Comédien de film : la gratuité et le bénévolat reconnus
Comédien de film : la gratuité et le bénévolat reconnus
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Participer bénévolement au tournage d’un film est légal sans risque de requalification en contrat de travail s’il n’y pas de salaire versé et que les parties rédigent un écrit en ce sens. Cette solution est valide même si l’oeuvre est exploitée à des fins commerciales et diffusée sur des sites en streaming ou en VOD voir en salles.

Contrat d’engagement d’artiste-interprète

M. [P] [H] a conclu avec MM. [G] et [Y], représentants l’association Poney films, un contrat d’engagement d’artiste-interprète afin de participer du 9 mars au 5 avril 2018 au tournage du film long métrage « 7 minutes ».

Il était stipulé qu’aucune rémunération n’était prévue durant la durée de ce tournage « en raison du cadre scolaire et associatif de la production du long métrage ».

M. [H] a signé une autorisation d’enregistrement dans le cadre du tournage du film « 7 minutes » et d’exploitation des images et propos à titre gracieux.

Action en requalification en contrat de travail

Par la suite, le comédien a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse par requête envoyée le 26 janvier 2021 afin de faire juger qu’il a été engagé en contrat de travail à durée déterminée d’usage, de faire requalifier ce contrat en contrat de travail à durée indéterminée qui a été rompu par un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir des rappels de salaire et diverses indemnités.

L’existence d’une relation de travail salariée résulte de la réunion de 3 conditions cumulatives : la fourniture d’un travail, le paiement d’une rémunération et l’existence d’un lien de subordination juridique.

Aux termes de l’article L. 7121-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.

L’article L. 7121-4 ajoute que la présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties.

Prétentions des parties

M. [H] soutient qu’il bénéficie de la présomption de salariat, qu’il ne peut être considéré comme bénévole, que son intention libérale n’est pas établie, que son consentement a été vicié puisque l’association lui a délibérément dissimulé ses véritables intentions, en prétendant réaliser le film dans un cadre scolaire alors qu’il a été exploité à des fins commerciales et diffusé sur des sites en streaming ou en VOD.

Il en conclut que le contrat qu’il a conclu avec l’association Poney films est un contrat de travail à durée déterminée.

L’association s’oppose à l’ensemble des demandes de M. [H], aux motifs de l’absence de rémunération, du cadre « scolaire et associatif », de l’intention libérale de M. [H], de la cession à titre gracieux du droit à l’image, de sa bonne foi, car tous les participants étaient informés dès l’origine du projet de la diffusion en salles, en VOD et de la participation à des festivals prévus.

Ainsi, elle dénie au contrat liant les parties la nature du contrat de travail qui nécessite le paiement d’une rémunération.

M. [H] ne produit aucun élément permettant d’établir que l’association Poney films a obtenu son consentement pour une participation sans rémunération au film « 7 minutes » par un mensonge ou des manoeuvres.

Il apparaît au contraire que l’autorisation d’enregistrement et d’exploitation des images à titre gracieux signée dans le même temps a pour objet la promotion du film.

Par ailleurs, l’association Poney films verse aux débats un article d’un journal local en date du 2 avril 2018, alors que le tournage était en cours, mentionnant expressément que la sortie du film était prévue dans les cinémas d’art et d’essai et dans différents festivals en 2019, ce qui montre que les responsables de l’association ne dissimulaient pas leur intention d’exploiter ce film.

Il n’est donc pas établi que le consentement de M. [H] a été vicié. Il faut donc considérer que celui-ci a valablement donné son consentement pour une prestation bénévole au tournage du film.

Il est certain que M. [H] a été dédommagé de ses frais de transport mais que, comme convenu contractuellement, il n’a perçu aucun somme en contrepartie de ses prestations de comédien, de sorte que le contrat ne peut s’analyser en un contrat de travail. Dès lors toutes les demandes de M. [H], qui découlent de l’existence d’un contrat de travail, doivent être rejetées.


