Soutenant avoir repoussé les avances de son supérieur hiérarchique, une journaliste pigiste reporter images a obtenu la condamnation de son employeur pour harcèlement.
Des SMS de drague insistants (‘envie de danser avec toi’ …) présument un harcèlement. Il ne résultait pas des réponses adressées à l’employeur que l’intéressée ait accepté de participer à un ‘jeu de séduction’.
Faute pour l’employeur de prouver que les agissements de son salarié rédacteur en chef étaient étrangers à tout harcèlement sexuel, peu important que ce dernier ait été également en relation avec l’entreprise dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée d’usage, le harcèlement a été retenu (préjudice moral de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts).
_____________________________________________________________________________________________
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
21e chambre
ARRET DU 30 SEPTEMBRE 2021
N° RG 19/04619 –��N° Portalis DBV3-V-B7D-TUIK
AFFAIRE :
J X O : journaliste reporter Images
C/
Société C8 PRODUCTION SAS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Octobre 2019 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : 17/00841
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
la AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI
Me Sophie CORMARY
le :
LE TRENTE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame J X
née le […] à […]
[…]
[…]
Représentant : Me C CITTADINI de l’AARPI Cabinet Lanes & CITTADINI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2185
APPELANTE
****************
Société C8 PRODUCTION SAS
N° SIRET : 532 643 673
[…]
[…]
Représentant : Me Eric MANCA de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0438
Représentant : Me Sophie CORMARY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 515
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Juin 2021, Monsieur Thomas LE MONNYER, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Madame Valérie AMAND, Président,
Madame Florence MICHON, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU
FAITS ET PROCÉDURE
En janvier 2012, Mme J X, âgée de 22 ans et alors en master 2 de journalisme à l’ IEP
d’Aix-en-Provence, a accompli un stage de six mois à la société D8 Production, devenue la société
C8 Production, et a rejoint l’équipe de l’émission « Langue De Bois s’Abstenir » (‘LDBA’), au sein de
laquelle M. B Y était rédacteur.
A compter du 1er octobre 2014, Mme X a été engagée ponctuellement en qualité de journaliste
reporter image, par la société C8 production, selon contrats à durée déterminée d’usage
(intermittence technique du spectacle) afin de travailler sur l’émission ‘LDBA’, dont M. Y était
devenu le rédacteur en chef. Cette collaboration s’est déroulée comme suit :
— 13 jours au cours du mois d’octobre 2014 (du 1er au 3, du 6 au 10 et du 20 au 24 octobre 2014).
— 2 jours au cours du mois de septembre 2016 (les 20 et 21 septembre 2016).
— 6 jours au cours du mois d’octobre 2016 (les 4, 5, 11, 12, 18 et 19 octobre 2016).
— 2 jours au cours du mois de novembre 2016 (les 15 et 16 novembre 2016).
— 4 jours au cours du mois de décembre 2016 (les 6, 7, 13 et 14 décembre 2016).
L’entreprise, qui est une filiale du groupe Canal + et est spécialisée dans la production de films et de
programmes pour la télévision, emploie plus de dix salariés, et relève de la convention collective des
journalistes.
Soutenant avoir repoussé les avances de son supérieur hiérarchique, M. Y, ce qui a eu pour
conséquence de mettre fin à sa collaboration avec la société C8, Mme X a saisi le 6 juillet 2017
le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d’entendre condamner la société à lui
verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
La société s’est opposée aux demandes et a sollicité la condamnation de la requérante au paiement de
la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 10 octobre 2019, notifié le 6 novembre 2019, le conseil a :
Dit et jugé que les agissements de M. Y à l’égard de Mme X ne sont pas constitutifs de
harcèlement sexuel ;
Débouté en conséquence Mme X de l’intégralité de ses demandes et la société C8 de sa
demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné Mme X à une amende civile sur le fondement de l’article 32-1 du code de
procédure civile, à verser à la société la somme de 50 euros pour action abusive ainsi qu’aux entiers
dépens.
Le 11 décembre 2019, Mme X a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 19 mai 2021, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de
l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 15 juin 2021.
‘ Selon ses dernières conclusions du 21 octobre 2020, Mme X demande à la cour de :
Dire et juger qu’elle est recevable et bien fondée en son appel ;
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes dans toutes ses dispositions ;
et, statuant à nouveau,
Condamner la société C8 à lui verser les sommes suivantes :
• 10 000 euros en réparation des faits de harcèlement sexuel subi,
• 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et de carrière subi,
• 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de la non reconduction de ses contrats de pige consécutivement à la dénonciation des faits de harcèlement sexuel dont elle a été victime,
• 4 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais qu’elle a engagés tant devant le conseil de prud’hommes que devant la cour d’appel ;
Ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil ;
Condamner la société C8 aux entiers dépens.
