Données confidentielles : 22 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/06616

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Données confidentielles : 22 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 19/06616
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à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

1ère chambre sociale

ARRET DU 22 MARS 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 19/06616 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OLGL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 09 SEPTEMBRE 2019

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS

N° RG 18/00460

APPELANTE :

Madame [X] [R]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître Fabien ROUMEAS de la SARL ROUMEAS AVOCATS, avocat plaidant au barreau de LYON et Maître Marie BARDEAU FRAPPA, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Société civile DOMAINE DE [Localité 4] ET [Localité 6] société civile d’exploitation agricole, prise en la personne

de son représentant légal en exercice, domicilié es qualités audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Maître Christophe KALCZYNSKI de l’AARPI DABIENS, KALCZYNSKI, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER et Maître Geneviève PIAT de la SELARL VAUBAN AVOCATS BEAUVAIS, avocat plaidant au barreau de BEAUVAIS

Ordonnance de clôture du 03 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 JANVIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

[X] [R] a été embauchée par la SCEA DOMAINE DE [Localité 4] ET [Localité 6] à compter du 16 août 2011 en qualité de directrice d’exploitation.

Le contrat prévoyait, outre une rémunération fixée à 40 000€ sur douze mois, qu’un ‘bonus équivalant à 25% du salaire fixe sera attribué sur réalisation de 100% des critères d’objectifs définis annuellement de façon prévisionnelle. Un barème progressif détermine le montant du bonus débutant à 6,25% du salaire fixe pour la réalisation à 90% des objectifs fixés’.

Par avenant au contrat de travail, les parties convenaient qu’à partir du 1er septembre 2016, [X] [R] bénéficierait, conformément à l’avenant n° 6 modifié de la convention collective viticole du 28 février 1952 pour les exploitations viticoles de l’Hérault, d’une convention de forfait en jour travail avec une durée de travail de 217 jours travaillés par an.

Elle percevait en dernier lieu un salaire mensuel brut de 5 339,94€.

Le 5 septembre 2018, elle était convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé au 21 septembre 2018, et mise à pied simultanément à titre conservatoire.

Elle a été licenciée par lettre du 11 octobre 2018 pour les motifs suivants, qualifiés de faute grave : ‘1)- Refus de collaboration avec le futur repreneur… 2)- Non-respect de la mise à pied conservatoire… 3)- Tentative de nuire à la récolte et de déstabiliser l’équipe…’

Estimant son licenciement injustifié, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Béziers qui, par jugement en date du 9 septembre 2019, a condamné la SCEA DOMAINE DE [Localité 4] ET [Localité 6] à lui payer :

– la somme de 32 858,32€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– la somme de 3 285,83€ à titre d’indemnité de congés payés sur préavis ;

– la somme de 25 605,21€ à titre d’indemnité de licenciement.

[X] [R] a interjeté appel. Dans les limites de l’appel, elle conclut à l’infirmation, à l’octroi de :  

– la somme de 16 082,36€ à titre de bonus de l’année 2015,

– la sommes de 1 608,23€ à titre de congés payés sur le bonus de l’année 2015,

– la somme de 16 998,77€ à titre de bonus de l’année 2016,

– la sommes de 1 699,87€ à titre de congés payés sur le bonus de l’année 2016,

– la somme de 16 290,14€ à titre de bonus de l’année 2017,

– la sommes de 1 629,01€ à titre de congés payés sur le bonus de l’année 2017,

– la somme de 19 112,43€ à titre de bonus de l’année 2018,

– la sommes de 1 911,24€ à titre de congés payés sur le bonus de l’année 2018,

– la somme de 11 633,51€ à titre d’heures supplémentaires des années 2015/2016,

– la somme de 1 163,33€ à titre de congés payés sur heures supplémentaires des années 2015/2016,

– la somme de 14 177,70€ à titre d’heures supplémentaires des années 2016/2017,

– la somme de 1 417,77€ à titre de congés payés sur heures supplémentaires des années 2016/2017,

– la somme de 14 339,50€ à titre d’heures supplémentaires des années 2017/2018,

– la somme de 1 433,95à titre de congés payés sur heures supplémentaires des années 2017/2018,

– la somme de 10 118,81€ à titre de dommages et intérêts pour non-information des droits à repos de remplacement,

– la somme de 51 250€ à titre d’indemnité de travail dissimulé,

– la somme de 90 000€ (subsidiairement, de 68 280,56€) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

– la somme de 10 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

– la somme de 10 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

et à la condamnation sous astreinte de la SCEA DOMAINE DE [Localité 4] ET [Localité 6] à lui remettre des bulletins de paie et des documents de rupture conformes.

A titre subsidiaire, elle demande de lui allouer les sommes de 25 605,21€ à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, de 17 070,14€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 1 707,01€ à titre de congés payés sur préavis.

