Salarié filmé en faute : légal sous conditions
Salarié filmé en faute : légal sous conditions
Ce point juridique est utile ?

L’information préalable du salarié ne se justifie pas lorsque le système de vidéosurveillance mis en place n’est pas  destiné à contrôler l’activité des salariés mais à assurer la sécurité d’un commerce. L’extraction d’images de ce système pour établir la faute du salarié est légale. Par ailleurs, l’illicéité de la preuve au regard notamment de l’absence de justification d’une déclaration préfectorale n’a pas pour conséquence son exclusion des débats. 

 

Photographies extraites d’un enregistrement vidéo

 

M. [P] [V] sollicite le rejet de pièces adverses qu’il considère illicites, à savoir trois photographies extraites d’un enregistrement vidéo ainsi que des attestations interprétant ces images et subsidiairement lui ordonner de conclure au fond sur les preuves litigieuses.

Il fait valoir que l’enregistrement des images du parking, accessible et ouvert au public, par le commerce exploitant la friperie est illégal en ce que le système de vidéoprotection installé n’est pas conforme aux dispositions des articles L. 251-3 et suivants du code de la sécurité intérieure, notamment en l’absence d’autorisation par la préfecture.

Il indique qu’en tout état de cause, n’étant pas au titre des personnes habilitées à accéder à ces images, fussent-elles enregistrées légalement, leur visionnage par l’employeur et des collègues est illicite et à fortiori, la transmission des enregistrements vidéo sur clé USB.

M. [P] [V] fait valoir également qu’il n’a pas été informé de l’existence d’un système de vidéosurveillance et soulève l’irrecevabilité au regard du droit à un procès équitable et au principe de l’égalité des armes, dans la mesure où il n’a pas pu visionner l’enregistrement remis ensuite à l’officier de police judiciaire dans le cadre de la plainte déposée.

 

L’illicéité de la preuve

Tous ces arguments n’ont pas été retenu. La juridiction a rappelé que l’illicéité de la preuve au regard notamment de l’absence de justification d’une déclaration préfectorale n’a pas pour conséquence son exclusion des débats, de sorte que le conseil de prud’hommes qui a relevé que l’employeur n’apportait aucun élément de preuve licite, devait rechercher si l’utilisation de la preuve illicite a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle du salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

 

Faute grave du salarié 

Il est reproché au salarié d’avoir crevé le pneu de la voiture d’une collègue, de sorte que la production d’images de vidéosurveillance du parking et d’attestations relatant le contenu de celle-ci est indispensable à l’employeur pour établir l’existence d’une faute grave.

 

Principe du contradictoire 

Par ailleurs, le salarié a pu s’expliquer sur le contenu des images puisqu’elles ont été remises au commissariat de police , une enquête ayant été ouverte le 31 janvier 2019 au cours de laquelle le salarié a été entendu. Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que l’atteinte portée au respect de la vie personnelle du salarié n’est pas disproportionnée au but poursuivi.

*      *      *

Cour d’appel de Nîmes, 5ème chambre sociale PH, 17 janvier 2023, 20/02397

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/02397 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HZ2W

LR/EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ALES

11 septembre 2020 RG :19/00095

Association [6]

C/

[V]

Grosse délivrée

le

à

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 17 JANVIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ALES en date du 11 Septembre 2020, N°19/00095

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Leila REMILI, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 03 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 17 Janvier 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

Association [6] Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Patrick LANOY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉ :

Monsieur [P] [V]

né le 17 Mai 1979 à [Localité 8]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Stephanie FALZONE-SOLER de la SELAS CIRCE, avocat au barreau d’AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 20 Octobre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 17 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

20 02397 association Mecs [6]/ M. [P] [V]

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [P] [V] a été engagé par l’association Mecs [6] à compter du 3 septembre 2018 suivant contrat de travail à durée déterminée en qualité de moniteur éducateur.

Par avenant du 26 octobre 2018, la durée du contrat de travail à durée déterminée était prolongée.

Par avenant prenant effet à compter du 15 novembre 2018, un second contrat de travail à durée déterminée était proposé à M. [V].

Le 1er février 2019, M. [V] était convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé le 8 février 2019.

Par courrier du 14 février 2019, il était licencié pour faute grave aux motifs suivants :

– utilisation du véhicule de l’association sans autorisation pour se rendre à [Localité 5],

– détérioration volontaire du véhicule personnel d’une collègue de travail pendant son temps de travail (crevaison d’un pneumatique).

