Données confidentielles : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/12782

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Données confidentielles : 26 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/12782
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRÊT DU 26 JANVIER 2023

(n° , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/12782 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGD3L

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Mai 2022 -Président du TC de PARIS – RG n°2022001692

APPELANTE

S.A.R.L. KYU ASSOCIES, RCS de PARIS sous le numéro 444 790 828, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistée à l’audience par Maîtres Valérie MEIMOUN-HAYAT et Géraldine SALORD, avocats au barreau de PARIS, toque : P0303

INTIMEE

S.A.S. OLECIO, RCS de PARIS sous le numéro 895 367 258, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistée à l’audience par Me François-Pierre LANI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Décembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller et Michèle CHOPIN, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Michèle CHOPIN, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par décision du 3 décembre 2021, le juge des requêtes du tribunal de commerce de Paris a ordonné une mesure d’instruction au visa de l’article 145 du code de procédure civile au profit de la société Kyu associés qui l’avait sollicitée, la société [L], prise en la personne de Me [O] [L], huissier de justice, a été désignée à cet effet.

La société [L] a effectué sa mission le 14 décembre 2021 et en a dressé constat.

Par exploit du 13 janvier 2022, la société Olecio a fait assigner la société Kyu associés devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir :

A titre principal,

– constater que les mesures d’instruction prévues par l’ordonnance du 3 décembre 2021 sont dépourvues de motif légitime ;

– constater que rien ne justifiait que l’ordonnance du 3 décembre 2021 soit rendue de façon non contradictoire ;

– constater que l’ordonnance du 3 décembre 2021 prévoit des mesures d’instruction non légalement admissibles ;

– ordonner la rétractation de l’ordonnance du 3 décembre 2021 et l’annulation des actes subséquents ;

– ordonner la restitution des éléments saisis ;

A titre subsidiaire,

– constater qu’une partie des mesures d’instruction prévues par l’ordonnance du 3 décembre 2021 ne sont pas légalement admissibles ;

– limiter les mesures d’instruction en écartant les mesures non légalement admissibles et en aménageant la levée du séquestre dans le cadre d’une audience contradictoire ;

– ordonner la rétractation partielle de l’ordonnance du 3 décembre 2021 et l’annulation des actes subséquents ;

– ordonner la restitution partielle des éléments saisis ;

A titre infiniment subsidiaire,

– refuser la production d’une pièce s’il apparaît qu’elle n’est pas nécessaire à la solution du litige (cf. article R. 153-5 du code de commerce) ;

– dans le cas contraire, lorsqu’une pièce est nécessaire à la solution du litige, ordonner sa communication ou sa production dans une version « déconfidentialisée » (c’est-à-dire occultant les informations confidentielles) ou sous forme d’un résumé (cf. article R. 153-7 du code de commerce),

– en dehors de la rétractation de l’ordonnance, sollicitée à titre principal par la société Olecio, les mesures de protection du secret des affaires, expressément prévues par la loi, constituent le seul moyen d’empêcher la communication à la société Kyu associés d’un nombre important de documents et d’informations relatives à des sociétés concurrentes de la société Kyu associés, à l’image de la société BVA ;

– ordonner qu’il soit fait application des articles L. 153-1 et R. 153-1 et suivants du code de commerce ;

– fixer un délai de trois mois à la société Olecio pour organiser la protection de ses secrets d’affaires, et remettre à M. le président :

‘ une version intégrale et confidentielle de chacun des documents qui relèvent, de son point de vue, de la protection du secret des affaires,

‘ une version non confidentielle ou un résumé lorsqu’une telle production est envisageable,

‘ un mémoire contenant des explications précisant, document par document, les motifs leur conférant un caractère confidentiel,

En tout état de cause,

– condamner la société Kyu associés à payer à la société Olecio la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Kyu associés aux entiers dépens de l’instance.

Par ordonnance du 13 mai 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

– dit que l’ordonnance du 3 décembre 2021 est conforme aux dispositions des articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

– rétracté partiellement ladite ordonnance dans ses modalités sur les éléments saisis concernant les courriels échangés entre la société Olecio et les clients de la société Kyu associés avec lesquels M. [N] [S] [P] et M. [E] [F] ont le plus souvent travaillé durant leur collaboration avec la société Kyu associés : Syntec, Opco ep, Atlas, Opiiec, Akto, Fafiec, Fnam, France compétences, Medef, Ush, Uniformation, depuis le 19 mars 2021, et les contrats et conventions de partenariat conclus entre les deux sociétés, Olecio et Bva, depuis le 19 mars 2021 ;

