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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
ARRÊT AU FOND
DU 19 JANVIER 2023
N° 2023/
CM/FP-D
Rôle N° RG 19/15452 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BE7IC
[O] [V]
C/
SARL TORDO (T.S.M. IMMOGESTION)
Copie exécutoire délivrée
le :
19 JANVIER 2023
à :
Me Fabio FERRANTELLI, avocat au barreau de NICE
Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d’AIX-EN-
PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 12 Septembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F17/01109.
APPELANT
Monsieur [O] [V], demeurant [Adresse 8]
représenté par Me Fabio FERRANTELLI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Virginie POULET-CALMET, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SARL TORDO (T.S.M. IMMOGESTION) à l’enseigne CITYA TORDO,, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
et par Me Pierre GEORGET, avocat au barreau de TOURS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine MAILHES, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023
Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société Tordo-TSM Immogestion (la société) exploite sous l’enseigne Citya Tordo, une activité de syndic et transactions immobilières. Elle emploie de façon habituelle plus de 20 salariés et applique la convention collective nationale de l’immobilier.
M. [V] (le salarié) a été embauché le 13 janvier 2014 par la société Tordo-TSM Immogestion selon contrat à durée indéterminée à temps complet en qualité de directeur, statut cadre, niveau C4 de la convention collective nationale.
Le 13 octobre 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 20 octobre suivant et mis à pied à titre conservatoire.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 octobre 2017, le salarié a été licencié pour faute grave.
Le 7 décembre 2017, M. [V], contestant son licenciement, a saisi le conseil de prud’hommes de Nice aux fins de voir prononcer la nullité ou l’inopposabilité de la clause de non concurrence et voir la société Tordo- TSM Immogestion condamnée à lui verser un rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et l’indemnité de congés payés afférente, une indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de congés payés afférente, une indemnité conventionnelle de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, à lui remettre les bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés avec astreinte, au paiement des intérêts au taux légal.
La société Tordo- TSM Immogestion a été convoquée devant le bureau de conciliation et d’orientation par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 13 décembre 2017.
La société Tordo- TSM Immogestion s’est opposée aux demandes du salarié et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de celui-ci au versement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale outre une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 12 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Nice a :
dit et jugé que le licenciement de M. [V] pour faute grave doit être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
condamné la société Tordo- TSM Immogestion au paiement des sommes suivantes :
rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 3 487,18 euros,
congés payés afférents : 348,72 euros,
indemnités compensatrices de préavis : 26 626 euros,
congés payés afférents : 2 662,50 euros,
indemnité de licenciement : 8 875 euros ;
dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice ;
ordonné la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;
dit que la clause de non concurrence est valable ;
débouté la société Tordo- TSM Immogestion de ses demandes reconventionnelles ;
ordonné l’exécution provisoire du jugement,
condamné la société Tordo- TSM Immogestion au paiement de la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 7 octobre 2019, M. [V] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement, aux fins d’infirmation en ce qu’il a retenu que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, en ce qu’il n’a pas condamné la société Tordo- TSM Immogestion au paiement de la somme de 106 500 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a jugé valable la clause de non concurrence figurant au contrat.
M. [V] a conclu le 20 décembre 2019, le 10 juillet 2020, le 29 novembre 2021 et enfin le 7 octobre 2022.
Selon les conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 29 novembre 2021, M. [V] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de nullité de la clause de non-concurrence et en ce qu’il a retenu que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, et statuant à nouveau de :
juger la nullité de la clause de non-concurrence,
juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement,
condamner la société Tordo- TSM Immogestion au paiement de la somme de 106.500,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
confirmer le jugement entrepris sur le surplus,
dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,
ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,
condamner la société Tordo- TSM Immogestion à lui payer une indemnité de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 7 octobre 2022, M. [V] a repris les demandes ci-avant exposées, re-formulant certains éléments de la discussion sans pour autant faire ressortir par un signe distinctif les éléments modifiés.
La société Tordo- TSM Immogestion a conclu le 16 mars 2020 puis le 14 juin 2022.