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 11 octobre 2019, M. [V] saisissait le conseil de prud’hommes d’Alès en requalification de la relation de travail en durée indéterminée, en paiement d’indemnités de rupture et de diverses sommes, lequel, par jugement contradictoire du 11 septembre 2020, a :

– débouté M. [P] [V] de sa demande en paiement de rappels de salaire sur heures supplémentaires, de sa demande d’indemnité au titre des congés payés y afférents et de sa demande de dommages et intérêts pour dissimulation d’emploi salarié,

– dit et jugé que la résiliation du contrat de travail à durée déterminée de M. [P] [V] est abusive,

– condamné l’association [6], en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à M. [P] [V] les sommes de :

‘ 2.654,36 euros bruts à titre d’indemnité de fin de contrat,

‘ 985,86 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

‘ 98,58 euros bruts à titre d’indemnité de fin de contrat,

‘ 5.915,19 euros nets correspondant à 3 mois de salaires (3 X 1 971,73 euros) à titre de dommages et intérêts pour résiliation abusive du contrat de travail à durée déterminée,

‘ 1.971,73 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire et atteinte à l’image correspondant à 1 mois de salaire brut,

– condamné l’association [6], en la personne de son représentant légal en exercice, à délivrer à M. [P] [V] un certificat de travail, un solde de tout compte, une attestation Pôle Emploi et ce, sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification du jugement,

– s’est réservé le droit de liquider l’astreinte,

– dit qu’il n’y a pas lieu de prononcer l’exécution provisoire

– condamné l’association [6], en la personne de son représentant en exercice, à payer à M. [P] [V] la somme de 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté l’association [6], en la personne de son représentant en exercice, de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l’association [6] aux entiers dépens, y compris ceux éventuellement nécessaires à l’exécution de la présente décision par huissier de justice.

Par acte du 28 septembre 2020, l’association Mecs [6] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions du 18 octobre 2022, l’association Mecs [6] demande à la cour de :

– réformer le jugement attaqué en ce qu’il a :

* jugé que la résiliation du contrat de travail à durée déterminée est abusive ;

* a condamné à régler à M. [V] les sommes suivantes :

° 2.654,36 euros bruts à titre d’indemnité de fin de contrat,

° 985,86 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

° 98,58 euros bruts à titre d’indemnité de fin de contrat,

° 5.915,19 euros nets correspondant à 3 mois de salaires (3 X 1 971,73 euros) à titre de dommages et intérêts pour résiliation abusive du contrat de travail à durée déterminée,

° 1.971,73 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire et atteinte à l’image correspondant à 1 mois de salaire brut,

* a condamné à délivrer à M. [V] un certificat de travail, un solde de tout compte, une attestation Pôle Emploi sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification du présent jugement ;

* a condamné à payer à M. [V] la somme de 900 euros au titre de l’article 700 du

code de procédure civile ;

* a condamné aux entiers dépens du litige.

– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a :

* débouté M. [V] de sa demande en paiement de rappels de salaire sur heures supplémentaires, de sa demande d’indemnité au titre des congés payés y afférents et de sa demande de dommages et intérêts pour dissimulation d’emploi salarié,

En conséquence,

– juger que M. [V] n’apporte pas la preuve suffisante de l’accomplissement d’heures supplémentaires ;

– juger que M. [V] ne démontre pas l’intention de l’employeur de dissimuler l’accomplissement d’heures de travail ;

– juger que les griefs reprochés à M. [V] caractérisent une faute grave, rendant impossible son maintien dans l’association ;

– juger que la rupture du contrat de travail de M. [V] est justifiée ;

– débouter M. [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et moyens.

A titre reconventionnel :

– condamner M. [V] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner M. [V] aux entiers dépens.

Elle soutient que :

-M. [V] n’apporte pas la preuve suffisante de l’accomplissement des heures supplémentaires alors qu’il existait une procédure applicable en interne.

– il n’y a donc pas de travail dissimulé et aucune preuve de l’intention de dissimulation n’est rapportée.

– le licenciement pour faute grave est justifié.

– le salarié a tout d’abord utilisé le véhicule de l’association sans autorisation pour un déplacement personnel, hors du département du Gard, à [Localité 5]; il avait simplement informé son chef de service de l’utilisation du véhicule pour faire un déménagement dans le Gard.

– il a ensuite crevé le pneumatique du véhicule d’une autre salariée, ce qui ressort d’images de videosurveillance d’un commerce qui donne sur le parking privé de la copropriété, images qui ne sont nullement illicites puisque ne concernant pas un espace public.

