Votre panier est actuellement vide !
Une demande de dommages-intérêts pour atteinte au droit à l’image contre un employeur accusé d’utiliser l’image du salarié sur Facebook ne peut prospérer en l’absence de preuve.
A l’appui de cette demande Mme [C] fait valoir que son employeur « utilise son image sur son profil Facebook» sans son accord. Le conseil de prud’hommes l’en a déboutée au motif qu’elle ne produisait aucun élément. En cause d’appel son dossier ne contient aucune preuve. Sa demande a donc été rejetée.
* * *
Cour d’appel de Douai, Sociale B salle 3, 16 décembre 2022, 21/00584
ARRÊT DU
16 Décembre 2022
N° 2029/22
N° RG 21/00584 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TSTO
PS/AL
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LILLE
en date du
24 Mars 2021
(RG 19/01388 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 16 Décembre 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
Mme [B] [R]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Mickaël ANDRIEUX, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉES :
Association L’UNEDIC DELEGATION AGS, CGEA DE [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI
Société SCP BTSG prise en la personne de Me [L] [S], es qualité de liquidateur judiciaire de la société CM BEAUTY.
Assigné en intervention forcée le 2 juin 2022 à personne habilitée.
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
n’ayant pas constitué avocat
DÉBATS : à l’audience publique du 08 Novembre 2022
Tenue par Patrick SENDRAL
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Gaetan DELETTREZ
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT : Réputé contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Gaetan DELETTREZ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 18 Octobre 2022
Par contrat à durée déterminée d’une année conclu le 2 mai 2017 suivi d’un contrat à durée indéterminée signé le 2 mai 2018 Mme [C] a été engagée en qualité de vendeuse polyvalente à temps partiel par la société CM BEAUTY tenant un salon à [Localité 6]. Suite à un incident sur son lieu de travail le 3 mai 2018 Mme [C] s’est rendue aux urgences du centre hospitalier pour faire constater son état avant de déposer une plainte pénale contre un collègue et un tiers du chef de violences volontaires en réunion. Le 7 mai 2018 elle a été convoquée à l’entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire puis licenciée pour faute grave le 11 juin 2018 en raison de «l’agression verbale et physique» prétendument commise sur une cliente. Le 14 janvier 2019 la société CM BEAUTY a été placée en liquidation judiciaire sous mandat de M°[W] puis de la SCP BTSG.
Par jugement ci-dessus référencé auquel il est renvoyé pour plus ample connaissance de la procédure les premiers juges, saisis par Mme [C] d’une demande de requalification de son CDD en CDI et de demandes indemnitaires au titre de son licenciement à ses dires dénué de cause réelle et sérieuse, les ont rejetées.
Vu l’appel formé par Mme [C] contre ce jugement et ses conclusions du 30 mai 2022 tendant à la fixation de sa créance dans la procédure collective aux sommes suivantes:
– indemnité de requalification: 1498,50 euros
– heures complémentaires: 16 223 euros outre les congés payés afférents
salaires de la mise à pied conservatoire: 803,64 euros outre les congés payés afférents
– indemnité compensatrice de préavis: 1498,50 euros outre les congés payés afférents
– indemnité de licenciement: 434,56 euros
– dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 8991 euros – dommages intérêts pour violation du droit à l’image : 5000 euros
– frais non compris dans les dépens: 1500 euros
Vu les conclusions du 9/8/2022 par lesquelles l’AGS demande la confirmation du jugement
Vu l’absence du liquidateur
la demande d’indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée
Les CDD litigieux ayant été conclus au visa d’un «surcroît de travail», sans autre précision, il revient aux intimées de démontrer la réalité d’un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise. L’employeur, non représenté, ne fournit aucun élément. L’AGS indique que la salariée ne rapporte pas la preuve de ses allégations mais ce faisant elle tente d’inverser la charge de la preuve. Elle ajoute que l’entreprise venait d’être créée au moment de l’engagement de Mme [C] mais le fait que la société CM BEAUTY avait une courte durée d’existence ne suffit pas à caractériser le surcroît d’activité et encore moins son caractère temporaire. Il appert du reste que l’embauche litigieuse, même à temps partiel, avait pour objet de pourvoir un emploi lié à l’activité permanente et durable du salon. Il convient par conséquent de requalifier le CDD en CDI et d’allouer à la salariée une indemnité de requalification de 1000 euros.
