M. C, ressortissant arménien né en 1996 et entré irrégulièrement en France à une date indéterminée, s’est présenté le 17 janvier 2023 devant les services de la préfecture de la Côte-d’Or pour solliciter son admission provisoire au séjour afin de saisir l’Office de protection des réfugiés et apatrides d’une demande de protection internationale. Par deux arrêtés du 6 avril 2023, le préfet du Doubs, d’une part, a décidé de remettre l’intéressé aux autorités autrichiennes et, d’autre part, l’a assigné à résidence dans l’Yonne pour une durée de quarante-cinq jours. M. C demande l’annulation de ces deux arrêtés.
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Tribunal administratif de Dijon, REFERE, 19 avril 2023, 2300977 Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 13 avril 2023, M. D C, représenté par Me de Mesnard, demande au tribunal :
1°) d’annuler l’arrêté du 6 avril 2023 par lequel le préfet du Doubs a décidé de le remettre aux autorités autrichiennes en vue de l’examen de sa demande d’asile ;
2°) d’annuler l’arrêté du 6 avril 2023 par lequel le préfet du Doubs l’a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;
3°) d’enjoindre au préfet du Doubs de procéder au réexamen de sa situation à compter de la notification du jugement ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C soutient que :
– l’arrêté de transfert est entaché d’un vice d’incompétence et d’une insuffisance de motivation ;
– l’arrêté de transfert est entaché d’une » erreur de fait et de droit liées à un défaut d’examen réel et sérieux » et, en outre, méconnait les articles 4, 5 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
– l’arrêté d’assignation à résidence est entaché d’un vice d’incompétence, d’une insuffisance de motivation et, en outre, est illégal par voie de conséquence de l’illégalité entachant l’arrêté de transfert ;
– l’arrêté d’assignation à résidence est entaché d’un défaut d’ » examen complet » de sa » situation particulière » et d’une » erreur manifeste d’appréciation » au motif qu’il a méconnu l’article R. 733-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Le préfet soutient que les moyens soulevés par M. C ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
– le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;
– le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Boissy, président, pour statuer sur les litiges relevant de l’article R. 776-15 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. A,
– les observations de Me de Mesnard, pour M. C, qui précise qu’en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de l’article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 alors qu’il n’existe pas, en Autriche, une prise en charge adéquate de la fièvre méditerranéenne dont souffre le requérant, le préfet du Doubs a commis une erreur manifeste d’appréciation.
La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.
Considérant ce qui suit
:
1. M. C, ressortissant arménien né en 1996 et entré irrégulièrement en France à une date indéterminée, s’est présenté le 17 janvier 2023 devant les services de la préfecture de la Côte-d’Or pour solliciter son admission provisoire au séjour afin de saisir l’Office de protection des réfugiés et apatrides d’une demande de protection internationale. Par deux arrêtés du 6 avril 2023, le préfet du Doubs, d’une part, a décidé de remettre l’intéressé aux autorités autrichiennes et, d’autre part, l’a assigné à résidence dans l’Yonne pour une durée de quarante-cinq jours. M. C demande l’annulation de ces deux arrêtés.
Sur l’admission à l’aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes du premier alinéa l’article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : » Dans les cas d’urgence (), l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d’aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président « .
3. La présente requête présente les caractéristiques de l’urgence prévue par les dispositions citées au point 2. Il y a donc lieu d’admettre, à titre provisoire, M. C au bénéfice de l’aide juridictionnelle.
Sur les conclusions à fin d’annulation :
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l’arrêté de transfert :
4. En premier lieu, par un arrêté n° 25-2023-01-24-00006 du 24 janvier 2023, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Doubs a délégué sa signature à M. Portal, secrétaire général de la préfecture du Doubs, pour ce qui concerne, notamment, les décisions de transfert des étrangers dont l’examen de la demande d’asile relève de la compétence d’un autre Etat membre de l’Union Européenne et les décisions d’assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de ce que M. B n’était pas compétent pour signer l’arrêté de transfert manque en fait et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : » Droit à l’information / 1. Dès qu’une demande de protection internationale est introduite au sens de l’article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l’application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d’une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d’un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l’Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l’Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu’une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n’est pas fondée sur ces critères ; / c) de l’entretien individuel en vertu de l’article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d’exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l’existence du droit d’accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l’objet d’un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l’article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. () / 3. La Commission rédige, au moyen d’actes d’exécution, une brochure commune (), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. () La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres () « . Le modèle de cette brochure commune figure sous l’annexe X au règlement n° 118/2014 du 30 janvier 2014. Aux termes de l’article 5 du même règlement : » 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l’État membre responsable, l’État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l’article 4 (). / 4. L’entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d’assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l’entretien individuel. / 5. L’entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national () « .
6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Côte-d’Or a remis à M. C, le 17 janvier 2023, la brochure commune en langue arménienne, qu’un entretien individuel avec l’intéressé a été conduit, le même jour, par un agent qualifié de la préfecture et s’est déroulé avec l’assistance d’un interprète en langue arménienne et qu’à l’issue de cet entretien M. C en a signé un résumé. Les moyens tirés de la violation des articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent par suite être écartés.
7. En troisième lieu, l’arrêté attaqué, qui comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, n’a pas méconnu l’exigence de motivation mentionnée à l’article L. 572-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
8. En quatrième lieu, le requérant, en indiquant, dans ses écritures, que le préfet du Doubs a commis une » erreur de fait et de droit liées à un défaut d’examen réel et sérieux « , doit être regardé, compte tenu des arguments exposés à l’appui de ce moyen, comme faisant valoir que le préfet a méconnu les articles 23 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
9. Aux termes de l’article 23 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 : » 1. Lorsqu’un État membre auprès duquel une personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu’un autre État membre est responsable conformément à l’article 20, paragraphe 5, et à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (« hit »), en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. / () 4. Une requête aux fins de reprise en charge est présentée à l’aide d’un formulaire type et comprend des éléments de preuve ou des indices tels que décrits dans les deux listes mentionnées à l’article 22, paragraphe 3, et/ou des éléments pertinents tirés des déclarations de la personne concernée, qui permettent aux autorités de l’État membre requis de vérifier s’il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement () « . Aux termes de l’article 25 du même règlement : » 1. L’État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n’excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L’absence de réponse à l’expiration du délai d’un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l’acceptation de la requête, et entraîne l’obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l’obligation d’assurer une bonne organisation de son arrivée « .
10. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Doubs justifie avoir saisi les autorités autrichiennes d’une requête aux fins de reprise en charge de la demande de protection internationale de M. C, le 24 janvier 2023, soit moins de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac, le 17 janvier 2023, et que les autorités autrichiennes ont accepté implicitement cette reprise en charge le 8 février 2023. Le moyen tiré de la violation des articles 23 et 25 du règlement du 26 juin 2013 doit par suite être écarté.
11. En dernier lieu, aux termes de l’article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : » 1. Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (). / 2. L’État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l’État membre responsable, ou l’État membre responsable, peut à tout moment, avant qu’une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n’est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit « .
12. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de l’état de santé de M. C, que le préfet du Doubs, en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de l’article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, aurait en l’espèce commis une erreur manifeste d’appréciation.
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l’arrêté d’assignation à résidence :
13. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés au point 4, le moyen tiré de ce que M. B n’était pas compétent pour signer l’arrêté d’assignation à résidence manque en fait et doit être écarté.
14. En deuxième lieu, l’arrêté attaqué, qui comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, n’a pas méconnu l’exigence de motivation mentionnée à l’article L. 732-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
15. En troisième lieu, l’arrêté de transfert n’étant pas entaché d’illégalité, le moyen invoqué par la voie de l’exception à l’encontre de l’arrêté d’assignation à résidence, tiré de l’illégalité de cet arrêté de transfert, doit être écarté.
16. En dernier lieu, aux termes de l’article R. 733-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : » L’autorité administrative qui a ordonné l’assignation à résidence de l’étranger () définit les modalités d’application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu’elle fixe dans la limite d’une présentation par jour, en précisant si l’obligation de présentation s’applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; / 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside « .
17. M. C, assigné à résidence dans le département de l’Yonne, ne produit aucun élément sérieux de nature à établir qu’il serait dans l’impossibilité, du fait de son état de santé, de se rendre au commissariat de police situé 2 avenue Victor Hugo, à Avallon, du lundi au vendredi entre 8 heures et 8 heures 30. Les modalités d’application de la mesure d’assignation ne sont dès lors pas disproportionnées. Dès lors, en tout état de cause, les moyens tirés du défaut » d’examen complet de la situation particulière » et de l’ » erreur manifeste d’appréciation » invoqués par le requérant doivent être écartés.
18. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par M. C doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
19. Le présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d’annulation présentées par M. C, n’implique, par lui-même, aucune mesure d’exécution. Par suite, les conclusions à fin d’injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions combinées du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, une quelconque somme au bénéfice du conseil de M. C au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : M. C est admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : La requête de M. C est rejetée.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. D C, au préfet du Doubs et à Me de Mesnard.
Une copie de ce jugement sera transmise, pour information, au ministre de l’intérieur et des outre-mer, au préfet de l’Yonne et au bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Dijon.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2023.
Le magistrat désigné,
L. ALa greffière,
L. Lelong
La République mande et ordonne au préfet du Doubs, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.
Pour expédition conforme,
Le greffier