Pour être valide, une clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l’espace. Elle doit en outre être justifiée par la légitime protection des intérêts du créancier, et ne pas être disproportionnée dans son objet. En ce qu’elle constitue une limitation de la liberté du commerce et de l’industrie, elle doit être interprétée restrictivement
Toutefois, la nullité de la clause de non-concurrence ne fait pas obstacle à l’action en responsabilité engagée par le mandant contre son ancien mandataire dès lors qu’il démontre que ce dernier s’est livré à des actes de concurrence déloyale à son égard.
Sommaire
L’activité de mandataire en assurance
L’activité de mandataire en assurance, régie par les articles L 511-1 et suivants et R 511-2 et suivants du code des assurances, étant une activité libérale, la clause de non concurrence doit, pour être valable, être indispensable à la protection de l’intérêt légitime du mandant et porter une atteinte proportionnée à la liberté d’entreprendre et de travailler, notamment être limitée dans le temps et l’espace.
Selon l’article R 511-2 du code des assurances dans sa version applicable à l’espèce,
I.-L’activité d’intermédiation en assurance ou en réassurance ne peut être exercée contre rémunération que par les catégories de personnes suivantes :
1° Les courtiers d’assurance ou de réassurance, personnes physiques et sociétés immatriculées au registre du commerce pour l’activité de courtage d’assurance. Ces personnes exercent l’intermédiation selon les modalités mentionnées aux b ou c du II de l’article L. 520-1 ;
2° Les agents généraux d’assurance, personnes physiques ou personnes morales, titulaires d’un mandat ou chargées à titre provisoire pour une durée de deux ans au plus non renouvelable des fonctions d’agent général d’assurance. Ces personnes exercent l’intermédiation selon les modalités mentionnées au a du II de l’article L. 520-1 ;
3° Les mandataires d’assurance, personnes physiques non salariées et personnes morales autres que les agents généraux d’assurance, mandatées à cet effet par une entreprise d’assurance. Ces personnes exercent l’intermédiation selon les modalités mentionnées aux a ou b du II de l’article L. 520-1 ;
4° Les mandataires d’intermédiaires d’assurance, personnes physiques non salariées et personnes morales mandatées par une personne physique ou une personne morale mentionnée aux 1°, 2° ou 3° ci-dessus.
L’activité des personnes visées aux 3° et 4° du présent article est limitée à la présentation, la proposition ou l’aide à la conclusion d’une opération d’assurance au sens de l’article R. 511-1, et éventuellement à l’encaissement matériel des primes ou cotisations, et, en outre, en ce qui concerne l’assurance sur la vie et la capitalisation, à la remise matérielle des sommes dues aux assurés ou bénéficiaires.
Affaire CFG Courtage
En l’espèce, M. [L] [Y] et Mme [B] [P] ont chacun exercé une activité de mandataire en assurance auprès de la société CFG, société de courtage en assurance ainsi que cela ressort des deux contrats passés par la société CFG avec M. [L] [Y] le 29 octobre 2012 et par Mme [B] [P] le 1er août 2013.
Il est fait grief aux intimés d’avoir méconnu les termes des articles 21 et 22 du contrat qui prévoient que :
« Article 21 : en cas de rupture du présent engagement pour toute cause que ce soit, le mandataire s’interdira définitivement de diffuser, directement ou indirectement les contrats d’assurance et les investissements sélectionnés et proposés par le mandant. Pour ce qui est des produits concurrents, cette interdiction est limitée à une durée de douze mois à compter de la rupture du présent mandat et sur le ou les départements où le mandataire aura exercé son activité au cours de l’année ayant précédé cette rupture. Sa qualité de mandataire qui est celle prévue par l’article R 511-2 4°-livre 1er du code des assurances, étant bien distincte de celle d’agent général d’assurance et de courtier, l’agent se trouve dans une situation exclusive de la réglementation habituellement appliquée aux agents généraux et aux courtiers notamment en matière de cession de portefeuille, d’exclusivité, de territorialité, de division ou de création d’agence et d’arbitrage.
Article 22 : en cas de rupture le mandataire s’engage personnellement à ne pas tenter de démarches directes ou indirectes, en vue de détourner de la société CFG Finance ses clients ou collaborateurs.»
L’article 3 du contrat précise que le mandat est « limité » aux départements métropolitains ainsi qu’aux départements d’Outre-mer à l’exclusion des TOM.
Nullité de la clause de non concurrence
S’il est légitime pour le mandant de s’assurer d’une limitation de la concurrence d’anciens mandataires tentés de continuer à commercialiser des contrats d’assurances qu’ils connaissent dans un secteur géographique où ils ont exercé, il apparaît que les articles 21 et 22 en ce qu’ils comportent une interdiction définitive de commercialiser les mêmes contrats que ceux proposés dans le cadre du mandat et ce, sur tout le territoire national, instaurent une limitation d’exercice disproportionnée entravant la liberté d’entreprendre et de travailler des mandataires, en conséquence, le jugement a été confirmé en ce qu’il a déclaré cette clause nulle et de nul effet.
Pour rappel, pour être valide, une clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l’espace. Elle doit en outre être justifiée par la légitime protection des intérêts du créancier, et ne pas être disproportionnée dans son objet. En ce qu’elle constitue une limitation de la liberté du commerce et de l’industrie, elle doit être interprétée restrictivement.