– ordonné à la société [O] [L], en la personne de Me [O] [L], d’exclure des éléments séquestrés les éléments saisis concernant les courriels échangés entre la société Olecio et les clients de la société Kyu associés avec lesquelles M. [N] [S] [P] et M. [E] [F] ont le plus souvent travaillé durant leur collaboration avec la société Kyu : Syntec, Opco ep, Atlas, Opiiec, Akto, Fafiec, Fnam, France compétences, Medef, Ush, Uniformation, depuis le 19 mars 2021, et les contrats et conventions de partenariat conclus entre les deux sociétés, Olecio et Bva, depuis le 19 mars 2021 ;

– confirmé l’ordonnance du 03 décembre 2021 dans toutes ses autres modalités ;

– dit que la levée de séquestre des pièces obtenues lors des opérations de constat par l’huissier instrumentaire doit se faire conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce ;

– dit que la procédure de levée de séquestre sera la suivante :

– demandé à la société Olecio de faire un tri sur les fichiers des pièces séquestrées en trois catégories :

‘ Catégorie « A » les pièces qui pourront être communiquées sans examen,

‘ Catégorie « B » les pièces qui sont concernées par le secret des affaires et que la défenderesse et également demanderesse à la rétractation, la société Olecio, refuse de communiquer,

‘ Catégorie « C » les pièces que la défenderesse refuse de communiquer mais qui ne sont pas concernées par le secret des affaires ;

– dit que ce tri sera communiqué à la société [O] [L], huissier instrumentaire pour un contrôle de cohérence avec le fichier initial séquestré ;

– dit que pour les pièces concernées par le secret des affaires, la société Olecio, conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce, communiquera au président « un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires » ;

– fixé le calendrier suivant :

* Communication à la société [O] [L], et au président, les tris des fichiers demandés pour le 29 juillet 2022 au plus tard ;

– renvoyé l’affaire, après contrôle de cohérence par l’huissier, à l’audience du 9 septembre 2022 à 14h30 pour examen de la fin de la levée de séquestre ;

– dit que la société [O] [L], ès qualités de séquestre, ne pourra procéder à la libération des éléments susvisés entre les mains de la société Kyu associés et/ou la destruction des pièces communicables, qu’après que tous les délais d’appel soient expirés, ou s’il y a appel, qu’après qu’une décision définitive soit intervenue, que dans cette attente la société [O] [L], ès qualités, conservera sous séquestre l’ensemble des pièces ;

– dit qu’il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté toutes demandesa autres, plus amples ou contraires des parties ;

– laissé les dépens à la charge de la société Kyu associés, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 57,65 euros TTC dont 9,61 euros de TVA, compte tenu de la rétractation partielle de l’ordonnance du 3 décembre 2021.

Par déclaration du 7 juillet 2022, la société Kyu associés a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 25 novembre 2022, la société Kyu associés demande à la cour de :

Sur l’appel principal,

– infirmer l’ordonnance du 13 mai 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Paris en ce qu’elle a rétracté partiellement l’ordonnance du 3 décembre 2021et en conséquence, exclu de la mesure d’instruction ordonnée par ordonnance du 3 décembre 2021 les courriels échangés entre la société Olecio et les clients de la société Kyu associés avec lesquels Messieurs [P] et [F] ont le plus travaillé durant leur collaboration avec la société Kyu associés, à savoir les sociétés Syntec, Opco ep, Atlas, Opiiec, Akto, Fafiec, Fnam, France compétences, Medef, Ush, Uniformation ainsi que les contrats et conventions de partenariat conclus entre les sociétés Olecio et Bva depuis le 19 mars 2021 ;

En conséquence et statuant à nouveau,

– dire et juger que les courriels échangés entre la société Olecio et les clients de la société Kyu associés avec lesquels Messieurs [P] et [F] ont le plus travaillé durant leur collaboration avec la société Kyu associés, à savoir les sociétés Syntec, Opco ep, Atlas, Opiiec, Akto, Fafiec, Fnam, France compétences, Medef, Ush, Uniformation ainsi que les contrats et conventions de partenariat conclus entre les sociétés Olecio et BVA depuis le 19 mars 2021 seront réintégrés dans la mesure d’instruction prononcée par ordonnance du 3 décembre 2021 ;

– ordonner à la société [O] [L], en la personne de Me [L], de procéder à la réintégration desdits éléments susvisés dans les opérations de levée des séquestres ;

– rejeter l’intégralité des fins, moyens et prétentions de la société Olecio ;

Sur l’appel incident,

A titre principal,

– constater que la société Olecio a acquiescé à l’ensemble des dispositions de l’ordonnance du 13 mai 2022 non visées à l’appel partiel introduit par la société Kyu associés ;

En conséquence,

– déclarer irrecevable la société Olecio en son appel incident de l’ordonnance du 13 mai 2022 ;

A titre subsidiaire,

– confirmer l’ordonnance du 13 mai 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Paris en ce qu’elle a rejeté la demande de rétractation de la société Olecio et :

‘ dit que l’ordonnance du 3 décembre 2021 est conforme aux dispositions des articles 145 et 493 du code de procédure civile,

