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Filmer une personne vulnérable et poster celle-ci sur Snapchat expose l’auteur (infirmières / éducatrice) à un licenciement pour faute grave.
Dans un film posté sur Snapchat, le résident d’un établissement social est questionné sur un événement qui vient de lui arriver. La salariée semble visiblement trouver la situation humoristique et se fend de quelques commentaires très suggestifs sur la vidéo.
La vidéo met en scène un résident qui à la suite d’un accident encoprétique, a nécessité qu’il soit changé sur place. Aussi, après ce changement, la salariée le filme ‘, une première fois, et le questionne comme si elle s’adressait à un enfant apprenant la propreté avec un ton s’apparentant à de la moquerie.
Cet incident aurait, visiblement, généré une odeur très forte dans le véhicule lors du trajet retour au foyer. C’est lors de ce trajet que cette même salariée a filmé à l’intérieur de l’habitacle le résident, pour la deuxième fois de la journée, en s’adressant à lui toujours sur un ton s’apparentant à de la moquerie, avec un renfort de commentaires et de rires de deux autres salariées, qui avaient participé à cette sorties.
Dans ce contexte, la vulnérabilité du résident n’est pas discutée et est connue de la salariée, qui a été formée à cet emploi qu’elle a occupé pendant plusieurs années, et qui était informée des valeurs de l’association et du projet d’établissement qui prévoit notamment de promouvoir le bien-être des personnes accueillies et la garantie de leur intimité.
Certes, la difficulté du travail auprès des personnes vulnérables n’est pas contestée mais la salariée ne peut expliquer son comportement par le fait que l’employeur a toujours tenté d’exploiter l’humour comme source de ‘décharge’ professionnelle’, quand bien même des témoins attestent en ce sens au dossier.
Les faits reprochés à la salariée ne s’analysent donc pas en une simple plaisanterie et ils ne sont pas intervenus après une situation de crise justifiant ensuite un moment de décompression.
La salariée ne peut pas davantage se prévaloir de ses qualités professionnelles et de son investissement reconnus par l’employeur et rappelés par les témoignages de ses collègues pour atténuer sa responsabilité.
En effet, il est établi que la salariée a participé à la réalisation d’une vidéo d’un résident handicapé du foyer dans lequel elle travaille lorsque ce dernier était dans une situation intime et délicate et que cette vidéo a ensuite circulé, la teneur des propos et les conditions de la scène filmée dans le véhicule étant dégradantes et inconvenantes pour le résident.
Cette situation alors que la personne filmée était une personne vulnérable dont la salariée avait la charge et qui n’était pas en mesure d’exprimer son assentiment sur les faits qui se déroulaient, caractérise un comportement totalement inadapté et inapproprié de la salariée et constitue une faute qui présente une gravité suffisante pour justifier son éviction immédiate.
Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. (Soc., 8 mars 2023, pourvoi n° 21-17.802, publié)
Ne sont pas constitutifs d’une faute grave les propos injurieux diffusés par un salarié sur un compte de réseau social “Facebook” accessibles aux seules personnes agréées par lui et composant un groupe fermé de quatorze personnes, de tels propos relevant d’une conversation de nature privée.( Soc., 12 septembre 2018, pourvoi n° 16-11.690, Bull. 2018, V, n° 150.)
Au cas présent, la salariée invoque une atteinte à sa vie privée en raison du caractère personnel des deux vidéos dont la diffusion sur le réseau social Snapchat s’est limitée à un groupe de dix membres, s’agissant de personnes amies et intimes.
Les faits filmés se sont déroulés le 31 août 2018 pendant le temps de travail de la salariée, en présence de deux autres salariées et portent sur un résident adulte handicapé à l’occasion d’une sortie dans un parc puis lors du retour dans le mini-bus, dans lequel se trouvaient également d’autres résidents.
Par lettre du 5 septembre 2018, la directrice des Foyers la Haie Vive a effectué un signalement de maltraitance à la directrice de la MDPH en expliquant avoir été informée la veille par le directeur de l’IME [8] à [Localité 4] (de l’association l’ADAPT) qu’une vidéo réalisée par Mme [X], accompagnée par deux autres salariées, était diffusée sur le réseau social Snapchat et mettait en scène un résident en ‘situation d’humiliation’.
La directrice de Foyers la Haie Vive précise dans cette lettre que la vidéo est construite en deux temps, un premier temps dans le véhicule de service et un second temps dans le parc de l’établissement et qu’elle est en possession de cette vidéo.
L’employeur n’a donc pas obtenu cette preuve de façon déloyale, ayant été informé de cette diffusion par des tiers de l’association, eux-mêmes informés par des salariés de leur structure figurant parmi les « amis » de Mme [X] qui la leur avait partagée.
Ensuite, la salariée se prévaut, d’une part, de l’autorisation de droit à l’image donnée par les tuteurs du résident pour justifier son geste, et des encouragements de l’employeur lors de ses entretiens d’évaluation à s’investir dans la diffusion des événements de l’association par le biais du journal de l’institution.