‘ Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 10 mai 2021, la société C8 production
demande à la cour de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du 10 octobre 2019 rendu
par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt et de :
Juger que les agissements de M. Y à l’égard de Mme X ne sont pas constitutifs de
harcèlement sexuel ;
Juger que la société C8 Production n’a pas manqué à son obligation de sécurité ;
Rejeter l’intégralité des demandes formulées par Mme X ;
Condamner Mme X à une amende civile sur le fondement de l’article 32-1 du code de
procédure civile d’un montant de 50 euros pour action abusive en justice ainsi qu’aux entiers dépens ;
Condamner Mme X au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700
du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des
parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme
de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les
moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Il en découle que nonobstant les moyens et, le cas échéant, les demandes formulées dans le corps des
conclusions de chacune des parties, la cour n’est saisie que des demandes figurant dans le dispositif
des conclusions et pas de celles qui n’auraient pas été reprises dans ce dispositif.
I – Sur le harcèlement sexuel
Au soutien de sa demande de reconnaissance d’un harcèlement sexuel, Mme X expose qu’elle a
été a été victime, de la part de son supérieur hiérarchique, de la situation suivante :
— L’instauration, dès le départ de la relation contractuelle, d’une relation de travail ambiguë,
avec de récurrentes allusions, par M. Y, à sa vie privée et la sienne (celle de Mme X),
— Une proposition de poste extrêmement intéressante, dont il s’est avéré plus tard qu’elle n’avait
manifestement aucune chance d’aboutir,
— Des propositions répétées, par texto, immédiatement après l’annonce de la supposée
promotion, d’une relation extra-professionnelle avec, notamment, des invitations à dîner et à
danser s’accompagnant d’une volonté affichée de la « draguer » à cette occasion, propositions qu’elle
a poliment déclinées en tentant de ne pas froisser son interlocuteur, dès lors que ce dernier avait entre
ses mains son avenir professionnel,
— Des mesures de rétorsion immédiates lorsqu’elle a dénoncé cette situation, mesures consistant en un
refus explicite de refaire appel à ses services dans le cadre de nouveaux contrats de piges.
Critiquant la motivation du jugement, l’appelante considère que les textos de M. Y contiennent des
invitations claires à déjeuner, dîner, danser et même petit déjeuner, dans l’optique affichée de la «
dragouiller », le rédacteur en chef n’hésitant pas l’appeler « poulette », autant de propos qui peuvent
au minimum être qualifiés, de la part d’un supérieur hiérarchique, de dégradants ou humiliants et
créent indiscutablement une situation intimidante, mais qui, compte tenu du contexte, à savoir son
statut précaire et la proposition de promotion professionnelle qui lui a été faite la veille, caractérisent
la catégorie des « pressions graves exercées dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature
sexuelle ».
La société réplique qu’elle a ouvert une enquête du CHSCT le 3 février 2017 suite à la dénonciation
de Mme X le 19 janvier 2017, M. Y n’étant plus salarié de C8 à cette date.
L’intimée fait valoir que les échanges produits ne retranscrivent pas de propos sexistes ou à
connotation sexuelle, susceptibles de porter atteinte à la dignité de Mme X, et ne présentent pas
de caractère dégradant ou humiliant créant une situation intimidante ou caractérisant une pression
grave ou un chantage sexuel. Elle considère également que Mme X a adopté une attitude
ambigüe et n’a jamais exprimé son souhait de mettre fin aux échanges de SMS, ni manifesté sa gêne.
Elle estime qu’il ne transparaît de ces échanges qu’un ‘jeu de séduction’ qui a pris fin dès que Mme
X a changé de comportement et relève que M. Y lui a fait part de son incompréhension à la
lecture de sa perception de la situation et lui a présenté des excuses.
Il résulte des dispositions des articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du code du travail que pour se
prononcer sur l’existence d’un harcèlement sexuel , il appartient au juge d’examiner l’ensemble des
éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement
produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de
présumer l’existence d’un harcèlement. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si
l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que
ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
L’article L.1153-1 du code du travail dispose qu’aucun salarié ne doit subir des faits,
1°) Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle
répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit
créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
2°) Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non
répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit
recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.