‘ confirmé l’ordonnance du 03 décembre 2021 dans toutes ses autres modalités,

‘ dit que la levée de séquestre des pièces obtenues lors des opérations de constat par l’huissier instrumentaire doit se faire conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce,

‘ dit que la procédure de levée de séquestre sera la suivante,

‘ demandé à la société Olecio de faire un tri sur les fichiers des pièces séquestrées en trois catégories :

Catégorie « A » les pièces qui pourront être communiquées sans examen,

Catégorie « B » les pièces qui sont concernées par le secret des affaires et que la défenderesse et également demanderesse à la rétractation, la société Olecio, refuse de communiquer,

Catégorie « C » les pièces que la défenderesse refuse de communiquer mais qui ne sont pas concernées par le secret des affaires,

‘ dit que ce tri sera communiqué à la société [O] [L], huissier instrumentaire pour un contrôle de cohérence avec le fichier initial séquestré,

‘ dit que pour les pièces concernées par le secret des affaires, la société Olecio, conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce, communiquera au président « un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires »,

‘ fixé le calendrier suivant :

* Communication à la société [O] [L], et au président, les tris des fichiers demandés pour le 29 juillet 2022 au plus tard,

‘ renvoyé l’affaire, après contrôle de cohérence par l’huissier, à l’audience du 9 septembre 2022 à 14h30 pour examen de la fin de la levée de séquestre,

‘ dit que la société [O] [L], ès qualités de séquestre, ne pourra procéder à la libération des éléments susvisés entre les mains de la société Kyu associés et/ou à la destruction des pièces communicables, qu’après que tous les délais d’appel soient expirés, ou s’il y a appel, qu’après qu’une décision définitive soit intervenue, que dans cette attente la société [O] [L], ès qualités, conservera sous séquestre l’ensemble des pièces,

‘ dit qu’il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ rejeté toutes demandes autres, plus amples ou contraires des parties,

‘ laissé les dépens à la charge de la société Kyu associés, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 57,65 euros TTC dont 9,61 euros de TVA, compte tenu de la rétractation partielle de l’ordonnance du 3 décembre 2021,

En conséquence et statuant à nouveau,

– rejeter l’intégralité des fins, moyens et prétentions de la société Olecio ;

A titre plus subsidiaire,

– infirmer partiellement l’ordonnance du 13 mai 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Paris en ce qu’elle a dit que l’ordonnance du 3 décembre 2021 est conforme aux dispositions des articles 145 et 493 du code de procédure civile ;

En conséquence et statuant à nouveau,

– modifier les mesures d’instruction issues de l’ordonnance du 3 décembre 2021 pour les préciser sur la base des propositions faites par la société Kyu associés aux présentes ;

– rejeter l’intégralité des fins, moyens et prétentions de la société Olecio à ce titre ;

En tout état de cause,

– condamner la société Olecio à verser à la société Kyu associés la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance d’appel, dont distraction au profit de la société Afg, avocat au barreau de Paris.

La société Kyu associés soutient en substance que :

– l’appel principal ne porte que sur la rétractation partielle de l’ordonnance rendue, et le périmètre de la mesure d’instruction,

– la société Kyu dispose d’un motif légitime et a développé de forts soupçons de concurrence déloyale et parasitisme à l’égard de la société Olecio, ce, après plusieurs appels d’offres qui ont placé les deux sociétés en concurrence,

– cependant, le juge des référés a à tort restreint le périmètre de la mesure en excluant certains courriels intervenus entre la société Olecio et certains clients historiques de la société Kyu associés ainsi que les contrats et conventions de partenariat entre les sociétés Olecio et BVA depuis le 19 mars 2021,

– elle fait état d’éléments qui lui permettent de soupçonner des agissements déloyaux et n’a pas limité ses soupçons au détournement de savoir-faire ou de clientèle, qui participent du même agissement déloyal fautif et constitutif de concurrence déloyale,

– il ressort de l’ensemble des pièces communiquées dans le cadre de la requête déposée que la société Olecio a par l’intermédiaire de ses deux fondateurs détourné des éléments de la société Kyu relevant de son savoir-faire technologique, stratégique et commercial, de sorte qu’elle est légitime à se voir remettre les échanges entre ses clients et la société Olecio ainsi que les contrats entre cette dernière et la société BVA, concurrent majeur,

– il n’existe aucun risque tenant au secret des affaires à cette communication, l’ordonnance rendue prévoyant une procédure de tri,

– elle a formé un appel partiel de l’ordonnance rendue, et la société Olecio a acquiescé aux dispositions de l’ordonnance en indiquant dans un courrier à Me [L] le 24 juin 2022 qu’elle ne comptait pas en interjeter appel,

– subsidiairement, la mesure répond à un motif légitime, la dérogation au principe du contradictoire était justifiée, la mesure ordonnée étant légalement admissible,

