Changement des horaires de travail du salarié

·

·

,
Changement des horaires de travail du salarié

Au cas d’espèce, si les plannings font partie intégrante du contrat de travail, les parties sont convenues que le planning sera fixé, mensuellement et en avance par l’employeur, ce qui a été accepté par la salariée, en sorte que Mme [Z] ne saurait se prévaloir des horaires des mois de janvier ou février 2017, fussent-ils contresignés pas elle, pour faire échec à l’application d’un changement d’horaires au mois de novembre 2018.

A défaut de clause contractuelle excluant le jeudi après-midi, l’employeur, en changeant l’horaire de travail et en demandant à la salariée de travailler le jeudi après-midi, soit un jour ouvrable qui avait au demeurant déjà donné lieu à travail durant une courte période et n’avait pas été contesté, fait usage de son pouvoir de direction.

Compte-tenu de l’équilibre général du contrat, l’employeur n’a pas commis d’abus de droit dans l’exercice de ce pouvoir.


*      *      *

Cour d’appel de Colmar, Chambre 4 A, 28 février 2023, 21/03328

CKD/JH/KG

MINUTE N° 23/227

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

– avocats

– délégués syndicaux

– parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 28 Février 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/03328

N° Portalis DBVW-V-B7F-HUJX

Décision déférée à la Cour : 15 Juin 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE

APPELANTE :

Madame [A] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par M. [F] [K] (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEE :

Association SOLIDARITE FEMMES 68

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 389 605 544 00045

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane THOMANN, avocat au barreau de MULHOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [A] [Z], née le 12 mars 1972, a été engagée en qualité de secrétaire par l’Association solidarité femmes 68, dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée à temps complet du 02 janvier 2017 au 30 septembre 2017.

Les parties ont signé un avenant prévoyant sa transformation en contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2017.

Le contrat de travail était conclu pour une durée de travail de 35 heures par semaine réparties selon un planning établi par l’employeur.

Par lettre datée du 23 octobre 2018, l’association informait de Mme [Z] de la modification de ses horaires de travail.

Par courrier du 02 novembre 2018, la salariée notifiait à l’employeur son refus de la modification des horaires de travail au motif que celle-ci désorganisait de façon substantielle sa vie privée.

Par courrier du 08 novembre 2018, l’association informait Mme [Z] du maintien du changement d’horaires à partir du 12 novembre 2018.

A compter du 12 novembre 2018, après avoir invoqué des impératifs médicaux dans un courrier du 10 novembre 2018, Mme [Z] a continué d’appliquer ses anciens horaires de travail.

Par courrier du 13 novembre 2018, Mme [Z] a été convoquée à un entretien préalable pouvant aller jusqu’au licenciement qui s’est tenu le 22 novembre 2018.

Par lettre recommandée avec accusé réception datée du 27 novembre 2018, l’Association solidarité femmes 68 a notifié à Mme [Z] son licenciement pour faute grave «’pour non-respect de vos horaires de travail, non-respect du lien de subordination sous lequel vous êtes placée vis-à-vis de votre employeur, et mauvaise fois répétée de votre part’».

Mme [Z] a, le 27 septembre 2019, saisi le conseil de prud’hommes de Mulhouse aux fins de voir prononcer la nullité de son licenciement du fait d’un harcèlement managérial et d’une mesure de discrimination à son égard, subsidiairement son absence de cause réelle et sérieuse eu égard au refus justifié de la modification imposée des horaires de travail contractualisés, et d’obtenir une indemnité pour licenciement nul ou pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 15 juin 2021, le conseil de prud’hommes de Mulhouse a’:

– déclaré la demande de Mme [Z] recevable mais non fondée,

– dit et jugé que Mme [Z] n’a fait l’objet ni de harcèlement managérial, ni de discrimination de la part de son employeur,

– débouté Mme [Z] de l’intégralité de ses prétentions,

– dit et jugé que le licenciement de Mme [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– débouté l’Association solidarité femmes 68 de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [Z] aux entiers frais et dépens de l’instance.

Mme [Z] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par courrier du 2 juillet 2021.

Par dernières conclusions transmises au greffe le 17 février 2022, Mme [Z] demande à la cour de’:

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– dire et juger qu’il y a harcèlement moral managérial, à défaut, de dire et juger qu’elle a fait l’objet d’une discrimination,

– prononcer la nullité du licenciement,

– condamner l’Association solidarité femmes 68 à lui verser la somme de 24.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– subsidiairement, dire et juge que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse puisqu’elle était en droit de refuser la modification de ses horaires contractualisés et de condamner l’Association intimée à lui verser la somme de 24.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner l’association à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens de l’instance.

