez été arrogant et méprisant, qui plus en présence d’autres salariés et de commerciaux extérieurs à l’entreprise, ce qui m’a particulièrement déçu de votre part.

Le 28 août 2018, j’ai souhaité m’entretenir avec vous de ces faits que je venais de découvrir pour recueillir vos explications. Vous les avez reconnus (…).

Ce comportement a donné une image déplorable de la société, et c’était peut être le but que vous recherchiez, et ce à tel point qu’il a fallu que je me montre très convaincant à l’égard de la société SUN ET LUX pour qu’elle accepte, finalement, de reprendre les négociations.

Bien que je vous ai fait la remarque à plusieurs reprises, votre comportement, votre laxisme et d’insubordinations persistantes, malgré mes multiples observations, ne cessent de se dégrader.

En 2016 ont été mises en place des procédures de réception et de rangement dans les ateliers afin de ne plus oublier un colis, de dégager les allées et d’éviter des accidents ou casse de matériel, vous refuser de vous astreindre au suivi de ces procédures et c’est ainsi que :

-vous refuser de déplacer ou de dépalettiser les produits dès leur réception pour préparer chaque chantier sur un chariot spécifique à ce chantier en expliquant que vous n’avez jamais fait comme ça depuis 7 ans et qu’il n’y a pas de raison pour que ça change,

-vous ne respectez pas les emplacements de rangement et de stockage de la visserie et des petites fournitures et ce, malgré mes remarques,

-vous n’utilisez pas les EPI et lorsque je vous en fais la remarque, vous expliquez que vous ne savez pas où ils se trouvent, alors que chaque machine dispose d’un emplacement spécifique pour les EPI la concernant,

-vous refusez d’attacher avec des sangles les châssis sur les chariots, au risque qu’en cas de chute d’un châssis, un autre salarié soit blessé,

-vous refusez de nettoyer les machines car vous estimez cela dégradant, alors que les autres salariés le font,

-vous avez été surpris à plusieurs reprises, vous trouvant au garage du Brusquet, notre voisin, où vous vous renseigniez sur des voitures d’occasion durant vos heures de travail, et lorsqu’il vous en a été fait l’observation, vous avez répondu « tu vas pas me faire chier pour deux minutes d’absence » et je passe sous silence votre comportement quant à l’utilisation du fourgon de l’entreprise pendant vos heures de travail à des fins personnelles, les insultes que vous avez proférées à l’égard de mon fils devant notre apprenti.

Tout laisse à penser que vous mettez tout en oeuvre pour provoquer votre licenciement. (…)

Le 21 septembre 2018, j’ai constaté que vous étiez dans l’atelier en train de couper un panneau de contreplaqué sur une déligneuse et pas sur la scie à panneaux et ce, sans aucun équipement de protection individuel (ni visière pour la protection des yeux et du visage, ni casque pour la protection contre le bruit, ni masque à poussière, ni gants de protection) et ce bien que vous sachiez parfaitement l’obligation de porter ces équipements, que des pictogrammes se trouvant sur la machine, rappellent par ailleurs. Qui plus est, ce manquement est d’autant plus grave que la machine n’est pas du tout prévue pour la coupe de panneaux bois mais pour le délignage de profilés alu et PVC, raison pour laquelle elle n’est pas équipée d’un système d’aspiration de la poussière de bois. Vous ne pouvez ignorer cela, d’autant plus qu’une scie à panneaux de bois équipée d’un aspirateur est spécialement prévue pour la coupe de panneaux. Ce n’est pas la première fois que je vous signale cela, malgré tout, vous persistez dans vos errements.

(…) Nous mettons tout en oeuvre pour la sécurité de nos salariés et nous n’acceptons pas que vous vous mettiez ainsi en danger et ce d’autant plus que nous sommes responsables en cas d’accident. En ne portant pas les EPI mis à votre disposition vous méprisez tous les efforts produits par l’entreprise pour éviter les accidents.

