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Hors les cas où elle est de droit, l’exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d’office, chaque fois que le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, à condition qu’elle ne soit pas interdite par la loi.
Elle peu être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation.
L’article 524 de ce code dispose quant à lui, dans sa version applicable :
Lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président et dans les cas suivants :
1° Si elle est interdite par la loi ;
2° Si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.
Le même pouvoir appartient, en cas d’opposition, au juge qui a rendu la décision.
Lorsque l’exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l’article 521 et à l’article 522.
Le premier président peut arrêter l’exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l’article 12 et lorsque l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. (souligné par la cour)
En application de l’article R. 1454-28 du code du travail, les condamnations prononcées au titre des rémunérations et indemnités mentionnées aux articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du code du travail sont de plein droit exécutoires, par provision dans la limite maximum de neuf mois de salaire.
S’agissant de la consignation, elle est soumise, en application de l’article 521 du code de procédure civile, à la condition qu’il existe un motif sérieux de priver le créancier de la perception immédiate des sommes allouées en première instance. Cette condition est soumise à l’appréciation discrétionnaire de la juridiction.
En l’espèce, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la société JM Distribution, le premier juge a motivé sa décision d’ordonner l’exécution provisoire. Il importe peu, à cet égard, que cette motivation soit contestable, notamment en ce qu’il est fait référence à l’ancienneté du litige justifiée en particulier par l’impossibilité de tenir l’audience de départage dans le délai d’un mois, conformément à la loi, impossibilité qui ne saurait être imputée à l’employeur.
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Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 2, 6 avril 2023, 22/08953 Copies exécutoires délivrées
aux parties le :
République française
Au nom du Peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 2
ORDONNANCE DU 06 AVRIL 2023
(N° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/08953 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFY2F
Saisine : assignation en référé délivrée le 1er juin 2022
DEMANDEUR
SARL JM DISTRIBUTION
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945 substitué par Me Céline GORTYCH, avocat au barreau de PARIS, toque : E1160
DÉFENDEUR
Monsieur [E] [S]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Johanna BISOR BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0504 substitué par Me Florian LORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0504
PRÉSIDENT : Olivier FOURMY
GREFFIÈRE : Alicia CAILLIAU
DÉBATS : audience publique du 17 février 2023
NATURE DE LA DÉCISION : contradictoire
Signée par Olivier FOURMY, Président assisté de Alicia CAILLIAU, greffière présente lors de la mise à disposition, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [E] [S] a été embauché par la société JM Distribution par contrat d’apprentissage le 20 novembre 2012 puis, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps complet du 1er septembre 2013, en qualité d’employé de vente.
Le 21 juin 2019, M. [E] [S] a reçu une convocation à un entretien préalable fixé au 28 juin suivant, avec mise à pied conservatoire.
Le 28 juin, M. [E] [S] aurait appris qu’une caméra aurait été disposé dans un bureau qui faisait également office de salle de pause, sans qu’il n’en ait été informé. Il dénonçait cette pratique puis formalisait une plainte auprès de la CNIL tout en déposant une main courante.
La lettre de licenciement était notifiée à M. [S] le 4 juillet 2019.
Il saisissait le conseil de prud’hommes le 17 juillet 2019.
Le même jour, la société JM Distribution déposait plainte entre les mains du procureur de la République de Paris à l’encontre de M. [S], de sa compagne et de son frère pour tentative de chantage, vol et recel de vol de documents, introduction frauduleuse dans un système de traitement automatisé des données.
Par jugement de départage du 15 avril 2022, le conseil de prud’hommes de Paris a :
– dit que le licenciement de M. [S] était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamné la société JM Distribution à payer à M. [S] les sommes suivantes :
28 212,00 euros à titre d’heures supplémentaires au visa de la période du 1er février 2017 au 26 mai 2019 ;
2 821,00 euros à titre de congés payés afférents ;
14 106,00 euros à titre de repos compensateurs induits ;
1 410,00 euros à titre de congés payés afférents ;
5 529,00 euros au titre du complément du solde de ses droits à congés payés à la date du 30 juin 2019;
5 753,00 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
575,00 euros à titre de congés payés afférents ;
4 762,00 euros à titre d’indemnité légale de licenciement (ancienneté : 6 ans, 7 mois et 14 jours) ;
20 137,00 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, au visa des dispositions de l’article L 1235 du code du travail (7 mois) ;
17 260,00 euros à titre d’indemnité en application des dispositions de l’article L 8221-5 du code du travail ;
2 000,00 euros à titre d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.
– ordonné l’exécution provisoire du jugement sur le tout.