En l’espèce, Mme X produit :
— un procès-verbal d’huissier, en date du 8 novembre 2018 qui constate, par le biais de captures
d’écran, les messages adressés par M. Y à Mme X ou échangés entre eux sur la période du
14 au 18 décembre 2016. Il est ainsi retranscrit les messages suivants :
• Le mercredi 14 décembre 2016 :
— M. Y : ‘hello, tout va bien »
— Mme X : ‘ça va, on avance bien avec Murielle !’
— M. Y ‘Cool’
12h08 :
Mme X :
‘tu peux venir voir si tu peux/veux’
16h54 :
M. Y :
‘C con, je voulais prendre un verre avec toi mais avec ce que je t’ai dit en régie, tu dois me prendre
pour un Goldnadel (sans oublier le bafouillage chelou ‘tu sais jsui pas… enfin… jesui pas… un
queutard…jsui un mec normal quoi… tu vois’…’ qui a dû te faire flipper et puis on se serait endormi
devant nos verres… Et puis ça aurait très génant que tu refuses…bref, ptetre un mal pour un bien
[Smiley gêné].
Et puis la portoricaine a 24 ans par exemple, au dessus, ça devient un peu old pour moi [Smiley
souriant]
Ca c’était pour rire (parce que j’aime bien la déconne).
Et puis il y avait Greg (avec qui tu doit être gênée en ce moment dans le métro avec ton portable qui
sonne… Ahaha)’
Mme X :
‘T’as pas idée à quel point ton dernier message est vrai!
Oui ça aurait été cool qu’on discute un peu.
Même si je suis moins exotique que la portoricaine.
J’adore la déconne aussi. C’est un virus ou quoi »
— M. Y :
‘J’aurais bien aimé aussi.
Mais à titre purement professionnel.
Avec un peu de déconne et un zest de dragouille peut-être.
Juste ce qu’il faut pour être lourd’ (smiley clin d’oeil).
— Mme X :
‘Mais c’est ce qu’on attend.
De la lourdeur!
C’est superbe.
Mais Oui Oui, je vois tout à fait (je suis redevenue sérieuse)’.
— M. Y :
‘Et Montauban, c très exotique! Avec ton accent qui ensoleille l’instant!
T’aurais eu le droit à ce genre de phrase à la con par exemple’
— Mme X :
‘Tu serais pas écrivain par hasard, toi »
— M. Y :
‘Si exact, ça se voit tant que ça ‘!
Parfois la vie ça tient à un Greg qui habite repu ou à un sabot sur un pneu…’
— Mme X :
‘Pauvre Greg.
Il s’imagine plein de trucs à coup sûr’
— M. Y :
‘Quoi pauvre Greg ‘! G fait la connerie de lui demander où il allait! Il a tué mon plan ce con là (que
j’adore par ailleurs)’
— Mme X :
‘Il est tellement sympa
Mais oui, il a capté qu’au départ tu lui avais pas proposé
enfin, aucun souci hein’.
— M. Y :
‘Un dîner ou un pti dèj la semaine prochaine ou t’as pas le temps avec ton emploi du temps de
ministre’
Z-P Q’
— Mme X :
‘Je travaille tous les soirs la semaine prochaine B.
Un dèj si tu veux’
— M. Y :
‘Ahaha ma pauvre.
On se fait ça une prochaine fois, t’inquiète [Smiley clin d’oeil]’
— Mme X :
‘Comme tu veux! Mais là en finissant à 22h30 c’est compliqué.
C’est pour ça que je cale les gens le matin ou le midi’.
— M. Y :
‘C clair.
Je comprends.
J’ai juste plus de mal à dragouiller le midi, ça s’y prête moins… Ahaha. T’as vu comme j’arrive à être
lourd’ Jeudi midi va bene »
— Mme X :
‘Ahaha. Un dèj à la Drezner ça c’est bien!
Jeudi prochain’ Je serai partie le matin même pour mon sud ouest natal. Lundi/mardi/mercredi si tu
peux’
— M. Y :
‘Je m’excuse mais G checké et je suis à Rome après Florence jusqu’à mercredi’.
— Mme X : ‘Ah merde’
— M. Y : ‘Le destin ne le veut pas’
— Mme X :
‘Enfin non, c’est cool pour toi! Ahah Et ce vendredi t’es pas là non plus »
— M. Y :
‘Non je trace domani à Firenze.
C vrai que t’étais en mode chouille ce we en plus! Fais chier…
G envie de danser avec toi, Jsui sûr tu danses bien.
Pardon pour le dernier SMS, il m’a échappé [Smiley qui sourit gêné].
Pas grave poulette, on a un mauvais karma sur ce coup-là.
Une prochaine fois!
Jte tiens au courant pour Renault/Ldba tout ça…
Des bises.
