M. [P] se plaignant de désordres et de dégradations affectant les chaussées, tampons, bordures et tranchées techniques, a sollicité une expertise judiciaire qui a été ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance d’Orléans le 27 septembre 2013. L’expert judiciaire, M. [D], a déposé son rapport le 19 février 2016.`
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 15/12/2022
Me Alexis DEVAUCHELLE
Me Gaëlle DUPLANTIER
ARRÊT du : 15 DECEMBRE 2022
N° : – : N° RG 20/00563 – N° Portalis DBVN-V-B7E-GD2O
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d’ORLÉANS en date du 26 Décembre 2019
PARTIES EN CAUSE
APPELANTES :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265246573965560
S.A.S. ENTREPRISE N.CRAMBES inscrite au RCS d’Orléans sous le n°B 777 346 834, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau d’ORLEANS et représentée par Me COUSSEAU, avocat plaidant du barreau d’ORLEANS
SMABTP – SOCIETE D’ASSURANCE MUTUELLE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS inscrite au RCS de Paris sous le n°775 684 764, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 5]
Ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau d’ORLEANS et représentée par Me COUSSEAU avocat plaidant du barreau d’ORLEANS
D’UNE PART
INTIMÉ : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265257366740982
Monsieur [X] [P]
né le 12 Juillet 1942 à [Localité 9]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Ayant pour avocat Me Gaëlle DUPLANTIER, avocat au barreau d’ORLEANS et représenté par Me Claudine COUTADEUR, membre de LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR & ASSOCIES – DROUOT AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
PARTIE INTERVENANTE
Maître [K] [E] de la SELARL VILLA [E], liquidateur judiciaire désignée mandataire judiciaire de la SAS ENTREPRISE N.CRAMBES par un jugement d’ouverture du tribunal de commerce d’ORLEANS du 29 septembre 2021 puis liquidateur judiciaire de ladite société par jugement du tribunal de commerce d’ORLEANS du 24 novembre 2021 prononçant la conversion en liquidation judiciaire
[Adresse 4]
[Localité 2]
N’ayant pas constitué avocat
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du :04 Mars 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 04 octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, du délibéré :
Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,
Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Greffier :
Madame Fatima HAJBI, greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 NOVEMBRE 2022, à laquelle ont été entendus Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
L’arrêt devait initialement être prononcé le 12 décembre 2022, à cette date le délibéré a été prorogé au15 décembre 2022,
Prononcé le 15 DECEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
* * *
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant devis accepté du 27 novembre 2009, M. [X] [P] a confié à la société Entreprise N. Crambes la réalisation de travaux de voirie et de réseaux divers destinés à l’aménagement d’un lotissement [Adresse 10] à [Localité 8].
Aucun procès-verbal de réception des travaux n’est intervenu entre les parties.
M. [P] se plaignant de désordres et de dégradations affectant les chaussées, tampons, bordures et tranchées techniques, a sollicité une expertise judiciaire qui a été ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance d’Orléans le 27 septembre 2013. L’expert judiciaire, M. [D], a déposé son rapport le 19 février 2016.
Par acte d’huissier de justice du le 21 avril 2016, M. [P] a fait assigner la société Entreprise N. Crambes et son assureur, la SMABTP devant le tribunal de grande instance d’Orléans notamment aux fins d’indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 26 décembre 2019, le tribunal a’:
– dit que la responsabilité décennale de la société Crambes est retenue au titre des désordres concernant l’affaissement de la chaussée, l’affaissement des bordures et le débordement de l’avaloir EP sur le fondement de l’article 1792 du code civil’;
– dit que les éclatements et les épaufrures des bordures sont dus à une cause étrangère qui exonère la société Crambes’;
– condamné in solidum la société Crambes et la SMABTP mais seulement pour cet assureur dans les limites de la police d’assurance souscrite avec application de la franchise contractuelle à payer à M. [P]’:
la somme de 51’906 euros au titre des travaux de reprise des désordres concernant l’affaissement de la chaussée, l’affaissement des bordures et le débordement d’un avaloir EP, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2016 et avec capitalisation desdits intérêts’;
la somme de 3’000 euros en réparation du préjudice d’image’;
– ordonné l’exécution provisoire de la décision sur la moitié des indemnisations allouées’;
– condamné in solidum la société Crambes et la SMABTP aux dépens lesquels comprendront les frais d’expertise et des procès-verbaux d’huissier de justice dont distraction à Me Coralie Vincent et une indemnité de 3’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;
– rejeté tous autres chefs de demande.