Par dernières conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 7 novembre 2022, l’Association solidarité femmes 68 demande à la cour de :

– déclarer l’appel de Mme [Z] irrecevable et en tout cas mal fondé,

– dire et juger qu’il n’y a eu aucun harcèlement managérial,

– dire et juger que Mme [Z] n’a pas été victime d’une discrimination,

– dire et juger que le licenciement intervenu était justifié,

– débouter Mme [Z] de l’intégralité de ses fins, moyens et prétentions,

– subsidiairement, réduire considérablement les prétentions de la salariée,

– en tout état de cause, condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 08 novembre 2022.

Il est, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits moyens et prétentions des parties, renvoyé aux conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour constate que l’Association solidarité femmes 68 ne développe aucun moyen au soutien de sa demande tendant à déclarer l’appel interjeté par Mme [Z] irrecevable, en sorte que celui-ci sera déclaré recevable.

I. Sur la demande tendant à écarter des pièces

L’appelante demande dans les motifs de ses conclusions à la cour d’écarter les photos versées aux débats par la partie adverse pour illustrer l’entente des salariées au sein de l’association, en ce que celles-ci auraient été prises, pour la plupart, en dehors des heures de travail, et qu’elles porteraient atteinte au droit à l’image de la salariée.

Cette demande n’est pas reprise dans le dispositif des conclusions qui seul saisi la cour. Par conséquent il n’y a pas lieu d’y répondre.

II. Sur le licenciement

A. Sur la nullité du licenciement

Mme [Z] a fait l’objet d’une mesure de licenciement pour faute grave dont la lettre de licenciement est ainsi motivée :

« (‘) En date du 23/10/2018, vous avez été reçue en entretien par la directrice [H] [T] afin de vous notifier un changement de vos horaires de travail conformément au planning ci-dessous :

Nouveaux horaires de travail

Lundi : 9h00-12h00 / 14h00-18h00

Mardi : 9h00-l2h00 / 14h00-18h00

Mercredi : 9h00-12h00 / 14h00-18h00

Jeudi : 9h00-12h30 / 14h00-17h30

Vendredi : 9h00-l2h00 / 14h00-18h00

Anciens horaires de travail

Lundi: 9h00-12h30 / 13h30-18h00

Mardi : 9h00-12h30 / 13h30-18h00

Mercredi : 9h00-l2h00 / 14h00-18h00

Jeudi: 9h00-12h30 / Libre

Vendredi: 9h00-12h30/ 13h30-17h00

Lors de cet entretien il vous a été expliqué que suite au départ de la comptable de l’association nous étions contraints de modifier vos horaires de travail afin que vous soyez présente pour assurer la permanence téléphonique le jeudi après-midi, tâche précédemment confiée à la comptable.

Nous avons également expliqué que nous avions validé en Conseil d’Administration le 22/10/2018, cette réattribution de tâche qui correspond davantage à la réalité du terrain et aux besoins du fonctionnement de l’association.

A l’issue de cet entretien, vous nous avez notifié votre refus d’appliquer les nouveaux horaires de travail oralement, puis par courrier recommandé en date du 02/11/2018 au motif que vous aviez des rendez-vous médicaux le jeudi après-midi, que vous étiez donc dans l’incapacité d’exercer les nouveaux horaires et demandiez par conséquent le maintien des anciens horaires. En date du 08/11/2018, nous vous avons notifié par courrier recommandé de nos contraintes d’organisation et de l’impossibilité de répondre favorablement à votre demande. Ce courrier rappelait également le maintien des nouveaux horaires effectifs à compter du 12/11/2018.

Lors du nouvel entretien avec la directrice [H] [T] en date du 08/11/2018, il vous a été dit que nous vous laisserions la possibilité de prendre de façon ponctuelle des congés en cas d’impératifs le jeudi après-midi à partir du moment où votre remplacement pouvait être organisé sur cette plage horaire. Nous vous avons également proposé de prendre un congé pour l’après-midi du 15/11/2018 dans le but de vous laisser un délai supplémentaire afin de vous permettre de vous organiser en vue d’appliquer les nouveaux horaires de travail. Néanmoins, vous avez décliné cette proposition et avez réitéré votre refus de respecter vos nouveaux horaires de travail et ce, malgré la bonne foi dont a fait preuve votre responsable hiérarchique.