Toutefois, l’autorisation du droit à l’image d’une personne protégée dans le cadre d’événements organisés par le foyer de vie ne se confond pas avec le fait de filmer avec son téléphone personnel un résident pour diffuser ces images sur un réseau social, la salariée n’étant pas en mesure de justifier qu’une telle autorisation lui avait été accordée par l’employeur.
D’autre part, s’il est établi par les témoins qui attestent que la salariée elle-même a mis en ligne sur le réseau social Snapchat les videos litigieuses, son prénom apparaissant d’ailleurs sur les images, en revanche aucun élément n’établit que seules dix personnes ont été destinataires decette vidéo, la salariée ne communiquant pas la capture d’écran de la liste restreinte alléguée de ses contacts Snapchat.
Les témoins qui ont visionné les images mentionnent que la video a été ‘postée sur le réseau social Snapchat’ et postée en ‘ story’ de sorte qu’il ne s’agit pas, comme le soutient la salariée, d’un simple envoi personnel à quelques destinataires mais bien d’un envoi accessible à plusieurs personnes.
En tout état de cause, une des personnes faisant partie du ‘ cercle d’amis restreint’ a choisi de ne pas conserver à cet envoison caractère privé et a dénoncé les faits à sa propre hiérarchie sans en prévenir auparavant la salariée.
Alors qu’il n’est pas contesté que cette vidéo a été diffusée via Snapchat, aucun élément ne permet de dire qu’elle a été capturée de manière illicite ou déloyale par l’employeur puisque remise par un membre du groupe Snapchat de sa propre initiative après avoir effectué une sauvegarde du film, la diffusion d’images sur un réseau social ne garantissant pas l’exclusivité de son visionnage par les seuls membres d’un groupe.
Au cas présent, des salariés de l’association HAARP-FAM du Vexin qui faisaient partie des membres du groupe, ont estimé que les faits méritaient d’être communiqués à l’employeur.
En conséquence, la diffusion par la salariée de cette vidéo à d’autres professionnelles du handicap filmant une personne handicapée dont elle a la charge sur le lieu et durant les heures de travail en présence de deux autres collègues, ne revêt pas le caractère d’une conversation de nature strictement privée.
L’utilisation de cette vidéo aux débats, dont les attestations produites ne sont que la retranscription par l’employeur, est indispensable pour apporter la preuve des faits reprochés à Mme [X] et à Mme [O], et elle est proportionnée au but recherché, de protection des résidents et de prévention des actes de maltraitance à leur encontre, et au caractère équitable de la procédure dans son ensemble.
Après cette mise en balance le droit au respect de la vie personnelle de la salariée et le droit de la preuve, la cour retient que la preuve issue de la vidéo postée par la salariée sur Snapchat et diffusée à d’autres professionnelles, qui en ont informé l’employeur, est licite.
Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.
L’article L.1235-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pèse sur l’employeur.
En l’espèce, la lettre de licenciement présente les faits qui sont reprochés expréssement à la salariée et explique son rôle dans les événements qui se sont déroulés le 31 août 2018 de manière suffisamment précise pour distinguer les actes de chacune des trois salariées concernées.
En l’espèce, les griefs reprochés à la salariée dans la lettre de licenciement sont précis, exacts et concrets en ce que l’employeur décrit le déroulement de l’enregistrement et de la diffusion des vidéos par l’appelant salariée et qu’il caractérise ensuite le comportement de la salariée comme un acte de maltraitance, qui s’apparente à de l’humiliation du résident dans un contexte de moquerie. Ces faits sont établis par les témoignages des personnes ayant visionné les films.
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 31 MAI 2023
N° RG 21/01681
N° Portalis DBV3-V-B7F-URMG
AFFAIRE :
[D] [X]
C/
Association HAARP- FAM DU VEXIN
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 avril 2021 par le Conseil de Prud’hommes de CERGY PONTOISE
Section : AD
N° RG : F 19/00200
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Martine DUPUIS
Me Karine HISEL
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE ET UN MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [D] [X]
née le 17 juillet 1988 à [Localité 5]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Justine CROS de l’AARPI LEXE ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0101
APPELANTE
****************
Association HAARP- FAM DU VEXIN
[Adresse 9]
[Localité 3]
Représentant : Me Karine HISEL, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2408
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [X] a été engagée par la société HAARP-FAM du Vexin, en qualité de monitrice- éducatrice, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 16 mai 2012, avec reprise d’ancienneté au 21 octobre 2011, pour exercer ses fonctions au sein des établissements ‘ Foyer la Haie Vive et la Maison de [Localité 7]’.
L’association HAARP (Handicap Autisme Association Réunie du Parisis), a pour objet de faire fonctionner des structures d’accueil, d’éducation ou de soins de personnes handicapées. L’effectif de l’association était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.
La salariée percevait une rémunération brute mensuelle de 2 277,33 euros.