Vous n’entretenez plus les machines ni les ateliers. Il y a de la poussière de bois partout avec un risque important d’incendie. (…) Des pièces ont été démontées sur la scie à panneaux (…). Je vous avez demandé de les remonter mais vous n’avez pas obéi à mes ordres.

Sur le panneau d’affichage, devant lequel tous les salariés passent plusieurs fois par jour, est placé le rappel des règles de sécurité que vous avez signé le 7 janvier 2016 et où il est précisé que : suivant la législation, le refus de porter les EPI peut entraîner le licenciement immédiat pour faute grave.

Depuis la rentrée votre comportement déjà laxiste ne cesse de se dégrader. Lorsque vous vous absentez vous ne me prévenez pas alors que vous avez mon numéro de téléphone. (Le mercredi 10 octobre 2018 vous m’avez envoyé un texto sur mon portable). Vous avez été absent sans justificatif 7 jours depuis le début de l’année 2018 : les 01/03, 02/03, 30/03, 11/09, 12/09, 26/09 et 03/10/2018.

Le mercredi 3 octobre 2018 vous étiez absent sans me prévenir et sans vous justifier. J’ai découvert notre nouvel apprenti [Z] [V] à la tronçonneuse sans port des EPI. Je lui ai ordonné de les porter et il m’a montré qu’il n’y avait aucun EPI aux emplacements prévus sur la machine. J’ai constaté le même défaut de non rangement des EPI à la scie à panneaux. Je vous en ai fait part le jeudi 4 octobre 2018 en vous prenant en photos devant les 2 machines et vous avez dit qu’il y avait un droit à l’image à respecter mais aucunes excuses pour ce non rangement des EPI. Vous mettez en danger la santé des autres utilisateurs de cette tronçonneuse.

Afin d’éviter les manipulations de matériels lourds, nous avons acquis des chariots sur roulettes pour des manipulations aisées des produits livrés et pour un rangement facilité des ateliers afin de dégager les allées. Le jeudi 4 octobre 2018, je vous ai montré les allées encombrées par des chariots que vous aviez déplacés mais pas rangés le mardi 2 octobre 2018. Il n’y a plus d’accès libre au coffret électrique, si les poseurs veulent accéder à l’étagère à joint ils doivent enjamber, avec des risques de chute, les chariots qui encombrent l’allée pourtant bien délimitée par des bandes de signalisation au sol.

(…) Vous faites des erreurs grossières de préparation de chantier lorsque vous assemblez en atelier des châssis entre eux comme c’est le cas pour votre dernière préparation référence [W]:

-oubli des joints d’étanchéité avant assemblage, ce qui était pourtant bien demandé sur la fiche de préparation de ce chantier. C’est une non-conformité à des directives explicites concernant les modalités d’exécution de la tâche que vous deviez accomplir,

-mauvais choix des vis d’assemblage ce qui a eu pour conséquence un assemblage qui n’a pas tenu, qui a lâché et qui n’était pas étanche. Nous en avons parlé le jeudi 4 octobre 2018 et vous ai remis contre décharge une mise à pied conservatoire et une convocation à un entretien préalable de licenciement pour le mercredi 10 octobre 2018 à 15h00. Après m’avoir remis cette convocation signée reçue en main propre, vous avez quitté les bureaux dans un état d’énervement et avez dit : « au revoir. Y’en a certain pour qui la politesse ça leur troue le cul » en visant votre collègue de travail [C] [E]. Vous avez repris votre véhicule et environ 1/2 heure après votre départ je constate 2 pneus percés par un couteau sur le véhicule Nissan de l’entreprise utilisé par [C] [E]. (Une plainte a été déposée en gendarmerie de [Localité 5]).