Selon déclaration du 6 mai 2022, la société JM Distribution a interjeté appel de cette décision.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par assignation en référé déposée au greffe le 1er juin 2022, la société JM Distribution demande au premier président de la cour d’appel de Paris de :
« DECLARER la Société JM DISTRIBUTION recevable et bien fondée en ses demandes ;
JUGER que l’exécution provisoire par le Conseil de prud’hommes de Paris sur l’ensemble des condamnations prononcées au bénéfice de M. [E] [S] à l’encontre de la Société JM DISTRIBUTION risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives pour la Société ;
JUGER que le Conseil de prud’hommes n’a pas motivé sa décision concernant l’exécution provisoire ;
JUGER qu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision de première instance ;
En conséquence,
ORDONNER l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 15 avril 2022.
CONDAMNER M. [E] [S] à payer à la Société JM DISTRIBUTION la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et laisser les entiers dépens à sa charge ».
Par conclusions transmises par RPVA le 8 décembre 2022, M. [S] sollicite le président de la cour d’appel de Paris :
« – ACCUEILLIR M. [S] en ses présentes conclusions, l’y déclarer bien fondé et y faisant droit ;
– DEBOUTER la Société JM DISTRIBUTION de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– CONDAMNER la Société JM DISTRIBUTION à verser à M. [S] la somme de 2.000,00 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– CONDAMNER la Société JM DISTRIBUTION aux entiers dépens.’
EXPOSE DES MOTIFS
Sur l’existence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation
Au visa des articles 514, 514-3, 515, 517-1 du code de procédure civile, la société JM Distribution soutient que le juge ne saurait ordonner l’exécution provisoire d’un jugement en l’absence de toute motivation.
La société rappelle que le juge départiteur a ordonné l’exécution provisoire du jugement du seul fait que le conseil de prud’hommes n’a pas été en mesure de respecter les dispositions de l’article R. 1454-29 du code du travail, ce dont il résulte que l’exécution provisoire n’a pas été motivée, ce qui constitue une cause d’annulation du jugement entraînant nécessairement des conséquences excessives.
En réponse, M. [S] soutient qu’au visa de l’article 524 du code de procédure civile, dans sa version applicable au cas d’espèce, il appartient à la société de démontrer une violation manifeste du principe du contradictoire ou de l’article 12 et des conséquences manifestement excessives que risque d’entraîner l’exécution du jugement. Or, à aucun moment la société ne soutient que le jugement aurait comporté une violation manifeste du principe du contradictoire ou de l’article 12 du code de procédure civile.
De plus, les deux conditions cumulatives requises pour arrêter l’exécution provisoire de droit ne sont pas réunies, ce qui doit nécessairement entraîner le débouté de la société JM Distribution de sa demande.
Sur l’existence de conséquences manifestement excessives
Au visa de l’article 517-1 du code de procédure civile, la société soutient que l’exécution du jugement risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
La société rappelle qu’elle a été condamnée au versement de 110 000 euros, intérêts au taux légal compris, à M. [S]. La société fait valoir que M. [S] ne présente aucune garantie de représentation des sommes, qui représente plus de trois ans de salaire. En effet, il ne fait état d’aucun emploi lui permettant le remboursement des sommes en cas d’infirmation de la décision de première instance. De la même façon, il ne dispose pas d’un patrimoine laissant espérer une restitution des sommes.
En second lieu, la société fait valoir qu’elle connaît actuellement de grandes difficultés financières. Son dernier bilan fait état d’une perte de 87 437,60 euros et des dettes à hauteur de 389 907 euros. Elle soutient que l’exécution de cette condamnation aggraverait davantage sa situation financière et entraînement inévitablement la cessation des paiements, puis sa liquidation ainsi que le licenciement pour motif économique de l’intégralité de ses salariés.
Dans ces conditions, la société soutient que l’exécution provisoire, que celle-ci soit de droit ou ordonnée, est de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives.
En réponse, M. [S] soutient occuper un emploi stable depuis le mois de décembre 2021 et percevoir un salaire net mensuel d’un montant d’environ 2 300 euros. En conséquence, il dit être en mesure de rétablir le débiteur dans ses droits en nature en cas d’infirmation du jugement du 15 avril 2022.
Quant aux difficultés financières de la société, M. [S] constate que la société ne produit qu’un état comptable arrêté au 31 mars 2021, soit vieux de près de 21 mois.
Il fait valoir que la justification de l’allocation d’un PGE en avril 2021 témoigne d’une perspective de redressement à la suite de la période d’état d’urgence sanitaire traversée par le pays en 2020 et 2021.
Dans ces conditions, la société échoue manifestement à établir ses graves difficultés financières, partant les conséquences manifestement excessives qu’auraient pour elle l’exécution des condamnations de première instance.
Compte tenu de la date à laquelle M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes, ce sont les anciennes dispositions du code de procédure civile, relatives à l’exécution provisoire, qui trouvent à s’appliquer. Les références textuelles sur lesquelles se fonde la société pour solliciter la suspension de l’exécution provisoire se trouvent ainsi erronées.
Aux termes de l’article 515 du code de procédure civile, dans sa version applicable aux faits de l’espèce :
Hors les cas où elle est de droit, l’exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d’office, chaque fois que le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, à condition qu’elle ne soit pas interdite par la loi.
