Vue sur le jardin des voisins : un trouble sanctionné

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Vue sur le jardin des voisins : un trouble sanctionné
Ce point juridique est utile ?

Au moment de l’édification de leur maison qui a été bâtie sur un sous-sol enterré, les consorts [O] ont créé une sur élévation qui a donné lieu à une vue droite et plongeante sur l’héritage de leurs voisins sans qu’il n’y ait 1,9 m de distance entre le mur de séparation, à l’époque constitué de blocs de pierre, et le fond des consorts les consorts [N]. La vue ainsi créée a été cependant oblitérée par la présence de thuyas.

La suppression par les époux [B] de cette haie de thuyas en 2014 est de nature à réactiver à cette vue et donc à générer un préjudice pour le fonds dominé, et ce d’autant plus du fait de l’extension de la terrasse bénéficiant aux époux [O] jusqu’en limite de propriété.

En effet, il apparaît sur le plan de masse joint au permis de construire des consorts [O], qu’au départ, la terrasse se trouvant en face du fonds [N] ne jouxtait pas la limite de propriété. Les propriétaires du fonds surplombant ont donc prolongé en 2014, au moment où ils ont réaménagé leurs extérieurs et fait installer une piscine, leur terrasse jusqu’à la limite du fonds, ce qui a renforcé la vue droite dont ils bénéficient sur le fonds de leurs voisins.

L’existence de cette plate-forme surplombant le terrain des appelants, la suppression de la haie de thuyas qui antérieurement empêchait la vue plongeante, le prolongement de la terrasse jusqu’à la limite de la propriété, la création en outre d’une piscine sur cette plate-forme, génèrent une vue droite sur le fonds de monsieur [E] [P] et madame [G] [D].

Ces derniers peuvent alors à juste titre se plaindre d’un préjudice d’indiscrétion, et ce d’autant plus que les dispositions de l’article 678 du code civil – qui prévoient une distance de 1,9 m entre l’édification de la construction (dans le cas présent la limite de la plate-forme) donnant lieu à vue et le fonds dominé ‘ne sont pas respectées puisque la terrasse des époux [B] va jusqu’en limite de propriété.

Cette situation cause un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, et ce au préjudice des appelants, et justifie la mise en place de mesures de nature à mettre un terme à ce trouble et à l’allocation de dommages intérêts.

Il y a par conséquent lieu d’infirmer le jugement entrepris et d’accueillir la demande des époux [N], et corrélativement de condamner les intimés à mettre terme à l’existence de cette vue droite en édifiant à leurs frais, et sur leur fonds, un écran opaque de type brise vue d’une hauteur de 1,90 m tout le long de la limite séparative des deux fonds.

Le litige perdurant depuis près d’une dizaine d’années, afin d’y mettre un terme, cette décision sera assortie d’une astreinte de 40 euros par jour de retard à compter du terme d’un délai de quatre mois qui débutera à compter de la signification du présent arrêt.

En revanche, à partir du moment où les travaux doivent être réalisés exclusivement sur le fonds des époux [O], il n’est pas nécessaire de les condamner à transmettre à leurs voisins le devis de l’entreprise mandatée, ou encore d’ordonner l’intervention d’un maître d”uvre.

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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Cour d’appel de Colmar, Chambre 2 A, 2 mars 2023, 21/01848

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 août 2022, monsieur [H] [R] et madame [F] [R] née [U] demandent la cour de bien vouloir :

Ecarter des débats l’annexe 26 des appelants intitulée « photographies complémentaires ‘ ‘ dès lors que ces photographies auraient été obtenues à leur insu en violation de leur droit à l`image’;

Déclarer l’appel mal fondé et CONFIRMER le jugement ;

Débouter les appelants de leurs demandes ;

Les condamner à payer une indemnité de 2 000 euros pour procédure abusive ;

Les condamner à payer 2 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

Les condamner aux dépens.