Par déclaration du 4 mars 2020, la société Entreprise N. Crambes et la SMABTP ont interjeté appel de tous les chefs du jugement.
* * *
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 18 mai 2021, la société Entreprise N. Crambes et la SMABTP demandent de’:
– les déclarer recevables et bien fondées en leur appel et y faisant droit,
– infirmant le jugement, ramener l’indemnité au titre de l’affaissement de chaussée à la somme de 22’140’€ TTC’;
– débouter M. [P] de ses demandes au titre du débordement de l’avaloir EP’;
– le débouter de ses demandes au titre du préjudice d’image’;
– rejeter ses conclusions d’appel incident’;
– partager les dépens de première instance’;
A titre infiniment subsidiaire, déduire des condamnations les franchises, soit’:
– 10’% du montant des dommages avec un minimum de 20 statutaires soit 3’300’€ (165 x 20) et un maximum de 200 statutaires soit 33’000’€ au titre de la garantie décennale’;
– 6 statutaires, soit 990’€ au titre du préjudice immatériel’;
– condamner M. [P] à la somme de 3’000’€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 2 juin 2021, M. [P] demande de’:
– le dire recevable et bien fondé en son appel incident et infirmer le jugement en ce qu’il a dit que les éclatements et les épaufrures des bordures sont dus à une cause étrangère exonérant la société Crambes’;
En conséquence,
– condamner in solidum la société Crambes et la SMABTP à lui payer la somme de 18’768’€ évaluée par l’expert au titre des éclatements et épaufrures des bordures’;
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné in solidum la société Crambes et la SMABTP à lui payer la somme de 51’906’€ au titre des travaux de reprise des désordres concernant l’affaissement de la chaussée et l’affaissement des bordures, et le débordement d’un avaloir EP, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2016 et avec capitalisation des intérêts, ainsi qu’à la somme de 3’000’€ en réparation du préjudice d’image’;
– confirmer le jugement pour le reste de son dispositif’;
– condamner in solidum la société Crambes et la SMABTP au paiement d’une somme de 5’000’€ au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
Par jugement du 29 septembre 2021, le tribunal de commerce d’Orléans a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Entreprise N. Crambes qui a été convertie en procédure de liquidation judiciaire par jugement du 24 novembre 2021, la Selarl Villa [E] en la personne de Maître [K] [E] ayant été désignée liquidateur.
