Données personnelles : 18 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01428

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Données personnelles : 18 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01428
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18 octobre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/01428

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 18 OCTOBRE 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01428 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDD63

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juin 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section Commerce chambre 6 – RG n° F19/0438

APPELANT

Monsieur [H] [J]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Nadia TIAR, avocat au barreau de PARIS, toque : G0513

INTIMÉE

SAS GERPRO PONTHIEU venant aux droits de la SAS BERRI PONTHIEU

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me David ZIMMERMANN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, toque : 377

PARTIE INTERVENANTE

SYNDICAT UNION LOCALE DES SYNDICATS CGT DU [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Nadia TIAR, avocat au barreau de PARIS, toque : G0513

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– Contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Monsieur Jadot TAMBUE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon contrat à durée déterminée du 3 septembre 2009, M. [J] a été engagé jusqu’au 31 octobre 2009 par la société Immobilière Berri Ponthieu exploitant l’hôtel California à [Localité 4] en qualité de bagagiste équipier voiturier, statut employé E.1.1 de la convention collective des hôtels cafés restaurants.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 17 mars 2010 à effet au 19 mars 2010, la société immobilière Berri-Ponthieu a engagé M. [J] en qualité de bagagiste équipier, statut employé E.1.2 de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants.

Reprochant à son salarié d’être à l’origine de la disparition d’un foulard de marque Hermès oublié par une cliente de l’hôtel, la société immobilière Berri-Ponthieu a mis à pied à titre conservatoire M. [J] le 23 novembre 2018, l’a convoqué à un entretien préalable qui s’est finalement tenu le 10 décembre 2018 puis l’a licencié pour faute grave le 27 décembre 2018.

Contestant tant les conditions que le bien-fondé de son licenciement, M. [J] a saisi conseil de prud’hommes de Paris le 14 mai 2019 afin d’obtenir la condamnation de la société Immobilière Berri-Ponthieu, avec exécution provisoire, à lui payer les sommes suivantes assorties des intérêts au légal’:

° indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15’511,60 euros,

° indemnité compensatrice de préavis : 3 877,90 euros,

° congés payés afférents : 397,79 euros,

° indemnité légale de licenciement : 4 256,39 euros,

° indemnité de requalification : 1 938,95 euros,

° rappel de salaire sur mise à pied : 2 354,44 euros,

° congés payés afférents : 235,44 euros,

° dommages-intérêts pour fouille régulière et illicite du casier : 2 000 euros,

° dommages-intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture : 5 000 euros,

° dommages-intérêts en réparation de la perte d’employabilité : 5 000 euros,

° dommages-intérêts pour non-respect de la réglementation de la CNIL en matière de stockage des données de vidéosurveillance : 2 000 euros.

Il sollicitait également la condamnation de l’employeur à lui remettre l’attestation destinée à Pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de paie conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, le conseil devant se réserver la liquidation de cette astreinte, ainsi que la condamnation de la société immobilière Berri-Ponthieu à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’union locale des syndicats CGT du [Localité 4] est intervenue à la procédure et a sollicité la condamnation de la société immobilière Berri-Ponthieu à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts outre celle de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société immobilière Berri-Ponthieu a conclu au débouté des parties et à la condamnation de M. [J] à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et celle de l’union locale des syndicats CGT du [Localité 4] à lui verser la somme de 1 000 euros sur le même fondement.

Par jugement du 12 juin 2020, le conseil de prud’hommes de Paris a’:

– Condamné la société immobilière Berri-Ponthieu à verser à M. [J] les sommes suivantes :

° 3 877,90 euros à titre de l’indemnité de préavis,

° 387,79 euros titrent des congés payés incidents,

° 4 256,39 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

° 2 354,44 euros de rappel de salaires afférents à la mise à pied conservatoire,

° 235,44 euros au titre des congés payés incidents,

° 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Ordonné à la société immobilière Berri-Ponthieu de remettre à M. [J] une attestation pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes à la décision,

– Débouté M. [J] du surplus de ses demandes,

– Déclaré l’intervention volontaire de l’union locale des syndicats CGT du [Localité 4] irrecevable,

