Tribunal administratif de Strasbourg, Reconduite à la frontière, 14 avril 2023, 2302331
Tribunal administratif de Strasbourg, Reconduite à la frontière, 14 avril 2023, 2302331

Extraits : u présent règlement ; / f) de l’existence du droit d’accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l’objet d’un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l’article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. (). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si

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Tribunal administratif de Strasbourg, Reconduite à la frontière, 14 avril 2023, 2302331

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2023, M. E C, représenté par Me Grün, demande au tribunal :

1°) de l’admettre provisoirement à l’aide juridictionnelle ;

2°) d’annuler la décision du 31 mars 2023 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités suédoises ;

3°) d’enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une attestation de demande d’asile en procédure normale, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement, à son conseil, d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Il soutient que :

– la décision de transfert est entachée d’incompétence ;

– elle est entachée d’insuffisance de motivation ;

– l’information prévue par les dispositions de l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne lui a pas été donnée ;

– il n’a pas bénéficié d’un entretien individuel conforme aux dispositions de l’article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

– il n’a pas bénéficié d’un interprète lors de la notification de la décision ;

– elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 et méconnaît les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu’aucun des moyens soulevés par M. C n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– le traité sur l’Union européenne ;

– le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

– le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

– le code des relations entre le public et l’administration ;

– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

– le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme A pour statuer en application des articles L. 572-6 et L. 614-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Les parties ont été régulièrement averties de l’audience publique du 11 avril 2023, au cours de laquelle a été entendu le rapport de Mme A.

M. C et la préfète du Bas-Rhin, régulièrement convoqués, n’étant ni présents ni représentés.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit

:

1. M. C, ressortissant afghan né le 8 février 1994, a déposé une demande d’asile le 1er mars 2023. Par la décision attaquée, la préfète du Bas-Rhin a ordonné son transfert aux autorités suédoises.

Sur la demande d’admission à l’aide juridictionnelle :

2. En raison de l’urgence résultant de l’application des dispositions de l’article L. 614-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il y a lieu d’admettre M. C au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire, sur le fondement de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

3. En premier lieu, la décision attaquée, signée le 31 mars 2023 par Mme B D, cheffe du pôle régional Dublin, en vertu d’une délégation accordée le 4 octobre 2022 et publiée le 7 octobre suivant au recueil des actes administratifs de la préfecture, n’est pas entachée d’incompétence.

4. En deuxième lieu, la décision attaquée comporte toutes les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.

5. En troisième lieu, et en tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. C a bénéficié de l’assistance, par téléphone, d’un interprète en langue dari, lors de la notification de la décision en litige. La seule absence de mention du nom de l’interprète l’ayant assisté lors de cette notification, n’est pas suffisante pour établir que les dispositions de l’article L. 572-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ont été méconnues.

6. En quatrième lieu, aux termes de l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 :  » 1. Dès qu’une demande de protection internationale est introduite au sens de l’article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l’application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d’une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d’un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l’État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l’État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu’une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n’est pas fondée sur ces critères ; / c) de l’entretien individuel en vertu de l’article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d’exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l’existence du droit d’accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l’objet d’un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l’article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. (). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c’est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l’entretien individuel visé à l’article 5. / 3. La commission rédige, au moyen d’actes d’exécution, une brochure commune ainsi qu’une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l’application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. () « .

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C s’est vu remettre, le 1er mars 2023, la brochure d’information A intitulée  » J’ai demandé l’asile dans l’Union Européenne – quel pays sera responsable de l’analyse de ma demande ‘  » et la brochure d’information B intitulée  » Je suis sous procédure Dublin – qu’est ce que cela signifie ‘ « , en langue dari que M. C a déclaré comprendre. La remise de ces deux brochures, qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l’article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 permet aux demandeurs d’asile de bénéficier d’une information complète sur l’application de ce règlement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 4 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes de l’article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 :  » 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l’État membre responsable, l’État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l’article 4. / () / 3. L’entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu’une décision de transfert du demandeur vers l’État membre responsable soit prise conformément à l’article 26, paragraphe 1. 4. L’entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d’assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l’entretien individuel. 5. L’entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L’État membre qui mène l’entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l’entretien. Ce résumé peut prendre la forme d’un rapport ou d’un formulaire type () « .

9. Il ressort des pièces du dossier que M. C a bénéficié d’un entretien individuel le 1er mars 2023 à la préfecture de police de Paris, dont il a signé le résumé. Le requérant ne fait état d’aucun élément qui conduirait à penser que cet entretien ne s’est pas déroulé dans les conditions prévues par les dispositions de cet article. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

10. En dernier lieu, aux termes de l’article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 :  » 1. Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. () « . La mise en œuvre par les autorités françaises de l’article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l’article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel :  » les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif « . La faculté laissée à chaque Etat membre, par l’article 17 du règlement 604/2013 précité, de décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d’asile. Aux termes des stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne :  » Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants « .

11. La Suède étant partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu’à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d’asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu’à celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette présomption peut toutefois être renversée lorsque qu’il y a lieu de craindre qu’il existe des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans l’Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l’administration d’apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités suédoises répondent à l’ensemble des garanties exigées par le respect du droit d’asile.

12. Le requérant n’établit par aucune pièce qu’il existerait des raisons sérieuses de croire à l’existence de défaillances systémiques, que les autorités suédoises ne seraient pas en mesure de traiter sa demande d’asile dans des conditions conformes à l’ensemble des garanties exigées par le respect du droit d’asile et qu’il encourrait en Suède un risque réel d’être soumis à des traitements inhumains et dégradants. Il n’établit pas davantage que la préfète du Bas-Rhin aurait méconnu l’article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 31 mars 2023. Sa requête doit être en conséquence rejetée, y compris ses conclusions à fin d’injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : M. C est admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. E C, à Me Grün et à la préfète du Bas-Rhin.

Copie en sera adressée au ministère de l’intérieur et des Outre-mer.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 avril 2023.

La magistrate désignée,

J. A,

Première conseillère

La greffière,

L. Cherif

La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

L. Cherif

 


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