Les intimés affirment que leur propriété a toujours surplombé celle des appelants ; c’es

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Cour d’appel de Colmar, Chambre 2 A, 2 mars 2023, 21/01848 MINUTE N° 104/2023

Copie exécutoire à

– Me Raphaël REINS

– Me Nadine HEICHELBECH

Le 2 mars 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 02 Mars 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01848 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HRWO

Décision déférée à la cour : 23 Février 2021 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTS :

Monsieur [E] [P]

Madame [G] [D]

demeurant ensemble [Adresse 5]

représentés par Me Raphaël REINS, avocat à la cour.

INTIMÉS :

Monsieur [H] [R]

Madame [F] [U] épouse [R]

demeurant ensemble [Adresse 7]

représentés par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, et , Madame Nathalie HERY, Conseiller chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [P] et Madame [D] sont propriétaires d’une maison à usage d’habitation située au [Adresse 6] sous les références cadastrales section B n° [Cadastre 1] ; 1439′; 840 et 841, qu’ils ont fait édifier en 1999.

Ils sont voisins de l’immeuble appartenant à monsieur [H] [R] et madame [F] [U] épouse [R] situé [Adresse 7] sous références cadastrales section B n°[Cadastre 4] ;1568 et 1567, qui a été construit suite au dépôt du permis de construire en 1988.

Les deux propriétés sont contiguës, étant précisé que le fonds des consorts [S] surplombe le terrain des époux [N].

Pendant les premières années de cohabitation entre voisins, un enrochement matérialisait la séparation entre les deux fonds sur lequel les consorts [R] avait planté une haie de thuyas qui empêchait toute vue d’un fonds sur l’autre.

En 2014, les consorts [R] ont engagé d’importants travaux de réaménagement de leurs extérieurs ; ils ont supprimé l’enrochement et la haie séparative, et mis à la place un mur en béton ou agglos surmonté d’un grillage.

Les relations entre voisins, suite à un contentieux survenu après la mise en place d’une cabane de jardin par les consorts [N], allaient se dégrader, ces derniers reprochant aux consorts [R] d’avoir créé une vue sur leurs fonds. Des dépôts de plaintes étaient déposées de manière croisée. Le maire de la commune puis un conciliateur de justice intervenaient dans un souci d’apaisement.

Les consorts [N] ont assigné devant le tribunal de grande instance de Mulhouse le 18 octobre 2017 monsieur [H] [R] et madame [F] [R] née [U]. Suite à une requête incidente formulée auprès du juge de la mise en état, ce dernier a rendu une ordonnance en date du 21 mars 2019 désignant monsieur [Z], géomètre. Ce dernier rédigeait son rapport daté du 13 mars 2020, qui a été transmis le 20 mai 2020 aux parties.

Par jugement du 23 février 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :

– ordonné à monsieur [H] [R] et madame [F] [R] née [U] de faire procéder à l’enlèvement du béton qui déborde sur la propriété de monsieur [E] [P] et madame [G] [D] par un professionnel dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision et sous contrôle de monsieur [Z], géomètre qui avait été désigné par le juge de la mise en état,

– rejeté la demande d’astreinte formulée par monsieur [E] [P] et madame [G] [D],

– mis à la charge des consorts [R] la consignation d’une somme de 1000 euros au profit de monsieur [Z],

– autorisé monsieur [P] et madame [D] à édifier un brise-vue sur leur terrain et à leurs frais,

– rejeté les demandes de dommages et intérêts ainsi qu’au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens, sauf le partage par moitié des honoraires du technicien.

Le premier juge, faisant référence au constat du technicien désigné par le tribunal qui a indiqué que le mur était bien construit sur la propriété des consorts [R] et que seul le béton des fondations débordait, a ordonné à monsieur [H] [R] et madame [F] [R] née [U] de faire procéder à l’enlèvement de ce béton par un professionnel et sous le contrôle de Monsieur [Z] (le technicien désigné par le tribunal).