– Condamné l’union locale des syndicats CGT du [Localité 4] à verser à la société immobilière Berri-Ponthieu la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 27 janvier 2021, M. [J] a interjeté appel du jugement dont il a reçu notification le 29 décembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 avril 2023, il demande à la cour de’:

– Infirmer partiellement le jugement entrepris,

– Condamner la société GERPRO venant aux droits de la société immobilière Berri-Ponthieu à lui verser les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal capitalisés :

° indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15’511,60 euros,

° indemnité compensatrice de préavis : 3 877,90 euros

° congés payés afférents : 397,79 euros

° indemnité légale de licenciement : 4 256,39 euros

° rappel de salaire sur mise à pied : 2 354,44 euros

° congés payés afférents : 235,44 euros

° dommages-intérêts pour fouille régulière et illicite du casier : 2 000 euros,

° dommages-intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture : 5 000 euros,

° dommages-intérêts en réparation de la perte d’employabilité : 5 000 euros,

° dommages-intérêts pour non-respect de la réglementation de la CNIL en matière de stockage des données de vidéosurveillance : 2 000 euros,

° article 700 du code de procédure civile’: 3 500 euros,

– Condamner l’employeur à lui remettre l’attestation destinée à Pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de paie conforme à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, la cour devant se réserver la liquidation de cette astreinte,

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 juillet 2021, la société GERPRO demande à la cour de

– Déclarer irrecevable l’intervention de l’union locale des syndicats CGT du [Localité 4],

– Rejeter les pièces de M. [J]

au fond, à titre principal,

– Dire que le licenciement repose sur une faute grave, subsidiairement sur une cause réelle et sérieuse, déclarer irrecevable la demande de M. [J] portant sur la requalification du CDD en CDI, subsidiairement, constater la prescription de cette demande,

– Débouter M. [J] de toutes ses demandes

à titre subsidiaire

– Ramener le montant des condamnations éventuelles au seul préjudice prouvé

en tout état de cause,

– Condamner M. [J] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la CGT à la somme de 3000 euros sur le même rendement.

Par conclusions du 27 avril 2021, l’union locale des syndicats de la CGT du [Localité 4] demande à la cour de condamner la société GERPRO à lui verser la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice subi et celle de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 9 mai 2023 et l’affaire plaidée à l’audience du 13 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le moyen tiré de l’irrecevabilité des pièces de M. [J]

Le seul rappel des textes régissant la communication des pièces en appel et de la jurisprudence qui s’en est dégagée ne permet pas à la cour de comprendre les fondements factuels de la demande tendant à déclarer irrecevables les pièces de M. [J].

En tout état de cause, l’examen de la procédure permet de constater que l’appelant a conclu dans les délais impartis et que ses conclusions étaient accompagnées d’un bordereau de communication de pièces.

Le demande de la société GEPRO tendant à faire déclarer irrecevables les pièces de M. [J] sera rejetée.

Sur le moyen tiré de l’irrecevabilité de l’intervention de l’union locale des syndicats CGT du [Localité 4]

Selon l’article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

L’union locale des syndicats CGT du [Localité 4] fait valoir que M. [J] est adhérent du syndicat CGT depuis plusieurs années, que sa proximité avec les élus CGT lui a valu d’être discriminé et que son licenciement sans cause réelle et sérieuse l’a privé d’un de ses membres actifs au sein de la société.

Mais, il ne résulte pas des conclusions de M. [J] que ce dernier invoque une discrimination syndicale de sorte que le litige tendant principalement à remettre en cause les conditions et le bien fondé d’un licenciement a un caractère individuel, personnel au salarié.

Faute pour le syndicat d’agir dans la défense d’un intérêt collectif, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable l’intervention volontaire de l’union locale des syndicats CGT du [Localité 4] et a condamné cette dernière à verser à la société immobilière Berri-Ponthieu aux droits de laquelle se trouve la société GEPRO, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par application du même texte, l’union locale des syndicats CGT du [Localité 4] sera condamnée à verser à la société GEPRO la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par celle-ci en cause d’appel.