Par lettre du 5 septembre 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 17 septembre 2018, avec mise à pied, à titre conservatoire.
La salariée a été licenciée par lettre du 25 septembre 2018 pour faute grave dans les termes suivants :
« ‘ Le 4 septembre 2018, j’ai été destinataire d’une vidéo issue d’un téléphone portable qu’un Directeur d’un établissement autre que l’Association HAARP a porté à ma connaissance.
Cette vidéo lui avait été présentée par l’un de ses salariés, qui avait filmé sur son téléphone une vidéo postée sur le réseau SNAPCHAT par une salariée de notre établissement.
Sur cette vidéo, d’une durée de 40 secondes, un résident de La Haie Vive est filmé, par une salariée de l’établissement utilisant son téléphone portable personnel, de face, sans possibilité pour qui que ce soit de ‘ ne pas le reconnaître.
Dans ce petit film, le résident est questionné sur un événement qui vient de lui arriver. La salariée semble visiblement trouver la situation humoristique et se fend de quelques commentaires très suggestifs sur la vidéo.
Après avoir filmé le résident et apporté des commentaires sur les images, la salariée a posté la vidéo sur le réseau social SNAPCHAT, qui après explications apportées « est une application gratuite de partage de photos et de vidéos disponibles sur plateformes mobiles IOS et Android de la société Snap Inc. ; La particularité de cette application est l’existence d’une limite de temps de visualisation du média envoyé à ses destinataires. Chaque photographie ou vidéo envoyée ne peut être visible par son destinataire que durant une période de temps allant d’une à dix secondes, mais aussi, depuis récemment, sans limite de durée ‘ après 24h le cliché disparait ‘ et de jouer les vidéos en boucle. ».
Cette vidéo met donc en scène un résident qui à la suite d’un accident encoprétique, a nécessité qu’il soit changé sur place. Aussi, après ce changement, la salariée le filme ‘, une première fois, et le questionne comme si elle s’adressait à un enfant apprenant la propreté avec un ton s’apparentant à de la moquerie.
Cet incident aurait, visiblement, généré une odeur très forte dans le véhicule lors du trajet retour au foyer. C’est lors de ce trajet que cette même salariée a filmé à l’intérieur de l’habitacle le résident, pour la deuxième fois de la journée, en s’adressant à lui toujours sur un ton s’apparentant à de la moquerie, avec un renfort de commentaires et de rires de deux autres salariées, qui avaient participé à cette sorties.
Dans cette vidéo, chacun peut constater que les trois salariées, Madame [P] [Y], infirmière, Mme [O], éducatrice spécialisée avec mission complémentaire de coordination et vous-mêmes, infirmière diplômée, et vous-même, monitrice éducatrice, tiennent un brin de lavande pour, je suppose, supporter l’odeur dans le véhicule et sont dans un contexte d’échange de propos peu flatteurs vis-à-vis du résident.
Cette vidéo a été réalisée le vendredi 31 août 2018, par Madame [D] [X], lors d’une sortie piscine qui a été suivie d’un repas dans le parc de [Localité 6].
Vous reconnaissez avoir fait une erreur et insistez sur le fait qu’à ce moment-là, il y avait nécessité de relâcher la pression vous évoquez votre humour sarcastique, expliquez qu’il est souvent décalé, qu’il peut déplaire et être mal interprété par les personnes qui ne vous connaissent pas. Ainsi, vous reconnaissez que vos propos étaient déplacés mais selon vous pas humiliants compte tenu de la situation « cocasse » dans laquelle vous vous trouviez à ce moment-là.
Sur la première partie de la vidéo, lorsque vous interrogez le résident de manière humiliante, vous expliquez que cela intervient à la suite de propos répétés par le résident lui-même sur ce qui vient de lui arriver. Vous justifiez en expliquant avoir utilisé cette circonstance mais sans vouloir l’humilier. Il s’agissait de dédramatiser cette situation. Il n’y avait selon vous aucune volonté de mettre cette personne en difficulté et de lui porter préjudice. Vous ajoutez que vous pensiez que la vidéo disparaitrait et que personne n’en entendrait plus parler.
Pour justifier votre comportement lors de cette sortie, vous expliquez que le résident a effectivement eu un accident encoprétique et qu’il a dû être changé sur place par votre collègue. Vous ajoutez que cet accompagnement s’est réalisé dans de bonnes conditions.
Comme vous ne disposiez pas suffisamment de vêtements de rechange, il a dû garder une partie de ses vêtements souillés, ce qui a généré une odeur très forte dans le véhicule, vous obligeant à rouler fenêtres ouvertes.
Compte tenu de cette situation, vous avez, avec vos collègues, décidé de rentrer plus rapidement que prévu.