S’agissant de la question de l’écran opaque, le tribunal écrivait qu’il s’agissait d’une demande des consorts [N] et qu’à partir du moment où monsieur [R] ne s’était pas opposé à la réalisation d’un brise vue le long de sa propriété, il autorisait les requérants à édifier un brise vue sur leur terrain « car il est réalisé dans leur intérêt et à leurs frais ».

Mis à part ces quelques développements au sujet de la réalisation d’un écran opaque, le premier juge n’évoquait pas la question de l’existence d’une vue oblique du fonds des défendeurs au détriment de celui des demandeurs.

Enfin le premier juge a rejeté les demandes croisées des parties en vue d’obtenir des dommages-intérêts. Il a décidé de partager les frais et dépens par moitié, tout en écartant les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [N] ont régulièrement formé appel à l’encontre du jugement précité le’2 avril 2021; la portée de l’appel est totale.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 juillet 2021, monsieur [E] [P] et madame [G] [D] demandent à la cour, aux termes des articles 545 et 678 et suivants du Code civil, de bien vouloir’:

a) sur l’appel principal

Déclarer leur appel recevable,

Faire droit à l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

Débouter les intimés de l’ensemble de leurs demandes, moyens et prétentions y compris s’agissant d’un éventuel appel incident,

Infirmer le jugement du Tribunal Judiciaire de Mulhouse du 23 février 2021 en toute ses dispositions;

Et, statuant à nouveau

Condamner les intimés à procéder au retrait par un professionnel du bâtiment de l’intégralité du mur construit à l’aplomb de la limite séparative et dont les fondations empiètent sur la parcelle section B n°[Cadastre 1] appartenant aux demandeurs, au besoin sous peine d’une astreinte de 100 euros par jours de retard à compter du jugement à intervenir.

Subsidiairement,

Condamner à tout le moins, les intimés à procéder au retrait par un professionnel du bâtiment des fondations du mur construit à l’aplomb de la limite séparative empiétant sur la parcelle section B n°[Cadastre 1] appartenant aux demandeurs, au besoin sous peine d’une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir.

b) sur l’appel incident

Déclarer l’appel irrecevable, en tous cas mal fondé,

Le rejeter intégralement

Débouter les intimés de l’ensemble de leurs demandes, moyens et prétentions y compris s’agissant de leur appel incident,

c) en tout état de cause

Condamner les intimés à édifier à leurs frais et sur leur fonds un écran opaque (type brise vue) d’une hauteur de 1m90 tout le long de la limite séparative des deux fonds, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

Condamner les intimés à adresser préalablement aux consorts [N] un devis de l’entreprise mandatée avec un planning d’intervention et sous le contrôle d’un maître d”uvre dont les frais seront intégralement supportés par les intimés.

Condamner solidairement les intimés à verser aux appelants les sommes de’:

* 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et du trouble de voisinage occasionnés, majorée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir

* 5.000,00 euros pour résistance abusive, majorée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

* 1.200,00 euros en remboursement des frais d’intervention de Monsieur [Z], géomètre

* 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre une somme de 2.500 euros au titre des frais de première instance,

Condamner solidairement les intimés aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.

Les appelants soutiennent qu’à l’occasion de la modification des aménagements extérieurs de leur propriété en 2014 par les consorts [R] – consistant dans le retrait de la haie de thuyas, l’exhaussement du terrain, la création d’une terrasse jusqu’en limite de propriété et l’installation de la piscine sur ladite terrasse – une vue directe sur leur fonds (qui les met dans une situation particulièrement incommode) a été générée, le mur nouvellement mis en place empiétant sur leur fonds.