Le mercredi 10 octobre 2018 vous êtes arrivés à cet entretien avec 18 minutes de retard et étiez accompagné d’un conseillé de salarié M. [M] alors que vous ne m’aviez pas informé. J’aurais pu alors de mon côté me faire assister par un membre du personnel. Lors de cet entretien vous aviez une attitude agressives, M. [M] a du vous menacer de quitter cet entretien si vous ne vous calmiez pas. Vous ne m’avez donné aucunes excuses pour les faits évoqués et vous avez même nié la photo prise devant la déligneuse sans port d’EPI en affirmant que vous n’étiez pas en train de couper un panneau mais que vous le manipuliez!!!J’avais face à moi une personne de mauvaise foi qui ne cherchait pas à s’excuser ou à se justifier mais quelqu’un qui est dans le déni systématique. Vous n’avez pas montré un esprit d’entreprise.

Les désaccords reviennent souvent et altèrent définitivement les relations de travail.

Comme décrit ci-dessus, vous faites preuve d’insubordination, d’indiscipline, d’absences fréquentes non justifiées, d’erreurs et de négligences dans votre travail, vous manquez aux règles de sécurité mise en place dans l’entreprise.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise est impossible. »

Il convient d’analyser les griefs reprochés à M. [B] [S] au regard des justificatifs produits, en rappelant au préalable que les missions du magasinier préparateur exercées par lui étaient, selon la fiche de poste, les suivantes :

-Réceptionner les produits dans le magasin de stockage de l’entreprise,

– Contrôler la conformité avec le bon de livraison,

– Entreposer les fournitures à l’endroit adéquat (étagères etc.),

– Préparer et réunir les produits qui doivent être expédiés chez les clients,

– Manipuler les cartons et palettes grâce au transpalette, le diable, etc.

– Assurer la quantité et la conformité des produits réceptionnés et livrés,

– Transmettre un état des produits détériorés et du matériel défectueux ou manquant à son supérieur hiérarchique,

– Etiqueter des articles et des cartons,

– Assurer le bon sanglage des châssis sur palettes ou chariot pour éviter toute chute,

– Grouper les produits destinés à une commande,

– Conditionner ou emballer des produits suivant la fiche de préparation,

– Acheminer des colis en zone d’expédition,

– Aider au chargement sur les véhicules de transports, aider à la livraison si nécessaire,

– Entretenir et nettoyer le matériel, les machines et l’atelier,

– Signaler toute anomalie à son supérieur hiérarchique et laisser libres les allées à la circulation,

– Evacuer en déchetterie des déchets entreposés dans la remorque prévue à cet usage.

Il sera relevé par ailleurs que les attestations versées aux débats par l’employeur sont conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile et ne sauraient être écartées du seul fait qu’il existe un lien de subordination entre les témoins et l’EURL menuiserie [E], l’article 199 du code de procédure civile exigeant comme seule condition pour apprécier la qualité de l’auteur de l’attestation, la connaissance personnelle des faits.

– Sur le comportement de M. [B] [S] lors de la réunion commerciale du 27 avril 2018

Malgré les dénégations et explications fournies par le salarié et s’il n’est pas établi que son comportement est à l’origine de la perte du marché avec le fournisseur Sun & Lux, il ressort bien des attestations de M. [L] [T] et M. [H] [A], commerciaux de cette société mais également de M. [C] [E] qui, bien que fils de M. [P] [E] gérant de la société employeur, produit sur ce point une attestation très circonstanciée, que M. [B] [S] a eu une attitude volontairement provocatrice, perturbant la réunion en faisant du bruit et en criant.

Ce comportement inaproprié du salarié constitue bien une faute et c’est à tort que le conseil de prud’hommes a considéré que le grief n’était pas fondé en se livrant à des supputations sur l’utilité de la tenue d’une réunion dans l’atelier.

– Sur l’absence pendant les heures de travail pour se rendre au garage voisin ainsi que les absences fréquentes et non justifiées

L’employeur produit aux débats l’attestation de M. [I] [K], dirigeant du garage qui déclare : « Suite à la demande de M. [E], je confirme que M. [S] venait pendant les heures d’ouverture de mon garage (le matin ou l’après-midi) pour des devis de rénovation de véhicules. Ses visites étaient de 10 à 15 minutes ».

