Accès aux images de vidéosurveillance par les salariés
Accès aux images de vidéosurveillance par les salariés
Ce point juridique est utile ?

Une preuve obtenue par un système de vidéosurveillance dont les salariés n’ont pas été prévenus de l’existence mais qui n’est pas utilisé pour contrôler les salariés dans l’exercice de leurs fonctions est opposable aux salariés.

Par ailleurs, si les dispositifs de vidéoprotection installés dans les lieux ouverts au public sont soumis à une autorisation du préfet, cette absence d’autorisation en l’espèce, ne privait pas l’employeur du droit d’exploiter les images. En effet, il n’a pas été porté atteinte au caractère équitable de la procédure.Contrairement à ce qu’affirme la salariée, son licenciement ne repose donc pas sur un mode de preuve illicite.

S’agissant des images issues de la vidéosurveillance exploitées par l’huissier de justice, ce mode de preuve n’a pas porté atteinte au caractère équitable de la procédure. Le droit au respect de la vie personnelle de la salariée n’empêchait pas l’employeur d’exploiter ces images, qui était un moyen pour lui de s’innocenter des accusations portées à son encontre par la salariée.

*      *      *

Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 30 mars 2023, 20/10930 COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 30 MARS 2023

N° 2023/

GM/PR

Rôle N° RG 20/10930 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGP5P

[V] [F]

C/

S.A.S. [4] [Localité 2], venant aux droits de la SARL L’EAU VIVE

Copie exécutoire délivrée

le : 30/03/23

à :

– M. [U] [W] (Défenseur syndical)

– Me Cécile SCHWAL de la SELARL SCHWAL & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 06 Octobre 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/90.

APPELANTE

Madame [V] [F], demeurant [Adresse 1]

représentée par M. [U] [W], défenseur syndical

INTIMEE

S.A.S. [4] [Localité 2], venant aux droits de la SARL L’EAU VIVE, demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Cécile SCHWAL de la SELARL SCHWAL & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substituée par Me Pascale FRAISIER de la SELARL SCHWAL & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE, Me Philippe BODIN, avocat au barreau de RENNES

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2023.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

La société L’Eau Vive est un établissement d’accueil pour personnes âgées dépendantes

situé à [Localité 2] (Alpes-Maritimes).

La société L’Eau Vive a fait l’objet d’une procédure de fusion absorption par la société [4] [Localité 2] de telle sorte que celle-ci, dans le cadre de la présente procédure vient aujourd’hui aux droits de la société L’Eau Vive.

Mme [V] [F] a été engagée initialement par la société Castelsellam en qualité d’auxiliaire de vie, en contrat à durée déterminée, du 21 novembre 2015 jusqu’au 21 mai 2016.

Mme [V] [F] exerçait initialement ses fonctions au sein de la résidence de retraite [5].

La société Castelsellam a mis en place une procédure de licenciement collectif pour motif économique. Dans ce cadre, des mesures de reclassement ont été mises en place au sein de la société L’Eau Vive, unique actionnaire. La salariée a été reclassée au sein de la société L’Eau Vive.

La relation contractuelle s’est poursuivie, à durée indéterminée, entre Mme [V] [F] et la société l’Eau Vive à compter du 22 mai 2016, postérieurement au terme du contrat à durée déterminée.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de l’hospitalisation privée commerciale, plus précisément, de la branche Synerpa relative aux

établissements médico sociaux d’accueil pour personnes âgées.

Des échanges ont eu lieu entre la salariée et l’employeur concernant la possibilité pour Mme [V] [F] de bénéficier rapidement d’un poste de gouvernante au sein de la Résidence [3]. La salariée estimait, pour sa part, qu’elle travaillait déjà sur un tel poste de travail.

Mme [V] [F] a commencé ses fonctions au sein de la résidence de retraite [3] à compter du 1er juillet 2016.

Mme [V] [F] a été placée en arrêt de travail d’origine non professionnelle. Reçue le 21 novembre 2016 par l’employeur dans le cadre de la reprise de son activité professionnelle, des échanges ont eu lieu sur la proposition de contrat de travail aux fonctions de gouvernante.

