Licenciement abusif d’un administrateur réseau

Licenciement abusif d’un administrateur réseau

Après avoir, par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 juin 2018, convoqué M.[D] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 juillet 2018, reporté au 12 juillet 2018, avec mise à pied à titre conservatoire, la société Mr Bricolage lui a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 juillet 2018 son licenciement pour faute grave. Il lui était reproché d’avoir recouru aux services d’un prestataire extérieur pour des missions relevant de ses propres fonctions au sein de l’entreprise, d’avoir négligé de mettre en conformité le réseau wifi et de ne pas avoir corrigé des failles de sécurité du système informatique et encore de ne pas voir réalisé la mise à jour des équipements, la licence Firewall Fortinet ayant entretemps expiré et enfin de ne pas avoir mis à jour les accès VPN extérieurs du personnel ayant quitté l’entreprise. En ne réalisant pas les missions relevant de ses fonctions alors qu’il lui avait été demandé de manière répétée de les remplir, et en faisant courir un risque extrême à l’entreprise, il est reproché à M.[D] d’avoir fait preuve d’insubordination.

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Cour d’appel d’Orléans, Chambre Sociale, 6 avril 2023, 21/01138 C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 2

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 06 AVRIL 2023 à

la SCP DERUBAY – KROVNIKOFF

la AARPI LOYAS ASSOCIES

XA

ARRÊT du : 06 AVRIL 2023

MINUTE N° : – 23

N° RG 21/01138 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GLAP

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORLEANS en date du 08 Mars 2021 – Section : COMMERCE

APPELANTE :

S.A. MR BRICOLAGE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Helene KROVNIKOFF de la SCP DERUBAY – KROVNIKOFF, avocat au barreau d’ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Claire DERUBAY de la SCP DERUBAY – KROVNIKOFF, avocat au barreau d’ORLEANS

ET

INTIMÉ :

Monsieur [L] [D]

né le 16 Octobre 1987 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Thierry CARON de l’AARPI LOYAS ASSOCIES, avocat au barreau d’ORLEANS

Ordonnance de clôture : 26 janvier 2023

Audience publique du 21 Février 2023 tenue par Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller,

Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, conseiller,

Puis le 06 Avril 2023, Mme Laurence DUVALLET, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

M.[L] [D] a été engagé par la société Mr Bricolage (SA) selon contrat à durée indéterminée, à compter du 1er août 2012, en qualité d’administrateur réseau et sécurité, au statut d’agent de maîtrise.

Après avoir, par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 juin 2018, convoqué M.[D] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 juillet 2018, reporté au 12 juillet 2018, avec mise à pied à titre conservatoire, la société Mr Bricolage lui a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 juillet 2018 son licenciement pour faute grave. Il lui était reproché d’avoir recouru aux services d’un prestataire extérieur pour des missions relevant de ses propres fonctions au sein de l’entreprise, d’avoir négligé de mettre en conformité le réseau wifi et de ne pas avoir corrigé des failles de sécurité du système informatique et encore de ne pas voir réalisé la mise à jour des équipements, la licence Firewall Fortinet ayant entretemps expiré et enfin de ne pas avoir mis à jour les accès VPN extérieurs du personnel ayant quitté l’entreprise. En ne réalisant pas les missions relevant de ses fonctions alors qu’il lui avait été demandé de manière répétée de les remplir, et en faisant courir un risque extrême à l’entreprise, il est reproché à M.[D] d’avoir fait preuve d’insubordination.

Par requête enregistrée au greffe le 25 octobre 2018, M.[D] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orléans pour contester son licenciement et obtenir le paiement de diverses indemnités, ainsi qu’un rappel de salaire sur la période de mise à pied. Il demandait également le paiement de sommes correspondant à des jours de RTT.

Par jugement du 8 mars 2021, le conseil de prud’hommes d’Orléans a :

– Dit que le licenciement de M.[D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– Fixé le salaire de référence de M.[D] à 2888,30 euros brut,

– Condamné la société Mr Bricolage à régler à M.[D] :

– 14 441,50 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5776,60 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 577,66 euros brut au titre des congés payés y afférents,

– 4332,42 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 2888,30 euros brut au titre du complément de rémunération dont M.[D] a été privé du fait de sa mise à pied conservatoire du 29 juin au 26 juillet 2018,

– 288,83 euros brut au titre des congés payés y afférents,

– 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Ordonné à la société Mr Bricolage de remettre M.[D] une attestation pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie relatif aux créances salariales, rectifiés des décisions du présent jugement,

– Dit que les sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et que les créances indemnitaires porteront intérêt à la date du présent jugement,

– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que celle prévue de droit,

– Ordonné le remboursement des indemnités chômage à hauteur de 2888,30 euros par la société Mr Bricolage aux organismes concernés,

– Débouté M.[D] du surplus de ses demandes,

– Débouté la société Mr Bricolage de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné la société Mr Bricolage aux entiers dépens.