 

09/06/2023

ARRÊT N°2023/269

N° RG 22/00780 – N° Portalis DBVI-V-B7G-OUI6

SB/LT

Décision déférée du 02 Février 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 21/00117)

J. MAYET

Section activités diverses

[P] [H]

C/

Association PONEY FILMS

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 9 juin 2023

à Me ROUSSEAU, Me BROCA

Ccc à Pôle Emploi

le 9 juin 2023

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [P] [H]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Pierre-françois ROUSSEAU de l’AARPI PHI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

INTIM”E

Association PONEY FILMS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Julie BROCA de la SCP CORMARY & BROCA, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2022.005277 du 28/03/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. BLUM”, présidente chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM”, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUM”, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [P] [H] a conclu le 6 mars 2018 avec MM. [G] et [Y], représentants l’association Poney films, un contrat d’engagement d’artiste-interprète afin de participer du 9 mars au 5 avril 2018 au tournage du film long métrage « 7 minutes ».

Il était stipulé qu’aucune rémunération n’était prévue durant la durée de ce tournage « en raison du cadre scolaire et associatif de la production du long métrage ».

M. [H] a signé le 13 mars 2018 une autorisation d’enregistrement dans le cadre du tournage du film « 7 minutes » et d’exploitation des images et propos à titre gracieux.

M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse par requête envoyée le 26 janvier 2021 afin de faire juger qu’il a été engagé en contrat de travail à durée déterminée d’usage, de faire requalifier ce contrat en contrat de travail à durée indéterminée qui a été rompu par un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir des rappels de salaire et diverses indemnités.

Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section activités diverses, par jugement du 2 février 2022, a :

– jugé que l’action de M. [H] est prescrite dans toutes ses prétentions relatives à la requalification de CDD en CDI, à la rupture de son contrat de travail et aux salaires y afférents,

– jugé que le contrat d’engagement d’artiste-interprète ne peut être qualifié de contrat de travail,

en conséquence,

– débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– jugé ne pas y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [H] aux dépens de l’instance.

***

Par déclaration du 22 février 2022, M. [P] [H] a interjeté appel de ce jugement, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs de la décision critiqués.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 12 mai 2022, M. [P] [H] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

– juger que M. [H] a été engagé en contrat de travail à durée déterminée d’usage le 6 mars 2018 en qualité d’artiste-interprète salarié par l’association Poney Films pour le tournage du film « 7 minutes »,

– requalifier le contrat de travail à durée déterminée d’usage en contrat de travail à durée indéterminée,

– juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

– condamner l’association Poney films à lui verser les sommes suivantes :

8 486,74 euros brut à titre de rappel de cachets non perçus pour la période du 20 janvier au 5 avril 2018,

848,67 euros brut au titre des congés payés afférents au rappel de cachets,

25 435,06 euros net à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

4 239,18 euros net au titre de l’indemnité de requalification,

4 239,18 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

423,92 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

4 239,18 euros net au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

5 000 euros net au titre du préjudice moral subi,

5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire que les sommes de nature salariale produiront intérêt à compter de la saisine du conseil et les sommes de nature indemnitaire à compter du jugement à intervenir,

– ordonner la capitalisation des intérêts,

– débouter l’association Poney films de l’ensemble de ses demandes,

– ordonner à l’association Poney films de lui remettre, sous astreinte de 100 euros par jour, les bulletins de salaire correspondant des mois de janvier à avril 2018,

– ordonner à l’association Poney films de lui remettre, sous astreinte de 100 euros par jour, l’attestation Pôle emploi correspondante,

– condamner l’association Poney films aux entiers dépens.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 18 juillet,2022, l’association Poney films demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* jugé que l’action de M. [H] est prescrite dans toutes ses prétentions relatives à la requalification de contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, la rupture de son contrat de travail et aux salaires et indemnités y afférents,

* débouté M. [H] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner M. [H] à verser à l’association Poney films la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et, y ajoutant, celle de 2 500 euros au titre de ceux exposés en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 24 mars 2023.