Le 22 novembre 2016, l’employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable.

La société L’Eau Vive a notifié à Mme [V] [F] son licenciement pour faute grave par lettre du 6 décembre 2016.

Par déclaration enregistrée au greffe le 30 janvier 2017, Mme [V] [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Nice pour contester la cause réelle et sérieuse de son licenciement et obtenir des sommes tant au titre de la rupture du contrat de travail que de l’exécution.

Par jugement du 6 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Nice a :

– débouté la salariée de toutes ses demandes,

– dit que le licenciement prononcé le 6 décembre 2016 est fondé sur une faute grave,

– dit que la demande de rappel de salaire de Mme [V] [F] n’est pas motivée en fait et en droit,

– reçu la demande reconventionnelle et condamné Mme [V] [F] à payer 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis les dépens à la charge de Mme [V] [F].

Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 10 novembre 2020, enregistrée au greffe de la cour le 12 novembre suivant, Mme [V] [F] a interjeté appel.

Elle indiquait qu’elle ‘forme son appel afin de voir l’intégralité des décisions infirmées’.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 19 janvier 2023.

Par courrier du 26 janvier 2023, le défenseur syndical a indiqué à la juridiction que la salariée n’avait pas réactualisé son mandat spécial qui lui permettait de la représenter devant la juridiction. Il ajoutait que, pour cette raison, il ne pouvait pas soutenir son appel et ne serait donc pas présent à l’audience du 31 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Par conclusions notifiées à la partie adverse le 3 février 2021 par lettre recommandée avec accusé de réception, Mme [V] [F] demande à la cour de :

– réformer l’intégralité du jugement,

statuant de nouveau,

– dire que le licenciement est nul et sans cause réelle et sérieuse,

– condamner l’employeur à lui payer :

– 19 361, 52 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3 818, 88 euros au titre de l’indemnité de préavis

– 381, 88 euros au titre des congés payés afférents

– 3100, 23 euros au titre du rappel de salaires de gouvernante sur 7 mois

– 310, 02 euros au titre des congés payés afférents,

– 954, 72 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement

– 19 361, 52 euros au titre du préjudice distinct

– 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner l’employeur aux intérêts de droit, aux entiers dépens et éventuels frais d’exécution,

– ordonner l’exécution provisoire,

– rappeler qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire doivent être supportées par la société défenderesse.

Sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, la salariée fait valoir que son employeur l’a licenciée verbalement lors d’un entretien préalable du 28 octobre 2016 pour une éventuelle rupture conventionnelle. Elle ajoute que la convocation est intervenue alors qu’elle était en accident du travail depuis le 16 octobre 2016. Le refus de prise en charge n’est intervenu que le 27 février 2017 et elle bénéficiait donc, lors de la procédure de licenciement, de la protection de l’accident du travail.

Sur sa demande de rappels de salaires, Mme [V] [F] fait valoir que l’employeur a signé unilatéralement le contrat de travail de gouvernante. L’augmentation de salaire prévue dans ce contrat de travail signé par l’employeur est opposable à ce dernier. Il doit lui régler le différentiel entre le salaire prévu dans le contrat de travail unilatéralement signé par lui (1904, 44 euros bruts pour 151 heures de travail) et celui mentionné sur les bulletins de salaires (1466, 65 euros bruts). Ce différentiel est dû sur une période de 7 mois, période pendant laquelle Mme [V] [F] a travaillé au sein de la société L’Eau Vive. Elle précise également que, dans les faits, durant ces 7 mois, elle avait un poste de travail de gouvernante.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 avril 2021, l’employeur demande à la cour de :

à titre liminaire, déclarer irrecevable l’appel inscrit par Mme [V] [F].