La société Mr Bricolage a relevé appel du jugement par déclaration notifiée par voie électronique le 8 avril 2021 au greffe de la cour d’appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 25 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la société Mr Bricolage demande à la cour de :

– Infirmer le jugement entrepris ayant déclaré que le licenciement de M.[D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, avec toutes les conséquences indemnitaires attachées, et le confirmer pour le surplus

Et statuant à nouveau,

– Déclarer que le licenciement de M.[D] repose bien sur une faute grave.

A titre subsidiaire :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Orléans concernant le licenciement de M.[D]

Et statuant à nouveau,

– Déclarer le licenciement motivé pour une cause réelle et sérieuse

– Condamner la société Mr Bricolage à verser les indemnités de rupture à son ancien salarié

– Confirmer le jugement pour le surplus

A titre infiniment subsidiaire :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qui concerne le quantum des condamnations

– Statuant à nouveau, ramener celle-ci au montant de :

o 5360 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis + congés payés afférents

o 4332,42 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement

o 2491,47 euros bruts à titre de paiement de la période de mise à pied conservatoire + congés payés afférents

o 8667,90 euros à titre de dommages-intérêts

– Infirmer la condamnation de la société Mr Bricolage au titre des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail,

– Confirmer le jugement pour le surplus

– Laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens.

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 19 août 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M.[D] demande à la cour de :

À titre principal :

– Recevoir M.[D] en son appel incident visant uniquement le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Statuant de nouveau, condamner la société Mr Bricolage à verser à M.[D] la somme de 20 218,10 euros net (7 mois de salaire) au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Confirmer le jugement du 8 mars 2021 pour le surplus,

– Y ajoutant, condamner la société Mr Bricolage à verser à M.[D] une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

Subsidiairement

– Confirmer le jugement du 8 mars 2021 en l’ensemble de ces dispositions

– Y ajoutant, condamner la société Mr Bricolage à verser à M.[D] une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 26 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les débats soumis à la cour ne portent que les points ci-dessus détaillés. La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle déboute M.[D] de sa demande de rappel de salaire au titre des jours de RTT prélevés sur son bulletin de salaire, entre le 27 et le 31 juillet 2018.

– Sur le licenciement pour faute grave

Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L’article L.1235-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pèse sur l’employeur.

La société Mr Bricolage expose qu’à l’arrivée de son nouveau responsable hiérarchique, ce dernier s’est aperçu que M.[D] ne réalisait pas les tâches qui lui étaient confiées, et a relevé le défaut de mise en conformité du wifi du siège social, l’absence de préparation de la migration qui devait permettre de corriger les failles de sécurité du système informatique de la société, le défaut de mise à jour des équipements de sécurité du réseau informatique et de mise à jour des accès VPN extérieur des utilisateurs. En outre, M.[D] aurait recouru de manière excessive à un prestataire extérieur pour qu’il réalise des missions en ses lieu et place. La société Mr Bricolage conteste toute volonté de réduction drastique des coûts, le développement de l’activité numérique s’étant traduit par un doublement des effectifs du service réseaux et systèmes. Son poste n’aurait pas été supprimé contrairement à ce que M.[D] affirme.

M.[D] réplique que son licenciement, comme celui de sa collègue Mme [F], relève d’une décision stratégique de la part du groupe Mr Bricolage et non de fautes commises. Il s’agissait en réalité de procéder à une réduction des coûts passant par une uniformisation des systèmes d’information. Il relève qu’il ne disposait d’aucun pouvoir décisionnel, qu’il était particulièrement impliqué dans son travail, que son dernier entretien annuel était flatteur pour lui et qu’il pointait le manque de moyens humains dans l’entreprise. Il conteste point par point l’ensemble des griefs qui lui ont été opposés à l’occasion de son licenciement.

La fiche de poste d’administrateur système, agent de maîtrise, mentionne que ce dernier ” installe, administre et exploite les équipements informatiques sous sa responsabilité. Il est garant du bon fonctionnement des serveurs et de la réalisation des sauvegardes. Il administre la messagerie, le SSO, l’antivirus, le serveur de téléphonie. Il garantit le suivi de l’administration du Data Center par le prestataire. Il suit les performances et la fiabilité des ressources systèmes et applications relevant de son périmètre “. Selon M.[D], en cela non contredit par la société Mr Bricolage, son rôle était d’administrer et d’exploiter certains équipements informatiques comme le firewall, le switch et le wifi. Il devait également, sous la supervision de son manager, assurer le maintien en condition opérationnelle du réseau du siège de l’entreprise, travaillant notamment en étroite collaboration avec SFR.