Excuse pour le ‘G envie de danser avec toi, Jsui sûr que tu danses bien’, absence soudaine de filtre…
Mais… c la vérité’.
— Mme X :
‘Oui, tu me dis!
Tiens moi au courant pour la rentrée de janvier 🙂
Bon courage et bonne chance’.
— M. Y :
‘Oui, j’essaye de te dire au plus vite pour les piges sur LDBA (ce sera peut-être Ludo qui organisera
tout ça…) Et j’oublie pas le mail à la secrétaire de Nedjar pour que t’aies un rdv. Bon courage à toi
aussi!’
— Mme X :
‘Ah désolée, j’ai pas vu tes appels, je suis avec des potes. Oui c’est cool, merci B! J’attends
de tes news. A bientôt’.
18h20 :
— Mme X :
‘Tiens moi au courant pour la rentrée de janvier’
• le jeudi 15 décembre 2016 à 22h24
— M. Y : ‘Hello! Je reviens d’Italie en fait donc si tu veux on peut se faire un dèj mardi (j’en saurai
plus sur LDBA tout ça…) Dis moi! […]’
• le vendredi 16 décembre 2016 à 22h01
22h01 :
— Mme X :
‘Bonsoir, Je ne pense pas qu’un déjeuner en tête à tête soit une bonne idée, au vue de tes multiples
messages et appels de mercredi. Je me sens assez déstabilisée par tes agissements qui me paraissent
particulièrement inappropriés si on s’en réfère à notre discussion de mardi soir. Je me sens très
déçue, et mon travail lui, dévalué, décrédibilisé. J’ai vraiment beaucoup apprécié travailler pour
LDBA et tu le sais, parce que je me suis confiée à toi. Seulement, j’aurais préféré que les choses ne
se passent pas de cette façon. Mais comme souvent dans mon statut de jeune+femme+pigiste… on ne
me laisse pas souvent le choix. Une chose que tu as la chance de ne pas connaître. Bonne soirée’.
— M. Y :
‘Whooo J!! C quoi ce plan chelou’! je t envoyé UN texto chelou ‘je suis sûr que tu danses bien…’
je m’en suis excusé, je t’ai appelée DEUX fois (ce qui ne me paraît pas être du harcèlement) pour
m’excuser et te parler de Ludo. Mais je le pense, je voulais pas être lourd et je n’ai pas l’impression
de l’avoir été (tout ce qui concernait la dragouille’ étant en trop, oui, mais c’était pour rire et ça
venait d’un mec fatigué d’avoir très peu dormi). Toutes mes excuses si tu as pris ça pour de la
drague lourde.. C’était pas mon intention. Mardi, je voulais vraiment déjeuner avec toi pour parler
de tafe oui.
Les choses ont changé jeudi, on m’a fait comprendre que je resterai red chef de LDBA jusqu’à
février au moins (et non début janvier ce qui ne me laissait pas de temps pour faire savoir à A
que Ludo c’était peu jouable) donc je voulais vraiment que l’on parle pour mettre au point une
stratégie qui te permettrait d’avoir une petite chance d’être red chef. J’étais sérieux quand je te l’ai
dit et je le pense encore. Si tu as pensé une seconde que je t’ai dit ça en mode ‘promotion canapé’ tu
te trompes lourdement sur moi. Bref, oui je pense que tu es une journaliste douée et je suis
embarrassé de laisser Ludo à A donc tu faisais partie de mes options, oui, g déconné en te
draguant un peu comme un gros lourdeau. Mais c’était bcp plus du domaine de l’humour!
C’est pour ça que je t’ai appelé, pour remettre les choses au clair et m’excuser. J’ai jamais pensé
qu’il pourrait se passer quelque chose entre toi et moi.
J’ai appris avec Bérengère qu’il ne fallait pas mélanger travail et sentiments donc tout ce qui a pu te
choquer était peut-être mal interprétable donc tu l’as mal interprété, je comprends. Sache qu’après
mes deux coups de fil je m’endormais pour 12h d’affilée.
Je suis très embarrassé par ce que tu penses de moi donc encore une fois, excuse moi mais aucun
lien entre notre discussion de mardi soir et nos textos de mercredi.
Chaque homme n’est pas un enculé fini et je ne crois pas en être un.
C’est la première fois qu’on me porte ce genre d’accusation, c hyper déstabilisant. Je m’excuse si j’ai
pu te heurter. Je suis quelqu’un d’honnête’.
— Mme X :
‘ « Harcèlement » « enculé fini » et « accusation » ne sont pas des mots que j’ai employé dans mon
texto
Il n’y a pas de ‘plan chelou’ de mon côté. Je tenais juste à t’exprimer ce qui a miné ma soirée de
mercredi, ma journée d’hier’.