subsidiairement

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

plus subsidiairement

– dire que les faits reprochés à Madame [V] [F] sont constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement et la débouter de sa demande de dommages-intérêts

en toute hypothèse,

– rejeter et à tout le moins réduire le montant des demandes formulées,

à titre reconventionnel,

– condamner Mme [V] [F] à verser à la société [4] [Localité 2] venant aux droits de la société L’Eau Vive une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Sur l’irrecevabilité de l’appel de la salariée, l’employeur fait valoir que :

– il découle de l’article R.1453-1 du code du travail qu’en matière prud’homale, les parties ont la faculté de se faire assister ou représenter notamment par des défenseurs syndicaux,

– L’article R.1453-2 2° du code du travail ajoute que le représentant s’il n’est pas avocat, devra justifier d’un pouvoir spécial,

– en application de l’article 931 du code de procédure civile, le représentant doit, s’il n’est avocat, justifier d’un pouvoir spécial.

– en application de ces principes, la Cour de cassation considère qu’est irrecevable l’appel

formé par un représentant syndical qui ne justifie pas d’un pouvoir spécial préalable,

– de plus, ne sera pas considéré comme un pouvoir spécial, le pouvoir spécial antérieur au jugement entrepris.

Sur l’irrecevabilité de l’appel de la salariée, l’employeur soutient qu’en l’espèce, au nombre des pièces versées aux débats, la société [4] [Localité 2], a pris connaissance d’un mandat général de représentation permettant d’agir en justice, sans aucune précision, donné antérieurement au jugement de première instance. Aussi, en l’absence d’un mandat spécial, la déclaration d’appel effectué au nom de Madame [F] est irrecevable.

Au fond et sur le rejet de la demande de la salariée, l’employeur répond que Madame [V] [F] a été licenciée pour faute grave pour avoir porté, envers la personne de son employeur, des accusations qu’elle savait délibérément mensongères. A juste titre, les premiers juges ont considéré que les faits reprochés étaient d’une part constitués et d’autre part, constituaient une faute grave.

L’absence de déclaration CNIL du système de vidéosurveillance ne rend pas pour autant illicites les images issues du système de vidéoprotection. La déclaration en préfecture des systèmes de vidéoprotection ne fait pas partie des conditions définies par la jurisprudence afin de permettre la production en justice des images issues des systèmes de vidéosurveillance mis en place dans l’entreprise.

Pour rappel, les règles applicables en matière de vidéoprotection sont définies aux articles L. 251-1 et suivants du code de la sécurité intérieure. L’enregistrement de ces images prises sur la voie publique nécessite d’effectuer une déclaration auprès des services de la préfecture conformément aux dispositions de l’article L. 252-1 du code de la sécurité intérieure. Or, elle n’a pas effectué de déclaration auprès de la Préfecture et a donc été reconnue coupable de cette infraction.

En présence d’une régularisation intervenue postérieurement à l’engagement des poursuites, M. [D] a été dispensé de peine par le tribunal correctionnel de Nice. En tout état de cause, cette omission n’a pas vocation à remettre en cause la possibilité de la société L’Eau Vive de faire valablement état du constat de l’huissier devant votre cour. En effet, les faits sanctionnés par la juridiction répressive sont postérieurs à ceux soumis à votre cour et on ne saurait étendre l’autorité de la chose jugée à une période antérieure non couverte par la prévention.

D’autre part, le principe de déclaration administrative en matière de vidéoprotection est distinct du principe de licéité du système de vidéosurveillance en matière prud’homale.

Sur la demande de la salariée de rappels de salaires, l’employeur fait observer que Mme [V] [F] sollicite la somme de 3100,23 euros bruts à titre de rappel de salaire outre congés payés. Ce montant correspond à la différence de salaire, sur 7 mois, entre le salaire qu’elle percevait au sein de la société L’EauVive et le salaire qu’elle aurait perçu si elle avait accepté la proposition contractuelle du poste de gouvernante. Tout en ayant refusé l’avenant qui lui était soumis, Madame [F] n’hésite pas à en revendiquer le bénéfice pécuniaire. Par conséquent, la simple proposition d’augmentation par la société L’Eau Vive ne constitue pas une modification du contrat de travail en l’absence d’accord de Madame [V] [F].