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 14 juin 2022 antérieurement à l’ordonnance de clôture, la société Tordo- TSM Immogestion, ayant fait appel incident en ce que le jugement a jugé que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave et en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle, demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau de :
débouter M. [V] de son appel principal,
sur licenciement,
à titre principal,
dire et juger que le licenciement de M. [V] repose sur une faute grave,
débouter M. [V] de ses demandes afférentes au licenciement,
à titre subsidiaire dans l’hypothèse où la cour jurerait le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
infirmer le jugement,
faire application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail,
limiter l’indemnisation à laquelle M. [V] peut prétendre à la somme de 26 625 euros nets,
sur la clause de non-concurrence ,
à titre principal,
constater que la demande de M. [V] visant à voir annuler ou déclarer inopposable la clause de non-concurrence n’a plus d’objet ;
en conséquence,
l’en débouter,
à titre subsidiaire, sur le fond,
débouter M. [V] de sa demande de nullité ou d’inopposabilité,
sur la demande reconventionnelle,
condamner M. [V] à lui payer le somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,
condamner M. [V] à lui verser une indemnité de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner M. [V] aux entiers dépens.
La clôture des débats a été ordonnée le 10 octobre 2022.
Par conclusions remises au greffe de la cour le 17 octobre 2022, la société Tordo- TSM Immogestion a sollicité de la cour que :
in limine litis,
soit ordonnée la révocation de l’ordonnance de clôture afin de permettre à la cour d’accueillir les présentes conclusions qui sont la nécessaire réplique aux conclusions notifiées tardivement le vendredi 7 octobre 2022 pour le compte de l’appelant,
soient jugées recevables les présentes conclusions en réplique et récapitulatives,
soient, à défaut de rétracter l’ordonnance de clôture, rejetées des débats les conclusions notifiées tardivement le 7 octobre 2022 pour le compte de M. [V], et ce dans le respect du principe du contradictoire.
Elle a repris par la suite ses demandes telles que présentées au sein des conclusions du 14 juin 2022.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 24 octobre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture et la demande subsidiaire de rejet des conclusions du 7 octobre 2022
Au soutien de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture, la société Tordo- TSM Immogestion fait valoir que la cause grave tient au respect du principe du contradictoire, en ce que le conseil de M. [V] a communiqué des conclusions récapitulatives par RPVA le 7 octobre 2022, quasiment la veille de l’ordonnance de clôture, la privant ainsi de la possibilité d’y répliquer utilement et portant atteinte aux droits de la défense.
Selon les dispositions de l’article 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.
La remise de nouvelles conclusions quelques jours avant la clôture ne caractérise pas la cause grave au sens de ces dispositions. La demande de révocation de l’ordonnance de clôture sera en conséquence rejetée.
En revanche le dépôt de nouvelles conclusions par l’appelant, le vendredi précédant la clôture fixée le lundi suivant, soit l’avant veille de la clôture, a porté atteinte aux droits de la défense de l’intimé qui n’a pas été en mesure de pouvoir éventuellement y répliquer dans le calendrier de procédure. Ce faisant, les conclusions de l’appelant du 7 octobre 2022 seront écartées des débats.
La cour jugera l’affaire au vu des conclusions de l’appelant du 29 novembre 2021 et des conclusions et pièces au fond de l’intimé du 14 juin 2022.
Sur la clause de non-concurrence
Le salarié fait grief au jugement de le débouter de sa demande tendant à déclarer nulle la clause de non-concurrence en soutenant que :
– il a toujours intérêt à agir en nullité dès lors que la société a introduit une action en concurrence déloyale devant le tribunal de commerce ;
– la contrepartie financière, dont la validité est appréciée au jour de sa mise en oeuvre et non pas au jour de sa signature, correspondant à 15% du salaire brut de base hors part variable et hors 13ème mois, soit à moins de 12% de la rémunération brute moyenne qu’il percevait, est dérisoire; elle est inférieure à celle prévue par les conventions collectives nationales d’autres branches d’activité qui n’appliquent pas un taux inférieur à 25% pour les cadres et désormais inférieure à celle prévue pour les non cadres par la convention collective nationale de l’immobilier portée à 20% ; la contrepartie de 15% est inférieure à ce qui était prévu depuis 2017 par le groupe Citya dans ses contrats de travail (25%) et constitutive d’une inégalité de traitement ;
– subsidiairement, la clause ne prévoit pas de limitation géographique précise puisque délimitée aux départements de province et aux arrondissements de [Localité 14] et ne lui permettant pas de connaître réellement le secteur d’application ; il est faux de prétendre que cette clause était limitée au département des Alpes-Maritime.