— M. Y :
‘Non mais si tu crois que notre discussion de mardi et ma drague (pourrie) de mercredi sont liés, j’ai
perso l’impression de passer pour un ‘enculé fini’. Et puis, ‘appels multiples’ quand il s’agit de deux
appels…
J’en suis infiniment désolé.
Je ne suis pas un sale type’.
— Mme X :
‘Mets toi 2 min à la place d’une jeune journaliste et imagine l’enchaînement de la discussion de
mardi soir puis tes textos de mercredi et enfin, tes messages vocaux
je te demande juste ça’.
— M. Y :
‘MON message vocal pour m’excuser’
— Mme X :
‘Deux
(et j’accepte tes excuses)’
— M. Y :
‘Un message ! Bref, oui j’arrive à me mettre à ta place et c’est vrai que c’était extrêmement maladroit
de ma part. Je te demande de m’excuser mais de me croire quand je te dis qu’il n’y a pas de
corrélation entre les deux. Je ne suis pas ce genre de personne’ C terrible de penser que quelqu’un que
j’aime bien puisse penser ça de moi. Mais pardon encore une fois, c’était très bête de ma part de ne
pas réfléchir à ça. Je te respecte trop pour ça.
— Mme X :
‘d’accord B. C’est noté’
– M. Y :
‘Sache qu’on a d’autres pigistes à dispo. Mail il faut que je dise vite à bouquet qui on prend pour
janvier.
Si tu veux continuer à bosser avec nous, tu le peux sauf si tu me considères désormais comme un
manipulateur pervers et potentiellement dangereux (ce qui gênerait notre collaboration) et même si
nos rapports ne pourront plus être les mêmes (je serai forcément plus distant et toi aussi je pense).
Encore une fois je comprends que tu aies pu penser ça (même si j’avais pas tilté jusqu’à ton texto de
ce soir). J’ai été con.
Mais si on bosse ensemble, il faudra bien avoir une discussion par téléphone ou dans un lieu public
[…] pour aplanir ce malentendu […]. je voudrais pas te blacklister alors que tu en as chié (en chie) à
cause de moi. Ça ne serait pas juste pour toi. Une sorte de double peine anormale.
– Mme X :
‘Je suis triste d’imaginer que je ne puisse plus bosser pour vous.
Parce que je n’ai rien demandé. Et j’aime bosser pour vous, tu le sais.
A toi de voir donc.
De toute façon la décision te revient aussi… revient
J’ai besoin de taffer. Mais toi seul décide.
— M. Y :
‘Moi je t’aime bien (AMICALEMENT) et tu bosses bien. Je refuse de t’avoir mise mal (sans le
vouloir) et te priver de tafer chez nous. Ça serait injuste et je ne suis pas ce genre de mec. Si tu veux
bien que l’on ait une explication sur cet événement (qui me met terriblement mal à l’aise) c’est à toi
que revient le choix de bosser chez nous. Pour moi c’est oui bien sûr […] […]’
— Mme X :
‘Ok ça me va
laissons passer le week-end et on en reparle
par contre le ‘amicalement’ n’était pas utile
je crois
je n’ai pas l’intention de te faire la tête
j’ai conscience que tu es le red chef de l’émission.’
[…]
— M. Y :
‘merci. À toi aussi et encore pardon. J’espère que ça va mieux. Un peu.
• Le 17 décembre 2016
01h22
— M. Y : ‘je t’écris car je ne trouve pas le sommeil après l’étrangeté de nos échanges. Nul besoin
de s’appeler en fait. Si tu veux continuer à travailler pour nous tu le peux. Dis moi juste le + vite
possible si tu es dispo tout le mois de janvier’ […]
concernant notre discussion de mardi, tu m’as dit que tu étais dans l’embarras car tu comptais
arrêter France24. Je t’ai aidée à chercher des solutions. J’étais moi-même embêté que Ludo me
demande d’être red chef de LDBA car il m’a toujours dit qu’il ne souhaitait pas l’être et nous avons
toujours convenu tous les deux que ce n’était peut-être pas un poste pour lequel il était fait (tu étais
d’accord avec ça). Je ne t’ai rien promis mais, un peu paumé, je t’ai proposé de te former à devenir
red chef […]
Mais je n’ai rien promis.
Quant à ma ‘drague du lendemain, j’ai relu les textos, elle est assez peu ‘pushy’. J’ai ensuite essayé
de te joindre deux fois au téléphone […]. Je ne t’ai rien promis professionnellement parlant et ma
drague a été assez légère et les textos gentillets […]
Donne moi de tes nouvelles si tu veux encore bosser pour LDBA. Sinon ciao. B.
