Données personnelles : 20 juillet 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/02247

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Données personnelles : 20 juillet 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/02247
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20 juillet 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
21/02247

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B

————————–

ARRÊT DU : 20 JUILLET 2023

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 21/02247 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MB42

Madame [G] [N]

c/

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 mars 2021 (R.G. n°20/00712) par le pôle social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d’appel du 15 avril 2021.

APPELANTE :

Madame [G] [N], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me David LEGROUX de la SELARL LD AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me WHITE

INTIMÉE :

URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

représentée par Me Nicolas ROTHE DE BARRUEL de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUXsubstitué par Me Vinciguerra.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 mai 2023 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Sophie Lésineau, conseillère,

Madame Cybèle Ordoqui, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

FAITS ET PROCEDURE

Par un courrier reçu le 25 février 2020, Mme [N] a saisi la commission de recours amiable de l’Urssaf Centre Val de Loire de sa contestation à l’encontre de l’appel à régler pour le 6 janvier 2020 la somme de 111.401 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie calculée sur les revenus de son patrmoine de l’année 2018.

Le 11 mai 2020, Mme [N] a saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux de son recours à l’encontre de la décision implicite de rejet.

Le 26 juin 2020, la commission de recours amiable a rejeté le recours de Mme [N].

Par jugement du 15 mars 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– déclaré le recours de Mme [N] recevable mais mal fondé ;

– dit que Mme [N] est redevable de la cotisation subsidiaire maladie 2018 pour la somme de 111. 401 euros ;

– confirmé en tant que de besoin les décisions de l’Urssaf Centre Val de Loire et de la commission de recours amiable de l’Urssaf Centre Val de Loire ;

– condamné Mme [N] à payer à l’Urssaf Centre Val de Loire la somme de

111. 401 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie 2018 ;

– rejeté le surplus des demandes ;

– a condamné Mme [N] aux dépens de l’instance.

Mme [N] en a relevé appel par une déclaration du 15 avril 2021.

L’affaire a été fixée à l’audience du 11 janvier 2023 pour être plaidée et renvoyée à celle du 17 mai 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 12 avril 2023, Mme [N] demande à la Cour de :

– à titre principal, infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau prononcer la nullité de l’appel à cotisation et ordonner le reboursement par l’Urssaf Centre Val de Loire de la somme de 111.401 euros déjà réglée ;

– à titre subsidiaire, ordonner le remboursement par l’Urssaf Centre Val de Loire de la somme excédant le plafonnement ;

– en tout état de cause, infirmer le jugement déféré, débouter l’Urssaf Centre Val de Loire de toutes ses demandes et condamner l’Urssaf Centre Val de Loire au paiement d’une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par ses dernières conclusions, transmises pâr le réseau privé virtuel des avocats le 4 mai 2023, l’Urssaf Centre Val de Loire demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, par conséquent valider l’appel à cotisation subsidiaire maladie du 28 novembre 2019 pour son montant de 111. 401 euros, maintenir la décision de la commission de recours amiable du 26 juin 2020, rejeter toutes les demandes de Mme [N].

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

I- SUR LA NULLITE DE L’APPEL DE COTISATION

Mme [N] conclut à la nullité de l’appel à cotisation motifs pris de sa tardiveté, de la méconnaissance des conséquences attachées à la décision du Conseil Constitutionnel en date du du 27 septembre 2018, de la violation des normes supra légales internes, de la violation des normes européennes, de la violation des régles relatives au transfert des données personnelles.

Sur le moyen tenant à l’irrégularité des transferts de données personnelles

Mme [N] fait valoir en substance que ses données personnelles ont été transmises par la DGFIP à l’Urssaf Centre Val de Loire sans information préalable tant de la part de la DGFIP que de l’ACOSS, en violation des dispositions de l’article 14 du RGPD en date du 25 mai 2018 d’application directe, de la délibération n° 2017 du 26 octobre 2017 de la CNIL, de la jurisprudence de la CJUE dans son arrêt du 1er octobre 2015 et des dispositions de l’article 32 de la loi du 6 janvier 1978 devenu l’article 116.

L’Urssaf Centre Val de Loire fait valoir que le transfert et le traitement querellés ont été mis en oeuvre sur l’avis de la CNIL et en application des dispositions du décret n°2017-1530 du 3 novembre 2017 qui autorisent le traitement par l’ACOSS et les URSSAF des informations nominatives déclarées pour l’établissement de l’impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions pour verser la cotisation subsidiaire maladie ; que Mme [N] a été régulièrement informée du transfert de ses données détenues par la DGFIP par le courrier qu’elle lui a adressé mi-novembre 2019 et par les informations qui figurent sur son site internet ; qu’il résulte des dispositions de l’article 14 5. du RGPD que l’obligation d’information personnelle prévue aux paragraphes 1.2.3.et 4. est levée lorsqu’elle se révèle impossible ou exigerait des efforts disproprotionnés, au cas de l’espèce eu égard au nombre de personnes concernées; que Mme [N] dispose également de toutes les informations nécessaires quant au traitement de ses données personnelles dans l’onglet relatif à la politique de confidentialité et peut accéder auxdites données sur une simple demande, qu’elle n’a jamais formulée; que les données transmises sont évidemment connues de Mme [N] puisque issues de ses déclarations à la DGFIP.