L’EURL menuiserie [E] fait également état d’absence fréquentes non justifiées et la lettre de licenciement mentionne que M. [B] [S] a été absent sans justificatif sept jours depuis le début de l’année 2018 (les 01/03, 02/03, 30/03, 11/09, 12/09, 26/09 et 03/10/2018).

L’appelant ne développe aucun argument sur les absences reprochées.

Ce grief est en conséquence fondé.

– Sur les erreurs grossières de préparation de chantier et d’assemblage en atelier des châssis (notamment la commande [W])

L’employeur reproche ici au salarié un oubli des joints d’étanchéité avant assemblage et un mauvais choix des vis d’assemblage ce qui a eu pour conséquence un assemblage qui n’a pas tenu, qui a lâché et qui n’était pas étanche.

M. [B] [S] reconnaît qu’il y a eu une difficulté dans la gestion du chantier [W] mais qui ne lui est pas imputable puisqu’il a constaté des non conformités en sortie d’usine.

Toutefois le salarié ne précise pas de quelles non conformités il pouvait s’agir alors que l’employeur produit des factures montrant que les ensembles menuiserie aluminium et les tubes aluminium provenaient de deux usines différentes, de sorte que manifestement les non conformités ne résultaient pas de la fabrication.

L’employeur explique ensuite que la tâche de M. [B] [S] consistait à assembler les tubes autour de chaque ensemble pour former un cadre qui permettrait la pose en façade de ces ensembles de forme rectangulaire devant des ouvertures maçonnées de forme irrégulière mais que l’assemblage des cadres en tube aluminium autour des menuiseries réalisé par le salarié n’était pas conforme aux usages et directives en ce que les joints d’étanchéité avaient été oubliés et les vis d’assemblage avaient été mal choisies.

M. [B] [S] indique ensuite avoir été conduit à effectuer une simulation de mise en place de tubes sur les portes coulissantes et que l’employeur a eu la malhonnêteté intellectuelle de considérer que cette pose, à la manière d’un test, était définitive et donc grossièrement insuffisante sur le plan esthétique.

Toutefois, alors que l’employeur reproche précisément au salarié d’avoir effectué un assemblage qui ne tenait pas et n’était pas étanche, le salarié prétend de manière contradictoire que les non conformités provenaient de la fabrication des éléments mais qu’il a procédé néanmoins à une simulation de mise en place de tubes sur les portes coulissantes.

La cour considère que ce grief est fondé.

– Sur le non respect de la législation en matière de protection et de sécurité au travail

Il est reproché ici au salarié de ne pas porter les équipements de protection individuelle (EPI), de ne pas les ranger auprès des machines concernées, de ne pas entretenir et nettoyer le matériel, les machines et l’atelier, mettant ainsi l’ensemble des salariés en danger.

Si effectivement le conseil de prud’hommes, examinant la photographie de M. [B] [S] devant une machine sans tenue, ni casque, ni gants, s’est livré à une analyse, hors du débat contradictoire, de la sécurité et des non conformités de cette machine, il reste qu’il n’est pas possible de savoir si ladite photographie correspond à M. [B] [S] en situation de travail effectif ou si l’employeur lui avait demandé de « prendre la pose ».

Toutefois, l’intimée produit l’attestation de Mme [G] [O], secrétaire comptable qui déclare :

« A peu près fin septembre début octobre 2018, j’avais signalé à Monsieur [E] que l’allée de circulation dans l’atelier vers les sanitaires était recouverte d’une couche de poussière de bois qui pouvait la rendre glissante qu’il y avait un risque de chute pour les personnes se rendant aux sanitaires et peut-être un risque d’incendie.

Monsieur [E] avait demandé à [B] [S] de nettoyer et de vérifier l’aspirateur de la scie à panneaux. »

M. [B] [S] qui n’explique pas comment il effectuait le ménage de l’atelier se contente ici d’indiquer que la présence au sol de poussière de bois était due à l’absence d’un système d’aspiration automatique de poussière sur la déligneuse alors que justement l’employeur lui reprochait d’utiliser celle-ci au lieu de la scie à panneau verticale qui disposait d’un aspirateur.