– plus subsidiairement, la mesure ne devra pas être totalement rétractée mais seulement modifiée de sorte à conserver les mesures nécessaires à établir la preuve des actes de concurrence déloyale de la société Olecio,

– les échanges de courriels entre les sociétés BVA et Olecio sont particulièrement pertinents.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 2 décembre 2022, la société Olecio demande à la cour, de :

A titre liminaire,

– rejeter la demande de la société Kyu associés consistant à considérer que le périmètre de l’appel est exclusivement limité aux chefs de l’ordonnance qu’elle critique, en ce compris la demande de « dire et juger que l’ensemble du reste des dispositions de l’ordonnance du 13 mai 2022 sont définitivement acquises au jour de l’appel » ;

– déclarer parfaitement recevable la société Olecio en son appel incident de l’ordonnance du 13 mai 2022 ;

A titre principal,

– infirmer l’ordonnance du 13 mai 2022 en ce qu’elle a :

‘ dit que l’ordonnance du 3 décembre 2021 est conforme aux dispositions des articles 145 et 493 du code de procédure civile,

‘ rétracté partiellement ladite ordonnance dans ses modalités sur les éléments saisis concernant les courriels échangés entre la société Olecio et les clients de la société Kyu associés avec lesquelles M. [N] [S] [P] et M. [E] [F] ont le plus souvent travaillé durant leur collaboration avec la société Kyu associés : Syntec, Opco ep, Atlas, Opiec, Akto, Fafiec, Fnam, France compétences, Medef, Ush, Uniformation, depuis le 19 mars 2021, et les contrats et conventions de partenariat conclus entre les deux sociétés, Olecio et Bva, depuis le 19 mars 2021,

‘ ordonné à la société [O] [L], en la personne de Me [O] [L], d’exclure des éléments séquestrés les éléments saisis concernant les emails échangés entre la société Olecio et les clients de la société Kyu associés avec lesquelles M. [N] [S] [P] et M. [E] [F] ont le plus souvent travaillé durant leur collaboration avec la société Kyu : Syntec, Opco ep, Atlas, Opiec, Akto, Fafiec, Fnam, France compétences, Medef, Ush, Uniformation, depuis le 19 mars 2021, et les contrats et conventions de partenariat conclus entre les deux sociétés, Olecio et Bva, depuis le 19 mars 2021,

‘ confirmé l’ordonnance du 03 décembre 2021 dans toutes ses autres modalités,

‘ dit que la levée de séquestre des pièces obtenues lors des opérations de constat par l’huissier instrumentaire doit se faire conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce,

‘ dit que la procédure de levée de séquestre sera la suivante :

‘ demandé à la société Olecio de faire un tri sur les fichiers des pièces séquestrées en trois catégories :

Catégorie « A » les pièces qui pourront être communiquées sans examen,

Catégorie « B » les pièces qui sont concernées par le secret des affaires et que la défenderesse et également demanderesse à la rétractation, la société Olecio, refuse de communiquer,

Catégorie « C » les pièces que la défenderesse refuse de communiquer mais qui ne sont pas concernées par le secret des affaires ;

‘ dit que ce tri sera communiqué à la société [O] [L], huissier instrumentaire pour un contrôle de cohérence avec le fichier initial séquestré,

‘ dit que pour les pièces concernées par le secret des affaires, la société Olecio, conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce, communiquera au président « un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires »,

‘ fixé le calendrier suivant :

* Communication à la société [O] [L], et au président, les tris des fichiers demandés pour le 29 juillet 2022 au plus tard,

‘ renvoyé l’affaire, après contrôle de cohérence par l’huissier, à l’audience du 9 septembre 2022 à 14h30 pour examen de la fin de la levée de séquestre,

‘ dit que la société [O] [L], ès qualités de séquestre, ne pourra procéder à la libération des éléments susvisés entre les mains de la société Kyu associés et/ou la destruction des pièces communicables, qu’après que tous les délais d’appel soient expirés, ou s’il y a appel, qu’après qu’une décision définitive soit intervenue, que dans cette attente la société [O] [L], ès qualités, conservera sous séquestre l’ensemble des pièces,

‘ rejeté toutes demandes autres, plus amples ou contraires mais seulement concernant les demandes d’Olecio,

Et statuant à nouveau,

– ordonner la rétractation totale de l’ordonnance du 3 décembre 2021 ;

– ordonner l’annulation des actes subséquents et notamment la restitution par l’huissier instrumentaire à la société Olecio de l’intégralité des éléments saisis et des actes subséquents (dont les procès-verbaux de constat) et la destruction de toute copie qui aurait été faite de tels éléments ;

A titre subsidiaire,

– infirmer l’ordonnance du 13 mai 2022 en ce qu’elle a :

‘ dit que l’ordonnance du 3 décembre 2021 est conforme aux dispositions des articles 145 et 493 du code de procédure civile,

‘ rétracté partiellement ladite ordonnance dans ses modalités sur les éléments saisis concernant les emails échangés entre la société Olecio et les clients de la société Kyu associés avec lesquelles M. [N] [S] [P] et M. [E] [F] ont le plus souvent travaillé durant leur collaboration avec la société Kyu associés : Syntec, Opco ep, Atlas, Opiec, Akto, Fafiec, Fnam, France compétences, Medef, Ush, Uniformation, depuis le 19 mars 2021, et les contrats et conventions de partenariat conclus entre les deux sociétés, Olecio et Bva, depuis le 19 mars 2021,

‘ ordonné à la société [O] [L], en la personne de Me [O] [L], d’exclure des éléments séquestrés les éléments saisis concernant les emails échangés entre la société Olecio et les clients de la société Kyu associés avec lesquelles M. [N] [S] [P] et M. [E] [F] ont le plus souvent travaillé durant leur collaboration avec la société Kyu : Syntec, Opco ep, Atlas, Opiec, Akto, Fafiec, Fnam, France compétences, Medef, Ush, Uniformation, depuis le 19 mars 2021, et les contrats et conventions de partenariat conclus entre les deux sociétés, Olecio et Bva, depuis le 19 mars 2021,

‘ confirmé l’ordonnance du 03 décembre 2021 dans toutes ses autres modalités,

‘ dit que la levée de séquestre des pièces obtenues lors des opérations de constat par l’huissier instrumentaire doit se faire conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce,

‘ dit que la procédure de levée de séquestre sera la suivante :

‘ demandé à la société Olecio de faire un tri sur les fichiers des pièces séquestrées en trois catégories :

Catégorie « A » les pièces qui pourront être communiquées sans examen,

Catégorie « B » les pièces qui sont concernées par le secret des affaires et que la défenderesse et également demanderesse à la rétractation, la société Olecio, refuse de communiquer,

Catégorie « C » les pièces que la défenderesse refuse de communiquer mais qui ne sont pas concernées par le secret des affaires ;

‘ dit que ce tri sera communiqué à la société [O] [L], huissier instrumentaire pour un contrôle de cohérence avec le fichier initial séquestré,

‘ dit que pour les pièces concernées par le secret des affaires, la société Olecio, conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce, communiquera au président « un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires »,

‘ fixé le calendrier suivant :

* Communication à la société [O] [L], et au président, les tris des fichiers demandés pour le 29 juillet 2022 au plus tard,

‘ renvoyé l’affaire, après contrôle de cohérence par l’huissier, à l’audience du 9 septembre 2022 à 14h30 pour examen de la fin de la levée de séquestre,

‘ dit que la société [O] [L], ès qualités de séquestre, ne pourra procéder à la libération des éléments susvisés entre les mains de la société Kyu associés et/ou la destruction des pièces communicables, qu’après que tous les délais d’appel soient expirés, ou s’il y a appel, qu’après qu’une décision définitive soit intervenue, que dans cette attente la société [O] [L], ès qualités, conservera sous séquestre l’ensemble des pièces,

‘ rejeté toutes demandes autres, plus amples ou contraires mais seulement concernant les demandes d’Olecio,

Et statuant à nouveau,

– modifier les mesures d’instruction en écartant les mesures non légalement admissibles et, en particulier, les mesures manifestement étrangères au litige, ainsi qu’en aménageant la levée du séquestre dans le cadre d’une audience contradictoire non soumis à la seule protection du secret des affaires, dans les conditions proposées par la société Olecio dans les présentes écritures – dans les développements au point 3.3 pages 47 à 53, incorporés ici par référence ;

– ordonner l’annulation ou, selon le cas, la modification des actes subséquents relativement aux mesures d’instruction supprimées et notamment la restitution par l’huissier instrumentaire à la société Olecio des éléments saisis en exécution des mesures d’instruction supprimées et, le cas échéant, des actes subséquents annulés (dont les procès-verbaux de constat) et la destruction de toute copie qui aurait été faite de tels éléments ;

A titre infiniment subsidiaire,

– infirmer l’ordonnance du 13 mai 2022 en ce qu’elle n’a pas rétracté l’ordonnance du 3 décembre 2021 sur les éléments saisis concernant les « les emails échangés [ par la société Olecio] avec la société Bva » ;

Statuant à nouveau,

– rétracter partiellement ladite ordonnance également dans ses modalités sur les éléments saisis concernant « les emails échangés avec la société Bva, concurrent de requérant, la société Kyu associés » ;

– ordonner l’annulation ou, selon le cas, la modification des actes subséquents relativement à cette autre mesure d’instruction rétractée et notamment la restitution par l’huissier instrumentaire à la société Olecio des éléments saisis en exécution de cette autre mesure d’instruction supprimée et, le cas échéant, des actes subséquents annulés (dont les procès-verbaux de constat) et la destruction de toute copie qui aurait été faite de tels éléments ;

A titre encore plus subsidiaire,

– confirmer l’ordonnance du 13 mai 2022 en ce qu’elle a :

rétracté partiellement l’ordonnance du 3 décembre 2021 dans ses modalités sur les éléments saisis concernant les emails échangés entre la société Olecio et les clients de la société Kyu associés avec lesquelles M. [S] [P] et M. [F] ont le plus souvent travaillé durant leur collaboration avec la société Kyu associés : Syntec, Opco ep, Atlas, Opiiec, Akto, Fafiec, Fnam, France compétences, Medef, Ush, Uniformation, depuis le 19 mars 2021, et les contrats et conventions de partenariat conclus entre les deux sociétés, Olecio et Bva, depuis le 19 mars 2021,

organisé la procédure de levée de séquestre,

En conséquence,

– rétracter partiellement l’ordonnance du 3 décembre 2021 dans ses modalités sur les éléments saisis concernant lesdits emails et lesdits contrats et conventions ;

– ordonner les mêmes mesures d’organisation de la procédure de levée de séquestre que celles ordonnées par le président du tribunal de commerce de Paris ;

Dans tous les cas,

– rejeter la demande de la société Kyu associés visant à ce que les courriels susvisés soient « réintégrés dans la mesure d’instruction prononcée par ordonnance du 3 décembre 2021 » et que soit ordonné à la société [O] [L], en la personne de Me [L], de procéder à la réintégration desdits éléments susvisés dans les opérations de levée des séquestres ;

– rejeter la demande de la société Kyu associés visant à modifier, sur la base de ses propositions, les mesures d’instruction issues de l’ordonnance du 3 décembre 2021 ;

En tout état de cause,

– rejeter l’intégralité des demandes, fins et prétentions de la société Kyu associés ;

– infirmer l’ordonnance du 13 mai 2022 en ce qu’elle n’a pas fait droit à la demande de la société Olecio de condamner la société Kyu associés à la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile relativement à la première instance ;

Statuant à nouveau,

– condamner la société Kyu associés à payer à la société Olecio la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile relativement à la première instance ;

– condamer la société Kyu associés à payer à la société Olecio la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile relativement à la présente procédure d’appel ;

– condamner la société Kyu associés aux entiers dépens de l’instance ;

– rejeter la demande de la société Kyu associés visant à condamner la société Olecio à payer 5.000 euros d’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société Olecio soutient en substance que :

– son appel incident est recevable, l’ordonnance rendue n’étant pas susceptible d’acquiescement au sens de l’article 409 du code de procédure civile,

– en outre, aucun acquiescement ne peut être déduit d’un courrier adressé à l’huissier de justice alors que la société Olecio a retrouvé son droit à exercer un recours et la possibilité d’un appel incident dès l’appel partiel de la société Kyu associés,

– à titre principal, la mesure sollicitée ne répondait à aucun motif légitime, alors le recours à un débat non contradictoire n’était pas nécessaire, la mesure ordonnée n’étant pas légalement admissible,

– ladite mesure n’est pas limitée dans le temps, porte atteinte à la vie privée des personnes saisies, fait l’objet d’une proposition de modification de la part de la société Kyu associés elle-même,

– à titre subsidiaire, ne seront conservées que les mesures strictement nécessaires à l’établissement de faits précis de concurrence déloyale/parasitisme relative aux trois appels d’offres litigieux,

– de la sorte, l’ordonnance sera modifiée afin de prévoir la mise sous séquestre de tous documents et informations et copies de ceux ci saisis au cours de la mission, leur divulgation ne s’effectuant que sous le contrôle du juge,

– à titre infiniment subsidiaire, l’ordonnance sera infirmée en ce qu’elle a omis de rétracter la mesure concernant la société BVA, celle ci n’étant pas concernée par les appels d’offres litigieux,

– à titre encore plus subsidiaire, l’ordonnance rendue sera confirmée.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

– sur la recevabilité de l’appel incident de la société Olecio et le périmètre de saisine de la cour d’appel

En application de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Les limites apportées à l’appel principal sont sans incidence sur l’appel incident.

Il est constant en l’espèce que l’appel interjeté par la société Kyu associés ne porte que sur la rétractation partielle de l’ordonnance sur requête rendue et sur la restriction, précisément, de l’étendue de la mesure in futurum ordonnée.

L’article 409 du code de procédure civile dispose que l’acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours sauf si, postérieurement, une autre partie forme régulièrement un recours. Il est toujours admis, sauf disposition contraire.

L’article 410 du même code énonce que l’acquiescement peut être exprès ou implicite et que l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n’est pas permis.

Sur le fondement de ces textes, la société Kyu associés fait valoir que la société Olecio a acquiescé à l’ensemble des dispositions de l’ordonnance du 13 mai 2022 en écrivant par courrier du 24 juin 2022 à Me [L], huissier de justice, dans les termes suivants : “Olecio a informé Kyu associés qu’elle n’entendait pas interjeter appel de l’ordonnance de référé. Olecio a également invité Kyu associés à lui communiquer sa position ainsi qu’à prendre attache avec vous relativement à la mise à jour de votre procès verbal”.

Mais, comme justement relevé par la société Olecio, cette lettre est antérieure à l’appel interjeté le 7 juillet 2022 par la société Kyu associés, et n’est donc pas intervenue en cours de procédure d’appel.

L’appel de la société Olecio qui n’a jamais perdu la possibilité de former un appel incident est donc recevable de ce chef.

En conséquence, la cour est saisie, par l’effet de l’appel principal de la société Kyu associés et de l’appel incident de la société Olecio, de l’ensemble des chefs du jugement déféré.

– sur le fond du référé

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L’article 145 suppose l’existence d’un motif légitime, c’est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

De plus, si la partie demanderesse dispose d’ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d’instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d’appel, saisie de l’appel d’une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d’instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, est investie des attributions du juge qui l’a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli. Cette voie de contestation n’étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s’y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci.

Il doit ainsi apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.

Le juge doit également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l’ordonnance qui y fait droit.

Enfin, la mesure ordonnée doit être circonscrite aux faits dénoncés dans la requête dont pourrait dépendre la solution du litige et ne pas s’étendre au-delà. Elle ne peut porter une atteinte illégitime au droit d’autrui. Ni l’urgence ni l’absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d’application de ce texte.

Il ressort des pièces produites que :

– la requête soumise par la société Kyu associés et l’ordonnance du 3 décembre 2021 qui la reprend exposent que les circonstances du litige laissent présager un risque de déperdition des preuves, lesquelles sont fragiles, et que leur disparition pourrait être recherchée par Messieurs [F] et [S] [P], qui auraient tenté par tous moyens de dissimuler des actes de concurrence déloyale,

– il s’avère avec évidence sur ce point, s’agissant de faits de concurrence déloyale et de détournement de clientèle et de savoir-faire, que les preuves recherchées se trouvent dans des fichiers informatiques contenant des échanges électroniques dont la fragilité intrinsèque ne fait pas débat,

– au cas d’espèce, de plus, le risque de dépérissement des preuves est d’autant plus établi que Messieurs [F] et [S] [P] sont anciens salariés de Kyu associés, qu’ils ont fondé ensembles, après leur départ, la société Olecio qui se trouve en concurrence directe avec la société Kyu associés,

– de la sorte, les faits de concurrence déloyale et de détournement de clientèle et de savoir-faire allégués, dont il est recherché les preuves, justifiaient le recours à une procédure non-contradictoire, et le caractère non contradictoire de cette mesure constituait pour la société Kyu associés le seul moyen pour elle d’en obtenir la production,

– il résulte ensuite de l’exposé des faits, non discuté sur les points qui suivent, que M. [F] tout comme M. [S] [P], après avoir été engagés en qualité de consultant senior respectivement en 2012 et 2011 par la société Kyu associés ont effectué chacun un parcours d’intégration comme associé et que leur contrat de travail a été rompu ensuite selon la procédure de rupture conventionnelle respectivement en 2018 et 2020, M. [F] n’ayant pas finalisé son parcours d’intégration et M. [S] [P] ayant adhéré au pacte d’associés le 30 mars 2018,

– le modèle de développement de la société Kyu associés repose, ce qui n’est pas discuté sur la possibilité pour les collaborateurs de réaliser un parcours d’intégration et de prétendre à l’issue de devenir associés de la société,

– il ressort ensuite de la chronologie exposée que M. [F] a adressé le 1er octobre 2020 une lettre de départ volontaire aux associés indiquant vouloir quitter “la partnership” de la société Kyu associés, M. [F] pour sa part ayant résilié sa convention de partenariat avec la société Kyu associés le 18 décembre 2020 ; par acte du 26 avril 2021, M. [S] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris d’une demande de requalification de son partenariat en contrat de travail ;

– il en ressort encore que la marque Olecio a été déposée à l’INPI par M. [F] le 2 mars 2021, M. [S] [P] étant représentant légal de la société Olecio, bien que restant associé de la société Kyu Associés, M. [F] en étant associé ; que dès le 22 juin 2021, la société Olecio, pourtant nouvellement créée, a remporté un appel d’offres de la société Constructys TP face à la société Kyu associés, que le 9 juillet 2021, M. [S] [P] lors de l’audition organisée par l’OPCO2i-Edec Nucléaire a présenté une offre en concurrence de celle de la société Kyu associés, ultérieurement rejetée ; que le 30 septembre 2021, la société Olecio a remporté toujours face, à la société Kyu associés un appel d’offres de l’OPCO2i- Fédération de métallurgie ;

– cette seule chronologie est d’ores et déjà évocatrice de faits à tout le moins de détournement de savoir-faire voire de clientèle, susceptible de constituer le motif légitime exigé par les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile,

– mais de plus, il s’avère que la société Olecio, dès l’année 2021 comprenait sept salariés, aucun n’ayant un profil d’informaticien ou de data scientist, de sorte que ses performances ne pouvaient provenir que des compétences et du savoir- faire de Messieurs [F] et [S] [P] ;

– il doit être rapproché de cet ensemble de faits, et de la perte justifiée par la société Kyu associés de ces différents marchés, qu’elle évalue le manque à gagner issu de ces pertes à la somme de 300.000 euros de chiffres d’affaires ;

– dans ces conditions, il apparaît bien que la demande de la société Kyu associés à avoir accès à des échanges électroniques et fichiers informatiques est incontestablement utile et de nature à améliorer sa situation probatoire, l’appelante disposant bien au jour du dépôt de sa requête d’un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile à obtenir une mesure d’instruction.

La mesure ordonnée est circonscrite dans le temps, ce qui ne fait pas débat.

Son objet est en revanche discuté et bien qu’elle soit limitée à des mots-clés reliés entre eux, elle s’étend à des courriels “échangés entre la société Olecio et les clients avec lesquels M. [S] [P] et M. [F] ont le plus souvent travaillé durant leur collaboration avec la société Kyu: Acto, Fafiec, Fnam, France Compétences, Medef, Ush, Syntec, Adesatt, Constructys, OPCO 21, OPCO EP, Atlas, OPIIEC, Ush, Uniformation depuis le 19 mars 2021”, aux “emails échangés avec la société BVA, concurrente de la société Kyu associés ainsi que les contrats et conventions de partenariat entre les deux sociétés Olecio et BVA depuis le 19 mars 2021”.

Or, s’agissant des courriels échangés avec les clients de la société Kyu associés, ces éléments sont susceptibles d’être pertinents et utiles, la société Kyu associés évoquant un détournement de clientèle, voire de son fichier client, de sorte que ces éléments pourraient constituer la preuve de faits dont dépendrait la solution du litige envisagé sur le terrain du détournement de clientèle.

S’agissant des échanges et des éléments contractuels qui lieraient la société Olecio et la société BVA, concurrente de la société Kyu associés, peu d’explications sont fournies par la société Kyu associés quant à l’intérêt probatoire des pièces visées, cette situation de concurrence étant antérieure à la création de la société Olecio et aucun des éléments produits ne permettant de déduire l’existence d’un partenariat, de nature fautif , entre les sociétés Olecio et BVA.

S’agissant du secret des affaires, sa protection et ses implications interviennent en réalité au cours de la procédure de tri et ne peuvent être invoquées dans ces conditions pour contrer la proportionnalité de la mesure.

Le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, dès lors que le motif légitime est établi et que les mesures demandées sont nécessaires à la protection des droits de la société Kyu associés qui les a sollicitées.

Il se déduit de l’ensemble que la communication des informations demandées est bien indispensable à l’exercice du droit à la preuve de la société Kyu associés, pour agir le cas échéant en concurrence déloyale, détournement de clientèle et de savoir-faire, et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.

Dès lors, sous la réserve des éléments relatifs aux clients de la société Kyu associés qui doivent être intégrés dans le périmètre de la mesure, il y a lieu de confirmer l’ordonnance du 13 mai 2022 en ce qu’elle a rétracté partiellement la mesure ordonnée, étant précisé que les demandes contraires des parties seront rejetées.

La levée de séquestre ayant été organisée par l’ordonnance du 13 mai 2022, il n’y a pas lieu de statuer sur “la main levée” demandée par la société Olecio, l’ordonnance étant confirmée de ce chef également.

Le sort des dépens et de l’indemnité de procédure pour la procédure de première instance a été exactement réglé par le premier juge.

Il convient de confirmer l’ordonnance entreprise de ces chefs.

Les parties, succombant chacune en une partie de leurs demandes, conserveront la charge de leurs dépens de l’instance d’appel ainsi que des frais irrépétibles exposés pour les besoins de l’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de sa saisine,

Déclare l’appel incident de la société Olecio recevable,

Confirme l’ordonnance rendue à l’exception des dispositions relatives au périmètre de la mesure ordonnée,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Rétracte partiellement l’ordonnance rendue le 3 décembre 2021 dans ses modalités sur les éléments saisis et enjoint la société [L], en la personne de Me [L] d’exclure des éléments séquestrés les éléments suivants : les courriels échangés entre les sociétés Olecio et BVA, ainsi que les contrats et conventions de partenariat conclus entre ces deux sociétés depuis le 19 mars 2021,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de l’instance d’appel,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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