La lettre de licenciement, qui circonscrit les limites du litige, évoque avec précision plusieurs points, qu’il convient d’examiner :

-Sur le fait d’avoir recouru au services d’un prestataire extérieur pour des prestations relevant de ses propres missions

Selon l’employeur, ont été réalisées par M.[D] 22 demandes auprès du prestataire de services Axians BCS entre février et mai 2018, représentant 1410 minutes de travail facturées et un coût financier de 2583,12 euros HT. Ce prestataire aurait ” alerté ” la société Mr Bricolage de cette situation. Selon les écritures de la société Mr Bricolage, 16 de ces ” tickets ” auraient dû être traités en interne, ce que ne précisait d’ailleurs pas la lettre de licenciement. Le successeur de M.[D] aurait utilisé seulement 2 tickets en 4 mois.

M.[H], responsable hiérarchique de M.[D], atteste seulement de ce qu’il a été alerté d’une nombre important de ” tickets ” chez le prestataire, en lien avec l’administrateur réseau M.[D], sans néanmoins préciser que ce dernier y ait recouru de manière abusive pour lui éviter de réaliser les opérations lui-même. Il n’est pas justifié d’une ” alerte ” quelconque du prestataire à propos de la commande de ” tickets ” par M.[D]. La pièce censée démontrer le recours moindre à ces ” tickets ” par le successeur de M.[D] ne comporte aucune date, ce qui empêche la cour de contrôler à quelle période il se rapporte. Aucune consigne de limiter le recours à ce prestataire n’apparaît avoir au demeurant été délivrée à M.[D], alors que la liste des prestations est produite par l’employeur, ce qui démontre que le dispositif était parfaitement transparent et pour cause, puisqu’il était facturé à chaque fois par un ” ticket ” fixé en fonction du temps passé (9,16 euros HT pour 5 minutes de travail). Les éléments produits par la société Mr Bricolage ne démontrent en rien que les prestations auraient pu être réalisées sans l’intervention de la société Axians BCS, M.[D] produisant de nombreux échanges entre lui et cette société pour justifier du contraire, expliquant qu’il n’avait pas accès en tant qu’administrateur au Data Center Equinix et par-là même aux serveurs que celui-ci hébergeait , ce que la société Mr Bricolage ne conteste pas dans ses écritures, produisant elle-même un email adressé par M.[H] à Axians BCS dans lequel il fournit la ” liste de ce que nous souhaitons “, citant un certain nombre d’équipements auquel l’accès était sollicité par l’intermédiaire du prestataire. M.[D] explique également, toujours sans être contredit, qu’il n’avait accès qu’au firewall, et en lecture seule.

Au regard de ces éléments, ce grief n’apparaît pas fondé puisqu’il n’est aucunement démontré que M.[D] ait, par paresse et sans justification technique, confié la réalisation de ses propres missions à un prestataire extérieur.

-Sur l’absence de mise en conformité du wifi

Selon l’employeur, le matériel nécessaire à cette opération a été livré le 21 mars 2018 et il aurait été demandé à M.[D] de procéder à l’installation de nouvelles bornes wifi le 15 avril 2018 oralement et le 20 juin 2018 par écrit, sans que cela ait été suivi d’effet, alors que l’ancien matériel fonctionnait mal. M.[H] atteste de ce que M.[D] aurait été l’objet de nombreuses relances à ce propos.

Cependant, un email de M.[H] du 25 mai 2018 liste les tâches à réaliser ” en priorité ” sans mentionner l’installation du wifi et ce n’est que dans un email du 20 juin 2018 qu’il mentionne simplement, sans s’inquiéter davantage sur un quelconque retard : ” je souhaite que tu commences à changer les bornes sur la centrale “, évoquant le fait que ” le wifi ne fonctionne pas bien dans les salles de réunion “. M.[D] a répondu immédiatement à cette demande en expliquant qu’il était mobilisé sur une autre tâche et qu’il pensait ” pouvoir se pencher ” sur le wifi à partir du 2 juillet, demandant : ” c’est OK pour toi ‘ “. La réponse de M.[H] n’est pas produite, sachant que M.[D] a été mis à pied le 29 juin 2018, de sorte qu’il n’a logiquement pas été en mesure de procéder au changement des bornes wifi.

Compte tenu de ces éléments, M.[D] n’apparaît donc aucunement fautif sur ce point.