– le visionnage des images prises pendant son temps de travail n’est pas constitutif d’une atteinte au droit à l’image.

– en tout état de cause, la procédure judiciaire a abouti à la reconnaissance des faits et au classement par le parquet, M. [V] ayant accepté de dédommager la salariée victime.

– la procédure de licenciement pour faute grave était parfaitement justifiée et nullement vexatoire.

En l’état de ses dernières écritures du 19 octobre 2022, contenant appel incident, M. [P] [V] demande à la cour de :

– recevoir l’association ‘uvre de la Miséricorde en son appel

Avant dire droit,

– ordonner le rejet des pièces 15-16-17-18-20 au vu de leur caractère illicite et subsidiairement lui ordonner de conclure au fond sur les preuves litigieuses.

Et statuant à nouveau,

– confirmer le jugement sauf à modifier le quantum

– juger qu’en absence de faute grave, la résiliation de son contrat à durée déterminée est abusive,

– condamner l’employeur au paiement des sommes suivantes :

* 2.654,36 euros bruts à titre d’indemnité de fin de contrat (article L 1243-4 du code du travail)

* 985,86 euros bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire outre la somme de 98,58 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 21.689,05 euros nets à titre de dommages-intérêts pour résiliation abusive du contrat à durée déterminée (11 mois de salaires bruts),

* 3.943,46 euros nets (correspondant à peine à deux mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour rupture vexatoire et atteinte à l’image.

– le recevoir en son appel incident

Et statuant à nouveau,

– réformer le jugement

– condamner l’association ‘uvre de la Miséricorde au paiement des sommes suivantes :

* 587,81 euros brut à titre de rappels de salaires sur heures supplémentaires, outre la somme de 58,78 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

* 11.830,38 euros à titre de dommages-intérêts pour dissimulation d’emploi salarié (1971,73 euros brut X 6 mois).

En tout état de cause,

– condamner l’employeur aux entiers dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner la rectification des bulletins de salaires et documents sociaux de fin de contrat sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir.

L’intimé fait valoir que :

-Les preuves provenant d’enregistrements issus d’un système de vidéosurveillance d’un endroit accessible au public sans que, d’une part ce système ait été autorisé par la préfecture et qui d’autre part, ont été obtenues illégalement par complicité du délit de transmission à un tiers non habilité, sont irrecevables et doivent être rejetées.

– Sont manifestement irrecevables les attestations des personnes relatant le contenu des vidéos illégalement obtenues et visionnées.

– S’agissant des heures supplémentaires, il produit un courriel adressé à l’employeur et sa réponse en janvier 2019 démontrant précisément leur accomplissement.

– la dissimulation d’emploi salarié est manifeste, l’employeur n’ayant pu ignorer l’énorme temps de travail réalisé.

– sur le licenciement pour faute grave, il a bien demandé l’autorisation d’utiliser le véhicule pour le week-end à des fins personnelles.

– par ailleurs, il n’a pas crevé les pneus de Mme [B] et n’a jamais reconnu sa culpabilité, acceptant de payer les 135 euros pour éviter des poursuites pénales.

– il a profondément été choqué par l’attitude de l’employeur et le caractère vexatoire de la procédure.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 5 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 20 octobre 2022. L’affaire a été fixée à l’audience du 03 novembre 2022.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

Il n’est pas produit de reçu pour solde de tout compte signé par le salarié, de sorte qu’aucun effet libératoire ne peut être invoqué.

Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.

M. [P] [V] sollicite le paiement de 37,50 heures supplémentaires.

Il verse aux débats les éléments suivants :

-un courriel du 23 janvier 2019 adressé à sa cheffe de service ainsi rédigé :

« Un petit mail récapitulatif de mes horaires comme convenu :

Studio 2A : 35 heures en plus dernière semaine de service remplacement de Sucy

Service MNA : samedi 5 janvier 2019 sortie [Localité 4] Match de Rugby = 6h00

Total semaine 6h00

Lundi 7 janvier 2019 prise de service 7h pour accompagnement de [X] = 2h

Ce même jour entretien + repas [A] fin de service 21h = 1h soit un total de 3h

Jeudi 10 janvier : prise de service 7h30 pour rendez vous et inscription MLJ pour les jeunes suivants : [W], [U], [R], [Y] [D] : 1h30

Vendredi 11 janvier : prise de service 8h pour déménagement de [O] [Adresse 7] à [Localité 3] = 1h

Samedi 12 janvier 2019 : astreinte 3h à récupérer

Total semaine 8h30

Lundi 21 janvier : fin de service 22h = 2h

Total semaine 2 h

Total des heures supplémentaires Studi 2A et MNA cumulées : 51h30

Horaires récupérés : 14 h

Vendredi 18 janvier : absence malade – 7h

Jeudi 24 janvier : journée récup – 7h

A ce jour, il me reste 37h30 à récupérer sachant que je t’ai fait la demande de poser 2 jours de récupération le 12 et 13 février soit 14h

Je te fais passer la fiche horaire plus la fiche de demande de récup du 12 et 13 février plus la fiche de demande de congés CT la semaine du 25 février au 4 mars inclus ».