Les appelants se plaignent dans un premier temps de l’empiètement du mur de leurs voisins sur leur fonds au sens de l’article 545 du code civil. L’existence de cet empiètement, qui dans un premier temps a été contestée par les intimés, est dorénavant reconnue ; les concluants signalent qu’il aura fallu la désignation d’un sachant par le tribunal pour que cet état de fait soit enfin admis par les consorts [R].

Aussi, les consorts [N] demandent au principal le retrait par un professionnel du bâtiment, de l’intégralité du mur construit à l’aplomb de la limite séparative et ce sous astreinte. L’intervention d’un professionnel serait justifiée pour éviter tout risque d’affaissement de terrain.

Subsidiairement, à tout le moins, ils demandent le retrait des fondations du mur par un professionnel ; pour assurer la bonne réalisation des opérations, les appelants souhaitent que l’entreprise désignée leur adressât préalablement le devis et le planning d’intervention, et que son intervention se fasse sous le contrôle d’un maître d”uvre.

Dans un deuxième temps, monsieur [E] [P] et madame [G] [D] regrettent que le jugement du 23 février 2021 soit « totalement mutique sur la question de la création et de l’aggravation d’une servitude de vue par les consorts [R], se contentant d’autoriser les appelants à installer un brise vue sur leur propre terrain ».

Ils estiment que les dispositions de l’article 678 du Code civil n’ont pas été appliquées, considérant que ce sont les consorts [R] qui sont à l’origine de cette vue directe sur leur propre fonds suite à l’exhaussement de leur terrain, de la suppression de la haie qui permettait d’assurer l’intimité de toutes les parties et l’extension de leur terrasse jusqu’en limite de propriété.

La création de cette plate-forme surplombant leur terrain entraîne la création d’une vue droite sur leur fonds, précision donnée que le terrain des consorts [R] aurait une altimétrie supérieure de 80 à 130 cm supérieure à celle de leur terrain.

Dans ces conditions, monsieur [E] [P] et madame [G] [D] affirment ne pas comprendre la solution préconisée par le tribunal ; c’est aux consorts [R] de prendre en charge les travaux devant mettre un terme au désordre. D’autre part la solution préconisée par le premier juge n’est pas de nature à mettre un terme au dommage’; il serait impossible pour monsieur [E] [P] et madame [G] [D] d’ériger sur leur fonds un brise vue de plus de 3 m de hauteur, hauteur minimale pour mettre un terme à la vue directe, en ce que les règles d’urbanisme ne permettent pas d’ériger des clôtures de plus de 2,60 m de hauteur et ce en application de l’article 663 du Code civil.

Par conséquent, ils concluent à la condamnation des consorts [R] à édifier à leurs frais et sur leur fonds un écran opaque d’une hauteur de 1,90 m tout le long de la limite séparative des deux fonds et ce sous astreinte.

Les appelants évoquent aussi l’existence d’un trouble important dans les relations de voisinage entre les parties, émaillées par des insultes, menaces, diverses manifestations d’hostilité se traduisant par un crachat au visage de Monsieur [P] et même des insultes à connotation sexiste à l’égard de leur fille mineure, qu’ils auraient subies de la part de leurs voisins, entraînant une dépréciation de la valeur de leur bien immobilier.

Ils exposent avoir déposé à de nombreuses reprises plainte contre leurs voisins et évoquent l’intervention vaine de monsieur le maire.

Ils estiment avoir droit à des dommages-intérêts à hauteur de 5000 euros pour le préjudice moral et le trouble de voisinage enduré.

D’autre part, monsieur [E] [P] et madame [G] [D] reprochent aux intimés d’avoir adopté une attitude de résistance abusive consistant à mettre en échec les tentatives de conciliation menées soit par un conciliateur judiciaire soit par monsieur le maire. Ils estiment que les consorts [R] ont persisté dans cette voie lors de la procédure judiciaire ce qui a contraint madame le juge de la mise en état à désigner un sachant. Une somme supplémentaire de 5000 euros était demandée à ce titre.