M. [Z] [V], apprenti de la société atteste encore :

« Je suis en apprentissage chez Menuiserie [E].

Le mercredi 3 octobre 2018 M. [E] m’a vu utilisé la tronçonneuse alu sans visière ni casque. Je coupais une cornière alu pour un chantier. Il m’a dit que le port d’EPI était obligatoire. Je lui ai montré qu’il n’y avait pas de protection sur la machine ni sur la scie à panneaux car [B] ne l’aurait pas rangé. On les a retrouvés dans l’atelier »

Il ressort de ces éléments et en tous les cas au début du mois d’octobre 2018, qu’il pouvait être reproché à M. [B] [S] de ne pas avoir correctement nettoyé l’atelier et de ne pas avoir rangé les équipements de protection individuelle, contrairement à ses attributions contractuelles et aux règles de sécurité.

Par ailleurs, si les autres griefs mentionnés dans la lettre de licenciement ne sont pas suffisamment démontrés (ainsi notamment la crevaison de pneus), en revanche M. [B] [S] avait bien antérieurement été averti à trois reprises, les 16 février 2015, 3 février 2017 et 11 mai 2017 et n’avait pas contesté les sanctions qui concernaient :

-une mauvaise préparation de chantiers

-un refus de ranger du matériel

– une mauvaise coupe de tube

– un refus de suivre la procédure de vérification du matériel reçu

– l’absence de pose, malgré les consignes, d’un filet de protection sur la remorque de déchets risquant par grand vent d’entraîner la perte de plastiques sur le trajet.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour considère que si l’employeur ne justifie pas de manquements suffisamment graves légitimant la mise à pied et le licenciement sans indemnités, en revanche, les manquements précédents retenus (comportement inaproprié lors d’une réunion commerciale, absences répétées, mauvaise préparation de chantier, non respect de missions ayant une incidence sur la sécurité au travail) constituent néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.

S’il pouvait y avoir un conflit entre M. [B] [S] et le fils de l’employeur, également salarié de l’entreprise et futur successeur de son père à la tête de l’entreprise, le conseil de prud’hommes s’est manifestement fondé ici sur des impressions d’audience. Quant à l’initiative de la rupture conventionnelle, elle émane manifestement de M. [B] [S] au regard de son courrier manuscrit et signé le 30 août 2018 et il n’est nullement démontré que l’employeur cherchait sans motifs à se débarrasser de son salarié avant la passation future de l’entreprise du père au fils.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a considéré que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences indemnitaires

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a octroyé des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En revanche, il sera confirmé en ce qu’il a justement alloué :

-1713,13 euros à titre de rappel de salaire du 4 octobre au 9 novembre 2018

– 171,31 euros de congés payés afférents

– 3004,66 euros d’indemnité compensatrice de préavis

– 300,45 euros à titre de congés payés sur préavis

– 4089,68 euros d’indemnité légale de licenciement.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens mais infirmé s’agissant des frais irrépétibles.

Chaque partie conservera ses dépens d’appel et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

-Confirme le jugement rendu le 9 septembre 2020 par le conseil de prud’hommes d’Orange en ce qu’il a :

– condamné l’EURL menuiserie [E] à payer à M. [B] [S] les sommes suivantes :

– 1713,13 euros à titre de rappel de salaire du 4 octobre au 9 novembre 2018,

– 171,31 euros au titre des congés payés y afférents,

– 3004,66 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 300,45 euros à titre de congés payés sur préavis,

– 4089,68 euros à titre de l’indemnité légale de licenciement,

– débouté l’EURL menuiserie [E] de sa demande reconventionnelle,

– ordonné l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,

– condamné l’EURL menuiserie [E] aux dépens.

-L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

-Dit que le licenciement de M. [B] [S] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– Déboute M. [B] [S] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Rejette le surplus des demandes,

– Dit que chaque partie conservera ses dépens d’appel.

Arrêt signé par le président et par la greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


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