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Compte tenu des caractéristiques propres aux centres commerciaux concernés, caractérisés par la concentration de nombreux commerces dans un espace clos, attirant des populations importantes et, par là-même, de nature à favoriser la dissémination du virus par la multiplication des interactions entre les personnes, de la gravité des risques de contamination existants à la date du 9 août 2021 et de la possibilité, pour les personnes démunies d’un ” pass sanitaire “, d’accéder à des biens et services de première nécessité dans des magasins ou établissements situés à une distance raisonnable, la société Auchan Hypermarché n’est pas fondée à soutenir qu’en imposant, à compter de cette date, la présentation d’un ” pass sanitaire ” aux personnes souhaitant accéder à l’un des trois centres commerciaux du département des Pyrénées-Orientales figurant à l’article 1er de son arrêté, le préfet des Pyrénées-Orientales aurait fait une inexacte application des dispositions réglementaires précitées ni que l’atteinte aux différents droits et libertés invoqués n’était pas nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif de sauvegarde de la santé publique poursuivi.
Tribunal administratif de Montpellier, 5ème Chambre, 18 avril 2023
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par Me Joubès, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Auchan Hypermarché à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 octobre 2021 et le 21 juin 2022, la société par actions simplifiée (SAS) Auchan Hypermarché, représentée par la SELARL d’avocats interbarreaux Cornet-Vincent-Ségurel, demande au tribunal :
1°) d’annuler l’arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 9 août 2021 subordonnant à la présentation du pass sanitaire l’accès aux centres commerciaux de plus de 20 000 mètres carrés dans le département des Pyrénées-Orientales ;
2°) de condamner l’Etat au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– sa requête n’est pas tardive ;
– l’arrêté n’est pas suffisamment motivé en violation des articles L. 211-2 et 5 du code des relations entre le public et l’administration ;
– il est fondé sur les dispositions du décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 dont il est excipé de l’illégalité au motif qu’il porte une atteinte disproportionnée et manifestement illégale à la liberté d’entreprendre, compte tenu des conditions de calcul des surfaces seuil qu’il détermine, altérant le principe de la libre concurrence ; le décret est également illégal en ce qu’il porte une atteinte grave et illégale à la liberté d’aller et venir, en ce qu’il ne prévoit pas d’exception pour les commerces de première nécessité situés dans les centres commerciaux de plus de 20 000 m2 ;
– la mesure prise par l’arrêté préfectoral n’est pas nécessaire, elle présente un caractère disproportionné et porte une atteinte excessive et injustifiée à de nombreuses libertés fondamentales, la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre, la liberté du commerce et le principe de libre concurrence, le principe d’égalité et de non-discrimination, le droit au respect de la vie privée et familiale et le droit à la protection des données personnelles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par Me Joubès, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Auchan Hypermarché à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– la requête, présentée tardivement, est irrecevable ;
– les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– la Constitution ;
– le code de la santé publique ;
– la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, modifiée par la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;
– le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, modifié par le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Couégnat, rapporteure,
– les conclusions de Mme Lorriaux, rapporteure publique,
– les observations de Me Launay, représentant la société Auchan Hypermarché,
– et les observations de Me Agier, substituant Me Joubes, représentant le préfet des Pyrénées-Orientales.
Considérant ce qui suit
:
1. Par un arrêté du 9 août 2021, le préfet des Pyrénées-Orientales a subordonné l’accès des trois centres commerciaux du département d’une surface commerciale utile de plus de 20 000 m2 à la présentation soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit du résultat d’un examen de dépistage RT-PCR, d’un test antigénique ou d’un autotest réalisé sous la supervision d’un personnel de santé, datant de moins de 72 heures et ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19. La société Auchan Hypermarché, qui exploite l’un des centres concernés situé sur la commune de Perpignan (Aushopping Porte d’Espagne) demande au tribunal d’annuler cet arrêté, qui a été abrogé à compter du 8 septembre 2021 par un arrêté du préfet du 7 septembre 2021, motivé par la nette baisse du nombre de contaminations à la covid-19 observée dans le département.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
En ce qui concerne le cadre juridique :
2. Aux termes du point II-A de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : ” A compter du 2 juin 2021 et jusqu’au 15 novembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 : () 2° Subordonner à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 l’accès à certains lieux, établissements, services ou évènements où sont exercées les activités suivantes : / () f) Sur décision motivée du représentant de l’Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient, les grands magasins et centres commerciaux, au-delà d’un seuil défini par décret, et dans des conditions garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu’aux moyens de transport. / (). ” Aux termes du point IV du même article : ” Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. Les mesures individuelles font l’objet d’une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent. “.