MOTIFS

Sur la procédure

Sur la recevabilité de l’appel

L’article R1461-2 du code du travail dispose : L’appel est porté devant la chambre sociale de la cour d’appel. Il est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire.

L’article 931 du code de procédure civil dispose : Les parties se défendent elles-mêmes.

Elles ont la faculté de se faire assister ou représenter selon les règles applicables devant la juridiction dont émane le jugement. Le représentant doit, s’il n’est avocat, justifier d’un pouvoir spécial.

Selon ces textes, l’appel interjeté par le défenseur syndical n’est régulier que si ce dernier justifie d’un pouvoir spécial de représentation pour former un appel au nom du salarié.

Si le pouvoir spécial de représentation donné à un délégué syndical pour interjeter appel d’un jugement peut être produit jusqu’au moment où le juge statue, il doit néanmoins être donné par les salariés au délégué avant l’expiration du délai d’appel.

En l’espèce, l’employeur affirme que le défenseur syndical ne justifie pas d’un mandat de représentation donné par la salariée spécialement pour interjeter appel.

Cependant, la déclaration d’appel du 10 novembre 2020 de la salariée, faite pour son compte par le défendeur syndical, contient bien, en annexe, un mandat de représentation spécial de la salariée donnée à ce dernier.

En effet, cette annexe à la déclaration d’appel, signée de la salariée et datée du 10 novembre 2020, est ainsi rédigée : ‘demande pour représenter : M. [W]. Par la présente lettre demande de bien vouloir m’assister et de me représenter devant la cour d’appel dans la procédure contre mon employeur la SARL L’eau Vive de [Localité 2]. Cordialement, [V] [F]’.

Ainsi, au moment de la déclaration d’appel, le défenseur syndical était bien en possession d’un pouvoir spécial de représentation pour former un appel au nom du salarié.

La fin de non-recevoir soulevée en défense par l’employeur est rejetée. L’appel est recevable.

En conséquence de la recevabilité de l’arrêt et compte du caractère écrit de la procédure devant la cour d’appel, la partie appelante, qui a notifié des conclusions à l’intimée le 3 février 2021, reste comparante.

La cour doit examiner tant les conclusions de l’intimée que les demandes et moyens de l’appelante formulés dans ses dernières conclusions figurant au dossier de la procédure. En procédure écrite, il importe peu de savoir que le défenseur syndical n’a pas comparu à l’audience de plaidoirie.

Sur le fond

Sur les demandes liées à l’exécution du contrat de travail

1-Sur la demande de rappels de salaires

L’article 1103 du Code civil dispose que : Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

La rémunération du salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord

Le mode de rémunération contractuel d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que le nouveau mode soit plus avantageux

Mme [V] [F] sollicite la somme de 3100,23 euros bruts à titre de rappel de salaire outre la somme de 310, 02 euros au titre des congés payés. Ce montant correspond à la différence de salaire, sur 7 mois, entre le salaire qu’elle percevait au sein de la société L’Eau Vive en qualité d’auxiliaire de vie et le salaire plus élevé de gouvernante qu’elle aurait dû, selon elle, percevoir.

Mme [V] [F] invoque d’abord le fait que l’employeur lui a proposé une reclassification en tant que gouvernante, qu’il a élaboré un projet d’avenant en ce sens, lequel prévoyait une augmentation de rémunération. Elle ajoute que dès lors que l’employeur a unilatéralement signé le projet d’avenant, l’augmentation de la rémunération est opposable à ce dernier et acquise à la salariée.

L’employeur admet qu’il avait effectivement présenté un projet d’avenant à Mme [V] [F], projet proposant une modification du contrat de travail et prévoyant que la salariée occuperait les fonctions de gouvernante, avec une augmentation de sa rémunération.

Cependant, les deux parties indiquent également que la salariée n’a jamais signé ce projet d’avenant à son contrat de travail. En l’absence de conclusion d’un avenant au contrat de travail, les fonctions et la rémunération de la salariée, prévues dans le contrat de travail initial, n’ont pas pu évoluer. La salariée ne peut pas se prévaloir de l’augmentation de sa rémunération stipulée au sein de cet avenant qu’elle n’a pas signé.