-Sur l’absence de préparation de la migration qui devait permettre de corriger les failles de sécurité du système informatique

Selon l’employeur, il a été demandé à M.[D] le 17 avril 2018 de préparer la migration des équipements de sécurité Firewall, qui était prévue le 25 juin 2018. M.[D] aurait négligé d’accomplir cette tâche en fournissant l’ensemble des informations comme des schémas et documents, au prestataire Advens, ne lui communiquant que les ” schémas génériques ” établis par SFR, sans lui fournir les informations internes nécessaires à la bonne organisation de la migration, tels que les adresses réseau des PC. Il en aurait résulté le 26 juin 2018 une panne générale des outils informatiques de l’entreprise (Wi-Fi, téléphonie, lenteur du réseau Internet, anomalie du réseau interne).

M.[D] conteste ce manquement et fait remarquer que son responsable, M.[H], était absent le jour lors de l’intervention du 25/26 juin.

M.[H], dans son attestation, impute à l’absence de communication par M.[D] de documents et schémas des réseaux au prestataire chargé de la migration cet échec et les dysfonctionnements subséquents.

La cour constate l’imprécision des éléments avancés par la société Mr Bricolage sur les éléments dont le prestataire aurait été privé, aucune réclamation de ce dernier, responsable au premier chef de cette migration de données, n’étant produite sur ce qui lui aurait manqué pour la mener à bien.

M.[D] produit en revanche les échanges qu’il a eus avec la société prestataire Advens, à laquelle il a, notamment par email du 10 avril 2018, transmis les ” schémas architecture globale ” et les ” schémas réseaux centrale ” ou le 11 avril 2018 la ” conf des c’urs de réseaux ” et a répondu le 16 mai 2018 à une demande d’envoi d’autres éléments.

La société Mr Bricolage ne peut donc sérieusement imputer à M.[D] l’échec de cette opération en affirmant que ce dernier n’aurait pas communiqué au prestataire les éléments nécessaires.

Ce grief sera écarté.

-Sur la mise à jour des équipements de sécurité du réseau informatique

Selon l’employeur, la licence du firewall Fortinet, dont M.[D] avait la responsabilité du suivi, s’est trouvée expirée, ce dont il a été avisé lors d’un audit de sécurité réalisé par la société Advens du 10 au 12 avril 2018, trahissant l’absence de continuité de la protection du réseau par M.[D].

M.[D] conteste la péremption de cette licence, assurant avoir fait preuve d’anticipation à propos de la licence Fortinet (boîtiers Fortigate).

La société Mr Bricolage produit un audit réalisé par la société Advens le 7 décembre 2016 et non en avril 2018, qui fait état d’un niveau de sécurité considéré comme insuffisant, sans que la péremption de la licence Fortinet soit mentionnée.

M.[H] atteste de ce que M.[D] n’aurait ” pas mis à jour les équipements réseau informatique de la centrale “, sans plus de précision.

M.[D] produit au contraire de nombreux emails afférents au renouvellement des licences ” Forti ” ou ” Fortigate “, jusqu’au 4 avril 2018.

Au regard de ces éléments, ce grief n’apparaît pas établi, le fait même que la licence en question était périmée n’étant pas démontrée, alors que M.[D] établit qu’il a été attentif à cette question.

-Sur les mises à jour des VPN de salariés ayant quitté la société

Selon l’employeur, M.[D] n’aurait pas supprimé l’accès au VPN de la société d’anciens salariés, faisant ainsi courir des risques à l’entreprise en termes de concurrence (risques de fuites d’informations) ou de sécurité informatique ou encore de respect du règlement général sur la protection des données.

M.[H] confirme que d’anciens salariés auraient continué à avoir accès au VPN de l’entreprise, sans préciser les salariés concernés, ni leur nombre.

L’attention de M.[D] aurait été attirée sur ce point à l’occasion de l’audit de la société Advens réalisé en avril 2018 ; ce document n’est toutefois pas produit aux débats.

M.[D] conteste ces éléments, expliquant que le service de ressources humaines n’avisait jamais le service informatique des modifications d’effectifs.

La cour constate en effet que la société Mr Bricolage ne produit pas la liste des salariés ayant quitté l’entreprise et qui auraient conservé l’accès au VPN, ni n’établit que des consignes aient été données à M.[D] sur ce sujet, que ce soit de manière générale ou pour des salariés en particulier.

Comme les précédents, ce grief sera écarté, de même que le grief d’insubordination relevé par l’employeur en raison de ” la répétition de fautes et d’erreurs inacceptables ” reprochées à M.[D], dont l’entretien d’évaluation annuel, réalisé le 22 février 2018, ne porte aucune trace, puisqu’il est mentionné que M.[D] ” répond à l’exigence du poste “, même si ” certaines compétences restent à développer ” et qu’il ” doit prendre une dimension de chef de projet plutôt que d’exécution “.