Sur le licenciement

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles’; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Il résulte des articles’L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

«’M. [J],

Le 20 novembre 2018, Mme [M] […], chef de réception, a constaté que le sac Hermès contenant un foulard de la même marque, déposé l’hôtel par l’une de nos clients, et conservé pour remise à cette dernière dans le bureau en réception, avait disparu.

Mme [M] […] a tout de suite questionné ses équipes, dont vous-même, afin de savoir ce qu’il en était. Il en est résulté de ces échanges que le foulard n’avait pas été réclamé donc récupéré par ladite cliente d’une part, et que personne n’avait été témoin de faits particuliers concernant le sac et/ou foulard Hermès, d’autre part.

Après quelques recherches, un sac Hermès vide a été retrouvé en bagagerie. Mme [M] [‘] a alors visionné les images de vidéosurveillance de la bagagerie sur une période de temps précédant le constat de disparition du foulard. Dans ce contexte, elle a pu constater que vous étiez présents, seul, en bagagerie le 19 novembre 2018 à 18h00. Au-delà de l’adoption d’un comportement totalement incohérent, les images ont alors permis de constater que vous avez notamment manipulé et examiné le foulard Hermès en question pendant de longs instants.

Face à ces images, nous vous avons alors demandé des explications que vous avez toutefois refusé de donner indiquant simplement ne pas vous souvenir. Une telle attitude n’a manifestement pas permis d’écarter votre responsabilité dans la disparition du foulard Hermès et compte tenu notamment de votre fonction de bagagiste voiturier, nous n’avons pas eu d’autre choix que de vous mettre à pied à titre conservatoire dans le cas de la procédure disciplinaire engagée à votre encontre.

Compte tenu de votre refus de remise en main propre, nous vous avons alors confirmé votre mise à pied à titre conservatoire par courrier recommandé en date du 23 novembre 2018 et nous vous avons convoqué dans le même temps un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à votre licenciement pour faute grave fixé initialement le 07 décembre 2018 puis reporté à votre demande au 10 décembre dernier.

Suite à ces différents échanges, le foulard a soudainement réapparu dans les toilettes clients femmes dans la nuit du 27 au 28 novembre 2018.

Interrogé sur la disparition puis réapparition du foulard lors de votre entretien préalable, vous avez adopté une toute nouvelle attitude reconnaissant cette fois être allé en bagagerie mais niant la présence et donc toute manipulation du foulard dans les termes suivants : «’ Je ne manipule pas le foulard’», «’Il n’y avait pas de foulard dans la bagagerie’», «’Je savais pas que le foulard se trouvait dans la bagagerie. Il n’y en avait pas tout simplement’», «’Oui je vous confirme ne pas avoir vu le foulard, «’ Je n’ai jamais trouvé de foulards mais un sac Hermès vide’», «’Je n’avais pas le foulard entre les mains’» ou encore «’Il n’y avait donc pas de foulard, je n’ai laissé qu’un sac vide en bagagerie’».

Vous avez alors notamment précisé avoir décidé de vider les poubelles et de vider les déchets et avoir «’trouvé un sac vide avec un numéro de chambre dessus ou bien un papier dessus’» sans que vous ne jugiez utile pour autant d’en informer votre hiérarchie lors du constat de disparition du sac Hermès fragilisant ainsi votre version des faits.

En outre, les images de vidéosurveillance du 19 novembre dernier, ainsi que celles prises à titre de comparaison après la réapparition du foulard dans les mêmes circonstances et les mêmes gestes que les vôtres, permettent d’affirmer avec certitude que vous avez bien manipulé et examiné le dit foulard la veille de sa disparition – contrairement à ce que vous avez affirmé et confirmé à de nombreuses reprises en toute mauvaise foi lors de votre de entretien préalable.