Relevant appel incident, la SCEA DOMAINE DE [Localité 4] ET [Localité 6] demande de rejeter les prétentions adverses et de lui allouer la somme de 4 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle demande de réduire le montant des condamnations prononcées.  

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud’hommes et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rémunération variable (bonus) :

Concernant l’année 2015 :

Attendu que le contrat de travail initial prévoit qu’un ‘bonus équivalant à 25% du salaire fixe sera attribué sur réalisation de 100% des critères d’objectifs définis annuellement de façon prévisionnelle’, en sorte que la partie variable de la rémunération ne devait pas résulter d’un accord mais était fixée unilatéralement par l’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction ;

Qu’en l’espèce, l’employeur a précisé les objectifs à réaliser ainsi que les conditions de calcul du bonus de l’année 2015 dans ses messages électroniques des 3 mars et 17 mars 2015, précision faite que la salariée a ‘donné son accord’ et que dans sa réponse du 18 mars 2015, elle indique que ‘cette présentation du système de bonus semble tout à fait claire et conforme à ce dont nous avons discuté’ ;

Attendu que [X] [R] a perçu à ce titre la somme de 3 750€, figurant sur son bulletin de paie du mois d’avril 2016 ;

Qu’elle peut d’autant moins contester que cette prime, même faussement intitulée ‘prime exceptionnelle’, représente le paiement du bonus de l’année 2015 que :

– dans son message du 29 avril 2016, l’employeur lui confirme qu’il lui sera versé ‘3 750€ de bonus 2015’ ;

– dans son message en réponse de la même date, elle remercie ‘[G] et [K] pour le paiement du ‘bonus’ que vous avez convenu pour l’année 2015′ ;

– dans son courrier du 22 octobre 2018, elle précise que le bonus ne lui a ‘plus été réglé à compter de l’exercice 2016’ (et non 2015) ;

Attendu qu’elle a donc été remplie de ces droits à ce titre ;

Concernant les années postérieures :

Attendu que l’avenant signé entre parties applicable à compter du 1er septembre 2016, stipule que ‘l’article 6 du contrat (qui prévoit le bonus) est annulé (et) qu’en contrepartie de sa prestation de travail, Mme [X] [R] percevra… une rémunération annuelle brute de 60 500€ versée sur 12 mois, soit 5 042€ bruts par mois’ ;

Que le gérant avait pouvoir de signer une telle modification du contrat de travail ainsi que l’établit la décision unanime des associés du 2 janvier 2015, antérieur à la signature de l’avenant, qui donne tout pouvoir au gérant ‘pour, dans le futur… procéder à toute… modification de contrat’ ;

Attendu qu’il y a donc lieu de rejeter la demande, étant de surcroît observé que, dans son message du 24 août 2016, antérieur à l’avenant, [X] [R] écrit qu’elle a ‘bien compris que dans l’avenant, il n’y aurait plus de prime variable (bonus)’ ;

Sur les heures supplémentaires :

1- Attendu que la SCEA DOMAINE DE [Localité 4] ET [Localité 6] fait valoir que la salariée relève de la convention collective des exploitations agricoles de l’Hérault autorisant la conclusion d’une convention de forfait sur la base d’un nombre annuel de jours travaillés de 217 jours et que, par avenant au contrat de travail, elle a accepté la mise en place d’un forfait annuel en jours de travail ;

Attendu, cependant, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ;

Que la convention collective des exploitations agricoles de l’Hérault, applicable à l’espèce, qui se borne à prévoir que les jours de travail peuvent être répartis différemment d’un mois sur l’autre ou d’une période à l’autre de l’année en fonction de la charge de travail, sous réserve que le cadre bénéficie d’au moins 35 heures de repos hebdomadaire, sauf dérogation légale ou réglementaire, et d’au moins 11 heures consécutives de repos quotidien, sauf dérogations conventionnelles ou légales, que le contrat peut prévoir des périodes de présence nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise, que pendant cette période, le salarié ne peut pas prendre des jours de repos autres que les jours de repos hebdomadaires, jours fériés chômés et qu’il doit être mis en place un dispositif de contrôle du nombre de jours travaillés, ce document de contrôle devant comptabiliser le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées ainsi que les jours de repos ou de congés payé, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, n’est pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressée ;

Que la convention de forfait en jours conclue en application de cet accord collectif est donc nulle ;

2- Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;

Que la rémunération des heures accomplies au-delà de la durée légale du travail à laquelle peut prétendre le salarié dont la clause de forfait en jours a été déclarée nulle se calcule sur le salaire de base réel de celui-ci ;

Attendu que [X] [R] présente les originaux de ses agendas, un relevé de ses heures hebdomadaires ainsi qu’un décompte de l’ensemble des heures supplémentaires qu’elle revendique, faisant ainsi ressortir que sa demande est fondée sur des éléments suffisamment précis ;