Concurrence déloyale retenue
Outre le nombre de clients démarchés et le caractère systématique du démarchage après la fin du mandat passé avec la société CFG, constituant un véritable détournement de clientèle de nature à affecter l’activité de la société CFG, M. [Y] et Mme [P] ont entretenu la confusion sur les conditions de leurs interventions, ils ont fait souscrire de nouveaux contrats sans résilier les précédents contrats souscrits par l’intermédiaire de la société CFG, laissant croire à leurs clients que la société CFG était responsable de cette situation. Enfin, les réclamations dont fait état la société TOP Assurances caractérisent un comportement déloyal de nature à désorganiser l’activité de la société CFG et sont par conséquent constitutifs d’une faute de nature à engager la responsabilité de M. [Y] et Mme [P] à l’égard de la société CFG.
Le préjudice invoqué et dont il est justifié par la société CFG au travers du constat d’huissier et des listes de clients, consiste dans la perte de clients et de chiffres d’affaires.
Cette perte de chiffre d’affaires est confirmée par la correspondance de la société TOP Assurances indiquant que les chiffres d’affaires importants réalisés entre février 2016 et juin 2016 par M. [Y] et Mme [P], ne peuvent s’expliquer par leur activité puisqu’ils n’ont justifié que de 7 rendez-vous, mais par le détournement de la clientèle de la société CFG, ce courrier démontrant outre l’existence d’un préjudice le lien de causalité entre le préjudice et les fautes commises, les mêmes agissements ayant les mêmes conséquences ayant été commis par M. [Y] et Mme [P] qui se sont par la suite associés au sein de la société CAM Finance.
* * *
Cour d’appel de Douai, CHAMBRE 1 SECTION 2, 30 mars 2023, 21/04773
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 30/03/2023
****
N° de MINUTE :
N° RG 21/04773 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T2PC
Jugement (N° 17/02976) rendu le 02 Juillet 2021
par le Tribunal jucidiciaire de Valenciennes
APPELANTS
Monsieur [Z] [F]
né le 10 Mars 1992 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3]
La SARL Société Courtage Finance Gestion prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 6]
[Adresse 6]
représentés par Me Christophe Loonis, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué substitué à l’audience par Me Antoine Robert, avocat au barreau de Béthune
INTIMÉS
Monsieur [L] [Y]
né le 31 Août 1983 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
Madame [B] [P]
née le 19 Mars 1980 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
représentés par Me Dominique Henneuse, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué, substitué à l’audience par Me Claire Zafra Lara, avocat au barreau de Valenciennes
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, président de chambre
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
Véronique Galliot, conseiller
———————
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
DÉBATS à l’audience publique du 16 janvier 2023 après rapport oral de l’affaire par
Catherine Courteille, président de chambre.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président, et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 décembre 2022
****
Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Valenciennes le 2 juillet 2021 ;
Vu la déclaration d’appel de la société Courtage Finance Getions et M. [Z] [F] reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 08 septembre 2021 ;
Vu les conclusions de la société Courtage Finance Gestion déposées au greffe le 07 juin 2022 ;
Vu les conclusions de M. [Y] déposées au greffe le 07 mars 2022 ;
Vu l’ordonnance de clôture en date du 5 décembre 2022.
EXPOSE DU LITIGE
La société Courtage Finance Gestion (ci-après société CFG) a conclu avec
M. [L] [Y] et Mme [B] [P] un contrat d’agent mandataire avec notamment pour mission de rechercher une clientèle à laquelle ils conseilleront de souscrire des contrats d’assurance et des investissements diffusés par cette société et comprenant une clause de non-concurrence respectivement en date des 29 octobre 2012 et 1er août 2013.
Les 3 et 18 mars 2016, ils ont notifié à leur mandant leur décision de mettre fin à leurs mandats respectifs.
Estimant que la clause de non concurrence n’a pas été respectée, la société Courtage finance gestion a, par acte d’huissier du 7 septembre 2017, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Valenciennes M. [L] [Y] et Mme [B] [P] afin d’obtenir réparation de son préjudice.
Suivant acte d’huissier du 9 juillet 2019, M. [L] [Y] a fait assigner M. [Z] [F], mandataire ayant en charge son précédent portefeuille de clients en intervention forcée de l’instance en cours devant le tribunal de grande instance de Valenciennes.
Par ordonnance du 11 septembre 2019, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de ces deux affaires.
