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15 septembre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/04811
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 13
ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2023
(n° , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/04811 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEXQ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juin 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de PARIS RG n° 19/09929
APPELANTE
URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Mme [H] [T] en vertu d’un pouvoir spécial
INTIMEE
Madame [S] [O] [X]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 substitué par Me Paul SCHNEIDER, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 02 Mars 2023, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et M Gilles REVELLES Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre,
M Gilles REVELLES, Conseiller
Mme Natacha PINOY, Conseillère
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour,initialement prévu le 19 mai 2023 et prorogé au 23 juin 2023, puis au 15 septembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par M Gilles REVELLES, Conseiller pour Mme Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, légitimement empêchée et par Mme Fatma DEVECI, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par l’URSSAF Centre-Val de Loire (l’URSSAF) d’un jugement rendu le 16 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Paris dans un litige l’opposant à Mme [S] [O] [X].
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que l’URSSAF a adressé le 15 décembre 2017 à Mme [O] [X] un appel de cotisation au titre de la cotisation subsidiaire maladie (CSM) d’un montant de 24 247 euros au titre de l’année 2016 ; qu’elle a contesté la CSM par lettre du 25 octobre 2018 ; que l’URSSAF lui a adressé une décision le 8 novembre 2018 l’invitant à régler le solde de 16 164 euros et lui ouvrant les voies et délais de recours devant la commission de recours amiable ; que l’assurée a saisi la commission de recours amiable le 21 décembre 2018; que le 28 février 2019, la commission de recours amiable a rejeté sa demande ; que le 14 mai 2019, Mme [O] [X] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du litige ; que le 27 septembre 2019, l’URSSAF à adressé à Mme [O] [X] une mise en demeure d’un montant de 16 164,30 euros.
Par jugement en date du 16 juin 2020 le tribunal a :
– annulé l’appel de cotisation adressé à Mme [O] [X] daté du 15 décembre 2017;
– débouté l’URSSAF de l’intégralité de ses prétentions ;
– condamné l’URSSAF à rembourser à Mme [O] [X] la somme de 8 082 euros;
– dit n’ y avoir pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire de la décision ;
– condamné l’URSSAF à supporter les éventuels dépens.
Pour statuer ainsi le tribunal a retenu qu’aux termes de l’article R. 380-4, section I, du code de la sécurité sociale, qui est clair, précis et sans équivoque, la cotisation au titre des revenus de l’année 2016 devait être appelée au plus tard le 30 novembre 2017, sous réserve que ce jour n’ait pas été un jour ouvré ; qu’au cas d’espèce, l’appel de cotisations porte la date du 15 décembre 2017 ; qu’il est intervenu postérieurement à la date limite fixée au dernier jour ouvré du mois de novembre 2017 ; que cet appel ne respecte pas les dispositions de l’article précité qui sont d’ordre public et doivent être appliquées strictement; que l’appel de cotisations est donc frappé de nullité absolue et doit être annulé ; qu’il importe peu que l’URSSAF dispose d’un délai de 3 ans pour recouvrer la créance, ce délai supposant que la cotisation ait été appelée dans le délai précité ; que l’article 114 du code de procédure civile ne s’applique qu’aux actes judiciaires et non pas aux actes extrajudiciaires tels qu’un appel à cotisation .
L’URSSAF a le 10 juillet 2020 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 25 juin 2020.
Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l’audience par son représentant, l’URSSAF demande à la cour de :
– valider l’appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant dû à 24 247 euros ;
– valider la mise en demeure de 16 164,30 euros au titre de la CSM 2016 ;
– infirmer le jugement déféré ;
– à titre reconventionnel, condamner Mme [O] [X] au paiement de la CSM pour une somme restante de 16 164 euros ;
– confirmer la décision de la commission de recours amiable du 28 février 2019 ;
– rejeter toutes les demandes de Mme [O] [X].
Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l’audience par son conseil, Mme [O] [X] demande à la cour, au visa de l’article 62 de la Constitution, L.122-7, L.380-2 et suivants, R.380-4, D.213-1 du code de la sécurité sociale, de l’article L.221-2 du code des relations entre le public et l’Administration, du décret n°2017-1530 de :
– confirmer le jugement entrepris ayant affirmé que la procédure ayant conduit à l’établissement de la cotisation subsidiaire maladie mise à sa charge est irrégulière et de ce fait annulée ;
– juger que l’appel de cotisation a été émis en faisant une application rétroactive irrégulière du décret n°2007-736 du 3 mai 2017 ;
– juger que la notification de l’appel de cotisation a été effectué en dehors des délais légaux;
– juger qu’elle n’a pas été informée du transfert de ses données personnelles par l’administration fiscale à l’URSSAF ;
– juger que l’URSSAF Centre Val de Loire n’était pas habilitée, au début de la procédure d’établissement de la cotisation, à recevoir des informations en provenance de l’administration fiscale la concernant ;
– juger que la cotisation est fondée sur un texte inconstitutionnel en ce qu’il ne prévoit aucun plafonnement tant concernant l’assiette de la cotisation que le montant de cette dernière ;
– juger que la somme de 24 247 euros réclamée par l’URSSAF à son encontre au titre de la CSM 2016 ne lui est pas due ;
– ordonner le dégrèvement de la CSM imposée à son encontre, en principal, à un montant total de 24 247 euros ;
En tout état de cause,
– débouter l’URSSAF de ses demandes ;
– condamner l’URSSAF au paiement d’une somme de 15 780 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile représentant les frais non compris dans les dépens.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du 2 mars 2023 qu’elles ont respectivement soutenues oralement.