Enfin s’agissant de la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive formulée par les consorts [R], elle devrait être écartée ; il suffirait d’étudier les pièces au dossier et notamment les attestations produites par les appelants pour se convaincre de la mauvaise foi des intimés.

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Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 août 2022, monsieur [H] [R] et madame [F] [R] née [U] demandent la cour de bien vouloir :

Ecarter des débats l’annexe 26 des appelants intitulée « photographies complémentaires ‘ ‘ dès lors que ces photographies auraient été obtenues à leur insu en violation de leur droit à l`image’;

Déclarer l’appel mal fondé et CONFIRMER le jugement ;

Débouter les appelants de leurs demandes ;

Les condamner à payer une indemnité de 2 000 euros pour procédure abusive ;

Les condamner à payer 2 000 euros au titre de l’article 700 du CPC ;

Les condamner aux dépens.

Les intimés affirment que leur propriété a toujours surplombé celle des appelants ; c’est en raison de problèmes de santé grandissant et du mauvais état de l’enrochement en calcaire que Monsieur [R] a décidé en 2014 de faire remplacer les pierres naturelles par un mur en béton et de retirer la haie de thuyas.

Ils soutiennent que les travaux ont été réalisés sur le remblai existant de sorte qu’il n’existerait pas d’empiètement sur la propriété des voisins, ce qui aurait été constaté par l’expert judiciaire, mis à part des coulures en béton au niveau des fondations que les intimés affirment n’avoir pas vu avant l’expertise mais qu’ils ont immédiatement accepté d’enlever.

Il n’existerait pas davantage d’aggravation d’une vue directe, celle-ci ayant toujours existé entre les deux fonds. Ils ajoutent, qu’avant la réalisation de ce mur en 2014, Monsieur [R] aurait demandé à son voisin si ce dernier acceptait l’édification d’un mur mitoyen à frais partagés ; suite au refus de monsieur [P], les intimés ont fait construire à leurs frais le mur sur leur terrain.

Les intimés estiment que le jugement rendu par le tribunal le 23 février 2021 doit être confirmé en ce sens que :

‘ concernant le mur en limite de propriété, il est établi par le rapport d’expertise judiciaire que celui-ci est bel et bien situé sur leur terrain et que seules des coulures de béton ont débordé, qui peuvent aisément être retirées ; à ce sujet, ils affirment,que suite au jugement, ils ont mandaté l’entreprise Encer aux fins de procéder au retrait du béton mais que monsieur [P] s’était opposé aux opérations de reprise, faisant cesser les travaux, comme l’attesterait le gérant de l’entreprise désignée,

‘ s’agissant de la servitude de vue et la question de la mise en place d’un écran opaque ; l’article 678 du Code civil invoqué par les appelants ne s’appliquerait pas aux vues résultant d’une surélévation naturelle du terrain, ce qui est le cas en l’espèce ; les appelants ne rapporteraient pas la preuve que les époux [R] ont fait relever artificiellement leur terrain. La vue a toujours été existante, de sorte que les intimés estiment avoir été en droit de pouvoir retirer la haie de thuyas qu’ils avaient plantée sur leur terrain,

‘ les demandes de dommages et intérêts ne sauraient d’avantage prospérer, les appelants ne rapportant pas la preuve d’un quelconque trouble de voisinage. Les intimés évoquent des comportements déplacés de la part de monsieur [E] [P] et madame [G] [D] (absence d’entretien de leur jardin, tapage nocturne, présence d’impacts de balles, provocation’). Ce comportement se serait traduit entre autre par le fait que les appelants se sont permis de prendre des photographies des intimés alors que ces derniers étaient sur leur terrain. Ces photos présentes en annexe 26 devraient être retirées des débats, les appelants devant être en outre condamnés à verser une somme de 2000 euros pour procédure abusive.