La demande au titre des heures complémentaires
Aux termes de l’article L 3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées prétendument accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre en produisant ses propres éléments.
Présentement, Mme [C] soutient avoir travaillé en plus des 20 heures hebdomadaires contractuelles. Elle verse aux débats des relevés d’horaires manuscrits, rédigés d’une seule traite par ses soins, couvrant la période entre le 20 mars 2017 et la rupture du contrat de travail. Force est de constater que la société CM BEAUTY ne fournit aucune explication et aucun élément permettant de déterminer les horaires réels de la salariée alors qu’elle était tenue de tenir un décompte. L’AGS s’oppose quant à elle à sa demande aux motifs que le relevé dont Mme [C] se prévaut est dénué de force probante et que l’employeur n’a pas demandé la réalisation d’heures complémentaires.
Il est de règle que les heures complémentaires ne peuvent donner lieu à rémunération que si ont été accomplies à la demande de l’employeur, avec son accord ou à défaut si elles étaient rendues nécessaires par la nature et l’ampleur des tâches confiées au salarié.
Il ressort des attestations d’anciennes collègues de travail et de clientes qu’en raison de la nature de ses fonctions, n’admettant aucune interruption, Mme [C] était parfois amenée à effectuer des dépassements horaires et qu’elle l’a fait à la demande implicite de son employeur. Son relevé manuscrit, corroboré par aucun élément, est sujet à caution en ce qu’il mentionne des heures en mars et avril 2017 avant l’embauche ainsi que des données forfaitaires peu crédibles sur les heures de fin de service et la durée des pauses. Son décompte, rédigé après la rupture du contrat de travail pour les besoins de la cause, n’a pas la même force probante qu’un décompte renseigné au fur et à mesure de l’accomplissement des missions. Du reste, la salariée n’a pas contesté le solde de tous comptes ce qui sans faire obstacle à sa demande n’est pas de nature à étayer la thèse d’impayés d’un montant aussi substantiel.
Au final, la cour dispose de suffisamment d’éléments pour fixer sa créance à la somme mentionnée dans le dispositif du présent arrêt, à laquelle s’ajoutera l’indemnité de congés payés.
La demande d’indemnité pour travail dissimulé
Il ressort des bulletins de paie que toutes les rémunérations ont été assujetties aux cotisations sociales et n’est donc caractérisée aucune volonté de l’employeur d’échapper à ses obligations en la matière. Plus généralement, rien ne démontre une volonté de sa part de se soustraire à ses obligations alors même qu’il n’a été destinataire d’aucune invitation à régulariser la situation.
Par ailleurs, il n’est ni établi ni même soutenu que l’emploi n’ait pas été régulièrement déclaré aux autorités compétentes ni que l’employeur ait méconnu ses obligations déclaratives. L’article L 8223-1 du code du travail réservant le bénéfice de l’indemnité pour travail dissimulé aux seuls salariés auxquels l’employeur a eu recours en violation des articles L 8221-3 et L 8221-5 du code du travail, ce qui dans la présente affaire n’est pas avéré faute de dissimulation intentionnelle, la demande sera rejetée.
Le bien-fondé du licenciement
Aux termes de l’article L 1232-1 du code du travail tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Lorsque l’employeur invoque une faute grave il lui incombe d’en rapporter la preuve à charge pour le juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des griefs et de rechercher s’ils constituaient une violation des obligations contractuelles rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
En l’espèce, dans la lettre de licenciement l’employeur reproche à Mme [C] d’avoir « agressé physiquement et verbalement » une cliente du magasin.
L’AGS soutient que les faits sont établis et qu’ils rendaient impossible la poursuite des relations contractuelles. Mme [C], qui conteste toute altercation avec une cliente, fait pour sa part valoir qu’elle a été victime d’une agression de la part de son collègue et de l’amie de celui-ci.