Depuis le 12/11/2018, nous avons eu à constater que vous continuiez d’appliquer vos anciens horaires de travail, ce qui nous a conduit à vous convoquer à un entretien préalable pouvant aller jusqu’au licenciement en date du 22/11/2018.

Lors de cet entretien vous avez maintenu le refus catégorique d’appliquer vos nouveaux horaires de travail. Nous vous avons à nouveau précisé que la nouvelle organisation de travail répondait à une nécessité de rendre le service administratif plus efficient et qu’en tant que secrétaire de l’association, nous attendions de vous d’être présente sur la plage d’ouverture de l’association, afin d’assurer la permanence téléphonique du standard.

Nous souhaitons vous rappeler qu’un changement des horaires de travail sans changement de la durée du temps de travail, ni de la rémunération constitue une simple modification des conditions de travail qui peut s’exercer de manière unilatérale par l’employeur. En l’espèce, nous avons tenu compte des contraintes que pouvait engendrer une modification de vos horaires d’où le respect d’un délai de prévenance de trois semaines, ainsi que la possibilité de poser des congés pour vous organiser en conséquence. En dépit des efforts que nous avons fourmis pour accompagner au mieux cette modification, vous n’avez pas respecté vos devoirs et avez fait preuve d’insubordination répétée et flagrante en ne pratiquant pas le nouvel horaire qui avait été acté. En agissant ainsi, vous avez manqué à votre devoir. En tant que salariée, nous vous rappelons que vous êtes placée sous le lien de subordination directe de votre employeur et devez par tout moyen, vous conformer aux dispositions prises par celui-ci dans le but d’assurer le bon fonctionnement et la pérennité de ses activités.

Devant de tels agissements, nous sommes contraints de vous notifier par la présente de votre licenciement pour faute grave pour non-respect de vos horaires de travail, non-respect du lien de subordination sous lequel vous êtes placée vis-à-vis de votre employeur et mauvaise foi répétée de votre part (‘) ».

La salariée invoque la nullité de son licenciement au motif qu’elle aurait été victime, d’une part d’un harcèlement managérial et, d’autre part, de discrimination.

1) Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1152-3 du code précité prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En application de l’article L.1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, Mme [Z] prétend que l’Association solidarité femmes 68 a été l’auteure d’un harcèlement moral managérial dont le licenciement, faisant suite à son refus de modifier le contrat de travail, serait une illustration du comportement managérial de l’employeur.

L’appelante indique qu’elle était la seule salariée de l’association à accomplir son temps de travail sur cinq jours, et non quatre jours et demi.

L’appelante fait encore valoir que, dès l’engagement de la relation contractuelle, l’employeur a manqué à ses obligations en s’abstenant d’établir un planning mensuel des heures de travail et en lui imposant des horaires sans demi-journée de repos durant la semaine alors que les autres salariés à temps plein en bénéficient.

Pour étayer ses affirmations, la salariée produit’:

– des attestations d’anciens collègues de travail (Mmes [R], [Y], [D], [G], [X], [U], [C], [W]), desquelles il ressort que le nombre de travailleurs sociaux et d’éducateurs spécialisés de l’association était en sous-effectif, que Mme [R] a sollicité la rupture conventionnelle de son contrat de travail invoquant une «’forme de harcèlement moral’», que Mme [Z] a travaillé quelques semaines sur une période de 5 jours avant de travailler 4,5 jours par semaine depuis sa période d’essai ce qui a conduit l’association à organiser des réunions «’relai accueil’» le jeudi matin afin d’assurer une permanence physique et téléphonique du secrétariat le jeudi après-midi en l’absence de Mme [Z], que la direction aurait manifesté son mécontentement par un entretien de recadrage suite à l’organisation par Mme [Z] d’une soirée entre collègues lors de laquelle certaines salariées se seraient senties exclues’;

– un courrier adressé à la Présidente de la Fédération nationale Solidarité Femmes par la CGT du bassin potassique le 11 juin 2019 dénonçant des faits de «’harcèlement permanent quasi institutionnel envers les salariées’» depuis la nomination de la nouvelle directrice de l’association en 2012, Mme [T]’;

– une photographie non datée de plannings de travail indiquant que Mme [Z] disposait du jeudi après-midi libre’;

– l’attestation de M. [O] [L], conseiller du salarié, relatant des échanges intervenus lors de l’entretien préalable au licenciement, de laquelle il ressort que l’association, ferme sur l’entrée en vigueur des horaires modifiés, a néanmoins proposé à la salariée de poser des jours de congés payés pour prendre ses rendez-vous médicaux’;