3. Aux termes de l’article 47-1 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, tel que modifié par le décret du 7 août 2021 : ” I. – Les personnes majeures doivent, pour être accueillies dans les établissements, lieux, services et évènements mentionnés aux II et III, présenter l’un des documents suivants : / 1° Le résultat d’un examen de dépistage, d’un test ou d’un autotest mentionné au 1° de l’article 2-2 réalisé moins de 72 heures avant l’accès à l’établissement, au lieu, au service ou à l’évènement. Les seuls tests antigéniques pouvant être valablement présentés pour l’application du présent 1° sont ceux permettant la détection de la protéine N du SARS-CoV-2 ; / 2° Un justificatif du statut vaccinal délivré dans les conditions mentionnées au 2° de l’article 2-2 ; / 3° Un certificat de rétablissement délivré dans les conditions mentionnées au 3° de l’article 2-2. / () II. – Les documents mentionnés au I doivent être présentés pour l’accès des participants, visiteurs, spectateurs, clients ou passagers aux établissements, lieux, services et évènements suivants : / () 7° Les magasins de vente et centres commerciaux, relevant du type M mentionné par le règlement pris en application de l’article R. 143-12 du code de la construction et de l’habitation, comportant un ou plusieurs bâtiments dont la surface commerciale utile cumulée calculée est supérieure ou égale à vingt mille mètres carrés, sur décision motivée du représentant de l’Etat dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient et dans des conditions garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu’aux moyens de transport. / La surface mentionnée au précédent alinéa est calculée dans les conditions suivantes : a) La surface commerciale utile est la surface totale comprenant les surfaces de vente, les bureaux et les réserves, sans déduction de trémie ou poteau et calculée entre les axes des murs mitoyens avec les parties privatives, et les nus extérieurs des murs mitoyens avec les parties communes. La surface est prise en compte indépendamment des interdictions d’accès au public ; b) Il faut entendre par magasin de vente ou centre commercial tout établissement comprenant un ou plusieurs ensembles de magasins de vente, y compris lorsqu’ils ont un accès direct indépendant, notamment par la voie publique, et éventuellement d’autres établissements recevant du public pouvant communiquer entre eux, qui sont, pour leurs accès et leur évacuation, tributaires de mails clos. L’ensemble des surfaces commerciales utiles sont additionnées pour déterminer l’atteinte du seuil de 20 000 m2, y compris en cas de fermeture, même provisoire, de mails clos reliant un ou plusieurs établissements ou bâtiments. ()”.
4. Les dispositions précitées du point II A 2° f) de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 modifiée, reprises au point II 7° de l’article 47-1 du décret du 1er juin 2021 modifié, relatives à la garantie de l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi que, le cas échéant, aux moyens de transport, n’imposent pas d’assurer cette garantie au regard de ceux se trouvant dans l’enceinte des grands magasins et centres commerciaux dans lesquels est exigé le pass sanitaire. Il appartient en revanche aux préfets de s’assurer, sous le contrôle du juge, que les usagers des centres commerciaux concernés ont la possibilité d’accéder à des biens et services de première nécessité, en particulier alimentaires et de santé, dans des magasins ou établissements situés à une distance raisonnable de ces centres, appréciée au regard de la densité urbaine et des moyens de transport disponibles.
