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30 août 2023
Cour d’appel de Reims
RG n°
22/01067
Arrêt n°
du 30/08/2023
N° RG 22/01067
MLB/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 30 août 2023
APPELANT :
d’un jugement rendu le 2 mai 2022 par le Conseil de Prud’hommes de REIMS, section Activités Diverses (n° F 21/00030)
Monsieur [C] [H]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par la SELAS AGN AVOCATS REIMS CHALONS, avocats au barreau de REIMS
INTIMÉE :
SARL SECURITAS FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par la SELARL 25RUEGOUNOD, avocats au barreau de LILLE
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 mai 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 30 août 2023.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président
Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Monsieur [C] [H] est salarié de la SARL Securitas France depuis le 22 décembre 2010 et occupe le poste d’agent de sécurité qualifié.
Il travaille sur le site de la société OI Manufacturing.
Il est délégué du personnel depuis 2014 et membre élu du comité social et économique depuis le 11 juillet 2019.
Le 6 juillet 2020, la SARL Securitas France lui notifiait une mise à pied disciplinaire d’une journée (le 17 juillet 2020) pour non-respect des règles sanitaires liées au Covid.
Le 31 juillet 2020, Monsieur [C] [H] adressait une plainte à la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (ci-après la CNIL) concernant la vidéosurveillance et le traitement de données personnelles irrégulier par son employeur.
Soutenant que la sanction disciplinaire était injustifiée, discriminatoire et disproportionnée, Monsieur [C] [H] saisissait le conseil de prud’hommes de Reims le 21 janvier 2021 sollicitant l’annulation de celle-ci, le paiement de sommes à caractère indemnitaire et salarial et la remise de données personnelles détenues par la SARL Securitas France. La SARL Securitas France formait une demande reconventionnelle.
A une interrogation de la responsable des ressources humaines en date du 4 février 2021, le conseil de Monsieur [C] [H] répondait que son client n’était pas opposé à la recherche d’une solution amiable. Il n’était pas donné de suite à la proposition de l’employeur d’une solution amiable à hauteur de 8000 euros bruts afin de résoudre le litige, sans reconnaître toutefois l’intégralité des griefs.
Le 16 février 2022, la présidente de la CNIL rappelait la SARL Securitas France à ses obligations légales, conformément aux dispositions de l’article 58.2.b du règlement général sur la protection des données.
Par jugement du 2 mai 2022, le conseil de prud’hommes a :
– dit et jugé que la mise à pied disciplinaire doit être annulée ;
– ordonné le règlement contractualisé du salaire de la journée de mise à pied du 17 juillet 2020 à Monsieur [C] [H] à compter du jugement ;
– dit qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner la capitalisation des sommes (indemnités contractuelles) à compter de la saisine du conseil de prud’hommes ;
– dit et jugé conformes les dispositions prévues par le règlement de protection des données personnelles de la SARL Securitas France ;
– débouté Monsieur [C] [H] de sa demande d’astreinte de 200 euros par jour de retard pour la remise des données personnelles ;
– débouté Monsieur [C] [H] de ses demandes en paiement des sommes de 5000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des faits de discrimination subie, 5000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des faits de harcèlement subi, 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour atteinte à l’intimité de sa vie privée et préjudice moral ; 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour refus de remise de son dossier personnel ;
– rejeté la demande de Monsieur [C] [H] de cesser toute utilisation des caméras de vidéosurveillance sur son lieu de travail ;
– débouté Monsieur [C] [H] de sa demande d’exécution provisoire ;
– débouté Monsieur [C] [H] de sa demande d’audition de témoin ;
– condamné la SARL Securitas France à verser à Monsieur [C] [H] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la SARL Securitas France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties de toutes autres et plus amples demandes ;
– condamné chaque partie à ses propres dépens.