SUR CE :
– Sur le caractère non rétroactif des dispositions réglementaires :
L’URSSAF soutient d’une part que le législateur a précisé dès l’origine les conditions pour être redevable de la CSM et la nature des revenus entrant dans l’assiette de cette cotisation, et d’autre part que le décret du 19 juillet 2016 relatif aux modalités de calcul de la CSM est entré en vigueur le 22 juillet 2016, soit bien avant l’appel de cotisation et son exigibilité. L’Urssaf ajoute que les articles 7 et 8 du décret du 3 mai 2017 ont uniquement précisé les modalités d’appel, de paiement, de recouvrement et de contrôle de la cotisation par modification des articles R. 380-4 à R. 380-7 du code de la sécurité sociale et sont entrés en vigueur le 6 mai 2017, soit avant le premier appel de la CSM et la première exigibilité de cette cotisation.
Mme [O] [X] invoque que l’appel de cotisation subsidiaire maladie adressé le 15 décembre 2017 a été effectué en application de l’article R.380-4 du code de la sécurité sociale tel que modifié par le décret n°2017-736 ; que le principe de non rétroactivité des actes administratifs est un principe général de droit ; qu’aux termes de l’article L.380-2 du code de la sécurité sociale, le fait générateur de la CSM est lié ‘ aux revenus tirés au cours de l’année considérée’ ; que s’agissant de la CSM due au titre de l’année 2016, son fait générateur ne peut être postérieur au 31 décembre 2016, date à laquelle sa situation est figée ; qu’à cette date le contribuable pouvait s’attendre à ce que la CSM soit payable selon les dispositions de l’article R.380-4 du code de la sécurité sociale ( ancienne version) ; que l’article R.380-4 dont il a été fait application est en vigueur depuis le 7 mai 2017 et qu’il a donc été fait une application rétroactive du décret n° 2017-736 , rétroactivité illégale car non prévue par les textes.
Il y a lieu de rappeler qu’une disposition légale se suffisant à elle-même est applicable sans attendre la publication d’un décret, à la date d’entrée en vigueur de cette loi.
Le sixième alinéa de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 21 décembre 2015, dispose que : « La cotisation est recouvrée l’année qui suit l’année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d’État».
Le décret du 3 mai 2017 relatif aux règles d’identification, d’affiliation et de rattachement des bénéficiaires des prestations de sécurité sociale et portant modifications de diverses dispositions relatives à l’assurance maladie, publié au Journal officiel de la République française du 5 mai 2017, a modifié à cette fin les articles R. 380-3 à R. 380-7 du code de la sécurité sociale, en prévoyant notamment que la cotisation mentionnée à l’article L. 380-2 est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l’année suivant celle au titre de laquelle elle est due et qu’elle est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée. Ces dispositions réglementaires se bornent à préciser les modalités de recouvrement intervenant, pour l’année 2016, première année d’assujettissement à cette cotisation, à la fin de l’année 2017, sans comporter aucun élément relatif à l’assiette ni au taux de la cotisation, complètement déterminés par les dispositions issues de la loi du 21 décembre 2015 et du décret n°2016-976 du 19 juillet 2016.
Les textes susvisés étaient applicables à la cotisation appelée en 2017 au titre de l’assujettissement de l’assurée à la cotisation subsidiaire maladie pour l’année 2016.
En conséquence le moyen tiré de ce que l’application des dispositions pour le recouvrement de la cotisation due au titre de l’année 2016 méconnaîtrait le principe de non-rétroactivité des actes réglementaires est sans fondement.
– Sur le caractère tardif de l’appel de cotisation :
L’URSSAF soutient en substance que si l’article R.380-4 du code de la sécurité sociale prévoit un appel de la cotisation ” au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l’année suivant celle au titre de laquelle elle est due”, nulle sanction n’est expressément prévue ; qu’il s’ensuit que nulle forclusion, nulle péremption ne peut être envisagée afin de sanctionner un appel tardif ; que la Cour de cassation considère le report du ” délai au terme duquel la cotisation devient exigible” comme le seul effet du non-respect par l’organisme de recouvrement de la date limite mentionnée par l’article susvisé ; que le non respect de la date d’appel de cotisation n’est sanctionné par aucune nullité et ne saurait entacher d’illégalité la procédure de recouvrement, ce retard n’affectant que la date d’exigibilité qui se voit repoussée ; que cela n’entraîne aucun préjudice pour la cotisante et l’URSSAF dispose d’un délai de trois ans pour recouvrer les cotisations à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues.
Mme [O] [X] invoque en substance qu’aux termes de l’article R.380-4 du code de la sécurité sociale, la CSM pour l’année 2016 devait être appelée au plus tard le 30 novembre 2017 ; que cette règle de procédure n’a pas été respectée par l’URSSAF, l’appel de cotisation ayant été émis le 15 décembre 2017 ; que l’URSSAF n’ayant pas utilisé son droit, celui-ci était expiré ; que la violation des règles de procédure doit entraîner la nullité de la procédure d’appel de cotisation outre le dégrèvement des sommes mises à sa charge.