En ce qui concerne la légalité externe de l’arrêté :
5. Il ressort des termes de l’arrêté contesté, qui vise les dispositions citées aux points précédents et rappelle l’intérêt de santé publique qui justifie de prendre des mesures proportionnées aux risques encourus et appropriées aux circonstances afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population, que pour prendre la mesure contestée, le préfet s’est fondé sur le nombre important de contaminations à la covid-19 observé dans le département, à partir de plusieurs indicateurs : le taux d’incidence supérieur à 500 pour 100 000 habitants, le taux de positivité des tests réalisés de 7 % et la progression des hospitalisations à un niveau élevé et sur le fait que les conditions de circulation et de promiscuité dans les centres commerciaux de plus de 20 000 m2 sont susceptibles d’accroître les risques de contamination, en particulier en période de forte fréquentation de ces établissements pendant la période estivale. Après avoir relevé que dans les bassins de vie concernés, la garantie de l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité était assurée, il a décidé qu’afin de réduire les risques de transmission du virus il y avait lieu de subordonner l’accès des trois centres commerciaux dont les caractéristiques correspondent aux dispositions légales et règlementaires précités à la présentation d’un ” pass sanitaire “. L’arrêté contesté énonce ainsi avec suffisamment de précision les considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé, sans qu’il puisse lui être utilement reproché eu égard aux termes des dispositions législatives et réglementaires en vigueur de ne pas décrire les risques de contamination spécifiques aux grandes surfaces et expliquer les liens entre ceux-ci et l’espérance d’une amélioration. Le moyen tiré de l’insuffisance de la motivation tel qu’exigée par le f du point II-A de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021, et non contrairement à ce qui est soutenu par les dispositions du code des relations entre le public et l’administration, doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen invoqué par la voie de l’exception tiré de l’illégalité du décret du 1er juin 2021 modifié :
6. En raison d’une amélioration progressive de la situation sanitaire, les mesures de santé publique destinées à prévenir la circulation du virus de la covid-19 prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ont été remplacées, après l’expiration de celui-ci le 1er juin 2021, par celles de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire. En particulier, le paragraphe II de son article 1er permettait au Premier ministre d’instituer un dispositif dit de ” pass sanitaire “. Il pouvait ainsi subordonner à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19, l’accès à certains lieux, établissements ou évènements. En application de ces dispositions, le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire avait notamment fixé, à l’article 47-1, la liste des lieux, services et événements concernés et défini certaines modalités d’application. À la suite d’une nouvelle dégradation de la situation épidémique, la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a modifié la loi du 31 mai 2021 afin de permettre au Premier ministre d’étendre le champ d’application du ” pass sanitaire “. Le décret du 7 août 2021 a modifié le décret du 1er juin 2021 pour notamment conditionner à la présentation du ” pass sanitaire ” l’accès à des lieux ou activités supplémentaires. À la date de ce décret, l’épidémie de covid-19 était en cours d’aggravation rapide par l’effet d’un nouveau variant du virus, devenu prépondérant, beaucoup plus contagieux et qui, selon les avis scientifiques alors disponibles, présentait plus de risques de causer des formes graves de la maladie. Les prévisions faisaient état d’une ” quatrième vague ” épidémique, que la couverture vaccinale, si elle était restée à son niveau alors constaté, ou sur sa tendance spontanée de progression, n’aurait pas pu freiner. Les vagues précédentes n’avaient ainsi pu être endiguées qu’au prix de mesures de confinement, de couvre-feu et de fermeture d’établissements.
7. La société requérante fait grief aux dispositions du 7° du II l’article 47-1 citées au point 3 d’inclure, dans le calcul de la surface commerciale utile permettant de déterminer l’atteinte du seuil de 20 000 m2 nécessaire à l’imposition de présentation d’un ” pass sanitaire “, les bureaux, les réserves, ainsi que les surfaces dédiées au retrait des commandes tout en restant à bord de son véhicule, dites ” drive “, ainsi que de ne pas permettre aux gérants de réduire leurs surfaces d’accueil. Toutefois la notion de surface commerciale utile retenue par lesdites dispositions, qui inclut les réserves en plus des surfaces de vente, reprend une définition déjà consacrée par les professionnels du secteur favorisant ainsi sa bonne connaissance et sa correcte application par les personnes auxquelles elle s’adresse et reflétant le fait que la surface de stockage n’est pas sans lien avec la surface de vente ni avec la fréquentation de ces grands magasins et