M.[D], par voie de confirmation, sera donc accueilli en sa demande visant à ce que son licenciement soit déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse.

– Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

– Sur l’indemnité de préavis et les congés payés afférents

L’article L.1234-5 du code du travail prévoit que l’indemnité de préavis correspond aux salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

La société Mr Bricolage conteste le quantum de l’indemnité de préavis allouée par le conseil de prud’hommes, soit 5776,60 euros, et l’indemnité de congés payés afférents (577,66 euros), prenant pour base un salaire mensuel de 2680 euros au lieu de 2888,30 euros, comme le réclame M.[D].

Le contrat de travail prévoit un salaire mensuel sur 12,5 mois, et que le

” demi-treizième mois ” est ” calculé du temps de présence “, de sorte que ce demi-mois supplémentaire doit être pris en compte pour le calcul du salaire mensuel ; c’est la somme de 2791,67 euros qui sera retenue par la cour, étant précisé que la réalisation régulière d’heures supplémentaires depuis le début de l’année 2018 n’est pas établie.

Par voie d’infirmation, la somme de 5583,34 euros sera allouée à M.[D] au titre de l’indemnité de préavis (soit 2 mois de salaire) outre 558,33 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents.

-Sur l’indemnité de licenciement

Aucune des parties ne conteste le montant de l’indemnité de licenciement allouée à M.[D] par le conseil de prud’hommes, soit 4332,41 euros.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

– Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, prévoit, compte tenu de l’ancienneté de l’intéressé dans l’entreprise (5 ans révolus) et de la taille de l’entreprise, supérieure à 10 salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 et 6 mois de salaire.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu , par voie d’infirmation du jugement entrepris, de condamner la société Mr Bricolage à payer à M.[D] la somme de 16 000 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Sur la demande de rappel de salaire sur la période de mise à pied

Un rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire sera accordé.

Le conseil de prud’hommes a alloué à ce titre à M.[D] la somme de 2888,30 euros, outre 288,83 euros d’indemnité de congés payés afférents.

La société Mr Bricolage invoque avec justesse un montant de 2691,63 euros, la période de mise à pied ayant débuté le 29 juin 2018 pour se terminer le 26 juillet 2018.

Le jugement sera infirmé sur ce point et ce sera la somme de 2491,47 euros qui sera allouée à M.[D], outre 249,14 euros d’indemnité de congés payés afférents.

– Sur la remise des documents de fin de contrat

La remise des documents de fin de contrat conformes à la présente décision sera ordonnée.

– Sur l’article L.1235-4 du code du travail

En application de ce texte, il convient d’ordonner le remboursement par la société Mr Bricolage à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M.[D] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage.

– Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La solution donnée au litige commande de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Mr Bricolage à payer à M.[D] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et d’y ajouter une condamnation de la société Mr Bricolage au titre des frais irrépétibles engagés par M.[D] en cause d’appel à lui payer 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Mr Bricolage sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 8 mars 2021 par le conseil de prud’hommes d’Orléans, sauf :

– en ce qu’il a condamné la société Mr Bricolage à payer à M.[L] [D] la somme de 5776,60 euros au titre de l’indemnité de préavis et 577,66 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférents

– en ce qu’il a condamné la société Mr Bricolage à payer à M. [L] [D] la somme de 2888,30 euros au titre du rappel de salaire sur la période de mise à pied et 288,83 euros d’indemnité de congés payés afférents,

– en ce qu’il a condamné la société Mr Bricolage à payer à M. [L] [D] la somme de 14 441,50 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que sur les modalités d’application de l’article L.1235-4 du code du travail ;

Statuant des chefs infirmés, et ajoutant,

Condamne la société Mr Bricolage à payer à M. [L] [D] les sommes suivantes:

– indemnité de préavis : 5583,34 euros

– indemnité de congés payés afférents : 558,33 euros

– rappel de salaire sur la période de mise à pied : 2491,47 euros

– indemnité de congés payés afférents : 249,14 euros

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 16 000 euros

Ordonne la remise d’un bulletin de salaire, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision ;

Condamne la société Mr Bricolage à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. [L] [D] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage ;

Condamne la société Mr Bricolage à payer à M. [L] [D] la somme de 2000 euros au titre de ses frais irrépétibles engagés en appel ;

Condamne la société Mr Bricolage aux dépens d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Karine DUPONT Laurence DUVALLET  


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