Cependant, votre comportement après le changement du résident est considéré comme un acte de maltraitance car:
– Le résident, considéré comme personne vulnérable, a été filmé deux fois sans pouvoir donner son autorisation. Il faut recueillir l’autorisation auprès des tuteurs, ce qui n’a pas été fait ;
– Lors de la première vidéo, vous avez eu un comportement qui s’apparente à de l’humiliation;
– Lors de la deuxième vidéo, en plus du comportement moqueur et de l’hilarité générale des trois salariés, les commentaires entendus sont humiliants ;
– Vous avez diffusé la vidéo sur un réseau social en y ajoutant des sous titres dégradants ;
Vous justifiez cependant votre attitude par le fait que la situation était compliquée et que parfois, lors de ces accompagnements qui peuvent être difficiles à gérer, il faut trouver des moyens pour se relâcher.
Un accident encoprétique n’est pas une situation compliquée à gérer pour un professionnel dans la mesure où il ne s’agit pas d’une situation de crise.
Pour des professionnels, il suffit de changer le résident et dès lors que c’est possible, de le doucher. Dans la situation évoquée ci-dessus, le résident ne pouvait pas être douché dans l’immédiateté mais il était calme et apaisé. Le contexte n’était donc pas critique et c’est pourquoi nous ne comprenons pas votre argument sur le besoin de relâchement.
Je vous ai rappelé une nouvelle fois ce qu’était l’acte de maltraitance que vous avez cautionné.
Si toutefois, l’odeur dans le véhicule était telle que vous vous sentiez incommodée, des espaces de parole où il est possible de délivrer et de « décharger » son ressenti existent dans notre établissement.
Pour information, votre comportement ainsi que celui de vos deux autres collègues est considéré comme maltraitant et a fait l’objet d’un signalement auprès de la MDPH, de l’ARS et du Conseil Départemental du Val d’Oise.
Les tuteurs, qui sont des proches du résident, ont été informés et, d’après nos sources, sont allés porter plainte auprès de la gendarmerie.
Vous expliquez que depuis 2011, il s’agit de votre premier faux pas et que vous avez toujours été bientraitante. Vous ajoutez que vous avez beaucoup apporté à l’établissement par vos projets et vos interventions. Vous estimez qu’il s’agit d’une erreur, que vous n’avez jamais eu l’intention de nuire et que vous restez une personne ayant toujours pris son travail à c’ur et dans le respect des personnes accompagnées.
Vous avez bien conscience que cette vidéo est accablante et ne réalisez pas vraiment pourquoi vous avez agi de cette manière tant concernant les propos tenus que sur l’action de filmer. Vous exprimez de profonds regrets et imaginez les répercussions que votre acte va produire sur votre carrière.
Aussi, et au vu des différents arguments décrits ci-dessus, nous ne sommes plus en mesure de vous accorder notre confiance. En effet, si nous n’avions pas eu connaissance de cette vidéo, comment aurions-nous été informés de cette situation ‘ Et, de fait, comment pouvons-nous être certains que d’autres résidents n’ont pas été confrontés à ce genre de comportement moqueurs et humiliants, si aucun professionnel n’est en capacité de juger de son attitude, de ce qui est acceptable ou maltraitant et de ce qui doit être géré en équipe ou traité en lien avec la Direction de l’établissement ‘
Par conséquent, au vu de la gravité de votre comportement et de votre manque de recul et de prise de conscience sur le déroulement de la journée du 31 août dernier, nous vous signifions donc votre licenciement pour faute grave qui prendra effet immédiatement à compter de la première présentation de ce courrier sans indemnités de préavis ni de licenciement.
Nous vous rappelons que vous faites l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent, la période non travaillée, du 05 septembre 2018 jusqu’à la première présentation de la présente, nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée.».
Le 6 juin 2019, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise afin de requalifier son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en paiement d’un rappel de salaire pour la période de mise à pied et de diverses sommes de nature indemnitaire.
Par jugement du 30 avril 2021, le conseil de prud’hommes de Cergy-Pontoise (section activités diverses) a :
– dit que le licenciement à l’encontre de Mme [X] est fondé sur une cause grave,
en conséquence,
– débouté Mme [X] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné Mme [X] à verser à l’association HAARP ‘ FAM du Vexin la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,
– débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires ,
– mis les entiers dépens de l’instance à la charge de Mme [X].
Par déclaration adressée au greffe le 3 juin 2021, Mme [X] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [X] demande à la cour de :
– la déclarer recevable en son appel et la dire bien-fondée,
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Pontoise ce qu’il a :
. dit que le licenciement à son encontre est fondé sur une cause grave,
en conséquence,
. l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes,
. l’a condamnée à verser à l’association HAARP ‘ FAM du Vexin la somme de 400 euros au surplus de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
. dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,
. débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires,
. mis les entiers dépens de l’instance à sa charge,
et statuant à nouveau,
– requalifier son licenciement pour faute grave daté du 25 septembre 2018 en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner l’association HAARP ‘ FAM du Vexin aux versements de dommages et intérêts suivants :
. 1 613,34 euros bruts au titre du rappel de salaire sur la période de mise du 5 septembre au 28 septembre 2018,
. 161,33 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
. 7 875,77 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
. 4 554,66 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis,
. 455,47 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
. 2 277,33 euros au titre des dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,
. 27 327,96 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 13 663,98 euros au titre des dommages et intérêts pour les conditions vexatoires et brutales de la rupture de son contrat de travail,
– ordonner la délivrance des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat rectifiés et conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision à intervenir.