Par jugement du 2 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Valenciennes a :
– Rejeté la demande d’annulation de l’assignation délivrée par la société Courtage finance gestion ;
– Déclaré la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de mandant intervenu entre la société Courtage finance gestion et M. [L] [Y] en date du 29 octobre 2021, non écrite ;
– Déclaré la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de mandant intervenu entre la société Courtage finance gestion et Mme [B] [P] en date du 1er août 2013, non écrite ;
– Débouté la société Courtage finance gestion de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de cette clause ;
– Débouté la société Courtage finance gestion de sa demande de dommages et intérêts en réparation d’actes de concurrence déloyale ;
– Condamné in solidum la société Courtage finance gestion et M. [Z] [F] à payer à M. [L] [Y] une somme de 5000 euros, en réparation de son préjudice au titre des faits de concurrence déloyale ;
– Débouté M. [L] [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– Condamné in solidum la société Courtage finance gestion et M. [Z] [F] à payer à M. [L] [Y] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné in solidum la société Courtage finance gestion et M. [Z] [F] aux dépens ;
– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 8 septembre 2021, la société Courtage finance gestion et M. [Z] [F] ont relevé appel des chefs du jugement ayant :
– Déclaré la clause de non concurrence contenue dans le contrat de mandat intervenu entre la société Courtage finance gestion et M. [L] [Y] en date du 29 octobre 2012, non écrite ;
– Déclaré la clause de non concurrence contenue dans le contrat de mandat intervenu entre la société Courtage finance gestion et Mme [B] [P] en date du 1 er août 2013, non écrite ;
– Débouté la société Courtage finance gestion de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de cette clause ;
– Débouté la société Courtage finance gestion de sa demande de dommages et intérêts en réparation d’actes de concurrence déloyale ;
– Condamné in solidum la société Courtage finance gestion et M. [Z] [F] à payer à M. [L] [Y] une somme de 5000 euros en réparation de son préjudice au titre des faits de concurrence déloyale Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– Condamné in solidum la société Courtage finance gestion et M. [Z] [F] à payer à M. [L] [Y] une somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné in solidum la société Courtage finance gestion et M. [Z] [F] aux dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées au greffe le 7 juin 2022, la société Courtage finance gestion et M. [Z] [F] demandent à la cour de dire bien appelé, mal juger, de réformer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Valenciennes le 2 juillet 2021 et statuant à nouveau de :
– dire et juger que M. [Y] et Mme [P] ont commis des manquements à leur obligation contractuelle de non concurrence ou subsidiairement des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Courtage Finance Gestion ;
En conséquence les condamner à réparer les préjudices subis par la société Courtage finance gestion en raison de ces agissements fautifs ;
– condamner in solidum M. [Y] et Mme [P] à payer une somme de 131 656,85 euros à la société Courtage finance gestion en réparation du préjudice financier subi au 15/05/2017 ;
– condamner in solidum, M. [Y] et Mme [P] à payer à la société Courtage finance gestion une somme de 100 000 euros en réparation du préjudice d’image causé ;
– ordonner à M. [Y] de cesser tous agissements de concurrence déloyale au préjudice de la société Courtage finance gestion sous peine d’une pénalité de 10 000 euros par infraction constatée ;
– condamner M. [Y] à restituer à la société courtage finance gestion un trop perçu de commission à hauteur de 23 241,35 euros ;
– condamner Mme [P] à restituer à la société Courtage finance gestion un trop perçu sur commission d’un montant de 5449,93 euros ;
– débouter M. [Y] de toutes ses demandes et de son appel incident en ce qu’elles sont dirigées à leur encontre ;
– condamner M. [Y] à payer à M. [F] une somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en application de l’article 1240 du code civil, outre une somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum M. [Y] et Mme [P] à payer à la société Courtage finance gestion une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– les condamner in solidum au paiement de tous les frais et dépens de première instance et d’appel.
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées au greffe le 7 mars 2022,
M. [Y] et Mme [P] demandent à la cour de :
– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, recevant les intimés dans leur appel incident ;
– dire nulle et de nul effet l’assignation délivrée à la requête de l’appelante à leur encontre sur la base d’un fondement juridique non applicable à l’époque des faits;
– en tout état de cause, juger que les articles 1193 et suivants et 1217 et suivants du code civil n’étaient pas applicables à l’époque de la cessation de la relation de mandataire de M. [Y] avec la société Courtage finance gestion ;
– juger qu’ils n’ont commis aucune violation d’une quelconque clause contractuelle – en tout état de cause, confirmer le jugement entrepris en ce que l’inexistence d’une quelconque clause de non-concurrence opposable et valable en ce qu’elle serait limitée dans le temps, dans l’espace et conforme aux intérêts légitimes de l’entreprise Courtage finance gestion ;
– juger la stipulation contractuelle relative à l’interdiction de non-concurrence nulle et non avenue ;
– juger que la stipulation contractuelle de non-concurrence est contraire à la liberté du commerce et d’entreprendre en ce qu’elle est perpétuelle, indéterminée et sans limitation de durée, la dire en conséquence nulle et de nul effet ;
– juger l’absence de démonstration de la moindre faute de la part de M. [L] [Y] qui serait constitutive de concurrence déloyale ;
– en conséquence, débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions, la société Courtage finance gestion ;
– constater que la société Courtage finance gestion ne justifie, ni son préjudice, ni une faute de M. [Y], ni même d’un lien entre cette prétendue faute et le préjudice qu’elle invoque ;
– accueillant M. [L] [Y] dans son appel incident, condamner la société Courtage finance gestion à lui payer la somme de 20 000 euros titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et pour atteinte à son image; outre la somme de 30 000euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et dénigrement par préposés ;
– accueillant M. [L] [Y] dans son appel incident, condamner M. [Z] [F] à payer à M. [L] [Y] une somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
– condamner solidairement la société Courtage finance gestion et M. [I] [F] au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.
La clôture a été ordonnée le 5 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
1-Sur l’exception de nullité de l’assignation délivrée à la requête de la société Courtage Finance Gestion
Aux termes de l’article 56 du code de procédure civile l’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 :
1° Les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée ;
2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;
3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ;
4° L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
L’assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.