Selon l’article R. 380-4, I, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2017-736 du 3 mai 2017, applicable au recouvrement de la cotisation litigieuse, la cotisation assise sur les revenus non professionnels, mentionnée à l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, est appelée au plus tard le dernier jour ouvré du mois de novembre de l’année suivant celle au titre de laquelle elle est due et est exigible dans les trente jours suivant la date à laquelle elle est appelée.
Il résulte de ces textes que le non-respect par l’organisme de recouvrement de la date limite d’appel à cotisation fixée par l’article R. 380-4 du code de la sécurité sociale a pour seul effet de reporter le délai au terme duquel la cotisation devient exigible (Cass., Civ. 2, 6 janvier 2022, n°20-16.379 ; Cass. Civ. 2, 7 avril 2022, n°20-17.872).
Il s’ensuit que la circonstance selon laquelle l’appel de la cotisation en cause soit intervenu le 15 décembre 2017 ne saurait faire obstacle à son recouvrement selon les modalités prévues à l’article R. 380-4 du code de la sécurité sociale et ne saurait entraîner la nullité de l’appel de cotisation contrairement à ce que le tribunal a retenu et à ce que soutient l’intimée.
– Sur la violation des règles sur la transmission des données personnelles :
L’URSSAF soutient en substance que les dispositions de l’article 27 de la loi informatique et libertés ont été respectées, le traitement des données à caractère personnel destiné au calcul de la CSM ayant été autorisé par décret n°2017-1530 du 3 novembre 2017 pris après avis motivé et publié de la CNIL ; que par délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 portant avis sur un projet de décret publié au JO du 4 novembre 2017, la CNIL a autorisé la mise en oeuvre d’un traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue par l’article L.380-2 du code de la sécurité sociale ; qu’il ressort de l’avis rendu par la CNIL et des décrets du 3 novembre 2017 que pour la cotisation appelée en 2017, sont autorisés un transfert de données entre la DGFIP et l’ACOSS, un traitement de ces données par l’ACCOS et les URSSAF pour le calcul de la CSM.
Elle ajoute qu’il ressort de l’article 32 III de la loi informatique et libertés qu’en cas de communication de données à caractère personnel recueillies auparavant à des tiers, alors une information de la personne concernée doit être réalisée au plus tard lors de cette première communication ; que le site internet Urssaf.fr contient également cette information ; qu’elle a respecté son obligation d’information générale des assurés sociaux concernant la cotisation subsidiaire maladie, conformément à l’article R.112-2 du code de la sécurité sociale, une campagne d’information ayant été menée auprès des personnes concernées au mois de novembre 2017 ; que la cotisante ne peut arguer ne pas avoir été informée des transferts de données entre l’administration fiscale et l’URSSAF ; que si une atteinte à la loi informatique et libertés était avérée, seule la CNIL pourrait en faire le constat et prononcer une éventuelle sanction qui ne saurait consister en une annulation de l’appel de cotisation litigieux ; qu’elle n’a pas manqué à son obligation d’information.
Elle soutient par ailleurs que l’appel de cotisation du 15 décembre 2017 a été adressé par l’URSSAF territorialement compétente , à savoir l’URSSAF Centre Val de Loire par voie de délégation ; que l’appel de cotisation du 15 décembre 2017 a été établi par une URSSAF compétente puisque la convention de mutualisation datée du 1er décembre 2017 a pris effet le 12 décembre 2017, après décision d’approbation prise le 11 décembre 2017 par le directeur de l’ACOSS.
Mme [O] [X] soutient en substance que dans sa recommandation n° 2017-179 du 26 octobre 2017 relative aux transmissions d’informations opérées par la Direction Générale des Finances Publiques en vue de l’établissement et du recouvrement de la contribution subsidiaire maladie, la CNIL rappelle d’une part que tout contribuable doit être informé par les services des impôts du transfert de ses données personnelles et que l’ACOSS doit également assurer l’information des personnes concernées pour le traitement qu’elle met en oeuvre, d’autre part que ces données ne sauraient être transmises et traités que par le directeur de la caisse d’assurance maladie de rattachement de l’assuré ; que ces règles n’ont pas été respectées pour l’appel de cotisation reçu ; qu’à aucun moment, elle n’a été informée de la transmission de ses données personnelles par son service des impôts des particuliers à l’URSSAF Centre-Val de Loire en violation des principes de droit européen et que l’URSSAF ne justifie pas d’une éventuelle campagne d’information préalable quant au traitement de ses données personnelles; qu’elle n’a jamais dépendu de l’URSSAF Centre Val-de Loire mais bien de l’URSSAF d’Ile- de- France, seul organisme habilité à recevoir ses données fiscales personnelles ; qu’il convient que l’URSSAF Ile- de- France puisse justifier d’une délégation émise au profit de l’URSSAF Centre- Val de Loire; que la délégation est possible et prend effet au lendemain du jour de la publicité de cette délégation ; qu’en l’espèce le 11 décembre 2017, il y a eu prise de délégation par le directeur de l’agence centrale des organismes de sécurité sociale, la publication de la décision de la délégation dans le bulletin officiel du Ministère des Solidarités et de la santé est daté du 15 janvier 2018, de sorte que la délégation litigieuse n’a pu prendre effet qu’au 16 janvier 2018 ; que l’appel de cotisation qui lui a été adressé est daté du 15 décembre 2017 soit plus d’un mois avant la date de publication de la décision de délégation ; que les appels de cotisation devant intervenir obligatoirement avant le dernier jour du mois de novembre de l’année suivant celle au titre de laquelle la cotisation est due, les transferts d’informations ont débuté avant la date de la décision fixée au 11 décembre 2017 et l’appel de cotisation étant daté du 15 décembre 2017 a été émis avant l’entrée en vigueur de la décision de délégation; que l’appel de cotisation et par la suite l’intégralité de la procédure d’appel de cotisation sont entachés de nullité.