-un courriel de la cheffe de service du 25 janvier 2019 indiquant « Bien reçu. OK fais moi tout passer. Bonne journée ».

-des bulletins de paie ne mentionnant pas le paiement des heures supplémentaires

-une attestation de Mme [J] [G], gestionnaire de paie, qui déclare : « il est d’usage dans l’établissement que les salariés aient à réaliser des heures supplémentaires au regard des besoins de leurs services. Cet usage est commun à tous les services du foyer d’enfants de l'[6]. De ce qu’on pu me rapporter les salariés, en ma qualité d’IRP, ces heures sont récupérées; l’organisation du repos compensateur se fait entre le salarié concerné et son chef de service ».

La cour considère que le courriel du 23 janvier 2019 est suffisamment précis, dans la mesure où le salarié détaille les missions (et même les lieux) ayant généré des heures supplémentaires, pour permettre à l’employeur de répondre.

L’association répond ainsi :

-le salarié n’a jamais transmis la fiche horaire mentionnée dans son courriel de sorte qu’elle était dans l’impossibilité de vérifier les prétendues heures supplémentaires et de les valider avant paiement ou récupération

-le courriel ne précise pas les heures exactes de travail, les jours concernés, au regard des horaires habituels mais seulement le nombre d’heures qu’il prétend avoir effectuées, alors qu’elle produit elle-même le planning de M. [P] [V]

-la réponse du chef de service le 25 janvier 2019 ne confirme nullement à M. [P] [V] la prise en compte de quelconques heures supplémentaires mais sollicite bien la remise des fiches horaires et de demande de congés payés

-concernant l’attestation de Mme [G], elle n’apporte aucun élément probant permettant de démontrer la réalité des heures supplémentaires qu’il aurait accomplies, puisqu’il s’agit de propos généraux et elle atteste de faits qu’elle n’a pas constatés elle-même

-ce témoignage est d’autant plus incomplet qu’elle omet également de dire que la prise du repos compensateur est possible uniquement lorsque les heures supplémentaires ont été vérifiées et validées par le chef de service et le directeur de la MECS

-enfin, contrairement à ce qui est prétendu, il n’est ni attesté, ni démontré que le dépassement de la durée du travail est très fréquent et inhérent à l’activité.

Toutefois, l’absence de preuve de l’envoi de la fiche horaire est sans incidence.

En effet, M. [P] [V] récapitule suffisamment les heures effectuées dans le courriel adressé, étant relevé que l’appelante ne fait, dans le cadre de la présente procédure, aucun commentaire sur les missions et horaires détaillés. Le courriel en réponse de l’employeur ne conteste d’ailleurs pas le principe des heures supplémentaires que le salarié déclare avoir effectuées, seules devaient être envoyées les fiches correspondantes. Le non respect de la procédure interne n’empêche pas la rémunération des heures supplémentaires.

Enfin, le planning du « service MNA 2018/2019 » ne justifie en rien l’absence d’heures supplémentaires accomplies, en l’espèce, manifestement avec l’accord de l’employeur comme cela ressort tant des courriels échangés que de l’attestation de la gestionnaire de paie.

Il convient donc, au vu de l’ensemble de ces éléments, de faire droit à l’appel incident de M. [P] [V] et de condamner l’association Mecs [6] à payer la somme de 587,81 euros brut à titre de rappels de salaires sur heures supplémentaires outre 58,78 euros brut d’indemnité compensatrice de congés payés.

Le jugement sera en conséquence infirmé.

Sur le travail dissimulé

L’article L. 8221-5, 2° du code du travail dispose qu’est notamment réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de ‘mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre 1er de la troisième partie’.

L’élément intentionnel du travail dissimulé est caractérisé lorsque l’employeur a fait sciemment travailler le salarié au-delà de la durée légale du travail sans le rémunérer de l’intégralité de ses heures.

Toutefois, en l’espèce, il ressort du courriel même du salarié qu’il devait adresser une fiche horaire et donc respecter une procédure de validation, ce qu’il ne justifie pas avoir fait.