Il importe peu de savoir que l’employeur aurait unilatéralement signé l’avenant, dès lors que la salariée ne démontre pas qu’elle aurait accepté les différentes modifications de son contrat de travail prévues par cet avenant (en termes de fonctions et de rémunération).

Par ailleurs, la salariée ne peut pas se prévaloir de la seule stipulation contractuelle de cet avenant prévoyant une augmentation de sa rémunération, alors même que cette stipulation est indissociable du reste de l’avenant qu’elle n’a pas accepté (en particulier la modification de son poste de travail et sa requalification en tant que gouvernante).

Mme [V] [F] ne démontre aucunement qu’elle avait accepté les modifications du contrat de travail proposées par l’employeur comprenant une augmentation de sa rémunération.

La salariée est donc infondée à invoquer le fait que l’employeur a unilatéralement signé une proposition d’avenant comprenant une augmentation de sa rémunération.

Au soutien de sa demande de rappels de salaires, la salariée invoque également le moyen tiré du fait qu’en réalité, elle exerçait bien le métier de gouvernante au lieu de celui d’auxiliaire de vie prévu à son contrat de travail. Elle estime avoir droit à un rappel de salaires basé sur la rémunération supérieure prévue les fonctions de gouvernante.

Cependant, elle ne verse aucune pièces aux débats pour démontrer qu’en réalité, elle exerçait le métier de gouvernante au lieu de celui d’agent de service hospitalier.

Le jugement est confirmé en ce qu’il rejette les demandes de rappels de salaires et de congés payés afférents.

Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail

1-Sur la demande d’annulation du licenciement prétendument intervenu durant la période de suspension du contrat de travail

L’article L1226-7 du code du travail énonce : Le contrat de travail du salarié victime d’un accident du travail, autre qu’un accident de trajet, ou d’une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l’arrêt de travail provoqué par l’accident ou la maladie.

Le contrat de travail est également suspendu pendant le délai d’attente et la durée du stage de réadaptation, de rééducation ou de formation professionnelle que doit suivre l’intéressé, conformément à l’avis de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles. Le salarié bénéficie d’une priorité en matière d’accès aux actions de formation professionnelle.

Le contrat de travail est également suspendu pendant les périodes au cours desquelles le salarié suit les actions mentionnées à l’article L. 323-3-1 du code de la sécurité sociale dans les conditions prévues à ce même article, en application du quatrième alinéa de l’article L. 433-1 du même code.

La durée des périodes de suspension est prise en compte pour la détermination de tous les avantages légaux ou conventionnels liés à l’ancienneté dans l’entreprise.

Selon l’article L1226-9 du code du travail : Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.

L’article L1226-13 du code du travail ajoute : toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-18 est nulle.

La salariée soutient qu’elle aurait été agressée physiquement par son employeur le 21 novembre 2016, qu’elle était en accident du travail déclaré lorsque l’employeur lui notifie le 6 décembre 2016 le licenciement, que le refus de prise en charge de l’accident du travail par la CPAM n’interviendra que le 27 février 2017.

Cependant, en l’espèce, l’employeur justifie de l’existence d’une faute grave qui l’autorisait à licencier la salariée durant la période de suspension de son contrat de travail.

La demande de la salariée d’annulation de son licenciement intervenu pendant la période de protection est rejetée.

2-Sur la demande tendant à voir dire que le licenciement est nul ainsi que sans cause réelle et sérieuse en raison de la dénonciation d’un harcèlement moral

L’article L1152-2 du code du travail, dans sa version du 8 août 2012 au 1 er septembre 2022, dispose : Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L1152-3 du même code ajoute : Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

La salariée invoque le fait qu’elle ne pouvait pas être licenciée pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, quand bien même ces faits ne sont pas établis.

Cependant, la salariée ne démontre pas suffisamment avoir dénoncé des faits de harcèlement moral auprès de son employeur, ni même avoir été licenciée pour cette raison précise.