Le 19 mai 2022, Monsieur [C] [H] a formé une déclaration d’appel du jugement sauf en ce qu’il a dit et jugé que la mise à pied disciplinaire doit être annulée, ordonné le règlement contractualisé du salaire de la journée de mise à pied du 17 juillet 2020 et sauf en ce qu’il a débouté la SARL Securitas France de sa demande d’indemnité de procédure.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 décembre 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, l’appelant demande à la cour :
– d’infirmer le jugement sauf des chefs d’annulation de la mise à pied disciplinaire, du rappel de salaire subséquent et du rejet de la demande d’indemnité de procédure de la SARL Securitas France et :
– de condamner la SARL Securitas France à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement ;
– d’ordonner à la SARL Securitas France de cesser toute utilisation des caméras de vidéosurveillance sur le lieu de travail ;
– de condamner la SARL Securitas France à lui payer les sommes de :
. 5000 euros à titre de dommages- intérêts pour atteinte à l’intimité de sa vie privée et préjudice moral ;
. 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour refus de remise de son dossier personnel ;
– d’ordonner la capitalisation des sommes (indemnités et contractuelles) à compter de la saisine du conseil de prud’hommes ;
– d’ordonner, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à la SARL Securitas France de lui remettre ses données personnelles qu’elle a détenues, collectées et traitées et afférentes à :
son recrutement,
son historique de carrière,
l’évaluation de ses compétences professionnelles (entretiens annuels d’évaluation, notation),
ses éventuelles demandes de formation et les évaluations de celles-ci,
son dossier disciplinaire,
l’utilisation de son badge de contrôle d’accès aux locaux (le cas échéant),
ses données issues d’un dispositif de géolocalisation (le cas échéant),
tout élément ayant servi à prendre une décision à son égard et en particulier les images extraites de la vidéosurveillance de la société OI Manufacturing et du dossier « Archive [H] » tenu par Monsieur [X] [Y],
– de condamner la SARL Securitas France à lui payer la somme de 2000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et celle de 3600 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;
– de condamner la SARL Securitas France aux dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 août 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, l’intimée demande à la cour :
– d’infirmer le jugement en ce qu’il :
a annulé la mise à pied disciplinaire ;
a ordonné le rappel de salaire de la journée de mise à pied du 17 juillet 2020 ;
l’a condamnée à verser à Monsieur [C] [H] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
l’a déboutée de sa demande d’article 700 du code de procédure civile ;
– de le confirmer pour le surplus ;
statuant à nouveau ;
– de débouter Monsieur [C] [H] de l’ensemble de ses demandes ;
– de le condamner au paiement de la somme de 4000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Motifs :
Monsieur [C] [H] a notamment formé appel du jugement en ce qu’il :
– a dit et jugé conformes les dispositions prévues par le règlement de protection des données personnelles de la SARL Securitas France ;
– l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts en réparation de faits de discrimination ;
– l’a débouté de sa demande d’audition de témoin ;
et demande à la cour d’infirmer ces dispositions. Toutefois, aux termes du dispositif de ses écritures, il n’a saisi la cour d’aucune demande à ces titres, de sorte que le jugement doit être confirmé de ces chefs.
– Sur l’annulation de la sanction disciplinaire :
Les premiers juges ont annulé la sanction disciplinaire dont Monsieur [C] [H] a fait l’objet aux motifs qu’une partie des faits reprochés n’était pas établie et qu’une autre partie des faits ne l’était pas davantage, dès lors que le moyen de preuve invoqué à son soutien était illicite.
La SARL Securitas France demande à la cour d’infirmer une telle disposition dès lors que Monsieur [C] [H] n’a pas respecté les consignes sanitaires obligatoires et applicables durant la période de pandémie, que l’utilisation de la vidéosurveillance comme mode de preuve est licite dès lors qu’elle était destinée à assurer la sécurité des locaux, portée en toute hypothèse à la connaissance des salariés, que le comité économique et social n’avait donc pas à être consulté ni informé d’un tel système et que dans ces conditions la sanction est légitime, proportionnée et justifiée.
Monsieur [C] [H] conclut à la confirmation du jugement du chef de l’annulation de la sanction, faisant valoir que la consigne en cause ne pouvait fonder une sanction, que de surcroît la seule pièce produite par la SARL Securitas France au soutien de la sanction ne permet pas d’établir la réalité de certains faits et repose sur un mode de preuve illicite pour l’autre partie des faits, et qu’en toute hypothèse, la sanction est disproportionnée.
Aux termes de l’article L.1333-1 du code du travail, ‘L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction (…)’.
La SARL Securitas France assure une prestation de surveillance et de sûreté au sein de la société OI Manufacturing.
Le 6 juillet 2020, la SARL Securitas France a notifié à Monsieur [C] [H] une mise à pied disciplinaire d’un jour pour ne pas avoir, dans le cadre de sa vacation du 24 avril 2020 au sein de la société OI Manufacturing, respecté les procédures définies dans la consigne AC 06-Gestion de l’accueil durant la Covid-19 en sa version du 15 avril 2020.
