Cour administrative d’appel de Paris, 3 avril 2023, 22PA01905
Cour administrative d’appel de Paris, 3 avril 2023, 22PA01905

Extraits : u présent règlement ; / f) de l’existence du droit d’accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l’objet d’un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l’article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c’e *      *      * Cour administrative d’appel de Paris, 3 avril 2023, 22PA01905 Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B A a demandé au tribunal administratif de Melun d’annuler l’arrêté du 1er février 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a décidé son transfert aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 2202053 du 1er avril 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 avril et le 10 août 2022, Mme A, représentée par Me Anglade, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du 1er avril 2022 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d’annuler l’arrêté du 1er février 2022 du préfet de Seine-et-Marne ;

3°) d’enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un dossier de demande d’asile en procédure normale ainsi qu’une attestation de demande d’asile dans le délai de 24 heures à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

Par une décision du bureau d’aide juridictionnelle en date du 13 juin 2022, Mme A a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale.

Les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d’office le moyen tiré de l’existence d’un non-lieu à statuer sur le recours de Mme A.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2022, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

– la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

– le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

– le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

– la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

– le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit

:

1. Le dernier alinéa de l’article R. 222-1 du code de justice administrative dispose que :  » Les présidents des cours administratives d’appel () peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter () après l’expiration du délai de recours () les requêtes d’appel manifestement dépourvues de fondement () « .

2. Mme B A, ressortissante moldave née le 2 avril 1982, a sollicité son admission au séjour en France au titre de l’asile. L’examen de ses empreintes digitales ayant révélé qu’elle avait précédemment demandé l’asile en Allemagne, le préfet de Seine-et-Marne a saisi les autorités allemandes d’une demande de reprise en charge, qu’elles ont acceptée le 18 janvier 2022. Par un arrêté du 1er février 2022, le préfet de Seine-et-Marne a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l’examen de sa demande d’asile. Mme A fait appel du jugement du 1er avril 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté.

Sur la légalité externe de l’arrêté critiqué :

3. En premier lieu, en application de l’article L. 572-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la décision de transfert dont fait l’objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d’asile dont l’examen relève d’un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c’est-à-dire qu’elle doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l’application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l’indication des éléments de fait sur lesquels l’autorité administrative se fonde pour estimer que l’examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d’un autre Etat membre, une telle motivation permettant d’identifier le critère du règlement dont il est fait application.

4. L’arrêté du 1er février 2022 portant transfert de Mme A, ressortissante moldave, aux autorités allemandes vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 et le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il mentionne que Mme A est entrée irrégulièrement sur le territoire français et s’y est maintenue sans être munie des documents et visas exigés par les textes en vigueur et que la consultation du fichier  » Eurodac  » a fait apparaître qu’elle avait précédemment sollicité l’asile auprès des autorités allemandes. Il précise que les autorités allemandes ont été saisies le 14 janvier 2022 d’une demande de reprise en charge sur le fondement du règlement (UE) n° 604/2013, à laquelle elles ont donné leur accord le 18 janvier 2022, et qu’au regard des éléments de fait et de droit caractérisant sa situation, l’intéressée ne relève pas des dérogations prévues au 2 de l’article 3 ou à l’article 17 du règlement. Une telle motivation fait apparaître que le préfet a fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l’article 18 ou du paragraphe 5 de l’article 20 du règlement. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisante motivation de l’arrêté contesté doit être écarté.

5. En deuxième lieu, l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dispose que :  » 1. Dès qu’une demande de protection internationale est introduite au sens de l’article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l’application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d’une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d’un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l’État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l’État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu’une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n’est pas fondée sur ces critères ; / c) de l’entretien individuel en vertu de l’article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d’exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l’existence du droit d’accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l’objet d’un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l’article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c’est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l’entretien individuel visé à l’article 5. () « .

6. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d’asile auquel l’administration entend faire application du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c’est-à-dire au plus tard lors de l’entretien prévu par les dispositions de l’article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s’assurer qu’il a compris correctement ces informations, l’ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l’article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l’autorité administrative de la brochure prévue par le paragraphe 2 de l’article 4 du règlement constitue pour le demandeur d’asile une garantie.