Elle vaut conclusions.
M. [Y] et Mme [P] soulèvent devant la cour comme devant le tribunal la nullité de l’assignation, faisant valoir que la société Courtage Finance Gestion fonde ses prétentions concernant le contrat de courtage sur les dispositions des articles 1193,1217 et 1240 du code civil qui ne sont pas applicables à l’espèce.
La société Courtage Finance Gestion expose que l’assignation comportait une erreur de visa qui a été corrigée par ses écritures ultérieures.
Selon l’article 12 du code de procédure civile le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Le visa dans l’assignation des dispositions du code civil résultant de l’ordonnance du 10 février 2016 applicables aux contrats conclus après le 1er octobre 2016, ne sont pas applicables à l’espèce puisque les contrats des mandataires ont été signés le 29 octobre 2012, s’agissant de M. [Y] et le 1er août 2013 pour ce qui concerne Mme [P].
Quant au visa de l’article 1240 du code civil dans sa version issue de l’ordonnance du 10 février 2016, ce texte est bien applicable s’agissant de la responsabilité délictuelle.
Outre que la société appelante expose avoir rectifié son erreur dans ses conclusions ultérieures, il apparaît que la société a bien développé des moyens de fait et de droit à l’appui de ses prétentions de sorte que M. [Y] et Mme [P] ne justifient pas d’un grief.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception de nullité.
2/ sur le non-respect par M. [Y] et Mme [P] de l’obligation contractuelle de non concurrence
Pour être valide, une clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l’espace. Elle doit en outre être justifiée par la légitime protection des intérêts du créancier, et ne pas être disproportionnée dans son objet. En ce qu’elle constitue une limitation de la liberté du commerce et de l’industrie, elle doit être interprétée restrictivement
Selon l’article R 511-2 du code des assurances dans sa version applicable à l’espèce,
I.-L’activité d’intermédiation en assurance ou en réassurance ne peut être exercée contre rémunération que par les catégories de personnes suivantes :
1° Les courtiers d’assurance ou de réassurance, personnes physiques et sociétés immatriculées au registre du commerce pour l’activité de courtage d’assurance. Ces personnes exercent l’intermédiation selon les modalités mentionnées aux b ou c du II de l’article L. 520-1 ;
2° Les agents généraux d’assurance, personnes physiques ou personnes morales, titulaires d’un mandat ou chargées à titre provisoire pour une durée de deux ans au plus non renouvelable des fonctions d’agent général d’assurance. Ces personnes exercent l’intermédiation selon les modalités mentionnées au a du II de l’article L. 520-1 ;
3° Les mandataires d’assurance, personnes physiques non salariées et personnes morales autres que les agents généraux d’assurance, mandatées à cet effet par une entreprise d’assurance. Ces personnes exercent l’intermédiation selon les modalités mentionnées aux a ou b du II de l’article L. 520-1 ;
4° Les mandataires d’intermédiaires d’assurance, personnes physiques non salariées et personnes morales mandatées par une personne physique ou une personne morale mentionnée aux 1°, 2° ou 3° ci-dessus.
L’activité des personnes visées aux 3° et 4° du présent article est limitée à la présentation, la proposition ou l’aide à la conclusion d’une opération d’assurance au sens de l’article R. 511-1, et éventuellement à l’encaissement matériel des primes ou cotisations, et, en outre, en ce qui concerne l’assurance sur la vie et la capitalisation, à la remise matérielle des sommes dues aux assurés ou bénéficiaires.
A titre principal, la société Courtage Finance Gestion soutient que le contrat passé avec ses mandataires contient une clause de non-concurrence que M. [Y] et Mme [P] n’ont pas respecté. La société Courtage Finance Gestion soutient que la clause de non concurrence ne constitue pas une restriction excessive de la liberté professionnelle et n’a pas empêché les intimés d’avoir une activité professionnelle dans le secteur de l’assurance. Elle ajoute que le fait d’utiliser les fichiers clients de leur ancien mandant caractérise la faute de M. [Y] et Mme [P].
M. [Y] et Mme [P] font valoir que la clause de non-concurrence figurant à leur contrat est nulle comme portant atteinte à leur liberté d’entreprendre et de travailler, dès lors qu’elle comporte une interdiction définitive de commercialiser des produits commercialisés par la société CFG et ne comporte aucune limitation géographique.
L’activité de mandataire en assurance, régie par les articles L 511-1 et suivants et R 511-2 et suivants du code des assurances, étant une activité libérale, la clause de non concurrence doit, pour être valable, être indispensable à la protection de l’intérêt légitime du mandant et porter une atteinte proportionnée à la liberté d’entreprendre et de travailler, notamment être limitée dans le temps et l’espace.
M. [L] [Y] et Mme [B] [P] ont chacun exercé une activité de mandataire en assurance auprès de la société CFG, société de courtage en assurance ainsi que cela ressort des deux contrats passés par la société CFG avec M. [L] [Y] le 29 octobre 2012 et par Mme [B] [P] le 1er août 2013.