En fait, on ne m’avait jamais reproché un truc aussi crade. C profondément injuste.
Quand je repense à toute cette situation, je te conseille vivement d’aller consulter car le mec t’a
vraiment amochée apparemment. […] J’aurais dû mal à retravailler avec toi car c dur d’accepter
que l’on me soupçonne de tels agissements[…]’.
22h26
— M. Y : ‘J’ai bien réfléchi aujourd’hui et j’en suis arrivé à la conclusion que notre collaboration
sur LDBA n’était plus possible. Ce que tu m’as reproché est faux, choquant et diffamant.
Faux car il n’y avait rien à voir entre notre discussion du mardi soir (durant laquelle encore une fois
je ne t’ai jamais promis de job […]
Choquant car tu me prêtes des intentions que l’on ne m’avait encore jamais prêtées […]
Diffamant […]
Conclusion : tu ne travailleras plus sur LDBA tant que j’en serai le rédacteur en chef.
Par gentillesse je ne dirai rien à Ludo […] En bref, je pense que notre collaboration est désormais
impossible […] mais je ne compte pas être revanchard au point de te blacklister dans le groupe
Canal […] Au revoir’.
Mme X communique également :
— un échange de messages entre Mme X et deux amies ‘R et Margaux’, en date du 16
novembre 2016, dans lesquels Mme X raconte son problème avec M. Y et notamment :
‘j’essaie toujours de me défiler gentiment, je peux pas lui dire ‘oh calme toi’ je dépends de lui pour
mes piges’.
— trois attestations, deux émanant des amies sus-visées, Mmes R S T, C
Margaux, et une de son colocataire, M. D, qui rapportent les propos de Mme X et qui
corroborent le mal-être qu’elle leur a confié à l’époque et qu’elle attribuait aux avances de M. Y et
de son comportement gênant auquel elle était exposée.
— un échange de SMS entre Mme X et U-V F, démontrant que Mme X lui
a envoyé des documents le 20 décembre 2016 et qu’il lui a été répondu, le 11 janvier 2017, qu’elle
sera recontactée le lendemain.
Il doit être relevé que Mme de I, secrétaire du CHSCT du groupe Canal + a également indiqué
dans son mail du 3 février 2017 que Mme E a ‘reconnu que G. Y était connu pour ses
attitudes très sexistes’.
Les éléments qui précèdent objectivent :
— qu’au lendemain de l’entretien du mardi 13 décembre, au cours duquel M. Y a évoqué avec Mme
X son avenir professionnel, dans des termes qu’il présentait initialement dans ses premiers
messages comme tendant à ‘mettre au point une stratégie qui lui permettrait d’avoir une petite
chance de devenir red chef’, avant finalement de prétendre, après la mise au point de Mme X et
le refus qu’elle lui a opposé de déjeuner avec lui, comme un simple engagement de la former au
poste de red chef,
— Que M. Y, qui se présente comme celui ayant le pouvoir de choisir les pigistes, a adressé des
messages aux termes desquels, indubitablement, il a manifesté de manière réitérée et insistante sa
volonté de faire évoluer leur relation, jusqu’alors strictement professionnelle, sur un plan intime, en
évoquant son ‘plan drague’, tout en prenant le soin de préciser qu’il n’était pas un ‘queutard’,
consistant à raccompagner Mme X à son domicile, plan mis en échec par le fait qu’un autre
collaborateur s’est joint à eux, pour boire un verre (et puis on se serait endormi devant nos verres),
en proposant un ‘dîner’ ou un ‘petit-déjeuner’, en répliquant à la salariée qui accepte le principe d’un
déjeuner, qu’il préfère un dîner ou un petit-déjeuner, car il a du ‘mal à dragouiller le midi, ça s’y
prête moins’, puis en lui déclarant avoir ‘envie de danser avec elle car elle doit bien savoir danser’ ;
— avant finalement de lui annoncer, une fois que Mme X lui a fermement indiqué qu’elle
refusait de déjeuner avec lui, après moultes circonvolutions destinées tout à la fois à se défendre
d’avoir imaginé toute ‘promotion canapé’, et tenter de s’excuser de la mauvaise interprétation, selon
ses dires, que son interlocutrice aurait faite de ses propos, puis à minimiser la portée de ses
messages, avant finalement de critiquer vertement Mme X, qu’elle ‘ne travaillerait plus pour
l’émission tant qu’il en serait le rédacteur en chef.’