Que, pour sa part, l’employeur expose que les horaires indiqués ne sont pas justifiés, qu’il n’a pas contresigné les documents produits et que certains jours étaient pris ‘en récupération’ ;

Qu’ainsi, il ne fournit aucun élément propre à justifier des heures de travail effectivement réalisés par la salarié ;

Attendu qu’ainsi, après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, il y a lieu de fixer à 19 252€ la somme due à la salariée à titre d’heures supplémentaires impayées, augmentée des congés payés afférents ;

3- Attendu que la contrepartie en repos est due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, lequel, en l’absence d’accord, est fixé par décret (actuellement 220 heures). Elle s’ajoute à la rémunération des heures au taux majoré ou au repos compensateur de remplacement ;

Que chaque salarié doit être informé du temps de travail accompli au cours de la période de référence et du nombre d’heures de repos compensateur qu’il a acquises ;

Attendu que [X] [R] , qui n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l’indemnisation du préjudice subi, lequel au vu des pièces produites et tenant compte des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent, doit être fixé à la somme de 6 763€, celle-ci comportant à la fois le montant de l’indemnité de repos compensateur et le montant de l’indemnité de congés payés afférents ;

4- Attendu qu’au regard de la signature de la convention de forfait, quand bien même celle-ci a ensuite été annulée, il n’est pas établi que l’employeur ait, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ;

Attendu que la demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sera dès lors rejetée ;

Sur le licenciement :

1- Attendu que la décision unanime des associés du 2 janvier 2015 donne tout pouvoir au gérant ‘pour, dans le futur… procéder à toute… sanction ou licenciement’, en sorte que le gérant avait pouvoir de signer la lettre de licenciement ;

2- Attendu que la faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée même limitée du préavis ;

Que c’est à l’employeur et à lui seul d’apporter la preuve de la faute grave invoquée par lui pour justifier le licenciement ;

Qu’en l’espèce, trois griefs sont invoqués :

a)- Refus de collaboration avec le futur repreneur :

Attendu qu’il n’est pas établi qu’avant son message du 31 août 2018, l’employeur ait informé [X] [R] du bail à fermage qu’il projetait de conclure avec un repreneur ou lui ait demandé de ‘travailler en pleine transparence et de bonne foi’ avec lui ;

Qu’au demeurant, même dans ce message, le gérant précise seulement que ‘les actionnaires ‘envisagent’ de conclure un bail à fermage’ et qu’il ‘n’y a pas de contrat définitif’ ;

Attendu qu’il n’est pas davantage démontré que, le 20 août 2018, lors de la visite de l’éventuel repreneur, la salariée aurait ‘adopté un comportement inadmissible de nature à nuire au projet’ ;

Qu’en effet, dans ses messages électroniques du 20 août 2018, le gérant, loin de formuler des reproches, se dit ‘surpris par la rapidité de sa visite’, espère qu’elle aura ‘une conversation positive quand même’ et s’excuse ‘de la façon dont (sa) journée de visite a été dérangée’ ;

Que le fait que jusqu’à son message du 20 août 2018 à 12 heures 50 (heure anglaise), [X] [R], qui était tenue par son contrat de travail ‘au secret professionnel à l’égard des tiers pour tout ce qui concerne l’exercice de ses fonctions et d’une façon générale pour tout ce qui a trait aux activités de la société’, ait refusé de remettre un quelconque document au représentant d’une société jusqu’alors concurrente ne saurait donc être analysé comme fautif ;

Attendu que, contrairement aux énonciations de la lettre de licenciement, il n’est pas non plus prouvé qu’avant son message du 31 août 2018, le gérant lui aurait donné comme instruction de ‘suivre la direction de M. [F] en ce qui concerne la récolte et sa vinification’ ;

Qu’au contraire, avant cette date, elle devait ‘gérer la récolte comme bon lui semble’ (message du 23 août 2018) ;

Qu’il ne peut enfin être considéré comme fautif de la part de la salariée, compte tenu de ses responsabilités et du simple projet de fermage en cours, le fait qu’elle ait, dans son message du 5 septembre 2018, attiré l’attention du gérant sur ‘l’imprudence’ qu’elle ressentait à révéler à un concurrent l’ensemble des informations confidentielles intéressant la commercialisation, la récolte et la vinification, par nature confidentielles, et ait souhaité des ‘instructions précises’ de sa part ;

Attendu, de même, qu’outre que l’employeur, qui avait mis à pied la salariée le 5 septembre 2018, ne peut lui reprocher d’avoir refusé d’assister à un audit ayant lieu le lendemain, il sera remarqué qu’il ne lui avait pas été ‘demandé de participer à un audit’, comme il l’affirme dans la lettre de licenciement, mais, seulement, de dire si elle ‘pourrait les accompagner, sinon [D] ou [U]’ ;

Qu’en toute hypothèse, sa présence n’était donc pas impérative ;

Attendu que ce premier grief n’est pas fondé :

b)- non-respect de la mise à pied conservatoire :

Attendu qu’en l’absence d’émargement, il n’est pas démontré avec certitude que [X] [R] aurait eu connaissance du message de l’employeur du 5 septembre 2018 lui notifiant sa mise à pied conservatoire, avant le 7 septembre au matin ;

Attendu que ce grief n’est donc pas établi, sachant que l’employeur ne peut prononcer une mise à pied conservatoire à l’encontre d’un salarié en l’absence de faute et que le refus de ce dernier de se soumettre à une telle mesure n’est donc pas en lui-même constitutif d’une faute justifiant le licenciement ;

c)- Tentative de nuire à la récolte et de déstabiliser l’équipe :

Attendu que l’attestation de M. [F], qui représente le repreneur et auquel [X] [R] a d’abord refusé de communiquer les documents qu’il souhaitait, ne présente pas des garanties suffisantes pour entraîner la conviction ;

Que, pour grande partie, elle constitue également un témoignage indirect reprenant des déclarations de tiers ;

Attendu, de même, qu’il ne peut être imputé à la salariée, qui avait été mise à pied depuis le 5 septembre 2018 et ne se trouvait plus sur son lieu de travail, de ne pas avoir organisé les vendanges, à partir du 10 septembre, ou de ne pas avoir répondu à un appel téléphonique de l’employeur lui demandant des précisions dont il n’est pas établi qu’elle pouvait les apporter sans se déplacer ;

Attendu qu’il en résulte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

3- Attendu qu’au vu de l’article 19 de la convention collective et justifiant d’une ancienneté de sept ans, [X] [R] a droit à une indemnité compensatrice de préavis égale au salaire brut qu’elle aurait perçu pendant la durée de deux mois du délai-congé, soit la somme de 10 679,88€, augmentée des congés payés afférents ;

Attendu qu’au vu de l’article 20 de la convention collective et justifiant d’une ancienneté de sept ans, [X] [R] a également droit à une indemnité de licenciement correspondant à trois mois de salaire, soit la somme de 16 019,82€;

Attendu que les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur, sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) ;

Qu’il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée ;

Attendu que les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu’ils prennent des actes complémentaires d’application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers ;

Que l’invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et qu’il convient d’allouer en conséquence une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte ;

Attendu qu’au regard de l’ancienneté de [X] [R], de son salaire au moment du licenciement et de la circonstance qu’elle justifie ne pas avoir retrouvé de travail jusqu’au mois de février 2020, à l’exclusion d’un emploi précaire, il y a lieu de lui allouer la somme de 42 500€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que n’étant pas démontrée l’existence d’un préjudice distinct de celui réparé par l’octroi des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, [X] [R] doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

Attendu que, conformément à l’article L. 1235-4, le remboursement par l’employeur fautif des indemnités de chômage payées à la salariée licenciée doit être également ordonné dans la limite maximum prévue par la loi ;

* * *

Attendu qu’il convient également de condamner la SCEA DOMAINE DE [Localité 4] ET [Localité 6] à reprendre les sommes allouées à titre de rappel de salaires et d’indemnités de rupture sous forme d’un bulletin de paie ainsi qu’à rectifier, conformément au présent arrêt, l’attestation destinée au Pôle emploi, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte ;

Attendu qu’enfin, l’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour d’appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirmant le jugement et statuant à nouveau,

Annule convention de forfait en jours ;

Condamne la SCEA DOMAINE DE [Localité 4] ET [Localité 6] à payer à [X] [R] :

– la somme de 19 252€ à titre d’heures supplémentaires ;

– la somme de 1 925,20€ à titre de congés payés sur heures supplémentaires ;

– la somme de 6 763€ à titre d’indemnité de repos compensateur non pris ;

– la somme de 10 679,88€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– la somme de 1 067,9816 € à titre de congés payés sur préavis ;

– la somme de 16 019,82€ à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

– la somme de 42 500€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– la somme de 5 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne le remboursement par l’employeur fautif des indemnités de chômage payées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, à concurrence de 6 mois d’indemnités ;

Condamne la SCEA DOMAINE DE [Localité 4] ET [Localité 6] à reprendre les sommes allouées à titre de rappel de salaires et d’indemnités de rupture sous forme d’un bulletin de paie ainsi qu’à rectifier, conformément au présent arrêt, l’attestation destinée au Pôle emploi ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la SCEA DOMAINE DE [Localité 4] ET [Localité 6] aux dépens.

la greffière, le président,

 


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