La cour, confirmant le jugement, rejette les demandes de la salariée d’annulation de son licenciement ainsi que sa demande tendant à dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour avoir prétendûment dénoncé des faits de harcèlement moral.

3-Sur la demande tendant à dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement

-Sur le licenciement verbal

Il incombe au salarié qui se prévaut d’un licenciement verbal d’en rapporter la preuve. En l’espèce, la salariée, qui ne verse aucune pièce aux débats, est défaillante dans l’administration de la preuve.

La salariée allégue encore qu’elle a été reconduite à la porte par l’employeur, mais ce seul fait, non étayé par des pièces pertinentes, ne permet pas de caractériser le licenciement verbal invoqué.

La salariée ne saurait se prévaloir de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, en raison d’un licenciement verbal prétendûment intervenu.

La cour, confirmant le jugement, rejette la demande de la salariée de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif qu’il s’agit d’un licenciement verbal.

-Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement et sur la faute grave

L’article L1232-1 du code du travail dispose : Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

La gravité de la faute s’apprécie en tenant compte :

– du contexte des faits

– de l’ancienneté du salarié

– des conséquences que peuvent avoir les agissements du salarié

– de l’existence ou de l’absence de précédents disciplinaires.

La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur.

L’employeur indique qu’il a licencié la salariée pour faute grave, en raison des accusations et propos diffamatoires tenus par cette dernière. Celle-ci aurait en effet mensongèrement dénoncé un accident du travail qui se serait déroulé le 15 novembre 2016 dans le bureau de la secrétaire de l’employeur. Elle aurait mensongèrement affirmé que son employeur serait passé à la menace contre elle, l’aurait jetée dehors de l’établissement, en la prenant par son épaule accidentée toujours en soin. Elle aurait tenu ces propos non seulement dans un courrier envoyé à son employeur avec son nouvel arrêt de travail, ainsi que lors de son dépôt de plainte du 21 novembre 2016 devant les gendarmes.

Pour étayer la réalité du grief consistant en des accusations et propos diffamatoires tenus par Mme [V] [F], l’employeur produit aux débats :

– un courriel du 22 novembre 2016 adressé par la salariée à l’employeur : « Je me permets de vous faire part de l’accident, que vous avez provoqué, survenu sur mon lieu de travail, dans mes fonctions, dans le bureau de votre secrétaire (celle-ci était présente).

A 9 heures 15 lundi 21 novembre 2016

Suite à votre convocation verbale, de mon retour, après 1 mois d’arrêt (à la suite un accident

du travail survenu lui le 16,10,2016) Pour m’obliger à signer mon contrat de travail : que vous aviez antidaté du 22 mai 2016. Vous aviez la ferme intention de régulariser votre erreur.

Je vous ai refusée soudainement, par colère, vous n’avez pas peu garder votre calme, vous maitrisez vous êtes passé à la menace. Vous m’avez agressé verbalement, jusqu’à des brimâdes insupportables, et injurieuses.

Vous n’avez pas pu vous empêcher de me jeter dehors de l’établissement EHPAD [3]

[Adresse 6] en me prenant par mon épaule accidentée toujours en soins’ »

– L’attestation de Madame [E] du 5 décembre 2016, secrétaire : ‘j’étais présente le 21 novembre 2016 lorsque M. [D] a convoqué Mme [F] au secrétariat pour lui remettre son contrat de travail. Mme [F] (…) A quitté le bureau subitement.Je n’ai pas vu Mr [D] être violent à son égard, ni la toucher’,

– La notification du 27 février 2017 de la décision de la CPAM de refus de refus de prise en charge de l’accident déclaré le 21 novembre 2016 au motif que la matérialité de l’accident déclaré par cette dernière n’était pas établie. La CPAM précise : ‘le visionnage des caméras de vidéosurveillance a révélé une absence d’agression de l’employeur contrairement à ce qui a été décrit par l’assurée’,

L’employeur invoque encore le jugement du tribunal correctionnel de Nice du 5 novembre 2019 relaxant M. [D] des faits qui lui étaient reprochés le 21 novembre 2016 à savoir le fait d’avoir volontairement exercé des violences n’ayant entraîné aucune incapacité totale de travail, sur Mme [F] [V], professionnel de santé (en l’espèce : la molester violemment en l’expulsant de son établissement).