Par acte d’huissier de justice en date du 14 février 2022, M. [P] a fait assigner en intervention forcée, Maître [K] [E] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Entreprise N. Crambes, aux fins de voir’:
– dire la présente intervention forcée recevable et en conséquence la joindre à l’instance enregistrée sous le n° RG 20/00563′;
– dire M. [P] recevable et bien fondé en son appel incident et infirmer le jugement en ce qu’il a dit que les éclatements et les épaufrures des bordures sont dus à une cause étrangère exonérant la société Crambes’;
En conséquence,
– constater et fixer la créance de M. [P] à la somme de 18’768 euros évaluée par l’expert au titre des éclatements et épaufrures des bordures’;
– condamner in solidum la société Crambes et la SMABTP à payer à M. [P] la somme de 18’768 euros évaluée par l’expert au titre des éclatements et épaufrures des bordures’;
– constater et fixer la créance de M. [P] à la somme de 51’906 euros au titre des travaux de reprise des désordres concernant l’affaissement de la chaussée et l’affaissement des bordures, et le débordement d’un avaloir EP, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2016 et avec capitalisation des intérêts, et de 3’000 euros en réparation du préjudice d’image’;
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné in solidum la société Entreprise N. Crambes et la SMABTP à payer à M. [P] la somme de 51’906 euros au titre des travaux de reprise des désordres concernant l’affaissement de la chaussée et l’affaissement des bordures, et le débordement d’un avaloir EP, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2016 et avec capitalisation des intérêts, ainsi qu’à la somme de 3’000 euros en réparation du préjudice d’image’;
– confirmer le jugement pour le reste de son dispositif et donc constater et fixer la créance de M. [P] à la somme de 3’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance’;
– constater et fixer la créance de M. [P] à la somme de 5’000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que la créance afférente aux entiers dépens d’appel y compris les frais d’expertise judiciaire de 11’330,44 euros et d’huissier de justice de 937,06 euros à parfaire’;
– condamner in solidum la société Entreprise N. Crambes et la SMABTP au paiement d’une somme de 5’000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
Maître [K] [E] n’a pas constitué avocat et n’a donc formé aucune demande dans l’intérêt de la société Entreprise N. Crambes. M. [P] a déclaré sa créance le 13 janvier 2022 au passif de ladite société, de sorte que l’instance a été valablement reprise.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
La cour a interrogé les parties sur la réparation de l’omission de statuer affectant le jugement sur la réception tacite de l’ouvrage, point de départ des garanties légales et sur l’éventuelle irrecevabilité des demandes de condamnation au paiement de sommes d’argent de la société Entreprise N. Crambes, au regard des dispositions de l’article L.622-22 du code de commerce. Les parties ont été autorisées à produire des notes en délibéré sur ces points.
Par note en délibéré communiquée par RPVA le 24 novembre 2022, M. [P] a indiqué qu’il n’avait pas d’observations sur la réparation de l’omission de statuer. Il a également précisé que les conditions de reprise de l’instance prévues par l’article L.622-22 du code de commerce étant réunies, la cour doit se prononcer sur l’existence et le montant de sa créance déclarée à hauteur de 93’935,50 euros.
* * *
MOTIFS
Sur l’omission de statuer
Il résulte des dispositions de l’article 462 du code de procédure civile que les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées, d’office ou par requête, par la juridiction à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.
En l’espèce, le tribunal a, dans ses motifs, statué sur les demandes des parties relatives à la réception de l’ouvrage, en décidant de prononcer la réception tacite de l’ouvrage par M. [P] au 31 décembre 2009, mais le dispositif ne porte pas mention de cette décision.
Le jugement est donc affecté d’une omission de statuer qu’il convient de réparer en complétant le jugement par le chef de décision omis.
Sur l’indemnité au titre de l’affaissement de chaussée
La SMABTP indique qu’elle n’entend pas critiquer le jugement quant à la mise en jeu de la garantie décennale’; qu’en revanche, il y a lieu de l’infirmer quant au montant alloué qui excède le montant retenu par l’expert’; que si l’expert a fait état d’un montant de 35’322 euros, il s’agissait d’une erreur de plume, le rapport mentionnant une évaluation de l’indemnité due au titre de l’affaissement de chaussée à la somme de 22’140 euros.
L’intimé réplique qu’il n’y a aucune raison de penser que l’expert aurait annoncé un montant erroné dans son rapport et les appelantes n’établissent pas l’existence d’une erreur de plume, de sorte que cette demande sera écartée et la condamnation au paiement de la somme de 35’322 euros sera confirmée.