L’alinéa 1 de l’article L. 122-7 du code de la sécurité sociale, dans sa version modifiée par la loi n°2016-1827 du 23 décembre 2016, prévoit que :
“Le directeur d’un organisme local ou régional peut déléguer à un organisme local ou régional la réalisation des missions ou activités liées à la gestion des organismes, au service des prestations, au recouvrement et à la gestion des activités de trésorerie, par une convention qui prend effet après approbation par le directeur de l’organisme national de chaque branche concernée.
Lorsque la mutualisation inclut des activités comptables, financières ou de contrôle relevant de l’agent comptable, la convention est également signée par les agents comptables des organismes concernés.”
En l’espèce, la “convention relative à la centralisation du recouvrement de la cotisation d’assurance maladie visée à l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale” ( pièce n° 26 des productions de l’URSSAF) , a été signée le 1er décembre 2017 entre, notamment, les directeurs de l’URSSAF d’Ile-de-France et de l’URSSAF du Centre -Val de Loire ainsi que par les agents comptables de ces URSSAF.
Elle stipule que “la présente convention est applicable à compter de la décision d’approbation du Directeur de l’Acoss et conclue pour une durée indéterminée”.
En outre, par décision du 11 décembre 2017 prise par le directeur de l’Acoss en application de l’article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et relative au recouvrement des cotisations dues en application de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, “sont approuvées les conventions de mutualisation interrégionales, prises en application de l’article L. 122-7 du code de la sécurité sociale et conclues entre les unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale ( URSSAF) aux fins de délégation de calcul, de l’appel et du recouvrement des cotisations dues en application de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, à des URSSAF délégataires conformément à la répartition figurant sur le tableau annexé à la présente décision.”
Le tableau annexé précise que l’URSSAF Ile-de-France est “URSSAF délégante” et l’URSSAF Centre, devenue l’URSSAF Centre-Val de Loire, est “URSSAF délégataire” de la première
( pièce n° 25 des productions de l’URSSAF).
Cette décision du 11 décembre 2017 n’est ni une loi ni un acte administratif publié au Journal officiel. Elle a été publiée au bulletin officiel santé, protection sociale, solidarité le 15 janvier 2018.
Elle concerne les relations entre deux organismes publics, est destinée à la mise en oeuvre de leurs prérogatives de puissance publique et est donc d’application immédiate.
L’URSSAF du Centre Val de Loire est donc territorialement compétente et a été régulièrement désignée pour le recouvrement de la CSM.
L’appel de cotisation reçu par Mme [O] [X] étant daté du 15 décembre 2017, soit postérieurement à la décision du 11 décembre 2017, l’URSSAF Centre-Val de Loire avait bien reçu délégation et était compétente pour calculer, appeler et recouvrer la CSM au jour de l’appel de cotisation et il ne saurait être utilement soutenu que la délégation n’a pu prendre effet qu’au 16 janvier 2018. Par ailleurs, le transfert d’informations transmises par la DGFIP à l’URSSAF Centre Val-de-Loire est justifiée par la délégation susvisée et Mme [O] [X] n’établit pas qu’un tel transfert soit intervenu avant le 11 décembre 2017.
Aux termes de l’article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dans sa version applicable au litige, « sont autorisés par décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés, les traitements de données à caractère personnel mis en ‘uvre pour le compte de l’État, agissant dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique, qui portent sur des données génétiques ou sur des données biométriques nécessaires à l’authentification ou au contrôle de l’identité des personnes… »
La CNIL a été saisie et s’est prononcée sur le fondement de cet article.
Par délibération n° 2017-279 du 26 octobre 2017 portant avis sur un projet de décret, publié le 4 novembre 2017, la CNIL a autorisé la mise en ‘uvre du traitement de données à caractère personnel destiné au calcul de la cotisation prévue par l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale.
La CNIL, notamment, a observé que l’article 1er-IV du projet de décret prévoyait que seront destinataires des données à caractère personnel, à raison de leurs attributions et du besoin d’en connaître :
« – les agents habilités de l’ACOSS ;
« – les agents habilités des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 du code de la sécurité sociale en charge du calcul, du recouvrement et du contrôle de la cotisation. S’agissant de ces organismes, la commission prend acte de ce qu’ils ne seront destinataires que des données concernant les cotisants pour lesquels ils sont territorialement compétents.