centres commerciaux. Eu égard à la taille et aux caractéristiques des centres commerciaux concernés, l’absence de prise en compte d’éventuelles réductions des surfaces de ventes se justifie dès lors que celles-ci seraient de nature à renforcer la promiscuité des personnes présentes et des interactions sociales qui s’y déroulent, ces circonstances justifiant l’inclusion des centres commerciaux dans le dispositif légal. Si la société requérante soutient que ces dispositions réglementaires priveraient les personnes démunies d’un ” pass sanitaire ” de la possibilité d’accéder aux biens et services de première nécessité situés au sein même des grands magasins et centres commerciaux concernés alors que le contexte sanitaire se serait ” amélioré “, il résulte de ce qui a précédemment été exposé au point 4 que les dispositions précitées du point II-A 2° f) de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 modifiée, relatives à la garantie de l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi que, le cas échéant, aux moyens de transport, n’imposaient pas d’assurer cette garantie pour les établissements se trouvant dans l’enceinte des centres commerciaux dans lesquels la présentation d’un ” pass sanitaire ” est exigée, mais de s’assurer, notamment, que les usagers de ces centres commerciaux ne disposant pas d’un ” pass sanitaire ” aient la possibilité d’accéder à ces biens et services, en particulier alimentaires et de santé, dans des magasins ou établissements situés à une distance raisonnable desdits centres, appréciée au regard de la densité urbaine et des moyens de transport disponibles. Enfin, la mesure prévue par lesdites dispositions réglementaires a été édictée pour une durée limitée et constituait une mesure complémentaire de freinage de la propagation de l’épidémie de covid-19, moins attentatoire aux droits et libertés qu’une mesure de fermeture administrative, et ciblée sur des lieux de consommation caractérisés par la concentration de nombreux commerces dans un espace clos, attirant des populations importantes et, par là même, de nature à favoriser la dissémination du virus par la multiplication des interactions entre les personnes. Ainsi, dans le contexte sanitaire exposé au point précédent, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que les dispositions de l’article 47-1 du décret du 1er juin 2021, dans sa rédaction issue du décret du 7 août suivant, porteraient une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l’industrie ainsi qu’à la liberté d’aller et venir au regard de l’objectif de sauvegarde de la santé publique poursuivi. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen invoqué par la voie de l’exception tiré de l’illégalité du décret du 7 août 2021 doit donc être écarté.
En ce qui concerne les autres moyens de légalité interne :
8. Il ressort des termes de l’arrêté attaqué que, pour subordonner à la présentation d’un ” pass sanitaire ” à compter du 11 août 2021, l’accès aux trois centres commerciaux de plus de 20 000 m2 de surface commerciale utile listés à son article 1er le préfet s’est fondé sur la nécessité de réduire les risques de contamination par le virus de la covid-19 au regard des données de la situation sanitaire du département et de la circonstance que les conditions de circulation et de promiscuité dans lesdits centres commerciaux étaient susceptibles d’accroître les risques de contamination, en particulier en période de forte fréquentation de ces établissements pendant la période estivale.
9. L’arrêté contesté est fondé sur le nombre important de contaminations à la covid-19 observé dans le département des Pyrénées-Orientales, avec un taux d’incidence supérieur à 500 pour 100 000 habitants, un taux de positivité de 7% des tests réalisés recensés le 8 août sur la période du 30 juillet au 5 août et la poursuite de la progression des hospitalisations à un niveau élevé, ces différents éléments ayant motivé l’avis favorable donné le 9 août 2021 au préfet par l’agence régionale de santé Occitanie. Si, à la date de l’édiction de la mesure contestée, un fléchissement du taux d’incidence et de positivité était constaté, il n’est pas sérieusement contesté que le département avait connu depuis le début du mois de juillet une dégradation forte et continue de la situation sanitaire, tant sur le plan du taux d’incidence et de positivité qu’en ce qui concerne le nombre d’hospitalisation. Dans ces conditions et alors que le taux d’incidence s’élevait encore à 421,7 au jour de l’entrée en vigueur de l’arrêté et le taux de positivité à 5,17, la société requérante n’est pas fondée à soutenir que la situation sanitaire aurait été en nette amélioration rendant la mesure injustifiée. En outre, et dès lors que la légalité de la mesure de police doit être appréciée en fonction des informations dont l’autorité administrative disposait à la date de son édiction, la circonstance alléguée qu’elle se serait ensuite avérée inutile est sans incidence sur la légalité de l’arrêté attaqué, il en est de même, en tout état de cause, de la circonstance qu’elle n’aurait pas été renouvelée lors de la vague épidémique de l’hiver 2021.