Or, même à supposer que la consigne soit applicable et que son non-respect puisse être sanctionné disciplinairement, en toute hypothèse aucun des faits reprochés à Monsieur [C] [H] n’est établi.
En effet, au soutien du non-respect de la consigne imputé à Monsieur [C] [H], la SARL Securitas France produit une demande de procédure disciplinaire rédigée par son supérieur hiérarchique, Monsieur [X] [Y] le 5 juin 2020, non signée au demeurant, ce qui n’est toutefois pas discuté par Monsieur [C] [H].
De cette demande, il ressort que Monsieur [X] [Y] n’a constaté personnellement aucune défaillance de Monsieur [C] [H] dans la mise en oeuvre des consignes de sécurité auprès des chauffeurs puisqu’il indique : ‘ce sont des chauffeurs travaillant quotidiennement qui m’ont informé des pratiques de [C] [H]’.
Concernant le grief relatif à l’absence de changement de gants entre la mission de Monsieur [C] [H], sa pause cigarette et la reprise de sa mission, celui-ci n’est pas davantage établi en ce que le moyen de preuve sur lequel il repose doit être écarté en ce qu’il est illicite.
En effet, Monsieur [X] [Y] écrit avoir constaté les faits susvisés par le biais de la vidéosurveillance.
Or, Monsieur [C] [H] soutient à raison qu’un tel moyen de preuve n’est pas licite en ce que la SARL Securitas France n’a pas respecté les dispositions des articles L.1222-4 et L.2312-38 du code du travail.
La SARL Securitas France ne l’a pas informé préalablement de l’utilisation de la vidéosurveillance à des fins de contrôle de l’activité du salarié, -ce que ne constitue pas l’affichage dans les locaux de la consigne INT 05 définissant le mode d’emploi du système de détection intrusion intégré à la vidéosurveillance- et elle n’a pas préalablement ni informé ni consulté le comité social et économique.
La SARL Securitas France lui oppose vainement que de tels articles ne seraient pas applicables en ce que le système de vidéosurveillance installé par la société OI Manufacturing qui était mis à sa disposition dans le cadre de sa prestation de surveillance et de sûreté, n’avait pour seul objet que d’assurer la sécurité des locaux de sa cliente.
En effet, il ressort tant du courrier de la CNIL en date du 16 février 2022 adressé à la SARL Securitas France que des pièces produites par le salarié, que la SARL Securitas France utilisait le système de vidéosurveillance à des fins de contrôle de l’activité de ses salariés.
Il ressort de ce courrier que le responsable du site de la SARL Securitas France conservait sur son ordinateur professionnel des images issues du système vidéo de la société OI Manufacturing.
Il ressort ensuite des pièces produites par Monsieur [C] [H] -au sujet desquelles la SARL Securitas France émet tout au plus des doutes quant à la façon dont il y a eu accès- que son supérieur hiérarchique avait stocké sur son ordinateur de nombreuses images et vidéos issues de la vidéosurveillance le concernant depuis 2017, dans un dossier intitulé ‘Archives [C] [H]’.
Une telle conservation d’images de vidéosurveillance et le choix de certaines images en particulier caractérisent la surveillance des salariés ainsi effectuée au moyen de la vidéosurveillance.
Dans ces conditions, dès lors qu’aucun des faits invoqués à l’appui de la sanction n’est établi, celle-ci doit être annulée en application de l’article L.1333-2 du code du travail.
Le jugement doit donc être confirmé de ce chef et en ce qu’il a par voie de conséquence ordonné le règlement contractualisé du salaire de la journée de mise à pied disciplinaire du 17 juillet 2020 à Monsieur [C] [H].
– Sur les dommages-intérêts pour harcèlement moral :
Monsieur [C] [H] reprend à hauteur d’appel la demande, dont il a été débouté en première instance, en vue d’obtenir la condamnation de la SARL Securitas France à lui payer des dommages-intérêts pour harcèlement moral. Il prétend que le comportement de la SARL Securitas France à son endroit est constitutif de faits répétés de harcèlement moral, ce que conteste la SARL Securitas France au motif que Monsieur [C] [H] ne rapporte pas même un commencement de preuve de prétendus agissements répétés, ni d’une dégradation de ses conditions de travail, portant atteinte à ses droits.