« Un tel accès aux données apparaît justifié au regard des finalités du traitement. »
La CNIL a également observé, sur « l’information et les droits des personnes », que :
« Le projet demeure silencieux sur les modalités d’information des personnes concernées.
« La commission observe dans le dossier joint à la saisine que le ministère renvoie au décret visant à autoriser le traitement mis en ‘uvre par la DGFIP relatif au transfert de données fiscales concernant les redevables de la cotisation annuelle subsidiaire.
« Elle rappelle toutefois que, si la DGFIP a pour obligation d’informer les personnes en ce qui concerne le traitement automatisé de transfert de données fiscales dont elle est responsable de traitement, l’ACOSS devra également assurer l’information des personnes concernées pour le traitement qu’elle met en ‘uvre. »
Le décret n° 2017-1530 du 3 novembre 2017 est venu ainsi autoriser le traitement par l’Acoss et les Urssaf des informations nominatives déclarées pour l’établissement de l’impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions pour verser la CSM et a mis à la charge de l’Acoss l’obligation d’informer les personnes concernées du traitement mis en ‘uvre.
Ensuite, suivant l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, notamment, « les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l’établissement de l’impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 380-2, conformément à l’article L. 152 du livre des procédures fiscales ».
L’article R. 380-3 du code de la sécurité sociale dispose, notamment, que la CSM est « calculée, appelée et recouvrée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général au vu des éléments transmis par l’administration fiscale ou par les personnes redevables de ces cotisations ».
L’article D. 380-5 I du code de la sécurité sociale prévoit que « les éléments nécessaires à la détermination des revenus mentionnés aux articles D. 380-1 et D. 380-2 sont communiqués par l’administration fiscale aux organismes chargés du calcul et du recouvrement des cotisations mentionnées à l’article L. 380-2 et au deuxième alinéa du IV de l’article L. 380-3-1 ».
Il résulte de la combinaison de ces textes, à la lumière de la délibération de la CNIL, que sont autorisés le transfert de données entre la DGFIP et l’Acoss, ainsi qu’un traitement de ces données par l’Acoss et les URSSAF pour le calcul de la CSM, de sorte que les dispositions de l’article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ont bien été respectées.
Quant à l’obligation d’informer les personnes concernées du traitement automatisé de transfert de leurs données fiscales résultant de l’article 32 de la loi du 6 janvier 1978 et de l’avis de la CNIL du 26 octobre 2017, il y a lieu de relever, que le site internet Urssaf.fr contient une telle information puisqu’il y est indiqué que les redevables sont identifiés « à partir des données transmises par l’administration fiscale sur la base des éléments de revenus pris en compte pour l’impôt sur le revenu ». En revanche, si l’Urssaf soutient avoir mené une campagne d’information à cet égard et adressé des lettres circulaires au mois de novembre 2017 aux personnes concernées, aucune preuve d’envoi ou de réception n’est versée.
Outre le fait que la transmission des données a été portée à la connaissance de l’assurée, en sa qualité de cotisante, par la publication de la loi ayant institué la CSM au Journal Officiel, loi que nul n’est censé dès lors ignorer, l’obligation d’information individuelle a été mise à la charge de l’ACOSS et de la DGFIP, selon la CNIL, lesquelles ne sont pas parties à la présente instance, et non à la charge de l’URSSAF.
Par ailleurs l’appel à cotisation du 15 décembre 2017 mentionne que les revenus financiers ont été transmis par la Direction générale des finances publiques (DGFIP) et prévoit une procédure contradictoire en cas de contestation de la prise en compte des revenus par le cotisant. Dès lors, l’absence d’information personnalisée préalable ne saurait être sanctionnée par la nullité de l’appel à cotisation régulièrement notifié, l’assurée ayant eu la possibilité de contester cette décision, ce qu’elle a fait en l’espèce.
Par suite, la nullité de la cotisation subsidiaire maladie pour manquement à l’obligation d’information et pour transmission des données à l’URSSAF du Centre Val de Loire ne saurait donc être encourue.
– Sur le caractère inconstitutionnel de l’appel de cotisation :
L’URSSAF soutient en substance que le Conseil constitutionnel a validé la conformité à la Constitution de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015, et que les articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale fixant les taux, assiette et modalités de calcul de la cotisation sont issus du décret n°2016-979 du 19 juillet 2016. Elle précise que la réserve du Conseil constitutionnel est d’interprétation « directive » sans rétroactivité et ne peut conduire à déclarer rétroactivement non conforme le décret susvisé. Elle soutient que la réserve s’adresse exclusivement à l’autorité réglementaire chargée de l’application de la loi et ne peut donc être invoquée par les justiciables.
Elle ajoute que les dispositions de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2019 ne sont pas applicables en l’espèce à la CSM 2016. Elle conclut que la cotisante ne peut se prévaloir de la réserve d’interprétation du Conseil Constitutionnel pour voir écarter l’application des articles D.380-1 et D.380-2 du code de la sécurité sociale et prononcer l’annulation de la CSM réclamée au titre de l’année 2016.