– un courrier adressé le 29 juin 2020 par Mme [M] à la direction de l’association ainsi qu’un courrier de Mme [V] rédigé en mars 2016 faisant état des difficultés relationnelles qu’elles rencontraient avec Mme [T], notamment de pressions et de violences psychologiques ;

– les attestations de Mme [S], vice-présidente de l’association entre 2019 et 2021, qui indique avoir été exclue de l’association après avoir sollicité l’aide de la présidente de l’association pour obtenir les documents de base de l’association et fait état d’un turn-over anormalement élevé des salariés depuis 2012′;

– un courrier non daté adressé par d’anciennes salariées de l’association, dont Mme [Z], à la Fédération nationale Solidarité Femmes alertant sur le harcèlement moral de la part de la direction, lequel serait notamment constitué par une dévalorisation systématique des salariées allant jusqu’au lynchage lors d’une réunion d’équipe’;

– l’avis d’inaptitude concernant Mme [M]’;

– des articles de presse locale.

Concernant la modification des horaires de travail de Mme [Z], le contrat de travail dispose expressément en son article 5 relatif à la durée du travail que «’Le salarié sera soumis à la durée légale du travail, savoir 35 heures hebdomadaire.

Il sera établi mensuellement et par avance un planning de ses heures travaillées, ce qui est accepté par le salarié.

L’employeur a déterminé le premier planning du salarié pour le mois de janvier 2017 (annexe 1) qui fait partie intégrante du contrat.’»

La cour constate que le changement des horaires de travail constitue, au cas d’espèce, une simple modification des conditions de travail, et non une modification du contrat de travail.

En effet, contrairement aux allégations de l’appelante, les horaires de la salariée ne sont pas contractualisés de manière intangible, les parties étant convenues de la possibilité pour l’association de modifier les horaires de la salariée, selon un planning établi par avance.

Cette disposition contractuelle a été expressément acceptée par Mme [Z], tout comme les deux premiers plannings annexés au contrat qui ont été signés de sa main.

Le planning initial prévoyait une répartition de la durée du travail sur 5 jours hebdomadaires, ce qui résulte expressément du planning communiqué par l’employeur, ainsi que de l’attestation de Mme [R], alors comptable au sein de l’association, mais encore des attestations des autres collègues de travail de l’appelante, dont Mme [D].

Suite à des échanges entre Mme [R] et la direction de l’association (pièce n°23 de l’appelante), l’employeur a accepté de répartir la semaine de travail de Mme [Z], à la demande de cette dernière, sur 4,5 jours avec le jeudi après-midi libre, en lui remettant un planning que la salariée a contresigné.

Cette demande de modification des horaires de travail émanait de la salariée, elle-même.

Ensuite, s’agissant de la photographie d’un planning hebdomadaire concernant les salariées de l’association, il appert que si aucune date ne permet de déterminer la période concernée, celui-ci fait clairement apparaître que Mme [Z] a bien disposé d’une demi-journée libre le jeudi après-midi conformément à sa demande.

La cour constate cependant que ce même planning fait apparaître que l’une de ses collègues, [N], psychologue au sein de l’association, n’a pas bénéficié d’une demi-journée libre alors qu’elle était occupée à temps complet. Si Mme [Z] indique qu’il s’agit de convenances personnelles de cette salariée, celle-ci n’en apporte pas la moindre preuve.

En outre, s’il appert de ce planning que toutes les salariées ne disposaient pas d’une demi-journée libre par semaine, il est encore établi par l’employeur que Mme [Z] était la seule secrétaire de l’association.

Les attestations versées aux débats précisent à cet égard que les deux comptables de l’association, Mme [R] puis Mme [Y], ainsi que les éducatrices de jeunes enfants prenaient le relai des appels téléphoniques, et de l’accueil des victimes les jeudis après-midi.

De plus, Mme [Y] atteste avoir quitté l’association le 10 novembre 2018, ce qui accrédite les explications fournies par l’association à Mme [Z] dans le courrier du 23 octobre 2018 lui annonçant une modification de ses horaires de travail à compter du 12 novembre 2018, ces mêmes informations ayant été reprises dans la lettre de licenciement.

Les articles de presse dont se prévaut Mme [Z], censés démontrer la polyvalence de la comptable, ont été rédigés dans le contexte sanitaire de la Covid-19, soit postérieurement au licenciement litigieux.