Le régime probatoire applicable au harcèlement moral résulte de l’article L.1154-1 du code du travail.
Au soutien de sa demande au titre du harcèlement moral, Monsieur [C] [H] invoque l’existence de deux types de faits.
Il invoque en premier lieu l’existence d’un système de vidéosurveillance dans le cadre duquel il a été surveillé, ce qui a été précédemment retenu.
Il indique ensuite qu’il a fait l’objet de nombreuses sanctions disciplinaires injustifiées. Seule la mise à pied disciplinaire du 6 juillet 2020 est injustifiée, Monsieur [C] [H] ne fournissant aucun élément permettant d’apprécier le caractère fondé ou non d’autres sanctions disciplinaires dont il a fait l’objet.
De tels éléments pris dans leur ensemble ne laissent pas présumer d’agissements de harcèlement moral.
En effet, Monsieur [C] [H] n’avait pas connaissance, comme il l’indique lui-même dans ses écritures de l’utilisation de la vidéosurveillance à d’autres fins que la surveillance des locaux, ce qu’il n’a découvert qu’à l’occasion de la sanction du 6 juillet 2020 et par ailleurs, il n’existe qu’un fait isolé de sanction disciplinaire injustifiée.
Dans ces conditions, le salarié échoue à faire la preuve qui lui incombe, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
– Sur les dommages-intérêts pour atteinte à l’intimité de la vie privée de Monsieur [C] [H] et préjudice moral :
Monsieur [C] [H] reprend à hauteur d’appel la demande, dont il a été débouté en première instance, en vue d’obtenir la condamnation de la SARL Securitas France à lui payer des dommages-intérêts au titre du préjudice moral pour atteinte à la vie privée et pour sanction injustifiée. Il soutient que la sanction injustifiée dont il a fait l’objet ainsi que la surveillance constante dont il faisait l’objet sur son lieu de travail y compris pendant son temps de pause sont à l’origine d’un préjudice moral qui doit être réparé.
La SARL Securitas France réplique qu’il n’y a pas eu d’atteinte à la vie privée de son salarié, alors même que le système de vidéosurveillance n’avait pas pour finalité de le surveiller.
En prononçant à l’encontre de Monsieur [C] [H] une mise à pied disciplinaire d’une journée injustifiée, deuxième sanction dans l’échelle des sanctions applicables au sein de la société, la SARL Securitas France a causé un préjudice moral à Monsieur [C] [H].
L’utilisation par la SARL Securitas France du système de vidéosurveillance pour contrôler l’activité du salarié, y compris pendant ses temps de pause -au vu de ce qui lui était reproché dans la lettre de sanction- constitue une atteinte dans la vie personnelle du salarié à l’origine d’un préjudice moral.
La SARL Securitas France sera condamnée à payer à Monsieur [C] [H], en réparation d’un tel préjudice, la somme de 4000 euros à titre de dommages-intérêts.
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
– Sur la remise sous astreinte des données personnelles de Monsieur [C] [H] détenues, collectées et traitées par la SARL Securitas France et sur les dommages-intérêts pour refus de remise du dossier personnel de Monsieur [C] [H] :
Monsieur [C] [H] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande tendant à obtenir sous astreinte les données personnelles le concernant détenues, collectées et traitées par son employeur afférentes à son recrutement, son historique de carrière, l’évaluation de ses compétences professionnelles (entretiens annuels d’évaluation, notation), ses éventuelles demandes de formation et les évaluations de celles-ci, son dossier disciplinaire, l’utilisation de son badge de contrôle d’accès aux locaux (le cas échéant), ses données issues d’un dispositif de géolocalisation (le cas échéant) et tout élément ayant servi à prendre une décision à son égard et en particulier les images extraites de la vidéosurveillance de la société OI Manufacturing et du dossier « Archive [H] » tenu par Monsieur [X] [Y].
Il soutient que dans le cadre de la demande faite par son conseil le 24 septembre 2020, la SARL Securitas France ne lui a remis qu’une partie de son dossier disciplinaire et ne lui a pas remis les extraits de vidéosurveillance sur lesquels elle s’était fondée pour le sanctionner.