L’expert judiciaire a chiffré le coût de reprise des désordres relatifs à l’affaissement de chaussée, en page 35 de son rapport, comme suit’:
«’Balisage des zones d’intervention,
Découpe de l’enrobé à la roulette ou au disque, au-dessus de la tranchée EU-EP de la voie d’accès à l’îlot central et autour des regards EU-EP, soit à 5 endroits distincts, soit environ pour 175 M2,
Fouille à la mini-pelle, chargement et emport des gravois,
Réalisation des purges nécessaires avec précaution,
Remblai en graves calcaires 0/31.5 par couches successives de 0.20 m d’épaisseur compactées,
Couche d’accrochage et enrobés à chaud de 0/10 de 120’Kg/M2, compris cylindrage, raccords avec l’enrobé existant et les tampons fonte’;
Coût’: ESTIMATION TOUTES TAXES, VAUT 22’140.00 euros
Durée’: 1 journée à 4 personnes’»
En page 46 de son rapport, l’expert mentionne le dire du conseil de la société Entreprise N. Crambes comportant l’envoi d’un devis pour la réfection des désordres suivants’:
«’Reprise des affaissements de chaussée,
Reprise de bordure T2-CS1 affaissées,
Reprise de bordures épaufrées,
Reprise d’un Avaloir,
Pour un montant global de 35’322,00 euros’»
En conclusion de son rapport, l’expert judiciaire a repris cette somme de 35’322 euros au titre de la reprise du seul affaissement de la chaussée. Or, il apparaît que cette somme représente la somme totale de reprise de l’ensemble des désordres proposée par la société Entreprise N. Crambes et non le véritable coût de reprise de l’affaissement de chaussée évalué et détaillé par l’expert à la somme de 22’140 euros. Le rapport d’expertise est donc affecté d’une erreur matérielle en sa conclusion.
Il convient donc d’infirmer le jugement sur ce point et de condamner la SMABTP à payer à M. [P] la somme de 22’140 euros au titre de la reprise de l’affaissement de chaussée.
Sur le débordement de l’avaloir eaux pluviales
La SMABTP fait valoir que le désordre allégué ne répondant pas aux critères de gravité des articles 1792 et suivants du code civil, les conditions matérielles devant présider à la mise en jeu de la garantie décennale ne sont donc pas réunies’; que c’est par une erreur d’appréciation que le tribunal a retenu la responsabilité décennale de la société Entreprise N. Crambes’; que dès lors que le débordement et l’engorgement sont décrits comme naturels, le désordre ne peut être regardé comme satisfaisant au critère de gravité requis, l’expert retenant l’absence d’impropriété à la destination de l’ouvrage’; que si la cour devait rejeter l’appel entrepris quant à la qualification des dommages, il ne pourra qu’accueillir celui-ci quant au partage de responsabilité’; que l’expert rappelle que la responsabilité de l’entreprise ne peut être intégrale, car il retient à titre de cause du débordement de l’avaloir, le déversement des bordures qui résulte des fortes contraintes exercées sur celles-ci par les engins de chantier pour la réalisation des constructions’; que conformément aux conclusions de l’expert, la société Entreprise N. Crambes ne saurait engager sa responsabilité au-delà de la moitié dès lors qu’elle est en mesure d’opposer au maître d’ouvrage une cause au moins partiellement exonératoire de responsabilité’; qu’il convient donc de limiter sa responsabilité, en retenant, à titre de cause étrangère, les passages d’engins de chantier et conditions d’exploitation des différents lots.
L’intimé indique que les conclusions de l’expert ne correspondent pas aux constatations dont il ressort que le système d’évacuation des eaux n’a pas été réalisé conformément aux règles de l’art par la société Entreprise N. Crambes qui doit en endosser toute la responsabilité.
Il est allégué par le maître d’ouvrage qu’au niveau de l’avaloir de récupération des eaux de ruissellement d’une petite place, des débordements peuvent survenir en cas de fortes précipitations et inonder l’entrée des lots avec un trottoir surbaissé.
S’agissant de ce désordre, l’expert a indiqué’:
«’- Cet avaloir reprend toutes les eaux de la voirie de l’ouest de l’îlot, soit environ 640’m², et la canalisation partant de ce regard, fait 315’mm de diamètre, ce qui signifie qu’elle peut reprendre près de 700’m² de surface d’eau de ruissellement, ce qui est donc satisfaisant’;
– D’autre part, au niveau de la grille avaloir, lors de pluies diluviennes, il y a toujours un coefficient d’absorption, avec un tourbillonnement, qui provoque un engorgement et un débordement tout naturel’;
Pour ma part il n’existe pas d’impropriété à destination, ni de remise en cause de l’ouvrage’».