7. Il ressort des pièces du dossier que la requérante s’est vu remettre contre signature le 10 décembre 2021 les brochures d’information  » J’ai demandé l’asile dans l’Union européenne – quel pays sera responsable de l’analyse de ma demande ‘ « , dite  » brochure A « , et  » Je suis sous procédure Dublin – qu’est-ce que cela signifie ‘ « , dite  » brochure B « , en langue russe, langue dont il pouvait être raisonnablement pensé qu’elle la comprenait. Si Mme A soutient que la notice relative au choix de la langue dans laquelle le demandeur souhaite être entendu ne lui a pas été remise, il ressort des pièces du dossier, en tout état de cause, qu’elle a apposé sans réserve sa signature sur l’attestation de remise des brochures et a déclaré lors de l’entretien individuel, qui s’est déroulé le même jour en russe avec l’assistance d’un interprète, avoir compris le contenu des brochures, sans émettre de réserve ni d’observation quant au choix de la langue. Lors de cet entretien, elle a également reconnu que les deux brochures lui avaient été remises dans leur intégralité, conformément d’ailleurs à la mention de leur notification, assortie du nombre de leurs pages, apposée sur la couverture de chacune, qu’elle a également signée. Enfin, le guide du demandeur d’asile en France doit être remis, en vertu de l’article R. 521-16 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, au demandeur d’asile dont l’examen de la demande relève de la compétence de la France, et la remise de la brochure  » Les empreintes digitales et Eurodac « , en application de l’article 29, paragraphe 3, du règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d’assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d’asile concernés, laquelle est garantie par l’ensemble des Etats membres relevant du régime européen d’asile commun. Mme A ne peut dès lors, en tout état de cause, utilement se prévaloir, à l’appui de ses conclusions dirigées contre l’arrêté décidant son transfert aux autorités allemandes, de ce que ces documents ne lui auraient pas été remis. Il suit de là que Mme A n’est pas fondée à soutenir qu’elle aurait été privée de la garantie tenant au droit à l’information résultant de l’article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

8. En troisième lieu, aux termes de l’article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 :  » 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l’État membre responsable, l’État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l’article 4. (). / 4. L’entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d’assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l’entretien individuel. / 5. L’entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L’État membre qui mène l’entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l’entretien. Ce résumé peut prendre la forme d’un rapport ou d’un formulaire type. L’État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé « .

9. Il résulte de ces dispositions que les autorités de l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat membre responsable doivent, afin d’en faciliter la détermination et de vérifier que le demandeur d’asile a bien reçu et compris les informations prévues par l’article 4 du même règlement, mener un entretien individuel avec le demandeur. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme A a bénéficié d’un tel entretien le 10 décembre 2021, lequel a fait l’objet d’un résumé. Tout d’abord, cet entretien a été mené par le chef du bureau de l’asile et de l’intégration de la direction de l’immigration et de l’intégration de la préfecture de Seine-et-Marne, qui est une personne qualifiée au sens de l’article 5 du règlement (UE) n° 604/2013. Contrairement à ce que la requérante soutient, l’arrêté critiqué mentionne le nom et les fonctions de cet agent, lequel avait qualité pour mener l’entretien individuel, sans qu’il soit besoin qu’il bénéficie d’une délégation de signature du préfet de Seine-et-Marne à cet effet. Ensuite, Mme A a bénéficié lors de son entretien individuel, conformément aux dispositions de l’article 5 du règlement (UE) n° 604/2013, d’un interprète en langue russe de l’organisme d’interprétariat ISM, agréé par l’administration, langue dont il pouvait être raisonnablement pensé que l’intéressée la comprenait, ainsi qu’elle l’a confirmé en signant le résumé de l’entretien individuel sans réserve ni observation. Par ailleurs, ni les dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 ni celles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ni aucun principe n’imposent que figure sur le compte rendu de l’entretien individuel la mention de la durée de cet entretien ni celle de la possibilité de le relire avant signature. Enfin, contrairement à ce que soutient Mme A, les dispositions de l’article 5 n’imposent pas davantage qu’une copie du résumé de l’entretien individuel soit remis d’office à l’intéressé ou que le résumé mentionne la possibilité pour son conseil d’en solliciter la communication. Par suite, Mme A n’est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance de l’article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

10. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A a eu la possibilité de faire valoir utilement les éléments pertinents susceptibles d’avoir une incidence sur la décision du préfet de Seine-et-Marne lors de l’entretien individuel du 10 décembre 2021. Par suite, la requérante, qui ne peut utilement invoquer les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration, n’est pas fondée à soutenir qu’elle n’a pas été en mesure de faire valoir ses observations avant l’édiction de l’arrêté décidant son transfert.