Ces faits, pris dans leur ensemble, font présumer l’existence d’une pression grave exercée par M.
Y, rédacteur en chef de l’émissio, LDBA , dans le but réel ou apparent d’obtenir de Mme X,
dont la précarité du statut de pigiste n’est pas discutée par la société C8, dans un premier temps une
intimité, pour aller boire un verre, ‘avant de s’endormir devant ceux-ci’, partager ‘un dîner ou un
petit-déjeuner’, plus propice à la ‘drague’, ou encore aller ‘danser ensemble’, et, à terme, un acte de
nature sexuelle.
Ainsi que le fait valoir à juste titre l’appelante, il ne ressort pas de ces échanges que Mme X ait
adopté une attitude provocatrice ni même ambigüe à l’égard de M. Y, mais qu’elle a cherché à
l’inverse, dans une situation très embarrassante, le rédacteur en chef, qui se présente comme le
responsable qui choisit les contributeurs de l’émission, venant d’évoquer avec elle une éventuelle
évolution de sa situation professionnelle, à répondre à ses messages, de manière ironique, puis
neutre, répondant à la proposition d’un dîner ou d’un petit-déjeuner, par la suggestion d’un déjeuner,
et se contentant de répondre au message par lequel il lui indiquait avoir ‘envie de danser avec elle’,
qu’il affirmait lui avoir adressé par erreur, tout en lui confirmant que ‘c’est la vérité’, en l’invitant
simplement à la tenir au courant pour la rentrée de janvier.
Il ne résulte pas de ces messages que l’intéressée a participé à un ‘jeu de séduction’ comme le soutient
l’employeur.
Faute pour la société intimée de prouver que les agissements de M. Y étaient étrangers à tout
harcèlement sexuel, peu important que ce dernier ait été également en relation avec l’entreprise dans
le cadre de contrats de travail à durée déterminée d’usage, le jugement sera infirmé en ce qu’il a jugé
que l’appelante n’avait pas été l’objet d’un tel harcèlement.
Le préjudice moral résultant des agissements de harcèlement sexuel subis sera justement réparé par
l’allocation de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.
II – Sur le préjudice subi pour non-reconduction des contrats de piges suite à la dénonciation
des faits de harcèlement moral
Au soutien de sa demande de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi en
raison de la non-reconduction de ses contrats de pige consécutivement à la dénonciation de faits de
harcèlement sexuel, Mme X fait valoir qu’elle rapporte la preuve que leur non-renouvellement
est directement lié à la dénonciation et qu’il n’existe aucune preuve concrète de proposition de poste
ou de transmission d’un nouveau contrat de travail.
La société réplique qu’en première instance, Mme X ne développait pas cette argumentation
mais se prévalait du caractère permanent de son emploi et du non-respect des délais de carence entre
les contrats. Elle soutient qu’elle a proposé à Mme X de continuer à travailler mais que c’est
cette dernière qui a refusé et n’a jamais demandé à retravailler à nouveau après le mois de décembre
2016.
Aux termes de l’article L 1153-2, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une
mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation,
de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de
mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés
de harcèlement sexuel ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Si la société relève une différence d’argumentation entre la première instance et l’appel, il convient de
constater que cette prétention était formée à titre subsidiaire devant le conseil de prud’hommes et
qu’il n’est nullement soulevé l’irrecevabilité de la demande de Mme X au dispositif des
conclusions de la société intimée.
Il est constant que M. Y, qui évoquait dans ses derniers messages, des missions à lui confier, a
finalement décidé de ne pas faire travailler l’intéressée en janvier 2017 pour l’émission LDBA à
laquelle elle contribuait depuis plusieurs mois.
La non-reconduction des contrats de piges de Mme X en janvier 2017 est imputable à
l’employeur.
Toutefois, force est de constater que la société intimée justifie que le 20 janvier 2017, Mme X
a été reçue en entretien par Mme F responsable des ressources humaines à la demande et en
présence de Mme G, secrétaire du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et
qu’à l’issue de cet entretien l’appelante s’est vu proposer par la direction d’effectuer des piges sur
d’autres émissions, proposition que Mme X a déclinée en indiquant qu’elle souhaitait prendre
un peu de recul. (pièce n° 10)
En l’état de ces éléments, et du niveau de rémunération de la salariée, le préjudice subi en raison de
la non reconduction de ses contrats de pige en janvier 2017 sur l’émission à laquelle elle participait
consécutivement à la dénonciation des faits de harcèlement sexuel dont elle a été victime, sera
réparée par l’allocation de la somme de 1 000 euros.