Analysant les causes des désordres allégués, l’expert a cependant précisé’:
«’- Si l’on regarde bien la photographie n° 17, on s’aperçoit que cette grille est relativement importante, 500 x 500’mm, mais étant en position basse et à proximité de trottoirs surbaissés, il est prévisible qu’en cas de précipitations importantes, une stagnation d’eau momentanée se produit et peut déborder du fait d’une faible hauteur d’eau possible’;
Peut-être aurait-il fallu modifier l’implantation de cet avaloir, en l’écartant le plus possible de cet angle, où il y a un accès en angle au lot n°’12’»
Enfin, l’expert n’a pas relevé de malfaçons dans la réalisation de l’ouvrage’:
«’o C’est la configuration des lieux qui fait que l’avaloir aurait dû être à mon avis déplacé sur le côté opposé de la voie, contre l’îlot central, à proximité des 3 places de stationnement, afin d’obtenir une garde d’eau supérieure’;
o Il fallait dans ce cas modifier le plan de Géomexpert, lors de l’exécution des pentes au droit de l’îlot, comme l’entreprise l’a d’ailleurs fait pour la voie d’accès principale, à une seule pente’;
o Sinon la mise en place d’une seconde grille avaloir peut effectivement favoriser la surface d’entrée d’eau dans le circuit EP, mais une saturation de la canalisation risque de se produire dans le cas de précipitations prolongées, canalisation dont pourtant la section est conforme aux règles de l’art’»
Il résulte ces constatations de l’expert que l’avaloir remplit sa fonction de récupération des eaux de pluie, le diamètre de la canalisation étant adaptée à la surface de ruissellement. Ce n’est qu’en cas de fortes précipitations, qualifiées de diluviennes par l’expert, dont la fréquence est rare, qu’il peut survenir un engorgement qui n’est pas anormal au niveau de la grille avaloir, de sorte que les eaux peuvent stagner provisoirement et déborder sur le trottoir abaissé. Ce désordre, exceptionnel dans sa survenance, et dont il n’est ni argué ni justifié qu’il causerait également l’inondation d’immeubles situés à proximité, n’est pas de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination au regard des dispositions de l’article 1792 du code civil.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a dit que la responsabilité décennale de la société Crambes est retenue au titre des désordres concernant le débordement de l’avaloir EP sur le fondement de l’article 1792 du code civil et condamné la SMABTP au paiement d’une indemnité de 5’520 euros à ce titre.
Sur les éclatements et les épaufrures des bordures
L’intimé soutient que c’est de façon erronée que le tribunal a considéré que les éclatements et épaufrures des bordures étaient dus à une cause étrangère qui exonère la société Entreprise N. Crambes de toute responsabilité décennale’; que le maître d »uvre ne saurait s’exonérer de sa responsabilité que dans des hypothèses strictes, le vice des matériaux n’en faisant pas partie, et l’impropriété de l’ouvrage à son utilisation étant une cause d’engagement de la responsabilité’; que l’expert a conclu à un défaut qualitatif des matériaux utilisés’; que la société Entreprise N. Crambes a réalisé des travaux sur les bordures qui se sont révélés inadaptés à la vocation de la voirie, qui était, tout d’abord, d’assurer le passage des engins de constructions aux fins de bâtir le lotissement et ensuite d’assurer l’entrée et le passage des colotis dans le lotissement’; que l’expert n’a d’ailleurs aucunement exclu sa responsabilité.