Dès lors, en l’absence d’élément intentionnel, la demande de dommages et intérêts ne peut prospérer.

Par ces motifs

substitués, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [P] [V] de sa demande d’indemnisation au titre du travail dissimulé.

Sur le licenciement pour faute grave

M. [P] [V] sollicite le rejet de pièces adverses qu’il considère illicites, à savoir trois photographies extraites d’un enregistrement vidéo ainsi que des attestations interprétant ces images et subsidiairement lui ordonner de conclure au fond sur les preuves litigieuses.

Il fait valoir que l’enregistrement des images du parking, accessible et ouvert au public, par le commerce exploitant la friperie est illégal en ce que le système de vidéoprotection installé n’est pas conforme aux dispositions des articles L. 251-3 et suivants du code de la sécurité intérieure, notamment en l’absence d’autorisation par la préfecture.

Il indique qu’en tout état de cause, n’étant pas au titre des personnes habilitées à accéder à ces images, fussent-elles enregistrées légalement, leur visionnage par l’employeur et des collègues est illicite et à fortiori, la transmission des enregistrements vidéo sur clé USB.

M. [P] [V] fait valoir également qu’il n’a pas été informé de l’existence d’un système de vidéosurveillance et soulève l’irrecevabilité au regard du droit à un procès équitable et au principe de l’égalité des armes, dans la mesure où il n’a pas pu visionner l’enregistrement remis ensuite à l’officier de police judiciaire dans le cadre de la plainte déposée.

Il sera relevé que l’information préalable du salarié ne se justifie pas en l’espèce puisque le système de vidéosurveillance n’était pas destiné à contrôler l’activité des salariés mais à assurer la sécurité d’un commerce.

En outre, la cour d’appel entend rappeler que l’illicéité de la preuve au regard notamment de l’absence de justification d’une déclaration préfectorale n’a pas pour conséquence son exclusion des débats, de sorte que le conseil de prud’hommes qui a relevé que l’employeur n’apportait aucun élément de preuve licite, devait rechercher si l’utilisation de la preuve illicite a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle du salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Il est reproché au salarié d’avoir crevé le pneu de la voiture d’une collègue, de sorte que la production d’images de vidéosurveillance du parking et d’attestations relatant le contenu de celle-ci est indispensable à l’employeur pour établir l’existence d’une faute grave.

Par ailleurs, il convient de relever que M. [P] [V] a pu s’expliquer sur le contenu des images puisqu’elles ont été remises au commissariat de police d'[Localité 2], une enquête ayant été ouverte le 31 janvier 2019 au cours de laquelle le salarié a été entendu.

Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que l’atteinte portée au respect de la vie personnelle du salarié n’est pas disproportionnée au but poursuivi.

En rappelant tout de même qu’il s’agit d’une simple faculté pour la cour qui aurait pu statuer en l’état des écritures de l’intimé, il convient d’ordonner la réouverture des débats à l’audience du 30 mars 2023 en invitant M. [V] à conclure sur le fond concernant les photographies produites et les témoignages relatant le contenu de la vidéosurveillance, dans les termes précisés au dispositif.

Les demandes et les dépens étant réservés.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt mixte contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,

-Confirme le jugement rendu le 11 septembre 2020 par le conseil de prud’hommes d’Alès en ce qu’il a débouté M. [P] [V] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé

-L’infirme en ce qu’il a :

-débouté M. [P] [V] de sa demande en paiement de rappels de salaire sur heures supplémentaires et de sa demande d’indemnité au titre des congés payés y afférents

-considéré illicites les éléments de preuve fournis par l’employeur

-Et statuant à nouveau sur ces chefs,

-Condamne l’association Mecs [6] à payer à M. [P] [V]

-587,81 euros brut à titre de rappels de salaires sur heures supplémentaires

-58,78 euros brut d’indemnité compensatrice de congés payés

-Déclare recevables les pièces 15-16-17-18-20 produites par l’association Mecs [6] ,

-Sur le fond concernant la rupture du contrat de travail,

-Ordonne la réouverture des débats à l’audience du jeudi 13 avril 2023 à 14 heures

-Dit que le conseil de M. [P] [V] devra, au plus tard le 23 février 2023, conclure s’agissant des photographies produites et des témoignages relatant le contenu de la vidéosurveillance et le conseil de l’association Mecs [6] pour une éventuelle réponse, au plus tard le 9 mars 2023

-Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation

-Réserve pour le surplus.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,  


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