Sur ce,

Il résulte des articles L. 380-2, R.380-3, D. 380-5-1 du code de la sécurité sociale que la cotisation subsidiaire maladie est calculée, appelée et recouvrée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l’administration fiscale dont les agents ont communiqué aux organismes de recouvrement les informations nominatives déclarées pour l’établissement de l’impôt.

L’article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, dans sa version applicable au litige, dispose que sont autorisés par décret en Conseil d’Etat, pris après avis motivé et publié de la CNIL, les traitements de données à caractère personnel mis en ‘uvre pour le compte de l’Etat, d’une personne morale de droit public ou d’une personne morale de droit privé gérant un service public, qui portent sur des données parmi lesquelles figure le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques.

Par délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 publiée au JO du 4 novembre 2017, la CNIL a autorisé la mise en oeuvre d’un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation subsidiaire maladie en précisant que les organismes de recouvrement seront destinataires des données émanant de la DGFIP et concernant les cotisants pour lesquels ils seront territorialement compétents.

Le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 a autorisé pour l’application des dispositions de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale la création par l’ACOSS d’un traitement de données à caractère personnel dénommé « Cotisation spécifique maladie ».

Les finalités de ce traitement sont le calcul et le recouvrement par les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale de la cotisation spécifique maladie prévue par l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale.

Le traitement autorisé par ce texte porte, notamment, sur les catégories de données relatives à l’identité des personnes et à leur situation fiscale.

La Cour de Justice de l’Union Européenne a, par décision du 1er octobre 2015, jugé que les articles 10,11 et 13 de la directive 95/46 devaient être interprétés en ce qu’ils s’opposaient à des mesures nationales permettant à une administration d’un Etat membre de transmettre des données personnelles à une autre administration publique et leur traitement subséquent sans que les personnes concernées n’aient été informées de cette transmission ou de de traitement.

L’article 14 du RGPD ouvre droit à une information lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été collectées auprès de la personne concernée.

Enfin, en application de l’article 32 III de la loi Informatique et Libertés, dans sa version en vigueur jusqu’au 1er juin 2019 , lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dés l’enregistrement des données ou, si une communication. des données à un tiers a été envisagée, au plus tard lors de cette première communication.

Les données utiles n’ayant pas été recueillies auprès de Mme [N] il incombait à l’Urssaf Centre Val de Loire d’informer celle-ci de leur transmission par l’administration fiscale.

Une telle information ne résulte d’aucun des éléments du dossier, le courrier circulaire en date du 22 novembre 2019 produit par l’Urssaf Centre Val de Loire, dont Mme [N] soutient par ailleurs sans être utilement contredite qu’il ne lui est jamais parvenu, n’y suppléant pas, pas plus les informations figurant sur le portail internet de l’organisme et l’engagement de bonne pratique pris par les urssaf.

Pour finir de répondre à l’argumentation de l’Urssaf Centre Val de Loire, la Cour relève encore que si l’Urssaf Centre Val de Loire se prévaut des dispositions de l’article 14 5b. du RGPD il ne résulte d’aucun des éléments du dossier que l’information due à Mme [N] était impossible à donner ou aurait exigé de l’organisme, qui ne communique aucunement sur le nombre de personnes concernées dont il se prévaut, des efforts disproportionnés ; que l’absence de demande explicite de la part de la cotisante n’étant pas de nature à l’exonérer et les informations à transmettre au cotisant ne se limitant pas à la lecture de l’article 14 paragraphes 1. et 2. aux données détenues par la DGFIP, les développements de l’intimée sur le caractère simplement informatif de l’appel à cotisations et sur la nécessaire connaissance par Mme [N] des données la concernant puisqu’issues de ses déclarations à l’administration fiscale sont inopérants.

Il découle de ce qui précède que l’Urssaf Centre Val de Loire, en ne respectant pas les dispositions sus-visées qui ont pour objet de protéger un droit fondamental, a commis une irrégularité de fond affectant la procédure de recouvrement de sorte que l’appel de cotisation sera annulé.

Le jugement sera réformé en ce sens et Mme [N] déchargée du réglement de la cotisation sudsidiaire maladie appelée sur ses revenus du patrimoine 2018.

II- SUR LES DEPENS ET LES FRAIS IRREPETIBLES

L’Urssaf Centre Val de Loire, qui succombe, supportera la charge des dépens.

Il n’est pas inéquitable de laisser à Mme [N] la charge de ses frais irrépétibles. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

Statuant à nouveau

ANNULE l’appel de cotisation sur les revenus du patrimoine 2018 adressé à Mme [N] par l’Urssaf Centre Val de Loire;

DECHARGE Mme [N] du réglement de la cotisation sudsidiaire maladie appelée sur ses revenus du patrimoine 2018

CONDAMNE l’Urssaf Centre Val de Loire aux dépens de première instance et d’appel

DEBOUTE Mme [N] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Signé par madame Marie-Paule Menu, présidente, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps MP. Menu

 


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