***

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

– Sur la nature de la relation contractuelle

L’existence d’une relation de travail salariée résulte de la réunion de 3 conditions cumulatives : la fourniture d’un travail, le paiement d’une rémunération et l’existence d’un lien de subordination juridique.

Aux termes de l’article L. 7121-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.

L’article L. 7121-4 ajoute que la présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération, ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties.

M. [H] soutient qu’il bénéficie de la présomption de salariat, qu’il ne peut être considéré comme bénévole, que son intention libérale n’est pas établie, que son consentement a été vicié puisque l’association lui a délibérément dissimulé ses véritables intentions, en prétendant réaliser le film dans un cadre scolaire alors qu’il a été exploité à des fins commerciales et diffusé sur des sites en streaming ou en VOD.

Il en conclut que le contrat qu’il a conclu avec l’association Poney films est un contrat de travail à durée déterminée.

L’association s’oppose à l’ensemble des demandes de M. [H], aux motifs de l’absence de rémunération, du cadre « scolaire et associatif », de l’intention libérale de M. [H], de la cession à titre gracieux du droit à l’image, de sa bonne foi, car tous les participants étaient informés dès l’origine du projet de la diffusion en salles, en VOD et de la participation à des festivals prévus.

Ainsi, elle dénie au contrat liant les parties la nature du contrat de travail qui nécessite le paiement d’une rémunération.

M. [H] ne produit aucun élément permettant d’établir que l’association Poney films a obtenu son consentement pour une participation sans rémunération au film « 7 minutes » par un mensonge ou des manoeuvres.

Il apparaît au contraire que l’autorisation d’enregistrement et d’exploitation des images à titre gracieux signée dans le même temps a pour objet la promotion du film.

Par ailleurs, l’association Poney films verse aux débats un article d’un journal local en date du 2 avril 2018, alors que le tournage était en cours, mentionnant expressément que la sortie du film était prévue dans les cinémas d’art et d’essai et dans différents festivals en 2019, ce qui montre que les responsables de l’association ne dissimulaient pas leur intention d’exploiter ce film.

Il n’est donc pas établi que le consentement de M. [H] a été vicié. Il faut donc considérer que celui-ci a valablement donné son consentement pour une prestation bénévole au tournage du film.

Il est certain que M. [H] a été dédommagé de ses frais de transport mais que, comme convenu contractuellement, il n’a perçu aucun somme en contrepartie de ses prestations de comédien, de sorte que le contrat ne peut s’analyser en un contrat de travail.

Dès lors toutes les demandes de M. [H], qui découlent de l’existence d’un contrat de travail, doivent être rejetées.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il jugé que le contrat d’engagement d’artiste-interprète ne peut être qualifié de contrat de travail et a débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes, tout en étant réformé en ce qu’il a jugé que l’action de M. [H] est prescrite dans toutes ses prétentions relatives à la requalification de CDD en CDI, à la rupture de son contrat de travail et aux salaires y afférents.

– Sur les frais et dépens

M. [H] partie perdante doit supporter les entiers dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés comme en matière juridictionnelle, puisque l’association Poney films bénéficie de l’aide judiciaire totale.

Compte tenu des éléments de la cause, il y a lieu de ne pas faire application de l’article 700 code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a jugé que l’action de M. [H] est prescrite dans toutes ses prétentions relatives à la requalification de CDD en CDI, à la rupture de son contrat de travail et aux salaires y afférents.

Condamne M. [H] aux dépens d’appel, qui seront recouvrés comme en matière juridictionnelle,

Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel.

Le présent arrêt a été signé par S. BLUM”, présidente et C. DELVER, greffière.

LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE

C. DELVER S. BLUM”

.

 


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