– condamner l’association HAARP ‘ FAM du Vexin à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance,
– condamner l’association HAARP ‘ FAM du Vexin à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel,
– condamner l’association HAARP ‘ FAM du Vexin aux entiers dépens,
– dire que ceux d’appel seront recouvrés par Me Martine Dupuis, SELARL Lexavoué Paris Versailles conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
– débouter l’association HAARP ‘ FAM du Vexin de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l’association HAARP-FAM du Vexin demande à la cour de :
– constater que le licenciement de Mme [X] repose sur une faute grave,
en conséquence,
– confirmer intégralement le jugement du 30 avril 2021 rendu par le conseil de prud’hommes de Pontoise,
– débouter intégralement Mme [X] de ses fins, demandes et conclusions,
– condamner Mme [X] à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [X] aux dépens.
MOTIFS
Sur l’irrégularité de la procédure de licenciement
La salariée fait valoir que l’employeur a engagé une procédure disciplinaire sans jamais faire allusion à la faute grave qui a été prononcée et elle ajoute que l’employeur a fait connaître aux autres salariés sa décision de rompre leur contrat lors de deux réunions qui se sont tenues avant l’entretien préalable, de sorte que l’employeur a annoncé la rupture du contrat de trois salariées sans même attendre cet entretien visant à recueillir leurs observations.
L’employeur conteste avoir cité publiquement le nom des salariées licenciées avant qu’elles ne soient reçues en entretien préalable et avoir annoncé la décision de procéder à la rupture de leurs contrats de travail à cette occasion. Il précise que seule l’information sur l’engagement d’une procédure disciplinaire à l’encontre des auteures de la vidéo a été donnée, les deux réunions ayant eu pour objet de clarifier les rumeurs et rappeler le respect du droit à l’image de chaque résident. Il ajoute que la salariée ne pouvait pas méconnaître le caractère disciplinaire de la procédure engagée dès lors qu’une mise à pied lui avait été notifiée.
***
Selon les dispositions des articles L.1232-2 et L.1232-7du code du travail, l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. Cette lettre indique l’objet de la convocation. Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.
En l’espèce, la lettre de convocation à l’entretien préalable comporte un objet, ‘convocation à entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement’ de sorte que, en la forme, la lettre de convocation à l’entretien préalable respecte les dispositions légales susvisées.
Enfin, la salariée n’établit pas que l’employeur a annoncé son licenciement au cours de deux réunions de service exceptionnelles tenues les 7 et 11 septembre 2018 pour évoquer les événements qui s’étaient déroulés le 4 septembre 2018 avant la tenue de l’entretien préalable, ses allégations étant dépourvues d’offre de preuve.
La procédure de licenciement n’est donc entachée d’aucune irrégularité et il convient en conséquence de confirmer la décision des premiers juges qui ont débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement.
Sur la rupture
La salariée soutient qu’il ne ressort aucun élément concret de la lettre de licenciement permettant d’analyser que les propos sont assimilés à de la moquerie ou pire de la maltraitance, et qu’il lui est reproché de façon confuse et inexacte des griefs mensongers et imprécis qui ne peuvent en aucun cas caractériser une faute grave alors qu’il ne se déduit également pas des propos tenus une quelconque humiliation du résident. Elle ajoute que ce résident a été filmé avec autorisation de ses tuteurs alors que la salariée a toujours été encouragée à s’investir dans la diffusion d’événements de l’association par l’intermédiaire du journal ‘ la Plume de Parisis’ et que, conscient de la dureté du travail accompli par le personnel de l’association, l’employeur a toujours tenté d’exploiter l’humour comme source de ‘décharge’ professionnelle.
La salariée ajoute que le seul élément matériel, sur lequel se fonde l’employeur est un film vidéo posté sur Snapchat effectué par une personne, dont l’identité est méconnue, et qui l’aurait transmise à une tierce personne, sans aucun lien juridique avec l’association, cette tierce personne l’ayant ensuite remise à l’employeur. Elle expose que les vidéos ont été obtenues de façon illicite et attentatoire à sa vie privée et qu’elles doivent être écartées des débats, ces envois étant destinés à dix personnes de son entourage familial et amical, et les images ayant vocation à s’effacer dans les vingt-quatre heures.
L’employeur réplique que les faits constatés sont relatés par plusieurs attestations et par la vidéo versée aux débats et que si un utilisateur d’un réseau social ouvre sa page personnelle à tous ou à un nombre importants d’adhérents de sa communauté, il en fait alors un espace public, en précisant qu’il n’est pas allé ‘ chercher’ des informations d’un compte ‘ d’un ami’ de la salariée mais qu’elles lui ont été fournies.