En outre, s’agissant de la «’forme de harcèlement moral’» invoquée par Mme [R] dans son attestation antérieurement à la signature d’une rupture conventionnelle, à la demande de la salariée, les éléments invoqués concernent

Mme [R], elle même et ne peuvent étre invoqués dans une affaire opposant l’association à Mme [Z].

La situation dénoncée par Mme [R] ne concerne pas Mme [Z], ni davantage la situation de Mmes [M] et [S].

En effet, le différend intervenu à compter du 21 avril 2020 entre Mme [M] et la directrice de l’association au sujet du refus de l’employeur d’accepter la rupture conventionnelle sollicitée par la salariée, de la mise en ‘uvre du pouvoir de direction s’agissant de retards et des conditions de travail dans le contexte de SARS-CoV-2, est postérieur au licenciement de l’appelante intervenu le 27 novembre 2018. En outre, le lien entre l’inaptitude de Mme [M] et ses conditions de travail n’est pas établi dans le cadre de la présente procédure.

Le même constat s’impose s’agissant de l’éviction de Mme [S], cette dernière ayant elle-même indiqué que son exclusion a été prononcée en mai 2021, par un conseil d’administration de quatre membres et non par Mme [T], suite à un litige relatif à l’absence de communication de pièces, de la gestion du Covid-19 et du paiement des heures supplémentaires.-

Quant au reproche qui aurait été adressé à Mme [Z] suite à l’organisation d’un moment de convivialité entre collègues, ce fait unique est cependant établi puisqu’un entretien de recadrage est intervenu le 17 mai 2018 à propos d’un événement qui, faute de preuve contraire suffisante, relevait de la vie personnelle des collègues de travail. Si le compte-rendu de l’entretien rédigé par la direction de l’association indique qu’il a été rappelé à la salariée que celle-ci n’était pas mandatée pour s’investir au titre de la cohésion d’équipe confiée à la coordinatrice de l’association, il n’est pas établi que cette réunion s’inscrivait dans le cadre professionnel et durant les horaires de travail de Mme [Z] qui évoque, de manière concordante avec ses collègues (pièce n°24 de l’appelante), «’une soirée’».

Enfin, s’agissant de la pétition groupée signée par d’anciennes salariées de l’association dénonçant le «’modèle de management à la hiérarchie de l’association SF 68’», les faits évoqués en termes généraux et imprécis sont insuffisamment circonstanciés en dehors de l’entretien de recadrage du 17 mai 2018 et ne permettent pas de retenir que Mme [Z] en aurait été victime personnellement.

L’existence de ce fait unique ne permet pas, à lui seul, de démontrer les colères et mesures de rétorsion systématiques de la directrice invoquées par les salariées, ni d’expliquer le turn-over ou le sous-effectif qui vise les emplois d’assistantes sociales et d’éducatrices mais non du secrétariat, ceux-là étant au demeurant davantage expliqués par les arrêts de travail intervenus à compter du début d’année 2017 ainsi qu’il ressort d’un échange transparent entre la direction et les salariées de l’association (pièce n°17 de l’intimée) sans qu’il ne soit cependant établi de lien entre ces arrêts de travail et de mauvaises conditions de travail.

Il résulte de l’ensemble des éléments invoqués par la salariée que, pris dans leur ensemble, les seuls faits matériellement établis concernant la modification des conditions de travail, la tenue d’un entretien de recadrage injustifié mais non suivi de sanction, ainsi que le sous-effectif temporaire des assistantes sociales et des éducatrices, ne permettent pas de présumer ou laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral à l’égard de Mme [Z] au sens de l’article L.1152-1 du code du travail.

2) Sur l’absence de discrimination

Il résulte de l’article L.1132-1 du code du travail qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article premier de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations en raison de son état de santé.

Conformément aux dispositions de l’article L.1132-4 du même code, toute disposition prise en méconnaissance de l’article précité est nul.

Par ailleurs, selon l’article L.1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige au sujet d’une discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, et au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il s’évince des dispositions précitées qu’il appartient à la cour d’examiner la matérialité de tous les éléments invoqués par le salarié, d’apprécier ensuite si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte et, dans l’affirmative, d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Au cas d’espèce, Mme [Z] ne vise aucun des motifs l’article L.1132-1 du code du travail, celle-ci se contentant d’affirmer l’existence d’une mesure discriminatoire dont le moyen tend, en réalité, à démontrer l’existence d’une inégalité de traitement avec les autres salariées de l’association.

Or, aucun usage qui s’entend d’une pratique fixe, constante et générale n’est démontré. De plus, il résulte des développements qui précèdent qu’une salariée de l’association prénommée [N], psychologue, ne bénéficie pas non plus de demi-journée de libre.