En l’espèce, il est fait grief aux intimés d’avoir méconnu les termes des articles 21 et 22 du contrat qui prévoient que :
« Article 21 : en cas de rupture du présent engagement pour toute cause que ce soit, le mandataire s’interdira définitivement de diffuser, directement ou indirectement les contrats d’assurance et les investissements sélectionnés et proposés par le mandant. Pour ce qui est des produits concurrents, cette interdiction est limitée à une durée de douze mois à compter de la rupture du présent mandat et sur le ou les départements où le mandataire aura exercé son activité au cours de l’année ayant précédé cette rupture. Sa qualité de mandataire qui est celle prévue par l’article R 511-2 4°-livre 1er du code des assurances, étant bien distincte de celle d’agent général d’assurance et de courtier, l’agent se trouve dans une situation exclusive de la réglementation habituellement appliquée aux agents généraux et aux courtiers notamment en matière de cession de portefeuille, d’exclusivité, de territorialité, de division ou de création d’agence et d’arbitrage.
Article 22 : en cas de rupture le mandataire s’engage personnellement à ne pas tenter de démarches directes ou indirectes, en vue de détourner de la société CFG Finance ses clients ou collaborateurs.»
L’article 3 du contrat précise que le mandat est « limité » aux départements métropolitains ainsi qu’aux départements d’Outre-mer à l’exclusion des TOM.
S’il est légitime pour le mandant de s’assurer d’une limitation de la concurrence d’anciens mandataires tentés de continuer à commercialiser des contrats d’assurances qu’ils connaissent dans un secteur géographique où ils ont exercé, il apparaît que les articles 21 et 22 en ce qu’ils comportent une interdiction définitive de commercialiser les mêmes contrats que ceux proposés dans le cadre du mandat et ce, sur tout le territoire national, instaurent une limitation d’exercice disproportionnée entravant la liberté d’entreprendre et de travailler des mandataires, en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré cette clause nulle et de nul effet.
3/ sur la demande fondée sur la concurrence déloyale formée à titre subsidiaire
La société CFG soutient que par leurs agissements après la rupture de leur contrat, M. [Y] et Mme [P] ont commis des actes de concurrence déloyale, notamment parce qu’ils ont contacté plus de cent anciens clients, qu’ils se sont présentés comme étant toujours mandatés par CFG et ont eu un comportement déloyal pouvant rejaillir sur l’image de marque de cette société.
M. [Y] et Mme [P] contestent toute faute, exposant que les contrats passés après la rupture de leur contrat avec CFG, l’ont été parce que leurs clients avaient confiance en eux, que dès lors que la clause de non concurrence a été annulée, ils pouvaient passer des contrats avec ces clients. Ils ajoutent que c’est la société CFG qui a eu un comportement déloyal, intervenant auprès de leurs clients pour les dénigrer.
Selon l’article 1240 du code civil tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L’action de la société CFG étant fondée à titre subsidiaire sur la responsabilité délictuelle, les intimés ne sauraient invoquer le principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle.
L’action en concurrence déloyale tend à réparer le préjudice causé par la faute d’un agent économique commise à l’égard d’un autre, la mise en ‘uvre de la responsabilité pour concurrence déloyale suppose la démonstration d’une faute, d’un préjudice et du lien de causalité existant entre la faute et le préjudice.
La nullité de la clause de non-concurrence ne fait pas obstacle à l’action en responsabilité engagée par le mandant contre son ancien mandataire dès lors qu’il démontre que ce dernier s’est livré à des actes de concurrence déloyale à son égard.
M. [L] [Y] et Mme [B] [P] ont travaillé en qualité de mandataire de la société CFG, plaçant des contrat d’assurance complémentaire santé entre 2012 et le 16 mars 2016, date de leurs démissions.
Ils ont ensuite travaillé pour la société de courtage TOP Assurances jusqu’en août 2016, date où leurs contrats ont été révoqués à l’initiative de leur nouveau mandant.
La société CFG produit la lettre de la société TOP Assurances adressée le 29 août 2016 à M. [Y], mettant fin au contrat de mandat signé le 25 février 2016 ainsi que les statuts de la SAEL CAM Finance créée par M. [Y] et Mme [P] le 13 juin 2016 et dont l’objet est le courtage, opérations d’assurance et les placements financiers, attestant d’une poursuite d’activité dans le secteur de l’assurance.
La société CFG produit un constat réalisé par Me [J], huissier de justice, les 15 et 16 décembre 2016, dont il ressort que des clients de la société CFG ont souscrit de nouveaux contrats d’assurance complémentaire santé, par l’intermédiaire de M. [Y] ou Mme [P] après leur départ de la société CFG.
Mme [P] a fait souscrire 66 contrats d’assurance complémentaire santé à ses « anciens clients », à la fin de l’année 2016 alors qu’elle avait quitté la société CFG, il en est notamment ainsi de M. [K] qui avait souscrit un contrat par l’intermédiaire de Mme [P] en juin 2015 avec effet au 1er janvier 2016. Un nouveau contrat à effet au 1er janvier 2017 auprès d’un nouvel assureur a été souscrit par ce même client par l’intermédiaire de Mme [P] intervenant alors comme mandataire de la société TOP Assurances, de nombreux autres contrats ont été conclus dans les mêmes conditions avec les anciens clients de la société CFG.