Il indique que la salariée tente de se dédouaner de la situation , alors même qu’elle a reconnu en être l’auteur lors de l’entretien préalable. Il soutient que la salariée ne peut contester la matérialité des faits reprochés à son encontre ni qu’ils ne lui seraient pas imputables ou qu’il n’existe aucun élément concret établissant les propos humiliants, moqueurs, dégradants et maltraitants qu’elle a tenus. Il précise qu’après cet évément, la famille très choquée, a retiré le résident du foyer et qu’elle a déposé plainte. Il mentionne que de tels manquements graves aux obligations professionnelles et à l’exécution loyale du code du travail ne peuvent être attenués par l’expérience et l’investissement antérieurs de la salariée alors qu’elle a participé à de nombreuses formations sur la bonne prise en charge des résidents.
.Sur la licéité de la preuve
Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. (Soc., 8 mars 2023, pourvoi n° 21-17.802, publié)
Ne sont pas constitutifs d’une faute grave les propos injurieux diffusés par un salarié sur un compte de réseau social “Facebook” accessibles aux seules personnes agréées par lui et composant un groupe fermé de quatorze personnes, de tels propos relevant d’une conversation de nature privée.( Soc., 12 septembre 2018, pourvoi n° 16-11.690, Bull. 2018, V, n° 150.)
Au cas présent, la salariée invoque une atteinte à sa vie privée en raison du caractère personnel des deux vidéos dont la diffusion sur le réseau social Snapchat s’est limitée à un groupe de dix membres, s’agissant de personnes amies et intimes.
Les faits filmés se sont déroulés le 31 août 2018 pendant le temps de travail de la salariée, en présence de deux autres salariées et portent sur un résident adulte handicapé à l’occasion d’une sortie dans un parc puis lors du retour dans le mini-bus, dans lequel se trouvaient également d’autres résidents.
Par lettre du 5 septembre 2018, la directrice des Foyers la Haie Vive a effectué un signalement de maltraitance à la directrice de la MDPH en expliquant avoir été informée la veille par le directeur de l’IME [8] à [Localité 4] (de l’association l’ADAPT) qu’une vidéo réalisée par Mme [X], accompagnée par deux autres salariées, était diffusée sur le réseau social Snapchat et mettait en scène un résident en ‘situation d’humiliation’.
La directrice de Foyers la Haie Vive précise dans cette lettre que la vidéo est construite en deux temps, un premier temps dans le véhicule de service et un second temps dans le parc de l’établissement et qu’elle est en possession de cette vidéo.
L’employeur n’a donc pas obtenu cette preuve de façon déloyale, ayant été informé de cette diffusion par des tiers de l’association, eux-mêmes informés par des salariés de leur structure figurant parmi les « amis » de Mme [X] qui la leur avait partagée.
Ensuite, la salariée se prévaut, d’une part, de l’autorisation de droit à l’image donnée par les tuteurs du résident pour justifier son geste, et des encouragements de l’employeur lors de ses entretiens d’évaluation à s’investir dans la diffusion des événements de l’association par le biais du journal de l’institution.
Toutefois, l’autorisation du droit à l’image d’une personne protégée dans le cadre d’événements organisés par le foyer de vie ne se confond pas avec le fait de filmer avec son téléphone personnel un résident pour diffuser ces images sur un réseau social, la salariée n’étant pas en mesure de justifier qu’une telle autorisation lui avait été accordée par l’employeur.
D’autre part, s’il est établi par les témoins qui attestent que la salariée elle-même a mis en ligne sur le réseau social Snapchat les videos litigieuses, son prénom apparaissant d’ailleurs sur les images, en revanche aucun élément n’établit que seules dix personnes ont été destinataires decette vidéo, la salariée ne communiquant pas la capture d’écran de la liste restreinte alléguée de ses contacts Snapchat.
Les témoins qui ont visionné les images mentionnent que la video a été ‘postée sur le réseau social Snapchat’ et postée en ‘ story’ de sorte qu’il ne s’agit pas, comme le soutient la salariée, d’un simple envoi personnel à quelques destinataires mais bien d’un envoi accessible à plusieurs personnes.
En tout état de cause, une des personnes faisant partie du ‘ cercle d’amis restreint’ a choisi de ne pas conserver à cet envoison caractère privé et a dénoncé les faits à sa propre hiérarchie sans en prévenir auparavant la salariée.
Ainsi, par attestation du 17 janvier 2020, Mme [I], monitrice éducative, salariée de l’association l’ADAPT, témoigne qu’elle était avec une collègue et qu’elle ‘ est tombée sur la video choquante postée sur le réseau social Snapchat. Sur cette video intitulée ‘ma passion dans la vie essuyer des culs en pleine nature au boulot’ apparaît un jeune homme apparamment en situation de handicap.Interrogé alors qu’il vient de déféquer sur lui, celui-ci répond à son accompagnante qu’il a fait ‘cacac culotte”. Le témoin ajoute que ‘d’autres vidéos humiliantes suivent celle-ci sur la story’ de l’accompagnante et elle précise que le visage du résident est filmé mais aussi celui des autres résidents et que ‘les accompagnantes le nomment [le résident]par son prénom. Elles rient et le rabaissent en soulignant l’odeur qu’il dégage dans le véhicule alors qu’il est entouré de tous ses camarades.’.