La SARL Securitas France réplique avoir remis à Monsieur [C] [H] l’ensemble des pièces réclamées, par mails des 2 et 4 mars 2021, et conclut donc à la confirmation du rejet de la demande de Monsieur [C] [H].
Il ressort des explications de Monsieur [C] [H] qu’il continue à réclamer dans le dispositif de ses écritures des données qu’il admet pourtant avoir reçues dans leurs motifs.
Monsieur [C] [H] entend par ailleurs vainement obtenir de la SARL Securitas France les éléments d’un dossier disciplinaire portant sur une période antérieure à 2010, soit en dehors de la relation contractuelle dans le cadre de laquelle il a saisi le conseil de prud’hommes et sans produire en toute hypothèse aucun contrat de travail relatif à la période en cause, ou des éléments relatifs à des sanctions disciplinaires dont il prétend tout au plus avoir fait l’objet.
Il ne saurait davantage obtenir les images de la vidéosurveillance ayant servi à prendre une décision à son égard dès lors qu’à la suite du contrôle de la CNIL, celles-ci ont été détruites.
Le jugement doit donc être confirmé du chef du rejet de la demande de production des données personnelles sous astreinte et par voie de conséquence de sa demande de dommages-intérêts pour refus de remise de son dossier personnel.
– Sur la cessation de l’utilisation des caméras de vidéosurveillance par la SARL Securitas France sur le lieu de travail de Monsieur [C] [H] :
Les premiers juges ont débouté Monsieur [C] [H] de sa demande tendant à ce qu’il soit ordonné à la SARL Securitas France de cesser l’utilisation des caméras de vidéosurveillance sur le lieu de travail au motif qu’elle ne rentrait pas dans leurs attributions mais dans celles de la CNIL, ce que conteste Monsieur [C] [H] à hauteur d’appel au regard des conditions d’utilisation de la vidéosurveillance au mépris des dispositions du code du travail.
La SARL Securitas France demande à la cour de confirmer une telle disposition au regard de la finalité du dispositif de vidéosurveillance qui est d’assurer la sécurité et de ce qu’elle s’est mise en conformité avec les dispositions du règlement général sur la protection des données.
La demande de Monsieur [C] [H] ne saurait prospérer alors même qu’il n’est pas établi que la SARL Securitas France ait poursuivi depuis la plainte de Monsieur [C] [H] adressée à la CNIL une utilisation des caméras de vidéosurveillance à des fins de surveillance des salariés sans respecter les dispositions du code du travail.
En effet, il ressort d’une part du courrier de la CNIL en date du 16 février 2022 que celle-ci a invité la SARL Securitas France à l’avenir à s’assurer que les dispositifs vidéo mis à disposition de ses salariés par ses clients soient utilisés uniquement à des fins de surveillance et de sûreté, qu’il avait déjà été demandé au responsable de site de supprimer l’intégralité des images issues du dispositif vidéo de la société OI Manufacturing stockées sur son ordinateur portable et qu’elle a procédé à plusieurs opérations de sensibilisation auprès de son personnel à la suite de cet incident. D’autre part, le conseil de prud’hommes a constaté que les dispositions prévues par le Règlement de Protection des Données Personnelles de la SARL Securitas France sont conformes.
Le jugement doit donc être confirmé du chef de cette demande et ce par substitution de motifs.
– Sur la capitalisation des sommes (indemnités et contractuelles) à compter de la saisine du conseil de prud’hommes :
Monsieur [C] [H] sollicite vainement l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de capitalisation des sommes (indemnités et contractuelles) à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, alors qu’une telle demande n’est pas conforme à l’article 1343-2 du code civil dont il sollicite l’application.
********
Partie succombante, la SARL Securitas France doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel, déboutée de sa demande d’indemnité de procédure au titre des deux instances et condamnée en équité à payer à Monsieur [C] [H] la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel, en sus de l’indemnité allouée en première instance.
Par ces motifs :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [C] [H] de sa demande de dommages-intérêts pour atteinte à l’intimité de sa vie privée et préjudice moral et condamné chaque partie à ses propres dépens ;
L’infirme de ces chefs ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Condamne la SARL Securitas France à payer à Monsieur [C] [H] la somme de 4000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;
Condamne la SARL Securitas France à payer à Monsieur [C] [H] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SARL Securitas France de sa demande d’indemnité de procédure à hauteur d’appel ;
Condamne la SARL Securitas France aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE CONSEILLER