Mme [O] [X] invoque en substance que la CSM mise à la sa charge a été calculée sur les revenus déclarés en 2016 et n’a subi aucun plafonnement ; que le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 juillet 2018 de la conformité de la PUMa avec la Constitution et notamment avec le droit à l’égalité devant les charges publiques ; que le Conseil constitutionnel conclut à la constitutionnalité de la PUMa, sous réserve d’une modification des règles de calcul de la CSM, avec intégration d’un plafond, qu’en conséquence, les dispositions réglementaires encadrant le calcul et le recouvrement de la CSM pour les années 2016 et 2017 ne sont pas conformes à la Constitution ; que cette décision s’impose aux juridictions ; que le texte objet du litige est inconstitutionnel du fait d’une absence de plafonnement, car opérant une rupture d’égalité devant les charges publiques ; que le texte sur lequel est fondée la CSM ne pouvait donc s’appliquer; que conscient du caractère inconstitutionnel du texte, le législateur a opéré des modifications à la PUMa dans le cadre de la LFSS pour 2019, intégrant un plafonnement dans l’assiette des cotisations, mais qui ne s’applique pas à la CSM des années 2016 et 2017.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 n°2015-1702 du 21 décembre 2015 a instauré la protection universelle maladie (PUMa) en remplacement, à compter du 1er janvier 2016, de la couverture maladie universelle de base (CMU). Les personnes inactives ou dont les revenus professionnels étaient trop faibles pour être assujetties à un régime de sécurité sociale obligatoire étaient bénéficiaires de la PUMa et par voie de conséquence assujetties, dès l’année 2016, et pour les années suivantes, à une nouvelle cotisation dénommée « cotisation subsidiaire maladie » (CSM).
Le premier alinéa de l’article L. 160-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, disposait que toute personne travaillant ou lorsqu’elle n’exerce pas d’activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière, bénéficie en cas de maladie ou de maternité de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées au présent livre.
L’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, disposait que:
« Les personnes mentionnées à l’article L. 160-1 sont redevables d’une cotisation annuelle lorsqu’elles remplissent les conditions suivantes :
« 1° Leurs revenus tirés, au cours de l’année considérée, d’activités professionnelles exercées en France sont inférieurs à un seuil fixé par décret. En outre, lorsqu’elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, les revenus tirés d’activités professionnelles exercées en France de l’autre membre du couple sont également inférieurs à ce seuil ;
« 2° Elles n’ont perçu ni pension de retraite, ni rente, ni aucun montant d’allocation de chômage au cours de l’année considérée. Il en est de même, lorsqu’elles sont mariées ou liées à un partenaire par un pacte civil de solidarité, pour l’autre membre du couple.
« Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus fonciers, de capitaux mobiliers, des plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature, des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels et des bénéfices des professions non commerciales non professionnels, définis selon les modalités fixées au IV de l’article 1417 du code général des impôts, qui dépasse un plafond fixé par décret. Servent également au calcul de l’assiette de la cotisation, lorsqu’ils ne sont pas pris en compte en application du IV de l’article 1417 du code général des impôts, l’ensemble des moyens d’existence et des éléments de train de vie, notamment les avantages en nature et les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers, dont le bénéficiaire de la couverture maladie universelle a disposé, en quelque lieu que ce soit, en France ou à l’étranger, et à quelque titre que ce soit. Ces éléments de train de vie font l’objet d’une évaluation dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d’État. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.
« Lorsque les revenus d’activité mentionnés au 1° sont inférieurs au seuil défini au même 1° mais supérieurs à la moitié de ce seuil, l’assiette de la cotisation fait l’objet d’un abattement dans des conditions fixées par décret. Cet abattement croît à proportion des revenus d’activité, pour atteindre 100 % à hauteur du seuil défini audit 1°.
« La cotisation est recouvrée l’année qui suit l’année considérée, mentionnée aux 1° et 2° du présent article, selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret du Conseil d’État.
« Les agents des administrations fiscales communiquent aux organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-2 les informations nominatives déclarées pour l’établissement de l’impôt sur le revenu par les personnes remplissant les conditions mentionnées au premier alinéa de l’article L. 380-2, conformément à l’article L. 152 du livre des procédures fiscales. »
Dans sa décision n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018 portant sur la constitutionnalité de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale instituant la CSM, le Conseil constitutionnel a pris la décision suivante :
« En ce qui concerne la première phrase du 1° et les premières et dernières phrases du quatrième alinéa de l’article L. 380-2 :
« 14. En premier lieu, les dispositions contestées créent une différence de traitement entre les assurés sociaux redevables de cotisations sociales sur leurs seuls revenus professionnels et ceux qui, dès lors que leur revenu d’activité professionnelle est inférieur au seuil fixé par le pouvoir réglementaire en application du 1° de l’article L. 380-2 et qu’ils n’ont perçu aucun revenu de remplacement, sont redevables d’une cotisation assise sur l’ensemble de leurs revenus du patrimoine.
« 15. Toutefois, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu faire contribuer à la prise en charge des frais de santé les personnes ne percevant pas de revenus professionnels ou percevant des revenus professionnels insuffisants pour que les cotisations assises sur ces revenus constituent une participation effective à cette prise en charge.