La SMABTP réplique que le tribunal a retenu l’existence d’une cause étrangère totalement exonératoire de responsabilité de la société Entreprise N. Crambes et a rejeté la demande de M. [P] à raison de ce désordre, en retenant, conformément aux conclusions de l’expert, que les désordres ont été créés à l’occasion de passages d’engins de chantier lors de la réalisation des constructions des différents lots’; que le défaut de qualité des bordures n’a pas été établi de façon certaine’; que les désordres proviennent donc d’une cause extérieure aux travaux réalisés par la société Entreprise N. Crambes, de sorte que l’appel incident doit être rejeté.
L’expert judiciaire a relevé l’existence d’éclatements et d’épaufrures de bordures T2, avec désolidarisation des joints au mortier, notamment dans les courbes importantes de voirie et au raccord de bordures plongeantes.
Les parties ne discutent pas du caractère décennal des désordres mais d’une cause étrangère exonératoire de garantie.
S’agissant des causes des désordres, l’expert judiciaire a indiqué’:
«’Il est vraisemblable que bon nombre de ces bordures font partie d’un lot plus fragile, vraisemblablement dû à un défaut de séchage, mais il est également vraisemblable que les engins de chantier ont favorisé ces désordres, ce qui arrive relativement souvent, quand les voiries sont réalisées avant les constructions’;
Pour ma part il ne s’agit pas d’une faute relevant de l’entreprise, mais bien d’une utilisation des voies et trottoirs dans des conditions qui relèvent de l’utilisation d’engins de chantier sans aucune précaution’».
L’expert a conclu à l’absence de responsabilité de la société Entreprise N. Crambes au motif que «’les désordres sont plus liés à une faible largeur des voies et à une fragilité de fabrication des bordures, que de la responsabilité de la Sas Crambes’».
Le défaut affectant les bordures ne résulte toutefois d’aucun constat technique objectif, l’expert l’évoquant à titre d’hypothèse susceptible d’expliquer les désordres, et indiquant même que le sapiteur Ginger-CEBTP ne «’se prononce pas sur la fragilité des bordures, par contre les mêmes arguments sont avancés en ce qui concerne leur franchissement par divers véhicules lourds’».
S’agissant de la largeur des voies réalisées par la société Entreprise Crambes, l’expert judiciaire a relevé qu’il existait quelques différences par rapport au plan Géomexpert, et que la largeur des voies était en lien avec les éclatements et épaufrures des bordures’:
«’Je note que la largeur de la voirie en partie droite depuis l’accès mesure 5.00’ml et que la largeur de la voie vers l’îlot ne mesure que 4.50 ml, ce qui est manifestement trop juste pour se croiser avec deux véhicules légers, mais encore moins facilement entre 2 poids lourds ou véhicules de chantier, ce qui implique nécessairement de chevaucher les bordures, d’où les éclatements et les épaufrures des bordures T2 – Même si autour de l’îlot, la voie est en sens unique, un véhicule important sera contraint de ‘mordre’ sur les bordures’».
En conséquence, il ne peut être considéré que les désordres proviennent exclusivement d’une cause étrangère, à savoir le passage d’engins de chantier, dès lors que la largeur de la voie vers l’îlot central était d’une largeur insuffisante pour le croisement de véhicules mêmes légers, alors même que la société Entreprise N. Crambes savait que la voirie allait être utilisée pour le passage des engins de chantier en vue de la construction du lotissement.
La société Entreprise N. Crambes est donc tenue à la garantie décennale pour les désordres affectant les bordures. Il convient de retenir le coût de reprise des désordres évalué par l’expert judiciaire à la somme de 18’768 euros à laquelle la SMABTP sera condamnée.
En application de l’article L.622-22 du code de commerce, les instances en cours interrompues par l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire sont reprises de plein droit, le mandataire judiciaire dûment appelé, et tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
En conséquence, la demande de condamnation de la société Entreprise N. Crambes au paiement de la somme de 18’768 euros sera déclarée irrecevable. M. [P] a toutefois également formé une demande d’inscription de ladite somme au passif de la société Entreprise’N. Crambes à laquelle il sera fait droit.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a dit que les éclatements et les épaufrures des bordures sont dus à une cause étrangère qui exonère la société Entreprise N. Crambes. Il sera également infirmé en ce qu’il a condamné la SMABTP à payer à M. [P] la somme de 51’906 euros au titre des travaux de reprise des désordres concernant l’affaissement de la chaussée, l’affaissement des bordures et le débordement d’un avaloir EP avec intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2016.