L’employeur, absent, ne fournit aucun détail de l’altercation dont il s’est prévalu dans la lettre de rupture. Le conseil de prud’hommes n’a pas précisé en quoi les faits fautifs étaient caractérisés et il a validé le licenciement sans
de défense de la salariée. L’AGS, dont les allégations sont vagues, ne produit pour sa part aucun élément de fait.
Il ressort des éléments versés aux débats, notamment la plainte de la salariée devant la police et les constatations médico-légales, qu’elle a eu un différend avec un collègue et une tierce personne sur son lieu de travail le 3 mai 2018 mais il n’est pas avéré que l’altercation ait concerné une cliente du salon. Suite aux faits le médecin des urgences a constaté que Mme [C] présentait des stigmates contusionnels cutanés du visage et du cou et il lui a délivré une interruption temporaire de travail d’une journée. Les constatations de ce praticien sont compatibles avec les déclarations de la salariée à qui le doute doit d’autant plus profiter que les intimées ne versent aucun élément contrecarrant sa version des événements. Il s’ensuit que’aucun fait fautif n’est mis en évidence et que le licenciement sera déclaré sans cause réelle et sérieuse.
A titre d’indemnité compensatrice de préavis et vu son ancienneté Mme [C] a droit à un mois des rémunérations qu’elle aurait dû percevoir si elle avait travaillé, soit la somme de 845,90 euros. Il lui sera également alloué les sommes réclamées à titre d’indemnité de licenciement et de salaires de la mise à pied conservatoire.
Compte tenu des effectifs de l’entreprise (moins de 11 salariés), de la faible ancienneté de Mme [C], de son âge, du revenu dont elle a été privée, de ses revenus de remplacement, de ses qualifications, de ses difficultés relatives à retrouver un emploi dans ce secteur d’activité et des justificatifs sur sa situation postérieure à la rupture il y a lieu de lui allouer 1000 euros de dommages-intérêts. Cette somme, excédant le plancher d’indemnisation prévu par l’article L 1235-3 du code du travail répare en totalité et de manière adéquate le préjudice moral et financier causé par la perte d’emploi injustifiée.
La demande de dommages-intérêts pour atteinte au droit à l’image
à l’appui de cette demande Mme [C] fait valoir que son employeur « utilise son image sur son profil Facebook» sans son accord. Le conseil de prud’hommes l’en a déboutée au motif qu’elle ne produisait aucun élément. En cause d’appel son dossier ne contient aucune preuve. Sa demande sera donc rejetée.
Les frais de procédure
vu sa situation il serait inéquitable de mettre à la charge de l’employeur une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt sera oppossable à l’AGS CGEA de [Localité 6] dans les conditions définies par la loi.
, LA COUR
INFIRME le jugement à l’exception de ses dispositions ayant rejeté les demandes de :
-dommages-intérêts pour violation du droit à l’image
-indemnité pour travail dissimulé
-indemnité de procédure
formées par Mme [C]
statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant
REQUALIFIE en contrat à durée indéterminée le contrat à durée déterminée conclu entre les parties
DIT que le licenciement de Mme [C] est dénué de cause réelle et sérieuse
Fixe comme suit sa créance dans la liquidation judiciaire de la société CM BEAUTY:
‘heures supplémentaires: 3027,44 euros
‘indemnité de congés payés: 302,74 euros
‘indemnité de requalification: 1000 euros
‘salaires de la mise à pied conservatoire: 803,64 euros
‘indemnité de congés payés: 80,36 euros
‘indemnité compensatrice de préavis: 845,90 euros
‘indemnité de congés payés: 84,59 euros
‘indemnité de licenciement: 434,56 euros
‘dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 1000 euros
DEBOUTE Mme [C] du surplus de ses demandes
DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre des frais non compris dans les dépens
DIT que le présent arrêt sera opposable à l’AGS CGEA de [Localité 6] dans les conditions définies par la loi.
MET les dépens d’appel et de première instance, in solidum, à la charge de l’AGS CGEA et de la société BTSG par fixation à son passif.
LE GREFFIER
Gaetan DELETTREZ
LE PRESIDENT
Marie LE BRAS