« 16. Dès lors, en créant une différence de traitement entre les personnes pour la détermination des modalités de leur participation au financement de l’assurance maladie selon le montant de leurs revenus professionnels, le législateur a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se proposait.
« 17. En deuxième lieu, d’une part, s’il résulte des dispositions contestées une différence de traitement entre deux assurés sociaux disposant d’un revenu d’activité professionnelle d’un montant proche, selon que ce revenu est inférieur ou supérieur au plafond prévu par le quatrième alinéa de l’article L. 380-2, cette différence est inhérente à l’existence d’un seuil. En outre, en application du cinquième alinéa de l’article L. 380-2, lorsque les revenus d’activité sont inférieurs au seuil en deçà duquel une personne est soumise à la cotisation prévue par l’article L. 380-2 mais supérieure à la moitié de ce seuil, l’assiette de la cotisation assise sur les revenus du patrimoine fait l’objet d’un abattement croissant à proportion des revenus d’activité.
« 18. D’autre part, la cotisation n’est assise que sur la fraction des revenus du patrimoine dépassant un plafond fixé par décret.
« 19. Enfin, la seule absence de plafonnement d’une cotisation dont les modalités de détermination de l’assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n’est pas, en elle-même, constitutive d’une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Toutefois, il appartient au pouvoir réglementaire de fixer ce taux et ces modalités de façon à ce que la cotisation n’entraîne pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.
« 20. En troisième lieu, la cotisation contestée n’entrant pas dans la catégorie des impositions de toutes natures, le grief tiré de ce que son cumul avec des impositions de toutes natures présenterait un caractère confiscatoire prohibé par l’article 13 de la Déclaration de 1789 est inopérant.
« 21. Il résulte de tout ce qui précède que la première phrase du 1° et, sous la réserve énoncée au paragraphe 19, les premières et dernières phrases du quatrième alinéa de l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ne méconnaissent ni le principe d’égalité devant les charges publiques, ni celui d’égalité devant la loi. »
Il en ressort que le Conseil constitutionnel a validé l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l’espèce.
Les réserves d’interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel assortit la déclaration de conformité à la Constitution d’une disposition législative sont revêtues de l’autorité absolue de la chose jugée et lient tant les autorités administratives que le juge pour l’application et l’interprétation de cette disposition.
Or, les articles D. 380-1 et D. 380-2 du code de la sécurité sociale, modifiés par le décret 2016-979 du 19 juillet 2016, fixent le taux de la cotisation et ses modalités, y compris des plafonds, même si est omis un plafond du montant total de la cotisation. Conformément à la décision du Conseil constitutionnel, la seule absence de plafonnement d’une cotisation dont les modalités de détermination de l’assiette ainsi que le taux sont fixés par voie réglementaire n’est pas, en elle-même, constitutive d’une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Il appartient au cotisant de démontrer que l’application de ces règles rompt l’égalité des contribuables devant les charges publiques.
Ainsi, aux termes de l’article D. 380-1 :
« I.- Le montant de la cotisation mentionnée à l’article L. 380-2 due par les assurés dont les revenus tirés d’activités professionnelles sont inférieurs à un seuil fixé à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale est déterminé selon les formules suivantes :
« 1° Si les revenus tirés d’activités professionnelles sont inférieurs à 5 % du plafond annuel de la sécurité sociale :
« Montant de la cotisation = 8 % × (A D)
« Où :
« A est l’assiette des revenus définie au quatrième alinéa de l’article L. 380-2 ;
« D, qui correspond au plafond mentionné au quatrième alinéa du même article, est égal à 25 % du plafond annuel de la sécurité sociale ;
« 2° Si les revenus tirés d’activités professionnelles sont compris entre 5 % et 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale :
« Montant de la cotisation = 8 % × (A D) × 2 × (1 – R / S)
« Où :
« R est le montant des revenus tirés d’activités professionnelles ;
« S, qui correspond au seuil des revenus tirés d’activités professionnelles mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 380-2, est égal à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale.
« II.- Lorsque le redevable de cette cotisation ne remplit les conditions mentionnées à l’article L. 160-1 que pour une partie de l’année civile, le montant de la cotisation due est calculé au prorata de cette partie de l’année.
« III.- Si, au titre d’une période donnée, l’assuré est redevable de la cotisation prévue à l’article L. 380-3-1, il ne peut être redevable de la cotisation prévue à l’article L. 380-2 pour la même période. Le montant de celle-ci est alors calculé dans les conditions prévues au II. »
Et selon l’article D. 380-2, dans la même version applicable aux cotisations pour les revenus de l’année 2016 :
« I.- La cotisation due par les personnes mentionnées à l’article L. 380-3-1 au titre d’une année civile est calculée selon la formule définie au 1° du I de l’article D. 380-1, la valeur A correspondant alors à l’assiette des revenus définis au deuxième alinéa du IV de l’article L. 380-3-1 perçus au cours de la dernière année civile pour laquelle ces revenus sont connus.
« II.- Cette cotisation est due à compter de la date à laquelle la personne remplit les conditions énoncées au premier alinéa de l’article L. 380-3-1 et cesse d’être due à compter du lendemain de la date à laquelle elles ne sont plus remplies. Lorsque la période entre ces deux dates est inférieure à une année, le montant de la cotisation est calculé au prorata de la durée de cette période.