Par ailleurs, des contrats ont été souscrits directement par Mme [P], alors que les assurés avaient auparavant souscrit des contrats par son intermédiaire alors qu’elle intervenait en tant que mandataire de la société CFG, il en est ainsi du contrat souscrit par Mme [R], qui avait souscrit un contrat par l’intermédiaire de la société de courtage CFG en 2014 et a souscrit un nouveau contrat le 23 février 2016, directement auprès de Mme [P] qui n’a mentionné sur le contrat que son numéro d’enregistrement auprès de l’Orias.
De son côté M. [Y] a fait souscrire 49 contrats d’assurance complémentaire santé à d’anciens clients, notamment, à M.[H] qui avait souscrit un contrat d’assurance le 22 avril 2014 par l’intermédiaire de M.[Y], un nouveau contrat a été passé pour TOP Assurances par M. [Y] avec effet le 1er janvier 2017, le même constat était fait pour Mme [E], M. [G], Mme [A]. Le 26 février 2016, M. [Y] a fait souscrire sous son seul nom un contrat à M. [M], alors que celui-ci était déjà client de la société CFG.
Au total, il ressort du constat de Me [J] que 105 clients ont ainsi été démarchés par les intimés après leur départ de la société CFG et ont contracté avec eux, intervenant soit comme mandataire de TOP Assurances, soit directement pour leur compte.
La société CFG produit également de nombreuses attestations dont il ressort que les personnes démarchées n’étaient pas informées du changement de courtier, que nombre d’entre elles ont souscrit un deuxième contrat d’assurance santé alors que le contrat souscrit précédemment n’était pas résilié.
Ainsi Mme [N] [V] indique avoir souscrit en mai 2016 un contrat par l’intermédiaire de Mme [P] à effet du 1er janvier 2017, mais que son précédent contrat n’a pas été résilié ; Mme [V] s’est adressée à la société CFG pensant qu’elle était toujours le courtier.
M. [O] a également attesté avoir souscrit par l’intermédiaire de Mme [P] un deuxième contrat d’assurance en janvier 2016, alors que son précédent contrat était toujours en cours de validité, il a expliqué que Mme [P] lui a indiqué qu’il appartenait à la société CFG de résilier le contrat, M. [O] expliquant avoir décidé de changer de courtier n’ayant plus confiance dans la société CFG.
Se trouve également communiqué par la société CFG, le courrier en date du 29 août 2016 de la société TOP Assurances, révoquant le contrat de mandat passé en février 2016 avec M. [Y] et Mme [P], faisant état de réclamations et résiliations de contrats par des clients qui étaient d’anciens clients de la société CFG.
M. [Y] et Mme [P] contestent ces faits, produisant de leur côté un certain nombre d’attestations faisant état d’intervention de M. [F] auprès de clients pour dénigrer M. [Y] après sa démission, ces attestations établies à la fin de 2017, ne sont pas de nature à justifier des faits par ailleurs établis par le constat d’huissier et les nombreuses attestations fournies.
Outre le nombre de clients démarchés et le caractère systématique du démarchage après la fin du mandat passé avec la société CFG, constituant un véritable détournement de clientèle de nature à affecter l’activité de la société CFG, M. [Y] et Mme [P] ont entretenu la confusion sur les conditions de leurs interventions, ils ont fait souscrire de nouveaux contrats sans résilier les précédents contrats souscrits par l’intermédiaire de la société CFG, laissant croire à leurs clients que la société CFG était responsable de cette situation. Enfin, les réclamations dont fait état la société TOP Assurances caractérisent un comportement déloyal de nature à désorganiser l’activité de la société CFG et sont par conséquent constitutifs d’une faute de nature à engager la responsabilité de M. [Y] et Mme [P] à l’égard de la société CFG.
Le préjudice invoqué et dont il est justifié par la société CFG au travers du constat d’huissier et des listes de clients, consiste dans la perte de clients et de chiffres d’affaires.
Cette perte de chiffre d’affaires est confirmée par la correspondance de la société TOP Assurances indiquant que les chiffres d’affaires importants réalisés entre février 2016 et juin 2016 par M. [Y] et Mme [P], ne peuvent s’expliquer par leur activité puisqu’ils n’ont justifié que de 7 rendez-vous, mais par le détournement de la clientèle de la société CFG, ce courrier démontrant outre l’existence d’un préjudice le lien de causalité entre le préjudice et les fautes commises, les mêmes agissements ayant les mêmes conséquences ayant été commis par M. [Y] et Mme [P] qui se sont par la suite associés au sein de la société CAM Finance.
M. [Y] et Mme [P] seront chacun, pour les fautes qu’ils ont commises déclarés responsables, le jugement étant infirmé.
La société CFG sollicite à titre la condamnation in solidum de M. [Y] et Mme [P] à payer à la société CFG une somme de 131 656,85 euros en réparation du préjudice subi au 15 mai 2017, outre 100 000 euros en réparation du préjudice d’image.
La société CFG ne communique aucune pièce comptable certifiée, pour justifier de son préjudice, elle produit la liste des contrats figurant dans les portefeuilles de ses deux mandataires (pièces 67,68, 69, 70, 86 et 87) faisant apparaître le nombre de contrats résiliés et donc les pertes de recettes, elle ne donne aucun élément sur sa comptabilité et son chiffre d’affaires et marge bénéficiaire habituelle.