À l’épreuve des images, nous ne pouvons donc écarter votre responsabilité dans le vol du foulard Hermès, qui plus est compte-tenu de sa réapparition soudaine suite à votre mise à pied à titre conservatoire ne pouvant servir que vos seuls intérêts. Par ailleurs, vos propos mensongers, répétées, rompent définitivement tout lien de confiance. Or, comme vous l’avez paradoxalement reconnu lors de votre entretien préalable indiquant «’mon job est basé sur la confiance’», ce dernier est indispensable à toute relation de travail qui plus est compte-tenu de votre fonction où vous êtes quotidiennement en contact des biens personnels de notre clientèle tout comme ceux de notre établissement.

Dans ces conditions, compte tenu de la gravité des faits reprochés et de la rupture de confiance irrémédiable entraînée, nous avons pas d’autre choix que de prononcer la rupture de votre contrat de travail. Aussi, nous considérons que l’ensemble des agissements ainsi décrits constituent une faute grave rend impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise. Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture. La rupture de votre contrat de travail prendra effet à la date d’envoi de la présente lettre.

Par ailleurs, nous vous signalons qu’en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera versée.

(…)’»

À l’appui de son appel, M. [J] fait valoir que par jugement du 20 juin 2009, le Tribunal Correctionnel de Paris l’a relaxé purement et simplement des faits qui sont identiques à ceux sur lesquels l’employeur appuie son licenciement pour faute grave et que cette décision doit s’imposer au juge prud’homal qui dira, en conséquence, le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il relève, également, que la société GERPRO s’appuie sur un descriptif de l’enregistrement vidéo de la bagagerie qui a été rédigé en termes dubitatifs ou hypothétiques par les fonctionnaires de police chargés de l’enquête.

La société GERPRO réplique que le tribunal correctionnel a estimé, très laconiquement et sans la moindre motivation, « qu’il ressort des éléments du dossier et des débats qu’il convient cependant de relaxer des fins de la poursuite [J] [H]’», qu’en conséquence, il a pu considérer tout simplement qu’il n’y avait pas eu soustraction frauduleuse car le foulard est « réapparu » et que les faits s’analysaient juridiquement non pas en une soustraction frauduleuse mais en une tentative de soustraction frauduleuse non visée dans l’acte de poursuite. Elle ajoute qu’en toute hypothèse, M. [J] n’a nullement été licencié pour « soustraction frauduleuse d’un foulard HERMES ».

Mais, M. [J] relève à juste titre que les faits qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement sont exactement ceux pour lesquels l’employeur a porté plainte. Il y a donc identité parfaite entre la faute pénale et la faute de nature civile invoquée à son encontre par l’employeur à l’appui du licenciement. Dès lors, l’autorité de la juge jugée au pénal s’impose à la juridiction prud’homale de sorte que, par ce seul motif et indépendamment des suppositions sur les éléments sur lesquels se sont fondés les juges correctionnels, la relaxe de M. [J] prive son licenciement par la société GERPRO de toute cause réelle et sérieuse.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la société GERPRO à verser à M. [J] une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, l’indemnité légale de licenciement, un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et les congés payés afférents selon des montants non autrement contestés, mais sera infirmé en ce qu’il a débouté M. [J] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Selon l’article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur, sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT).

Dès lors, compte tenu de l’ancienneté (8 ans en années pleines ouvrant droit à une indemnité comprise entre 3 mois et 8 mois de salaire brut), de l’âge (31 ans) et de la rémunération ( 1 938,95 euros) du salarié à la date de la rupture et compte-tenu également du fait qu’il justifie s’être inscrit à Pôle emploi à la suite de la rupture et indique avoir assuré des missions en extra avent de retrouver un poste fixe, il convient de fixer à la somme de 11 000 euros l’indemnité revenant à M. [J] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l’article 1235-4 du code du travail, la société GERPRO sera condamnée à rembourser à l’organisme concerné les indemnités de chômage versées à M. [J] entre le licenciement et le présent arrêt dans la limite de deux mois d’indemnités.