Les sommes dues porteront intérêts, en application de l’article 1231-7 du code civil, à compter du présent arrêt, avec capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil.
Sur l’indemnité au titre du préjudice d’image
La SMABTP indique que ce chef de préjudice n’a pas lieu d’être alors même qu’aucun élément n’a été produit qui permette d’en accréditer l’existence’; que le tribunal a retenu une atteinte à l’image lié à un secteur concurrentiel alors même qu’aucun élément n’a été fourni sur l’activité de M. [P] qui a, dans un courrier, contesté sa qualité de professionnel de l’immobilier en invoquant sa qualité de retraité du «’monde agricole’».
M. [P] réplique qu’il subit un préjudice d’image considérable puisqu’il jouissait d’une réputation irréprochable dans la commune de [Localité 8] après la livraison du lotissement du «’Parc I’» en qualité de lotisseur non-professionnel’; que sans un secteur où la concurrence est forte, il souffre désormais d’une image détériorée quant à la qualité des lotissements qu’il livre, et ce, uniquement en raison des manquements de la société Entreprise N. Crambes’; qu’il n’est pas démontré que ce préjudice d’image serait dépendant de la qualité de professionnel de celui qui le subit.
Il incombe à M. [P] de rapporter la preuve du préjudice d’image qu’il estime subir à raison des désordres de nature décennale. Or, l’intéressé qui se présente comme un lotisseur non-professionnel ne produit aucun élément propre à démontrer une atteinte à son image dans un secteur concurrentiel auquel il ne participe pas en qualité de professionnel. En conséquence, il convient de débouter M. [P] de sa demande d’indemnité formée à ce titre et d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SMABTP au paiement de la somme de 3’000 euros en réparation de ce préjudice.
Sur l’opposabilité de la franchise
La SMABTP soutient qu’elle ne peut être tenue que dans les limites de la police d’assurances souscrite avec application de la franchise dont le tribunal a omis d’en préciser le montant’; que celle-ci est forcément opposable au demandeur au titre du préjudice immatériel.
M. [P] indique que le jugement ayant condamné la société Entreprise N. Crambes et la SMABTP solidairement, mais seulement pour celle-ci dans les limites de la police d’assurance souscrite avec application de la franchise contractuelle, doit être confirmé en ce qu’il est suffisamment précis.
Il convient de rappeler qu’en matière d’assurance de responsabilité obligatoire, la franchise est inopposable au tiers lésé bénéficiaire de l’indemnité d’assurance ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (1re Civ., 4 mars 1986, pourvoi n° 84-17.059′; 1re Civ., 15 décembre 1998, pourvoi n° 96-20.969), mais elle lui est, cependant, opposable en ce qui concerne les dommages immatériels non couverts par la garantie.
Il n’a pas été fait droit à la demande de réparation du préjudice immatériel de M. [P] de sorte que l’assureur n’est tenu qu’au paiement de l’indemnité réparant le préjudice matériel dont il ne peut donc déduire le montant de la franchise. La demande de la SMABTP sera donc rejetée.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
Il convient de rappeler que la créance de dépens et des frais résultant de l’application de l’article 700 du code de procédure civile mise à la charge du débiteur trouve son origine dans la décision qui statue sur ces frais et dépens et entre dans les prévisions de l’article L. 622-17 du code de commerce lorsque cette décision est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective
(3e Civ., 7 octobre 2009, pourvoi n° 08-12.920).
Compte tenu de la solution donnée au litige, il convient de condamner in solidum la société Entreprise N. Crambes et la SMABTP aux entiers dépens d’appel et à payer à M. [P] une somme de 2’000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.