Elle peu être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation.
L’article 524 de ce code dispose quant à lui, dans sa version applicable :
Lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président et dans les cas suivants :
1° Si elle est interdite par la loi ;
2° Si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.
Le même pouvoir appartient, en cas d’opposition, au juge qui a rendu la décision.
Lorsque l’exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l’article 521 et à l’article 522.
Le premier président peut arrêter l’exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l’article 12 et lorsque l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. (souligné par la cour)
En application de l’article R. 1454-28 du code du travail, les condamnations prononcées au titre des rémunérations et indemnités mentionnées aux articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du code du travail sont de plein droit exécutoires, par provision dans la limite maximum de neuf mois de salaire.
S’agissant de la consignation, elle est soumise, en application de l’article 521 du code de procédure civile, à la condition qu’il existe un motif sérieux de priver le créancier de la perception immédiate des sommes allouées en première instance. Cette condition est soumise à l’appréciation discrétionnaire de la juridiction.
En l’espèce, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la société JM Distribution, le premier juge a motivé sa décision d’ordonner l’exécution provisoire. Il importe peu, à cet égard, que cette motivation soit contestable, notamment en ce qu’il est fait référence à l’ancienneté du litige justifiée en particulier par l’impossibilité de tenir l’audience de départage dans le délai d’un mois, conformément à la loi, impossibilité qui ne saurait être imputée à l’employeur.
Mais la décision est motivée.
S’agissant de l’exécution provisoire de droit, la juridiction du premier président ne peut que constater que les conditions sont cumulatives et qu’il appartient à la société JM Distribution, en particulier, de démontrer qu’il y a eu violation manifeste du principe du contradictoire ou de l’article 12 du code de procédure civile.
Il résulte à l’évidence du jugement comme des conclusions développées par la société qu’aucune violation du contradictoire ne peut être alléguée.
La société ne démontre par ailleurs aucune violation de l’article 12 du code de procédure civile.
Outre qu’elle ne fait pas même mention de cette disposition, la société ne peut sérieusement soutenir que le premier juge n’a pas discuté l’origine des pièces produites par M. [S], alors que, d’une part, elle les produit en partie elle-même devant la cour, ce qui permet de démontrer leur pertinence pour ce qui est des besoins de la défense du salarié, s’agissant de multiples relevés détaillés d’une caisse déterminée, et que d’autre part et surtout, le juge a précisément discuté ce point pour conclure que ces pièces étaient recevables.
S’agissant de l’exécution provisoire ordonnée, elle n’est pas interdite en l’espèce et il appartient à la société de démontrer l’existence d’un risque de conséquences manifestement excessives pour elle.
A cet égard, c’est à tort que la société JM Distribution soutient que c’est au créancier de l’exécution provisoire de prouver l’absence de risque d’insolvabilité.
C’est au contraire à la société d’une part, de démontrer le risque en ce qui la concerne, au regard notamment de sa situation financière, et d’autre part, d’apporter les éléments de preuve de nature à établir que le créancier de l’exécution provisoire présente un risque d’insolvabilité.
Sur le premier point, la société démontre qu’elle a souscrit un prêt garanti par l’Etat et avance des dettes à hauteur de plus de 400 000 euros. Pour autant, le résultat net d’exploitation a évolué favorablement de mars 2021 à mars 2022 et la société ne produit aucun élément comptable plus récent.
Sur le second, s’il est constant que la rémunération de M. [S] est modeste, encore s’agit-il d’un emploi stable et il ne saurait lui être reproché que sa rémunération soit plus élevée certains mois pour cause de prime d’intéressement, celle-ci devant nécessairement être prise en compte, fût-ce à titre ponctuel le cas échéant, pour évaluer les ressources de ce salarié.
Par ailleurs, si les montants alloués par le juge, qui correspondent à des sommes ayant la nature de salaires, sont importants, c’est en raison de ce qu’il aurait été dû à M. [S] 87 jours de congés payés, en outre près de 2 000 heures supplémentaires, le repos compensatoire y afférent ainsi que le préavis, compte tenu du sens de la décision. Or, ces sommes relèvent de l’exécution provisoire de droit.
De l’ensemble de ce qui précède, il résulte qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la suspension de l’exécution provisoire, qu’elle soit de droit ou ordonnée.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société sera condamnée aux dépens de la présente procédure.
Elle sera condamné à payer à M. [S] la somme de 1 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande à cet égard.
:
Statuant publiquement par décision contradictoire,
Rejetons la demande de la société JM Distribution de suspension de l’exécution provisoire du jugement du conseil de prud’hommes de Bobigny en date du 15 avril 2022 ;
Condamnons la société JM Distribution aux dépens ;
Condamnons la société JM Distribution à payer à M. [E] [S] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la déboutons de sa demande à ce titre ;
Ordonnance rendue par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La greffière, Le président,