11. En dernier lieu, le 2 de l’article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 prévoit que la décision de transfert :  » () contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l’exercice de ces voies de recours et à la mise œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l’État membre responsable « .

12. Il ressort des pièces du dossier que l’arrêté attaqué, qui a été notifié à Mme A avec la présence d’un interprète en langue russe, comporte les informations utiles quant aux voies et délais de recours. Si Mme A soutient qu’elle n’a pas été informée des modalités permettant l’exécution spontanée de la mesure de transfert, notamment du lieu et de la date auxquels elle devrait se présenter aux autorités allemandes, il ne ressort pas des pièces du dossier, et elle n’allègue d’ailleurs pas, qu’elle aurait avisé les autorités françaises de son intention de se rendre, par ses propres moyens, dans l’Etat responsable du traitement de sa demande d’asile. Par suite, alors que les dispositions citées au point précédent n’imposent pas la mention systématique de ces informations mais précisent qu’elles sont indiquées  » si nécessaire « , le moyen tiré de ce que le préfet de Seine-et-Marne aurait méconnu l’article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 doit, en tout état de cause, être écarté comme manquant en fait.

Sur la légalité interne de l’arrêté critiqué :

13. En premier lieu, aux termes de l’article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :  » 1. Lorsqu’un Etat membre auprès duquel une personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu’un autre Etat membre est responsable conformément à l’article 20, paragraphe 5, et à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre Etat membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ( » hit « ), en vertu de l’article 9 paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013 « . Aux termes du 1 de l’article 25 du même règlement (UE) n° 604/2013 :  » L’État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n’excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines « .

14. Il ressort des pièces du dossier que les autorités françaises ont saisi les autorités allemandes d’une demande de reprise en charge de Mme A qui leur a été notifiée le 14 janvier 2022, soit moins de deux mois après la consultation du système  » Eurodac  » le 10 décembre 2021. Les autorités allemandes ont, conformément aux dispositions du 1 de l’article 25 du règlement (UE) n° 604/2013, accepté de la reprendre en charge le 18 janvier 2022, dans le délai de deux semaines. Par suite, la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’arrêté contesté reposerait sur des faits matériellement inexacts, faute de saisine des autorités allemandes dans les délais et d’accord de ces autorités. Si elle soutient, en outre, que la procédure de détermination de l’Etat responsable n’aurait pas été fondée sur des éléments de preuve ou, à défaut, sur des indices  » cohérents, vérifiables et suffisamment détaillés « , ainsi que l’exige l’article 22 du règlement (UE) n° 604/2013, elle ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des dispositions de cet article, relatives à une réponse à une requête aux fins de prise en charge, alors qu’elle a saisi les autorités allemandes d’une demande de protection internationale et que ces autorités se sont reconnues responsables de son examen.

15. En second lieu, aux termes de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, comme de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne :  » Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants « . Aux termes de l’article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 :  » 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l’un quelconque d’entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2 () Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu’il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable devient l’État membre responsable. () « . Par ailleurs, le paragraphe 1 de l’article 17 du même règlement prévoit que :  » Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L’État membre qui décide d’examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l’État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. () « .

16. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l’Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l’absence de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraîneraient un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l’intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu’à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l’intéressé serait susceptible de faire l’objet d’une mesure d’éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

17. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il y aurait des raisons sérieuses de croire à l’existence de défaillances systémiques en Allemagne dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs et Mme A n’apporte aucun élément de nature à établir la réalité des craintes dont elle fait état quant au défaut de protection dans ce pays. Elle n’est, dès lors, pas fondée à soutenir que l’arrêté attaqué méconnaîtrait le paragraphe 2 de l’article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ni que le préfet de Seine-et-Marne aurait commis une erreur manifeste dans l’appréciation de sa situation au regard de l’article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la requête d’appel de Mme A est manifestement dépourvue de fondement. Il y a lieu de la rejeter en application des dispositions du dernier alinéa de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, y compris les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte ainsi que celles tendant à ce que l’Etat, qui n’est pas partie perdante, verse une somme à son conseil sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er

: La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Fait à Paris, le 3 avril 2023,

La conseillère d’Etat,

Présidente de la Cour administrative d’appel de Paris,

P. FOMBEUR

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.  


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