« III.- Les caisses primaires d’assurance maladie communiquent aux organismes chargés du recouvrement la liste des personnes redevables de la cotisation prévue à l’article L. 380-3-1. »
Contrairement à ce que soutient Mme [O] [X], des plafonds sont prévus dans le calcul de la cotisation par les dispositions réglementaires, lesquelles ne sont pas intervenues seulement en 2019 en application de la réserve constitutionnelle mais ont été prises dès le 19 juillet 2016 en application de l’article jugé conforme à la constitution par le Conseil constitutionnel, peu important que ces plafonds ne soient pas prévus par la loi et qu’ils ne comportent pas un plafond du montant total de la cotisation. Ainsi, il ne peut pas être simplement soutenu que la cotisation prévue par la loi opère une rupture d’égalité devant les charges publiques en l’absence de plafond, ce qui est rectifié par le décret, sans démontrer par ailleurs que, dans le cas particulier de l’assurée, le calcul de la cotisation effectué sur la base des modalités réglementaires prévues en 2016 crée effectivement une rupture d’égalité en l’absence d’un plafond du montant total de la cotisation.
Les moyens de l’assurée visant au dégrèvement total de l’appel de cotisation en raison de son inconstitutionnalité ne peuvent donc pas prospérer.
– Sur l’assujettissement CSM et l’affiliation PUMa :
L’URSSAF soutient en substance que la prestation Protection Universelle Maladie est un droit et qu’il appartient au cotisant de se rapprocher de la caisse primaire d’assurance maladie pour en solliciter le bénéfice ; que l’affiliation à la PUMa est automatiquement réalisée lorsque le bénéficiaire remplit les critères de résidence stable et régulière ou de travail en France ; que l’assujettissement à la PUMa est d’ordre public et qu’il n’est pas possible de se soustraire à cet assujettissement dès lors que les conditions de résidence et de revenus prévues à l’article L.380-2 du code de la sécurité sociale sont remplies ; que Mme [O] [X] conteste son affiliation au motif qu’elle n’aurait pas transmis les pièces nécessaires à l’étude de son dossier mais que l’URSSAF ne saurait être tenue pour responsable des éventuels manquements de celle-ci ; que l’URSSAF n’étant pas l’interlocuteur mais seulement l’organisme compétent pour procéder au recouvrement de la cotisation, la contestation de la requérante ne peut être retenue.
Mme [O] [X] se prévaut de ce que le paiement de la CSM par les cotisants donne droit au bénéfice de la PUMa en vertu des articles L. 380-2 et suivants du code de la sécurité sociale ; que ce droit est automatique et ne nécessite pas de diligences particulières des cotisants; qu’elle s’acquitte de sa CSM depuis 2017, l’année 2016 étant la seule pour laquelle elle a effectué une réclamation ; que pourtant alors qu’elle n’avait jamais bénéficié de la sécurité sociale française, elle ne bénéficie toujours pas de la sécurité sociale malgré ses demandes ; que par courrier du 2 décembre 2022, l’assurance maladie confirme la non prise en charge des frais de santé dans la mesure où une copie de l’acte de naissance serait manquante, alors qu’il a été produit par courrier du 11 janvier 2021 ; que bien qu’elle se soit rapprochée de la caisse primaire d’assurance maladie avec insistance, elle ne bénéficie pas à ce jour du remboursement de ses frais de santé ; qu’à ce titre l’annulation de la CSM 2016 est justifiée.
Si Mme [O] [X] justifie des difficultés rencontrées pour le remboursement de ses frais de santé ainsi qu’il résulte des pièces n° 23 à n° 29 de ses productions, force est de relever que cette circonstance dont l’URSSAF organisme de recouvrement ne peut être tenue ne saurait dispenser l’intéressée du paiement de la cotisation CSM restant due pour l’année 2016, Mme [O] [X] devant saisir la caisse primaire d’assurance maladie pour faire valoir ses droits.
Par suite le moyen tiré de l’absence de prise en charge par la caisse primaire d’assurance maladie des frais de santé ne saurait entraîner l’annulation de la cotisation 2016.
Par infirmation du jugement déféré, il convient de valider l’appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant de 24 247 euros, de valider la mise en demeure pour la somme de 16 164,30 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie de l’année 2016 et de condamner Mme [O] [X] au paiement de la cotisation subsidiaire maladie pour la somme restante de 16 164 euros.
Succombant en appel, comme telle tenue aux dépens, Mme [O] sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DÉCLARE l’appel recevable ;
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
VALIDE l’appel de cotisation subsidiaire maladie du 15 décembre 2017 pour son montant de 24 247 euros ;
VALIDE la mise en demeure du 27 septembre 2019 d’un montant de 16 164,30 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie 2016 ;
CONDAMNE Mme [S] [O] [X] à payer à l’URSSAF Centre-Val de Loire la somme de 16 164 euros ;
DÉBOUTE Mme [S] [O] [X] de ses demandes ;
CONDAMNE Mme [S] [O] [X] aux dépens.
La greffière Pour la présidente empêchée