De surcroit, Mme [Z] était placée dans une situation différente de celle des autres salariées de l’association, p our occuper le seul poste de secrétaire.

Par ailleurs, il n’est pas débattu qu’à ce titre elle était chargée de l’accueil téléphonique et physique, ce qui nécessitait de procéder à son remplacement tous les jeudis après-midi. Ce remplacement incombait prioritairement aux comptables et, en leur absence, aux éducatrices de l’association, notamment Mme [W] [G], éducatrice, qui atteste avoir occupé le poste de Mme [Z] 23 fois durant l’année 2017.

Il résulte de ces éléments que le sous-effectif des assistantes sociales et éducatrices a pu motiver de manière objective une réorganisation du fonctionnement des services administratif et comptable au départ de la comptable de l’association.

Au vu de ces considérations, l’existence d’éléments de fait laissant supposer une discrimination directe ou indirecte ou une différence de traitement entre les salariées n’est pas rapportée.

3) Sur la synthèse

Les moyens développés par la salariée au soutien de sa demande de reconnaissance de la nullité du licenciement n’étant pas fondés, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit et jugé que la salariée n’a fait l’objet ni de harcèlement managérial, ni de discrimination de la part de son employeur.

B. Sur la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse

Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La charge de l’administration de la preuve de la faute grave repose sur l’employeur.

En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige, que Mme [Z] a été licenciée pour un motif disciplinaire pour avoir refusé d’appliquer à compter du 12 novembre 2018 les nouveaux horaires de travail communiqués par l’employeur.

Il y a lieu de rappeler que, sauf atteinte excessive au droit de la salariée au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, l’instauration d’une nouvelle répartition du travail sur la journée relève du pouvoir de direction de l’employeur lorsque les horaires de travail n’ont pas été contractualisés.

Au cas d’espèce, si les plannings font partie intégrante du contrat de travail, les parties sont convenues que le planning sera fixé, mensuellement et en avance par l’employeur, ce qui a été accepté par la salariée, en sorte que Mme [Z] ne saurait se prévaloir des horaires des mois de janvier ou février 2017, fussent-ils contresignés pas elle, pour faire échec à l’application d’un changement d’horaires au mois de novembre 2018.

A défaut de clause contractuelle excluant le jeudi après-midi, l’employeur, en changeant l’horaire de travail et en demandant à la salariée de travailler le jeudi après-midi, soit un jour ouvrable qui avait au demeurant déjà donné lieu à travail durant une courte période et n’avait pas été contesté, fait usage de son pouvoir de direction.

Compte-tenu de l’équilibre général du contrat, l’employeur n’a pas commis d’abus de droit dans l’exercice de ce pouvoir.

Par ailleurs, l’existence de contraintes familiales ou de rendez-vous médicaux impératifs n’est pas rapportée par l’appelante.

En outre, il résulte de l’attestation de M. [L], conseiller du salarié, que la direction de l’association avait bien proposé à la salariée de poser des congés payés pour honorer ses rendez-vous médicaux (pièce n°22 de l’appelante), possibilité qui a été rappelée dans la lettre de licenciement.

Le grief de l’insubordination est ainsi établi.

Cependant, en l’absence de passé disciplinaire connu, le refus par un salarié d’un changement de ses conditions de travail ne constitue pas, à lui seul, une faute grave.

Il s’ensuit que le refus de Mme [Z] d’exécuter les nouveaux horaires constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, en sorte que le jugement qui a procédé à la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse sera confirmé sur ce point.

C. Sur les conséquences financières du licenciement

Le licenciement de l’appelante reposant sur une cause réelle et sérieuse, Mme [Z] doit être déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail. Aucune autre demande relative à la rupture du contrat de travail n’est formée par la salariée.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

III. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Compte-tenu de l’issue du litige, les dispositions du jugement querellé seront confirmées s’agissant des frais irrépétibles et des dépens.

L’appelante étant la partie perdante du procès, elle sera condamnée aux frais et dépens de la procédure d’appel.

Mme [Z] sera en outre condamnée à payer à l’Association solidarité femmes 68 une indemnité de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et déboutée de sa demande formulée sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Mulhouse du 15 juin 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [A] [Z] aux frais et dépens de la procédure d’appel,

CONDAMNE Mme [A] [Z] à verser à l’Association solidarité femmes 68 la somme de 1.000 (mille) euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE Mme [A] [Z] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 28 février 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine’Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x