Il ressort des pièces produites toutefois que les sommes réclamées soit 24 937 euros concernant le préjudice occasionné par Mme [P] et 106 718,87 euros concernant le préjudice occasionné par M. [Y], correspondent non pas au chiffre d’affaires de la société mais à la somme des produits des contrats souscrits qui vont aux société d’assurance et les commisisons perçues pour le mandataire et le courtier, alors que la perte de la société est constituée par la perte de sa commission à l’exclusion de la commission qui aurait été perçue par le mandataire. Au regard des pièces produites le préjudice imputable à Mme [P] s’établit à 5 449, 93 euros et à 23 241,35 euros concernant M. [Y].
Les activités des deux mandataires étant distinctes, ils n’ont pas concouru à la réalisation d’un même dommage, mais ont chacun causé un préjudice à la société CFG, aucune condamnation in solidum ne pouvant être prononcée, le jugement sera en conséquence infirmé et M. [Y] sera condamné au paiement de la somme de 23 241,35 euros au titre du préjudice économique subi et Mme [P] sera condamnée à payer la somme de 5 449,93 euros.
La société CFG réclame une somme de 100 000 euros en réparation du préjudice de perte d’image subi qui aurait entrainé une perte de chiffre d’affaires.
Si le fait d’avoir fait souscrire par des clients des contrats d’assurance sans s’assurer de la résiliation des précédents laissant croire à une négligence de la société CFG a pu entacher la réputation de cette société avec comme conséquence une baisse d’activité, il n’en reste pas moins que la société CFG, qui fait état d’un chiffre d’affaires oscillant entre 360 000 euros et 600 000 euros par an, ne communique aucun élément justifiant de ces chiffres, pas plus qu’elle ne communique d’élément sur son rayonnement commercial, ou sur la perte de clientèle et de chiffre d’affaires constatés postérieurement aux faits, permettant de justifier le montant des sommes réclamées. Au regard des préjudices financiers retenus, il convient d’évaluer à 10 000 euros le préjudice d’atteinte à l’image, M.[Y] et Mme [P] ayant tous deux concouru par leurs agissements à causer ce préjudice, seront condamnés in solidum au paiement de cette somme.
En matière de concurrence, le principe qui s’applique est celui de la liberté des activités commerciales, d’entreprise et de travail, seuls sont sanctionnés les agissements revêtant un caractère déloyal de nature à fausser la libre concurrence entre les agents économiques. Ces agissements ne sont réprimés que pour autant que se trouve démontrée par celui qui invoque une faute, la déloyauté du comportement de son concurrent ; en ce sens, il n’y a pas lieu d’ordonner à M. [Y] de cesser tous agissements de concurrence déloyale, la société CFG sera déboutée de cette demande.
3/ sur la demande en remboursement des trop-perçus de commissions
Selon l’article 1315 du code civil dans sa version applicable à l’espèce, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
La société CFG sollicite le versement au titre d’un trop perçu de la somme de 5 449,93 euros à Mme [P] et celle de 23 241,35 euros à M. [Y], elle explique que s’agissant des contrats résiliés du fait des détournements de clientèle, elle a dû rembourser les sociétés d’assurance des commissions versées.
Il ressort du contrat de mandat que la rémunération du mandataire est constituée de commissions ainsi que cela est prévu à l’article 9 du contrat de mandat conclus avec M. [Y] et Mme [P] en ces termes « la rémunération du mandataire consistera exclusivement en des commissions en pourcentage fixés sur les montants hors taxe. Les modalités de calcul et d’attribution sont reprises dans les annexes. Le mandant se réserve le droit de réviser les conditions et les modalités de la rémunération, notamment en raison des objectifs commerciaux et des changements ou modifications des contrats présentés à la clientèle. Le mandant se réserver le droit de procéder à l’annulation de toute affaire qui aurait été obtenue sans que soient respectées les règles de la correction professionnelle. Cette annulation entraîne la reprise automatique de la totalité des commissions ».
La société CFG ne communique ni les annexes aux contrats permettant de déterminer plus précisément le montant des commissions, ni un décompte précis des commissions reversées aux sociétés d’assurance, seule se trouve communiquée une lettre adressée en recommandé avec accusé de réception à M. [Y] le 17 mars 2016, faisant état d’une reprise de commission de 4 400 euros, aucun courrier faisant état de reprise de commission adressé à Mme [P] n’est communiqué, en conséquence il convient de fixer à 4 400 euros le montant de reprise de commission due par M. [Y] à la société CFG, M. [Y] sera condamné au paiement de cette somme.
La société CFG sera déboutée de la demande formulée à l’égard de Mme [P].
4/ sur l’appel incident de M. [Y] et Mme [P]
Il sera rappelé que la cour, conformément aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Devant le tribunal et la cour, M. [Y] fait état d’actes de concurrence déloyale commis par la société CFG par l’intermédiaire de son représentant M. [Z] [F] qui l’a dénigré auprès de ses clients, il est fait état d’une demande à hauteur de 50 000 euros dans les motifs de ses conclusions mais sollicite, dans le dispositif de ses conclusions, la condamnation de la société CFG à lui verser 30 000 euros à titre de réparation et la condamnation de M. [F] à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice.