III – Sur le préjudice moral et de carrière
Mme X sollicite la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du
préjudice moral et de carrière subi en raison des manquements de l’employeur à son obligation de
sécurité de résultat. Elle explique qu’elle est bien fondée à solliciter l’indemnisation d’un préjudice
qu’elle qualifie de distinct de celui directement lié aux faits de harcèlement sexuel dont elle a été
victime et fait valoir que l’employeur a fait preuve d’une inertie et a laissé ses conditions de travail se
dégrader alors qu’une politique de prévention et une réaction adéquate lui auraient permis d’éviter
cette situation.
La société rétorque qu’elle a initié une enquête du CHSCT et a proposé à Mme X, à plusieurs
reprises, de venir retravailler sur d’autres émissions, ce qu’elle a refusé. Elle souligne que Mme
X n’a que très peu travaillé pour le compte de la société C8 et qu’elle a toujours travaillé pour
d’autres employeurs pendant la même période et notamment France 24.
Conformément à l’article L. 1153-5 du code du travail dans sa version applicable, ‘l’employeur prend
toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un
terme et de les sanctionner. Dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des
locaux où se fait l’embauche, les personnes mentionnées à l’article L. 1153-2 sont informées par tout
moyen du texte de l’article 222-33 du code pénal’.
Il n’est pas contesté que les faits se sont déroulés sur une période courte, entre le 14 et le 17
décembre 2016.
La salariée produit un message en date du 20 décembre 2016 envoyé à U-V E ainsi
rédigé : ‘Je vous ai tout envoyé sur votre boîte mail. N’hésitez pas si vous avez des questions ou des
points à éclaircir’.
Il est établi que :
— le 11 janvier 2017, Mme E lui a répondu : ‘Je me suis entretenue avec Mme H qui doit
prendre contact avec vous’,
— le 13 janvier 2017, M. Y a été entendu par Mme E,
— le 20 janvier, Mme X a également été entendue, en la présence de Mme de I, secrétaire
du CHSCT,
— le 3 février, Mme de I a signalé le harcèlement sexuel et a demandé l’ouverture d’une enquête
du CHSCT, demande à laquelle l’employeur a réponsu favorablement le même jour,
— Mme X a été invitée par Mme I à rencontrer le médecin du travail,
— la salariée a de nouveau été entendue le 10 février 2017 et invitée à prendre rendez-vous auprès de
la psychologue, Mme N,
— le 2 mars 2017, la société C8 a informé M. Y que compte tenu de l’enquête, elle se trouvait dans
l’obligation de suspendre toute collaboration et qu’elle souhaitait s’entretenir avec lui pour recueillir
ses observations,
— le CHSCT a proposé à M. Y et Mme X une mesure de médiation, que la salariée a
déclinée.
Il résulte de ces éléments qu’aucune inertie fautive n’est caractérisée et que l’employeur en liaison
avec le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail justifie avoir apporté des réponses à
l’alerte de la salariée en effectuant les vérifications nécessaires, auprès d’elle et de M. Y et avoir
pris des mesures pour y mettre un terme, étant entendu que les protagonistes n’étaient plus sous
contrat avec la société C8 au moment de l’enquête du CHSCT, puis en proposant une mesure de
médiation à laquelle Mme X a pu légitimement ne pas donner suite.
En l’état de ces éléments et aucun ‘préjudice de carrière’, distinct des préjudices d’ores et déjà
indemnisés, n’étant caractérisé, rappel fait que la salariée a décliné la proposition formulée par
l’entreprise le 20 janvier 2017 de travailler pour d’autres émissions que LDBA et observation faite
que l’intéressée a poursuivi une activité de journaliste au sein de la rédaction de France 24, le
jugement sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de la demande de dommages et intérêts formulée de
ce chef.
L’action de Mme X étant pour l’essentiel fondée, le jugement sera infirmé en ce qu’il l’a
condamnée à une amende civile pour procédure abusive.
La capitalisation des intérêts est de droit lorsqu’elle est demandée en justice.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande de dommages et intérêts
pour préjudice moral et de carrière,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Juge que les agissements de M. Y à l’égard de Mme X sont constitutifs de harcèlement
sexuel ;
Condamne la société C8 Production à verser à Mme X les sommes suivantes :
— 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement sexuel subi,
— 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi consécutivement à la
dénonciation des faits de harcèlement sexuel,
— 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles
exposés en cause d’appel,
Ordonne la capitalisation des intérêts à condition qu’ils soient dus au moins pour une année entière,
Déboute les parties du surplus de leur prétentions,
Condamne la société C8 Production aux entiers dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de
procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur TAMPREAU, Greffier,
auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,