S’agissant de ce jugement, cette décision a autorité de chose jugée, en ce qu’il relaxe M. [D] des faits de violences contre la salariée. Ainsi, en application de ce jugement de relaxe, il ne saurait être considéré que l’employeur a exercé des violences contre la salariée le 21 novembre 2016.

S’agissant des images issues de la vidéosurveillance exploitées par l’huissier de justice, ce mode de preuve n’a pas porté atteinte au caractère équitable de la procédure. Le droit au respect de la vie personnelle de la salariée n’empêchait pas l’employeur d’exploiter ces images, qui était un moyen pour lui de s’innocenter des accusations portées à son encontre par la salariée.

Une preuve obtenue par un système de vidéosurveillance dont les salariés n’ont pas été prévenus de l’existence mais qui n’est pas utilisé pour contrôler les salariés dans l’exercice de leurs fonctions est opposable aux salariés.

Or, l’employeur indique que ce système n’était pas utilisé pour contrôler les salariés dans l’exercice de leurs fonctions. Il était positionné sur les espaces de travail des résidents mais sur les lieux de passages les plus fréquents pour s’assurer de la sécurité du site.

Si les dispositifs de vidéoprotection installés dans les lieux ouverts au public sont soumis à une autorisation du préfet, cette absence d’autorisation en l’espèce, ne privait pas l’employeur du droit d’exploiter les images. En effet, il n’a pas été porté atteinte au caractère équitable de la procédure.Contrairement à ce qu’affirme la salariée, son licenciement ne repose donc pas sur un mode de preuve illicite.

Le constat d’huissier de justice du 16 novembre 2017 relate le visionnage des images du 21 novembre 2016, par la professionnelle, du système de vidéosurveillance de l’EHPAD. Or l’huissier de justice précise qu’elle n’a pas vu M. [D] toucher physiquement la salariée et ce en ces termes : ‘J’ai constaté qu’aux vues des différents enregistrements qu’à aucun moment de 9:23 à 9:28 M. [D] a été en contact physique avec Mme [V] [F]’.

Ainsi, l’employeur rapporte la preuve du caractère diffamatoire et mensonger des accusations et propos tenus par Mme [V] [F] est rapportée par l’employeur.

Ces faits empêchaient la poursuite du contrat de travail et sont graves. Ils sont constitutifs de la faute grave dénoncée par l’employeur dans sa lettre de licenciement.

La cour, confirmant le jugement, rejette la demande de la salariée tendant à dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et dit que le licenciement est fondé sur une faute grave.

5-Sur les demandes financières accessoires au licenciement dépourvu de faute grave

Le licenciement étant fondé sur une faute grave, la salariée doit être déboutée de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d’indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est confirmé.

6-Sur la demande de dommages intérêts pour préjudice distinct et licenciement vexatoire

Le salarié licencié peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et cumuler une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire, à la condition de justifier d’une faute de l’employeur dans les circonstances entourant le licenciement de nature brutale ou vexatoire.

Faute pour la salariée de rapporter suffisamment la preuve du caractère vexatoire du licenciement, la cour confirme le jugement qui rejette la demande de dommages-intérêts de la salariée pour licenciement vexatoire.

Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, Mme [V] [F] est condamnée aux dépens et à payer une somme de 500 euros à la société [4] [Localité 2] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La salariée est déboutée de sa demande d’indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

:

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale :

– rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société [4] [Localité 2] et déclare recevable l’appel de Mme [V] [F],

– confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour,

y ajoutant,

– condamne Mme [V] [F] à payer à la société L’Eau Vive une indemnité de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamne Mme [V] [F] aux entiers dépens,

-rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT  


Chat Icon