Mme [R], éducatrice spécialisée, atteste qu’elle était présente avec Mme [I] lors d’un temps de pause professionnel et qu’elle a également regardé la vidéo ‘ sur le réseau Snapchat’ sur le téléphone de sa collègue, confirmant le témoignage précédent et ajoutant qu’une seconde video filme le résident dans le bus et que la personne qui filme la scène indique ‘ Qu’est ce que tu as fait’ Tu as fait caca où”, ‘ Oh ça ! Tu veux pas descendre’, entendant les rires des trois accompagnantes. Le témoin relate que la video montre trois femmes à l’avant d’un véhicule neuf places tenant de la lavande sous leur nez ainsi que plusieurs personnes en situation de handicap à l’arrière du véhicule.
Il ressort ensuite des deux attestations que Mme [R] a enregistré la vidéo sur son téléphone, que les deux salariées, ‘ troublées et ‘ décontenancées’ par ces images ont décidé de s’accorder ‘le temps d’un week-end’ pour réfléchir et qu’elles ont informé leur hiérarchie le lundi à leur arrivée à l’IME, laquelle a prévenu l’employeur de la salariée tout en communiquant les faits filmés.
Mme [U], cheffe de service à l’IME [8] à [Localité 4], atteste qu’elle a entendu sur la video ‘très clairement trois professionnelles d’un établissement médico-social humilier un adulte porteur de handicap qui a déféqué sur lui.’.
La vidéo ainsi communiquée à l’employeur a été produite et visionnée lors de l’audience du bureau de jugement et des captures d’écran sont produites au dossier.
Alors qu’il n’est pas contesté que cette vidéo a été diffusée via Snapchat, aucun élément ne permet de dire qu’elle a été capturée de manière illicite ou déloyale par l’employeur puisque remise par un membre du groupe Snapchat de sa propre initiative après avoir effectué une sauvegarde du film, la diffusion d’images sur un réseau social ne garantissant pas l’exclusivité de son visionnage par les seuls membres d’un groupe.
Au cas présent, des salariés de l’association HAARP-FAM du Vexin qui faisaient partie des membres du groupe, ont estimé que les faits méritaient d’être communiqués à l’employeur.
En conséquence, la diffusion par la salariée de cette vidéo à d’autres professionnelles du handicap filmant une personne handicapée dont elle a la charge sur le lieu et durant les heures de travail en présence de deux autres collègues, ne revêt pas le caractère d’une conversation de nature strictement privée.
L’utilisation de cette vidéo aux débats, dont les attestations produites ne sont que la retranscription par l’employeur, est indispensable pour apporter la preuve des faits reprochés à Mme [X] et à Mme [O], et elle est proportionnée au but recherché, de protection des résidents et de prévention des actes de maltraitance à leur encontre, et au caractère équitable de la procédure dans son ensemble.
Après cette mise en balance le droit au respect de la vie personnelle de la salariée et le droit de la preuve, la cour retient que la preuve issue de la vidéo postée par la salariée sur Snapchat et diffusée à d’autres professionnelles, qui en ont informé l’employeur, est licite.
.Sur la gravité des faits
Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.
L’article L.1235-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pèse sur l’employeur.
En l’espèce, la lettre de licenciement présente les faits qui sont reprochés expréssement à la salariée et explique son rôle dans les événements qui se sont déroulés le 31 août 2018 de manière suffisamment précise pour distinguer les actes de chacune des trois salariées concernées.
Les griefs reprochés à la salariée dans la lettre de licenciement sont précis, exacts et concrets en ce que l’employeur décrit le déroulement de l’enregistrement et de la diffusion des vidéos par l’appelant salariée et qu’il caractérise ensuite le comportement de la salariée comme un acte de maltraitance, qui s’apparente à de l’humiliation du résident dans un contexte de moquerie.
Ces faits sont établis par les témoignages des personnes ayant visionné les films.
En effet, les témoignages qui précédent invoquent concrètement les faits reprochés à la salariée et les captures d’écran des film montrent en outre:
– une photographie dont il ressort que la salariée ( son prénom est mentionné) a écrit ‘ j’aime mon métier… torché le cul en pleine nature :):):)’,
– une photographie de la salariée avec le commentaire ‘ obligé de se mettre de la lavande dans le nez pour ne pas sentir la merde dans le véhicule de retour’,
– la photographie de la salariée avec de la lavande dans le nez,
– une photographie sur laquelle le visage de deux résidents est visible.