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Par ordonnance du 6 décembre 2022, la présidente de chambre, chargée de la mise en état a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l’affaire à l’audience du 12 janvier 2023.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIVATION

À hauteur d’appel, les appelants ont produit en annexe 26 des photographies prises à partir de leur propriété, sur lesquelles apparaissent un homme et une femme.

Il s’agit là des deux intimés qui reprochent aux parties adverses d’avoir pris ces clichés sans l’assentiment des sujets photographiés, ce qui n’est pas contesté.

À la demande de ces derniers, et dans un souci de faire respecter le droit à l’image de chacun, la cour décide d’écarter ces pièces des débats.

1) sur l’empiétement allégué

Après avoir rappelé les dispositions de l’article 544 du Code civil et fait référence aux conclusions de l’expert géomètre monsieur [Z] selon lesquelles « le mur édifié par monsieur [R] reste bien dans sa propriété mais le béton en-dessous de celui-ci déborde (cf. plan et photos). Il est vrai que ces fondations sont situées environ 20 à 30 cm en dessous du terrain de Monsieur [P] et sont invisibles par temps normal », le juge a fort logiquement estimé qu’il y avait un empiétement avéré, mais qu’il n’était pas suffisamment grave pour justifier la destruction totale du mur et ce conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation qui veille à ce que les solutions de reprise mettant fin à un empiètement soient proportionnées.

La solution retenue par le premier juge de condamner monsieur [H] [R] et madame [F] [R] née [U] à faire procéder à l’enlèvement du béton des fondations qui déborde sur la propriété de leurs voisins, par un professionnel, et ce sous le contrôle de monsieur [Z], dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision, était particulièrement adaptée.

Il y a lieu de confirmer la décision sur ce point, ainsi que sur les dispositions pratiques préconisées (consignation de 1000 euros au profit de monsieur [Z] par les époux [R]).

Corrélativement, les intimés ne peuvent réclamer des dommages-intérêts pour procédure abusive, alors qu’une des demandes formées par leurs voisins est accueillie.

2) sur la vue directe

Le premier juge n’a pas statué sur la prétention de monsieur [E] [P] et madame [G] [D] selon laquelle les consorts [R] – [U] ont généré une vue directe sur leur propriété en procédant en 2014 à des travaux sur leurs extérieurs ayant entrainé notamment la suppression d’une haie de thuyas qui empêchait toute vue.

L’article 678 du Code civil dispose qu’on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d’aspect, ni balcon ou autre semblable saillie sur l’héritage clos ou non clos de son voisin, s’il n’y a au moins 19 dm de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage.

Il est de jurisprudence acquise que les termes de l’article 678 du Code civil ne sont pas limitatifs et s’appliquent également aux terrasses, plates-formes ou autres exhaussements de terrain d’où l’on peut exercer une servitude de vue sur le fonds voisin.

Les appelants affirment que les intimés ont remblayé leur terrain par rapport au niveau naturel ce qui a créé une terrasse avec vue surplombante sur leur fonds, alors que les intimés soutiennent au contraire que la différence de dénivelé existait déjà, de sorte que les dispositions de l’article 678 du Code civil ‘ qui ne s’appliquent qu’aux vues créées par l’homme ‘ n’ont pas lieu à trouver application au cas d’espèce.

L’examen des différentes photographies des lieux démontre que le terrain naturel, s’il connaissait une légère pente, ne présentait pas de pallier entre le fonds des appelants et celui des intimés.

La cour fait notamment référence aux clichés présents en annexe 5 des appelants et plus particulièrement à la photographie sur laquelle figure la maison des intimés avec sa piscine sur la gauche, où l’on constate que la maison et le terrain attenant des intimés, surplombe non seulement le terrain des appelants mais également le terrain se trouvant de l’autre côté de la route (parcelle [Cadastre 3] et [Cadastre 2] si l’on se réfère au plan cadastral présent en annexe 1).

Il s’en évince que au moment de la construction de la maison des consorts [O], le niveau de leur fonds a été surélevé par rapport à ceux des propriétés voisines et notamment celle des consorts [N].

La lecture du permis de construire déposé par les intimés en 1988 et plus particulièrement des plans et croquis qui y étaient joints, confirme cette analyse.

Il s’en déduit, qu’au moment de l’édification de leur maison qui a été bâtie sur un sous-sol enterré, les consorts [O] ont créé une sur élévation qui a donné lieu à une vue droite et plongeante sur l’héritage de leurs voisins sans qu’il n’y ait 1,9 m de distance entre le mur de séparation, à l’époque constitué de blocs de pierre, et le fond des consorts les consorts [N].

La vue ainsi créée a été cependant oblitérée par la présence de thuyas.

La suppression par les époux [B] de cette haie de thuyas en 2014 est de nature à réactiver à cette vue et donc à générer un préjudice pour le fonds dominé, et ce d’autant plus du fait de l’extension de la terrasse bénéficiant aux époux [O] jusqu’en limite de propriété.

En effet, il apparaît sur le plan de masse joint au permis de construire des consorts [O], qu’au départ, la terrasse se trouvant en face du fonds [N] ne jouxtait pas la limite de propriété. Les propriétaires du fonds surplombant ont donc prolongé en 2014, au moment où ils ont réaménagé leurs extérieurs et fait installer une piscine, leur terrasse jusqu’à la limite du fonds, ce qui a renforcé la vue droite dont ils bénéficient sur le fonds de leurs voisins.

L’existence de cette plate-forme surplombant le terrain des appelants, la suppression de la haie de thuyas qui antérieurement empêchait la vue plongeante, le prolongement de la terrasse jusqu’à la limite de la propriété, la création en outre d’une piscine sur cette plate-forme, génèrent une vue droite sur le fonds de monsieur [E] [P] et madame [G] [D].

Ces derniers peuvent alors à juste titre se plaindre d’un préjudice d’indiscrétion, et ce d’autant plus que les dispositions de l’article 678 du code civil – qui prévoient une distance de 1,9 m entre l’édification de la construction (dans le cas présent la limite de la plate-forme) donnant lieu à vue et le fonds dominé ‘ne sont pas respectées puisque la terrasse des époux [B] va jusqu’en limite de propriété.

Cette situation cause un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, et ce au préjudice des appelants, et justifie la mise en place de mesures de nature à mettre un terme à ce trouble et à l’allocation de dommages intérêts.

Il y a par conséquent lieu d’infirmer le jugement entrepris et d’accueillir la demande des époux [N], et corrélativement de condamner les intimés à mettre terme à l’existence de cette vue droite en édifiant à leurs frais, et sur leur fonds, un écran opaque de type brise vue d’une hauteur de 1,90 m tout le long de la limite séparative des deux fonds.

Le litige perdurant depuis près d’une dizaine d’années, afin d’y mettre un terme, cette décision sera assortie d’une astreinte de 40 euros par jour de retard à compter du terme d’un délai de quatre mois qui débutera à compter de la signification du présent arrêt.

En revanche, à partir du moment où les travaux doivent être réalisés exclusivement sur le fonds des époux [O], il n’est pas nécessaire de les condamner à transmettre à leurs voisins le devis de l’entreprise mandatée, ou encore d’ordonner l’intervention d’un maître d”uvre.

3) sur les demandes de dommages-intérêts

L’examen des pièces produites aux débats démontre que les relations de voisinage entre les parties sont particulièrement exécrables. De nombreux dépôts de plaintes ont été effectués par les parties de manière croisée. Le maire de la commune, mais également un conciliateur de justice, se sont penchés à plusieurs reprises sur ce conflit sans pouvoir trouver une voie d’apaisement.

La cour n’est pas en situation de déterminer l’origine de cette situation regrettable, et n’entrera donc pas en voie de condamnation au titre d’une «’résistance abusive » ou d’un préjudice moral subi par les époux [R].

Le jugement de première instance sera donc confirmé sur ce point.

En revanche, s’agissant de la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et du trouble de voisinage subi suite à, d’une part l’empiètement du mur séparatif du fonds dominant, d’autre part la persistance d’une vue directe depuis 2014, la cour indemnisera les consorts [J] en condamnant leurs voisins à leur verser une somme de 1 000 euros.

En outre, les intimés seront condamnés à rembourser aux consorts [N] la somme de 1 200 euros que ces derniers ont engagée au titre des frais d’intervention du géomètre qui avait été désigné par le tribunal.

4) sur la question des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement de première instance sera infirmé sur ces points, les intimés – parties succombantes principales au sens de l’article 696 code de procédure civile – étant condamnés aux entiers dépens de première instance. Étant succombant à hauteur d’appel, ils le seront également au titre des frais et dépens d’appel.

Les époux les consorts [O] seront en outre condamnés à verser deux sommes de 1500 euros au profit des appelants au titre des frais irrépétibles que ces derniers ont engagés respectivement en première instance et à hauteur d’appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande des intimés tendant à être indemnisés de leurs propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450, alinéa 2 du code de procédure civile’:

ECARTE des débats la pièce 26 produite par monsieur [E] [P] et madame [G] [D]

INFIRME les dispositions du jugement rendu le 23 février 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse sauf en ce qui a :

* ordonné à Monsieur [H] [R] et à Madame [F] [X] épouse [R] de faire procéder à l’enlèvement du béton qui déborde sur la propriété de leurs voisins, par un professionnel dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision et sous le contrôle de monsieur [Z], géomètre expert inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Colmar,

* dit n’y avoir lieu à astreinte au sujet de cette condamnation à faire procéder à l’enlèvement du béton,

* dit que ces travaux et ce contrôle se feront aux frais définitifs et exclusifs des consorts [O], dont une consignation de 1 000 (mille) euros au profit de monsieur [Z],

* rejeté la demande de dommages et intérêts formée par les consorts [R],

* rejeté la demande de dommages et intérêts formée par les époux [P] au titre de la résistance abusive,

Et statuant nouveau

CONDAMNE monsieur [H] [R] et madame [F] [R] née [U] à édifier à leurs frais, et sur leur fonds en limite de propriété, un écran opaque de type brise vue d’une hauteur de 1,90 m tout le long de la limite séparative entre leurs fonds et celui de monsieur [E] [P] et madame [G] [D],

ASSORTIT cette condamnation d’une astreinte de 40 euros par jour de retard à compter du terme d’un délai de quatre mois qui débutera à compter de la signification du présent arrêt,

LIMITE la durée de cette astreinte à six mois,

CONDAMNE monsieur [H] [R] et madame [F] [R] née [U] à payer à monsieur [E] [P] et madame [G] [D] une somme de 1000 euros (mille euros) à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral,

CONDAMNE monsieur [H] [R] et madame [F] [R] née [U] à payer à monsieur [E] [P] et madame [G] [D] une somme de 1200 euros (mille deux cents euros) à titre de remboursement des frais avancés au géomètre expert monsieur [Z],

CONDAMNE monsieur [H] [R] et madame [F] [R] née [U] aux dépens de première instance,

CONDAMNE monsieur [H] [R] et madame [F] [R] née [U] à payer à monsieur [E] [P] et madame [G] [D] une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles que ces derniers ont engagés en première instance

Et y ajoutant

CONDAMNE monsieur [H] [R] et madame [F] [R] née [U] aux dépens de la procédure d’appel,

CONDAMNE monsieur [H] [R] et madame [F] [R] née [U] à verser à monsieur [E] [P] et madame [G] [D] une somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles qu’ils ont engagés à hauteur d’appel,

REJETTE la demande de monsieur [H] [R] et madame [F] [R] née [U] fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,  


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