10. Si la société requérante affirme que ” les centres commerciaux de plus de 20 000 m2 ne constituent pas des lieux de contamination “, il est constant que la loi du 31 mai 2021 modifiée habilite le Premier ministre, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19, à imposer la présentation d’un pass sanitaire pour accéder à différents lieux et établissements, dont, sur décision motivée du représentant de l’Etat dans le département les grands magasins et centres commerciaux, dans certaines conditions. La légalité du décret du 7 août 2021 pris pour son application a été confirmée par le Conseil d’Etat au motif notamment que ” le choix de ces lieux, qui correspondent aux endroits présentant un risque de contamination accru à raison tant de la promiscuité des personnes présentes que des interactions sociales qui s’y déroulent, ne comporte ni incohérence, ni disproportion de nature à porter atteinte à une liberté fondamentale “. Il n’est pas sérieusement contesté que les grands magasins et centres commerciaux mettent en présence simultanément un nombre important de personnes en un même lieu et pour une durée prolongée. Ils présentent ainsi un risque important de propagation du virus. L’étude de l’institut Pasteur dont se prévaut la société requérante, mise en ligne en décembre 2020 portant sur les lieux de contamination, n’est pas de nature à démontrer le caractère inadapté de l’obligation de présentation du pass sanitaire à l’entrée des centres commerciaux en litige, cette étude portant ainsi qu’elle le précise sur des personnes contaminées entre le 17 et le 29 octobre 2020, énonce elle-même la grande prudence avec lesquels ces résultats sont à considérer, au regard notamment du fait que ces dates correspondent à une période de couvre-feu puis de confinement et des risques de biais importants du fait de la sélection de la population sur laquelle elle porte et mentionne que les lieux et circonstances de contamination sont amenés à évoluer au cours de l’épidémie. Les seules allégations de la société requérante quant au report de la clientèle exclue sur des commerces plus petits et au relâchement dans le respect des gestes barrières de la clientèle de son centre commercial du fait de la présentation du pass sanitaire ne permettent pas d’établir que la mesure contestée aurait les effets négatifs évoqués.
11. Il ressort des termes de l’arrêté, qui est notamment fondé sur le fait que ” dans les bassins de vie concernés, une offre en produits de première nécessité (alimentaire – pharmacie) équivalente existe et garantit l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ” que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le préfet s’est bien assuré, comme indiqué au point 4, que les usagers des centres commerciaux concernés par l’arrêté ont la possibilité d’accéder à des biens et services de première nécessité, en particulier alimentaires et de santé, dans des magasins ou établissements situés à une distance raisonnable de ces centres. La société ne conteste pas les informations complémentaires communiquées par le préfet dans son mémoire en défense et relatives à ces commerces accessibles. Par ailleurs, d’une part les risques de contamination à la covid-19 sont considérablement réduits lorsqu’une personne est vaccinée, est rétablie d’une infection au virus ou présente un test de dépistage négatif, d’autre part, le pass sanitaire, par la limitation des flux et croisements de personnes qu’il implique permet de réduire la circulation du virus. En outre la mesure contestée n’est pas exclusive de l’application des gestes barrières.
12. Dans ces conditions, compte tenu des caractéristiques propres aux centres commerciaux concernés, caractérisés par la concentration de nombreux commerces dans un espace clos, attirant des populations importantes et, par là-même, de nature à favoriser la dissémination du virus par la multiplication des interactions entre les personnes, de la gravité des risques de contamination existants à la date du 9 août 2021 et de la possibilité, pour les personnes démunies d’un ” pass sanitaire “, d’accéder à des biens et services de première nécessité dans des magasins ou établissements situés à une distance raisonnable, la société Auchan Hypermarché n’est pas fondée à soutenir qu’en imposant, à compter de cette date, la présentation d’un ” pass sanitaire ” aux personnes souhaitant accéder à l’un des trois centres commerciaux du département des Pyrénées-Orientales figurant à l’article 1er de son arrêté, le préfet des Pyrénées-Orientales aurait fait une inexacte application des dispositions réglementaires précitées ni que l’atteinte aux différents droits et libertés invoqués n’était pas nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif de sauvegarde de la santé publique poursuivi.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que les conclusions de la société Auchan Hypermarché tendant à l’annulation de l’arrêté du 9 août 2021 doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de l’Etat qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Auchan Hypermarché au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Auchan Hypermarché la somme de 1 500 euros à verser à l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Auchan Hypermarché est rejetée.
Article 2 : La société Auchan Hypermarché versera à l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Auchan Hypermarché et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l’audience du 4 avril 2023, à laquelle siégeaient :
M. Jérôme Charvin, président,
M. Hervé Verguet, premier conseiller,
Mme Michelle Couégnat, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.
La rapporteure,
M. Couégnat
Le président,
J. Charvin
La greffière,
M. A
La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Montpellier, le 18 avril 2023
La greffière,
M. A
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