4-1 sur la concurrence déloyale
La concurrence déloyale est le fait pour un acteur économique, de faire un usage excessif de sa liberté d’entreprendre, en recourant à des procédés contraires aux règles et usages, occasionnant ainsi un préjudice à ses concurrents ou aux autres acteurs du marché, c’est sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du code civil que se trouvent sanctionnées les fautes constitutives de concurrence déloyale.
M. [Y] a communiqué un certain nombre d’attestations de clients et d’anciens clients, indiquant avoir reçu la visite de M. [F] de la société CFG qui leur avait indiqué que M. [Y] faisait l’objet de poursuites judiciaires ; certaines des personnes attestant relatent que M. [F] avait qualifié M. [Y] « d’escroc ».
M. [Y] communique ainsi 18 attestations, notamment de Mme [T], exposant que M. [F] lui avait demandé de ne plus recevoir M. [Y], de Mme [X] indiquant que M. [F] lui avait assuré que M. [Y] était un escroc, M. [S], âgé de 82 ans, qui expose quant à lui que M. [F] lui a demandé de faire une fausse attestation.
Ces attestations témoignent d’actes de dénigrement, toutefois il s’observe que les attestations font état d’une intervention de M. [F] à partir du mois de septembre 2016 et jusqu’en avril 2018, c’est-à-dire à partir de l’engagement de poursuites à l’égard des deux intimés.
Les personnes contactées étaient tout autant clientes de la société CFG que de M. [Y] et Mme [P], toutefois les démarches ayant été faites postérieurement aux agissements anticoncurrentiels sanctionnés, aucun élément n’est communiqué pour justifier qu’au moment où M. [F] a rencontré les anciens clients de la société CFG M. [Y] avait une activité de démarchage et il n’est pas non plus justifié de la perturbation que ces agissements auraient pu entraîner dans l’activité de M. [Y], aucun préjudice n’étant établi, ni même allégué, en conséquence M. [Y] sera débouté de cette demande et le jugement infirmé de ce chef.
4-2 Sur la demande en réparation formée à l’encontre de M. [F]
Selon l’article 1240 du code civil tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
M. [Y] soutient que les accusations portées contre lui par M. [F], qui sont relatées dans les attestations, sont constitutives d’une faute, qu’il en est résulté pour lui un préjudice dont il demande réparation.
Il résulte des attestations concordantes sur ce point que M. [F] a dénoncé auprès des anciens clients de M. [Y] des comportements délictueux, faisant état de sa part d’escroquerie ou d’abus de confiance. Si les faits de concurrence déloyale par détournement de clientèle commis par M. [Y] sont avérés aucune pièce produite ne confirme les accusations qui revêtent un caractère vexatoire et calomnieux de nature à porter atteinte à la réputation de celui-ci et lui cause un préjudice moral. Ce préjudice sera réparé par l’allocation d’une somme de 1500 euros à laquelle M. [F] sera condamné.
5/ sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [F]
Selon l’article 1240 du code civil tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
M. [F] sollicite la réparation de son préjudice moral qui résulte d’accusations calomnieuses, il fait état d’un syndrome anxio-dépressif et demande 2000 euros à ce titre.
Les attestations nombreuses et concordantes produites par M. [Y] justifient de démarches entreprises par M. [F] auprès des clients de la société CFG et des accusations que celui-ci a tenues à l’égard de ces clients de nature à porter atteinte à la réputation de M. [Y], de sorte que M. [F] sera débouté de cette demande, la preuve du caractère calomnieux des accusations portées étant établie.
6/ sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Dans le dispositif de ses écritures M. [Y] sollicite la condamnation de la société CFG à lui verser une somme de 20 000 euros pour procédure abusive.
M. [Y], qui succombe partiellement, ne développe dans la discussion de ses écritures aucun moyen au soutien de cette prétention dont il sera débouté.
7/ sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Le jugement est infirmé et M. [Y] et Mme [P] qui succombent en leurs principales prétentions seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’au versement d’une somme de 4 000 euros à la société CFG pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a déclaré nulle et nul effet la clause de non-concurrence figurant aux contrats de mandat de M. [L] [Y] et Mme [B] [P],
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne M. [L] [Y] à payer à la société Courtage Finance Gestion la somme de 23 241,35 euros au titre du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,
Condamne Mme [B] [P] à payer à la société Courtage Finance Gestion la somme de 5 449, 93 euros au titre du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,
Condamne M. [L] [Y] à payer à la société Courtage Finance Gestion la somme de 4 400 euros au titre des reprises de commission,
Déboute la société Courtage Finance Gestion de sa demande formée à l’encontre de Mme [B] [P] au titre des commissions de reprise,
Condamne M. [L] [Y] et Mme [B] [P] in solidum à payer à la société Courtage Finance Gestion la somme de 10 000 euros au titre du préjudice d’atteinte à l’image,
Déboute la société Courtage Finance Gestion de sa demande tendant à voir ordonner à M. [Y] de cesser tous agissements de concurrence déloyale,
Déboute M. [Z] [F] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,
Déboute M. [L] [Y] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale et pour procédure abusive,
Condamne M. [Z] [F] à verser à M. [L] [Y] une somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice,
Déboute la société CFG et M. [Z] [F] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
Condamne M. [L] [Y] et Mme [B] [P] à payer à la société Courtage Finance Gestion une somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,
Condamne M. [L] [Y] et Mme [B] [P] aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier
Anaïs Millescamps
Le président
Catherine Courteille