En outre, Mme [M], psychologue de l’établissement, attteste ‘ qu’au vu de la vidéo (…) Il semble que les actes dirigés à l’encontre de X lui ont porté atteinte. Sur cette vidéo apparaît clairement les moqueries envers lui, auquel il ne lui a pas été possible de répondre du fait de son état psychique.’.
La circonstance que la salariée se soit investie dans le journal de l’association ne l’autorisait pas à filmer le résident à la suite d’un accident encoprétique alors que les tuteurs, parents du résident, ainsi que la psychologue du foyer indiquent qu’ils sont dans l’incapacité de déterminer l’impact de ces faits sur la personne handicapée, car ils ne sont pas en mesure de savoir ce qu’il a pu comprendre et s’il a été, ou non, indifférent aux moqueries ou n’a pas eu les moyens de réagir.
Le fait également que la plainte déposée par l’employeur devant la gendarmerie ait fait l’objet le 11 septembre 2020 d’un classement sans suite par le procureur de la République du tribunal judiciaire de Pontoise est sans incidence sur la gravité des manquements de la salariée à ses obligations contractuelles.
Dans ce contexte, la vulnérabilité du résident n’est pas discutée et est connue de la salariée, qui a été formée à cet emploi qu’elle a occupé pendant plusieurs années, et qui était informée des valeurs de l’association et du projet d’établissement qui prévoit notamment de promouvoir le bien-être des personnes accueillies et la garantie de leur intimité.
Certes, la difficulté du travail auprès des personnes vulnérables n’est pas contestée mais la salariée ne peut expliquer son comportement par le fait que l’employeur a toujours tenté d’exploiter l’humour comme source de ‘décharge’ professionnelle’, quand bien même des témoins attestent en ce sens au dossier.
Les faits reprochés à la salariée ne s’analysent donc pas en une simple plaisanterie et ils ne sont pas intervenus après une situation de crise justifiant ensuite un moment de décompression.
La salariée ne peut pas davantage se prévaloir de ses qualités professionnelles et de son investissement reconnus par l’employeur et rappelés par les témoignages de ses collègues pour atténuer sa responsabilité.
En effet, il est établi que la salariée a participé à la réalisation d’une vidéo d’un résident handicapé du foyer dans lequel elle travaille lorsque ce dernier était dans une situation intime et délicate et que cette vidéo a ensuite circulé, la teneur des propos et les conditions de la scène filmée dans le véhicule étant dégradantes et inconvenantes pour le résident.
Cette situation alors que la personne filmée était une personne vulnérable dont la salariée avait la charge et qui n’était pas en mesure d’exprimer son assentiment sur les faits qui se déroulaient, caractérise un comportement totalement inadapté et inapproprié de la salariée et constitue une faute qui présente une gravité suffisante pour justifier son éviction immédiate.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit justifié le licenciement pour faute grave de la salariée et a rejeté la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que les demandes relatives à l’indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés afférents et à l’indemnité de licenciement.
La faute grave étant fondée, il convient également de confirmer la décision des premiers juges qui ont débouté la salariée de sa demande de rappel de salaire pour mise à pied.
Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture vexatoire et brutale
La salariée fait valoir que le licenciement est intervenu de manière brutale et dans des conditions vexatoires, ce que conteste l’employeur.
Comme indiqué précédemment, la salariée ne justifie pas qu’elle a été la cible d’un lynchage public avant même la tenue de l’entretien préalable au licenciement ni que l’ensemble du personnel de l’établissement a adopté un comportement des plus accusateurs à son encontre sans qu’elle ne puisse être en mesure de se défendre.
La circonstance qu’elle n’ait pas été convoquée aux deux réunions organisées les 7 et 11 septembre 2018 s’explique par le fait que la salariée avait été mise à pied par l’employeur le 5 septembre 2018 de sorte qu’elle ne pouvait être présente à ces dates.
La brutalité de l’éviction invoquée par la salariée est la conséquence de la mise à pied dont il est rapporté qu’elle était justifiée par la gravité de la faute.
La salariée n’établit pas davantage les mesures d’intimidation de l’employeur alléguées à son encontre alors que ce dernier a effectué, comme le lui impose les dispositions légales, des signalements auprès de ses partenaires et autorités dont il dépendait ni la ‘ rare violence’ dont il aurait usé lors de l’entretien préalable.
Enfin, l’usage du terme ‘maltraitant’ par l’employeur ne caractérise pas un comportement vexatoire et brutal de l’employeur , mais correspond bien au comportement reproché à juste titre à la salariée.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La salariée qui succombe, doit supporter la charge des dépens et ne saurait bénéficier de l’article 700 du code de procédure civile et le jugement sera également confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de ces demandes à ce titre et l’a condamné aux frais irrépétibles.
Il conviendra également de condamner la salariée à payer à l’association HAARP-FAM du Vexin une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DEBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE Mme [X] à verser à l’association HAARP-FAM du Vexin la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE Mme [X] aux dépens.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Marine Mouret, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente