Dans le cadre d’une garde-à-vue, la consultation du traitement automatisé des empreintes digitales est entourée de garanties (sous peine de nullité de la procédure).
La preuve de l’habilitation à consulter le FAED est une garantie du respect des libertés publiques et que tout intéressé ayant fait l’objet d’une consultation de ses données, est à même d’exiger qu’il lui soit justifié de l’habilitation de l’agent ayant eu accès à ces données. L’article L.142-2 du CESEDA dispose qu’en vue de l’identification d’un étranger qui n’a pas présenté à l’autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l’exécution d’une décision portant obligation de quitter le territoire français, les données des traitements automatisés des empreintes digitales mis en oeuvre par le ministère de l’intérieur peuvent être consultées par les agents expressément habilités des services de ce ministère dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. L’article R. 40-38-1 du code de procédure pénale dispose que le ministre de l’intérieur est autorisé à mettre en oeuvre un traitement de données à caractère personnel dénommé fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) qui a notamment pour finalité de faciliter l’identification d’un étranger dans les conditions prévues à l’article L. 142-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. L’article R. 40-38-7, I. du code de procédure pénale dispose : « Peuvent avoir accès, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d’en connaître, à tout ou partie des données et informations mentionnées aux articles R. 40-38-2 et R. 40-38-3 : 1° Les personnels de la police nationale et ceux de la gendarmerie nationale individuellement désignés et dûment habilités, affectés dans les services chargés d’une mission de police judiciaire et spécialement chargés de la mise en oeuvre du traitement, aux fins de consultation, d’alimentation et d’identification des personnes ; 2° Les personnels de la police nationale, de la gendarmerie nationale et les agents des douanes et des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application des articles 28-1 et 28-2, individuellement désignés et habilités aux seules fins de consultation et d’alimentation ; 3° Le magistrat chargé du service du casier judiciaire national automatisé et les agents de ce service habilités par lui ». Il résulte de ces dispositions que la seule qualité de policier ou de gendarme ne permet pas d’accéder aux données du FAED, dès lors qu’il est exigé que l’agent soit pourvu d’une habilitation individuelle et spéciale aux fins de mise en oeuvre du traitement, aux fins de consultation, d’alimentation et d’identification des personnes. L’article 15-5 du code de procédure pénale dispose : « Seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d’une enquête ou d’une instruction. La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d’une personne intéressée. L’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure ». Le dernier alinéa de l’article 15-5 du code de procédure pénale a donné lieu à un recours devant le Conseil constitutionnel qui a reconnu sa conformité à la Constitution pour les motifs suivants (décision n° 2022-846 DC du 19 janvier 2023) : « 100. Selon les députés requérants, ces dispositions instaureraient une présomption d’habilitation permettant à tout agent, sans encadrement suffisant, de consulter des traitements automatisés de données dans l’exercice de leurs fonctions. Elles seraient ainsi entachées d’incompétence négative et méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée. 101. Les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet de dispenser les agents de l’obligation de disposer d’une habilitation pour consulter des traitements de données, ou de faire obstacle à l’annulation d’un acte de procédure résultant d’une telle consultation par un agent dépourvu d’habilitation. 102. Par conséquent, la seconde phrase du second alinéa de l’article 15-5 du code de procédure pénale et la seconde phrase du second alinéa de l’article 55 ter du code des douanes, qui ne sont pas entachées d’incompétence négative et ne méconnaissent ni le droit au respect de la vie privée ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution ». Ainsi, le dernier alinéa de l’article 15-5 du code de procédure pénale n’est conforme à la Constitution qu’en ce qu’il préserve l’exigence d’une habilitation pour consulter les traitements données, et qu’à défaut d’habilitation, la procédure menée suite à la consultation illicite encourt la nullité. Au regard de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et de l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d’un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l’habilitation des agents est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (1re Civ., 14 octobre 2020, pourvoi n° 19-19.234). |
Résumé de l’affaire : M. [V] [J] [K], de nationalité algérienne, est actuellement en rétention administrative au centre de rétention d'[Localité 3]. Il a été placé en rétention suite à un arrêté de la préfecture de la Loire-Atlantique, daté du 14 septembre 2024, qui a également prononcé une obligation de quitter le territoire français. M. [K] a contesté cet arrêté par une requête déposée le 17 septembre 2024. Le tribunal judiciaire d’Orléans a ordonné la jonction des procédures et a rejeté les exceptions de nullité, prolongeant la rétention de M. [K] pour 26 jours. M. [K] a interjeté appel de cette ordonnance le 19 septembre 2024.
Lors de l’audience, il a soulevé des questions concernant la régularité de la procédure, notamment la consultation du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) par une personne non habilitée. Les dispositions légales stipulent que seuls les agents habilités peuvent accéder à ces données, et l’absence de preuve d’habilitation entache la procédure d’une nullité d’ordre public. Dans ce cas, le FAED a été consulté lors de la garde à vue de M. [K], mais il n’est pas prouvé que l’agent ait été habilité, ce qui pourrait remettre en question la validité de la procédure. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
Rétention Administrative
des Ressortissants Étrangers
ORDONNANCE du 20 SEPTEMBRE 2024
Minute N°
N° RG 24/02371 – N° Portalis DBVN-V-B7I-HB5S
(1 pages)
Décision déférée : ordonnance du tribunal judiciaire d’Orléans en date du 18 septembre 2024 à 11h06
Nous, Laurent Sousa, conseiller à la cour d’appel d’Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Hermine Bildstein, greffier, aux débats et au prononcé de l’ordonnance,
M. [V] [J] [K]
né le 2 février 1999 à [Localité 2] (Algérie), de nationalité algérienne,
alias [P] [K], alias [J] [D], alias [G] [J] [K], alias [V] [J] [D]
alias [I] [K], né le 2 février 2007
actuellement en rétention administrative au centre de rétention administrative d'[Localité 3] dans des locaux ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire,
comparant par visioconférence, assisté de Me Sylvie Célérier, avocat au barreau d’Orléans,
en présence de Mme [M] [C], interprète en langue arabe, expert près la cour d’appel d’Orléans, qui a prêté son concours lors de l’audience et du prononcé ;
INTIMÉ :
LA PRÉFECTURE DE LA LOIRE-ATLANTIQUE
non comparante, non représentée ;
MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l’heure de l’audience ;
À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d’Orléans, conformément à l’article L. 743-8 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), le 20 septembre 2024 à 14 heures ;
Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;
Vu l’arrêté de la préfecture de la Loire-Atlantique en date du 20 juin 2024, ayant prononcé l’obligation pour M. [K] de quitter le territoire français ;
Vu l’arrêté de la préfecture de la Loire-Atlantique en date du 14 septembre 2024, notiñé à M. [K] le 14 septembre 2024 à 16h50 ayant prononcé son placement en rétention administrative ;
Vu la requête introduite par M. [K] à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention administrative reçue au greffe du juge des libertés et de la détention le 17 septembre 2024 à 8h36 ;
Vu la requête motivée du représentant de préfecture de la Loire-Atlantique reçue par le juge des libertés et de la détention le 17 septembre 2024 à 9h37,
Vu l’ordonnance rendue le 18 septembre 2024 à 11h06 par le tribunal judiciaire d’Orléans ordonnant la jonction des procédures de demande de prolongation par la préfecture et de recours contre l’arrêté de placement en rétention administrative par le retenu, rejetant les exceptions de nullité soulevées, rejetant le recours formé contre l’arrêté de placement en rétention administrative, et ordonnant la prolongation du maintien de M. [V] [J] [K] dans les locaux non pénitentiaires pour une durée de vingt six jours à compter du 18 septembre 2024 ;
Vu l’appel de ladite ordonnance interjeté le 19 septembre 2024 à 10h23 par M. [V] [J] [K] ;
Vu les observations de la préfecture de la Loire-Atlantique reçues au greffe le 19 septembre 2024 à 17h01 ;
Après avoir entendu :
– Me Sylvie Célérier, en sa plaidoirie,
– M. [V] [J] [K], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;
AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l’ordonnance suivante :
Sur la régularité de la procédure
Sur la consulation du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED)
Moyens
M. [V] [J] [K] conteste la régularité de la procédure au motif que le FAED a été consulté par une personne non habilitée.
Réponse
L’article L.142-2 du CESEDA dispose qu’en vue de l’identification d’un étranger qui n’a pas présenté à l’autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l’exécution d’une décision portant obligation de quitter le territoire français, les données des traitements automatisés des empreintes digitales mis en oeuvre par le ministère de l’intérieur peuvent être consultées par les agents expressément habilités des services de ce ministère dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
L’article R. 40-38-1 du code de procédure pénale dispose que le ministre de l’intérieur est autorisé à mettre en oeuvre un traitement de données à caractère personnel dénommé fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) qui a notamment pour finalité de faciliter l’identification d’un étranger dans les conditions prévues à l’article L. 142-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
L’article R. 40-38-7, I. du code de procédure pénale dispose :
« Peuvent avoir accès, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d’en connaître, à tout ou partie des données et informations mentionnées aux articles R. 40-38-2 et R. 40-38-3 :
1° Les personnels de la police nationale et ceux de la gendarmerie nationale individuellement désignés et dûment habilités, affectés dans les services chargés d’une mission de police judiciaire et spécialement chargés de la mise en oeuvre du traitement, aux fins de consultation, d’alimentation et d’identification des personnes ;
2° Les personnels de la police nationale, de la gendarmerie nationale et les agents des douanes et des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application des articles 28-1 et 28-2, individuellement désignés et habilités aux seules fins de consultation et d’alimentation ;
3° Le magistrat chargé du service du casier judiciaire national automatisé et les agents de ce service habilités par lui ».
Il résulte de ces dispositions que la seule qualité de policier ou de gendarme ne permet pas d’accéder aux données du FAED, dès lors qu’il est exigé que l’agent soit pourvu d’une habilitation individuelle et spéciale aux fins de mise en oeuvre du traitement, aux fins de consultation, d’alimentation et d’identification des personnes.
L’article 15-5 du code de procédure pénale dispose :
« Seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d’une enquête ou d’une instruction.
La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d’une personne intéressée. L’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure ».
Le dernier alinéa de l’article 15-5 du code de procédure pénale a donné lieu à un recours devant le Conseil constitutionnel qui a reconnu sa conformité à la Constitution pour les motifs suivants (décision n° 2022-846 DC du 19 janvier 2023) :
« 100. Selon les députés requérants, ces dispositions instaureraient une présomption d’habilitation permettant à tout agent, sans encadrement suffisant, de consulter des traitements automatisés de données dans l’exercice de leurs fonctions. Elles seraient ainsi entachées d’incompétence négative et méconnaîtraient le droit au respect de la vie privée.
101. Les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet de dispenser les agents de l’obligation de disposer d’une habilitation pour consulter des traitements de données, ou de faire obstacle à l’annulation d’un acte de procédure résultant d’une telle consultation par un agent dépourvu d’habilitation.
102. Par conséquent, la seconde phrase du second alinéa de l’article 15-5 du code de procédure pénale et la seconde phrase du second alinéa de l’article 55 ter du code des douanes, qui ne sont pas entachées d’incompétence négative et ne méconnaissent ni le droit au respect de la vie privée ni aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution ».
Ainsi, le dernier alinéa de l’article 15-5 du code de procédure pénale n’est conforme à la Constitution qu’en ce qu’il préserve l’exigence d’une habilitation pour consulter les traitements données, et qu’à défaut d’habilitation, la procédure menée suite à la consultation illicite encourt la nullité.
Il convient de rappeler qu’au regard de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et de l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d’un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l’habilitation des agents est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (1re Civ., 14 octobre 2020, pourvoi n° 19-19.234).
Il s’ensuit que la preuve de l’habilitation à consulter le FAED est une garantie du respect des libertés publiques et que tout intéressé ayant fait l’objet d’une consultation de ses données, est à même d’exiger qu’il lui soit justifié de l’habilitation de l’agent ayant eu accès à ces données.
S’il ne résulte pas des pièces du dossier que l’agent ayant consulté les fichiers d’empreintes était expressément habilité à cet effet, la procédure se trouve entachée d’une nullité d’ordre public, sans que l’ étranger qui l’invoque ait à démontrer l’existence d’une atteinte portée à ses droits (1re Civ., 14 octobre 2020, pourvoi n° 19-19.234).
La référence dans l’ordonnance du juge des libertés critiquée à l’article L.743-12 du CESEDA et au fait qu’à défaut pour l’étranger de démontrer l’existence d’un grief est donc erronée.
En l’espèce, au cours d’une garde-à-vue de M. [K], le FAED a été consulté, aux termes du rapport d’identification dactyloscopique produit par la Préfecture, et a donné lieu à un résultat positif le 14 septembre 2024 à 11h49. Le rapport mentionne que la signalisation a été saisie par « [Numéro identifiant 1]-[Y]-[R] ».
En outre, l’identité et la qualité de « [Y]-[R] » n’apparaît dans aucune pièce de la procédure diligentée par la police nationale.
Le juge des libertés a retenu que le rapport d’identification dactyloscopique mentionnait le numéro d’identification de la personne ayant procédé à la consultation du FAED, permettant ainsi au juge de s’assurer que l’agent ayant procédé à la consultation y était spécifiquernent habilité.
Ce faisant, le juge des libertés a confondu l’accès au traitement de données et l’habilitation individuelle et spéciale nécessaire pour consulter ces données. Sauf à ruiner les garanties liées à la consultation des traitements de données, il ne peut être déduit du seul fait de la consultation du FAED, qui suppose nécessairement l’usage d’un identifiant et d’un mot de passe, que la personne qui y a procédé était pourvue d’une habilitation individuelle et spéciale.
Le moyen tiré du défaut d’habilitation individuelle et spéciale a été formulé en première instance et le préfet n’a ni produit de pièce ni formulé d’observations sur ce point, alors que le juge est tenu de vérifier l’existence de cette habilitation.
En cause d’appel, le préfet ne produisant pas l’habilitation individuelle et spéciale de l’agent ayant consulté les données de M. [K] au FAED, et aucune pièce de la procédure ne permettant d’en établir l’existence, cette consultation est irrégulière et entraîne l’irrégularité de la procédure subséquente de placement en centre de rétention administrative.
Il convient donc d’infirmer l’ordonnance entreprise et d’ordonner la levée du placement de M. [K] au centre de rétention administrative.