Sur les dommages et intérêts pour circonstances vexatoires et infamantes de la rupture

M. [J] soutient que, compte tenu des circonstances particulièrement infamantes et vexatoires qui ont accompagnée la rupture et qui lui ont causé un préjudice distinct de la rupture elle-même, il lui est dû, en réparation des préjudices subies en raison de ces circonstances vexatoires, étant rappelé que le tribunal correctionnel l’a relaxé de toutes les accusations infamantes portées à son encontre, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Mais, il apparaît des considération ci-dessus évoquées par le salarié que, sous couvert de circonstances vexatoires et infamantes de la rupture, M. [J] entend en réalité obtenir l’indemnisation des accusations portées par l’employeur ayant servi de fondement au licenciement de sorte que le préjudice invoqué n’est pas distinct de celui déjà réparé par l’octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [J] de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.

Sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la fouille du casier du salarié

Les pièces du dossier ne permettent pas de déterminer si l’examen du casier de M. [J] par l’employeur a été fait hors la présence du salarié, comme prétendu par l’intéressé ou, en sa présence et avec son accord exprès, comme affirmé par l’employeur.

Le caractère illicite de la fouille du casier de M. [J] au regard règlement intérieur validé par le CE n’est donc pas démontré.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [J] de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.

Sur les dommages et intérêts en réparation de la perte d’employabilité

M. [J] fait valoir qu’après dix ans d’ancienneté, il a été mis en cause pour des faits particulièrement choquants qui lui ont causé un grave préjudice et une perte d’employabilité qui lui a rendu difficiles ses recherches d’emploi.

Mais, sous couvert de perte d’employabilité, M. [J] tend à obtenir l’indemnisation du préjudice causé par la perte de son emploi qui est déjà réparé par l’octroi de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [J] de sa demande en dommages et intérêts pour perte d’employabilité.

Sur les dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation de la CNIL en matière de stockage des données de vidéosurveillance

M. [J] reproche aux premiers juges de ne pas avoir tiré les conséquences de leur constat concernant le stockage des données de la vidéosurveillance de la bagagerie sur le téléphone portable de l’employeur pour sanctionner un tel comportement.

Il soutient que les agissements de l’employeur à ce titre lui ont occasionné des préjudices qu’il conviendra de réparer.

Mais, outre le principe que des dommages et intérêts n’ont pas pour objet de sanctionner l’auteur d’un dommage mais ont pour seul but de réparer le préjudice subi par la victime sans gain ni perte pour cette dernière, M. [J] ne démontre pas, autrement que par une affirmation de principe, l’existence d’un préjudice que lui aurait causé le stockage des images de la vidéosurveillance de la bagagerie sur le téléphone portable de l’employeur le temps de l’enquête pénale.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [J] de sa demande en dommages et intérêts à ce titre.

Sur les intérêts

Le jugement entrepris sera également confirmé en ce que, conformément à l’article 1231-6 du code civil, il a assorti ses condamnations portant sur des sommes de nature salariale des intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2019, date de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation valant mise en demeure.

Il sera précisé que, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du même code, les intérêts dus depuis plus d’une année entière produiront eux-mêmes des intérêts.

L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée par la présente décision portera intérêts au taux légal à compter de ce jour.

Sur la remise des documents sociaux de fin de contrat

Compte-tenu des développements ci-dessus, le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu’il a ordonné à la société GERPRO la remise des documents sociaux de fin de contrat, et n’a pas assorti ce chef de dispositif d’une astreinte, une résistance de la société GERPRO à l’exécution de cette décision ne,pouvant être présumée en l’état de la procédure.

Sur les frais non compris dans les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la société GEPRO sera condamnée à verser à M. [J], qui a été partiellement accueilli en son appel, la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par l’appelant qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DIT n’y avoir lieu à écarter les pièces de M. [J],

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté M. [J] de sa demande en indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

statuant à nouveau sur ce seul point,

CONDAMNE la société GEPRO à verser à M. [J] la somme de 11 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Y ajoutant,

DIT que les intérêts échus depuis plus d’une année produiront eux-mêmes des intérêts,

CONDAMNE la société GEPRO à rembourser à l’organisme concerné les indemnités de chômage versées à M. [J] entre le licenciement et le présent arrêt dans la limite de deux mois d’indemnités,

CONDAMNE l’union locale des syndicats CGT du [Localité 4] à verser à la société GEPRO la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société GEPRO à verser à M. [J] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société GEPRO aux dépens d’appel,

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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