La société conclut à la confirmation en faisant valoir que la demande de nullité de la clause de non-concurrence est désormais sans objet puisqu’elle était limitée à deux ans et subsidiairement sur le fond que la contrepartie financière de 15% correspondant au pourcentage prévu par la convention collective nationale pour les négociateurs n’est pas dérisoire, qu’il est tenu compte du 13ème mois, le montant de la contrepartie s’élevant à 1.062,50 euros par mois, que la cour d’appel d’Aix-en-Provence est revenue sur sa jurisprudence en validant à deux reprises en 2017 et en 2021 ce type de clause, que la convention collective nationale de l’immobilier n’impose aucun taux pour les directeurs mais seulement pour les négociateurs, que les taux de contrepartie pratiqués dans d’autres branches d’activité sont sans effet sur le présent litige, que le salarié ne peut se prévaloir de la nullité au seul motif que l’indemnité mentionnée au contrat est désormais inférieure à la nouvelle indemnité fixée par la convention collective dès lors que l’indemnité contractuelle était bien conforme à la convention collective à la date où le contrat a été signé et qu’il n’existe aucune inégalité de traitement dès lors que son embauche est largement antérieure à celles des salariés dont il invoque les contrats et que ces salariés appartiennent à des entreprises juridiquement distinctes.
Elle estime par ailleurs que le secteur géographique dans lequel la clause s’applique est déterminé et déterminable, prétendant qu’elle ne s’applique que sur le département des Alpes-Maritimes.
Aux termes du contrat de travail il est prévu une clause de non-concurrence ainsi rédigée:
Compte tenu de la nature de ses fonctions, des informations confidentielles dont il dispose et du marché très concurrentiel sur lequel intervient le salarié, celui-ci s’engage, en cas de rupture du présent contrat, à l’issue de la période d’essai, pour quelques causes et à quelque époque que ce soit :
– à ne par entrer au service d’une société concurrente,
– à ne pas s’intéresser directement ou indirectement à une activité identique ou similaire à la sienne dans le secteur d’activité de l’employeur.
Cette interdiction est limitée :
– dans le temps, à une durée de deux années à compter du départ du salarié ;
géographiquement, aux départements de Province ou aux arrondissements de [Localité 14] sur lesquels le salarié sera amené à intervenir.
En contrepartie de cette obligation de non concurrence, le salarié percevra pendant la durée de cette interdiction une indemnité brute mensuelle d’un montant correspondant à 15% du salaire brut de base, tel que défini au 1er alinéa de l’article 6 ci-avant (…)
1- Sur le moyen tiré de ce que la demande de nullité de la clause de non-concurrence n’a plus d’objet
Malgré l’échéance de la clause de non-concurrence, M. [V] n’est pas dépourvu d’intérêt à solliciter la nullité de celle-ci puisque la société lui réclame des dommages et intérêts pour concurrence déloyale. La demande de nullité a donc toujours un objet et ce moyen sera rejeté.
2- Sur la demande nullité de la clause de non-concurrence
2-1- Sur l’illicéité de la clause
Une clause de non-concurrence n’est licite que si elle présente les conditions cumulatives suivantes : elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporter l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière non dérisoire.
Portant atteinte à la liberté du travail, elle est d’interprétation stricte et ne peut être étendue au-delà de ses prévisions.
Il est prévu à l’article 6 du contrat que le salarié percevra une rémunération mensuelle brute de 6.538,47 euros versée sur 13 mois, à la quelle s’ajoute un intéressement annuel.
Aussi le taux de 15%, qui prend en considération le treizième mois, se calcule sur la base mensuelle de 7.083,34 euros bruts (6.538,47 +1/12 x 6.538,47) et correspond à la somme mensuelle de 1.062,50 euros bruts.
Ce montant est certes modeste pour un cadre, sans pour autant que les arguments selon lesquels d’une part des branches d’activité distinctes de celle de l’immobilier ont fixé un taux supérieur à celui-ci au bénéfice des cadres et d’autre part la convention collective nationale de l’immobilier a porté le seul taux qu’elle détermine destiné aux seuls négociateurs de 15% à 20% en 2019, largement après la rupture du contrat de travail, soient opérants.
Néanmoins, le caractère dérisoire de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence doit s’apprécier au regard des stipulations contractuelles liant les parties et de la disproportion entre l’importance de la restriction apportée à la liberté de travailler du salarié et la faiblesse de la contrepartie accordée par l’employeur.
La clause est claire, précise et le secteur géographique auquel elle est limitée est aisément déterminable, dès qu’elle s’étend aux départements de province ou aux arrondissements de [Localité 14] sur lesquels le salarié sera amené à intervenir et qu’elle se trouve ainsi limitée au périmètre d’activité du salarié.
Ainsi, si la contrepartie financière apparaît modeste au regard du statut de cadre du salarié, elle demeure proportionnée aux restrictions géographiques limitées apportées à la liberté de travail.
En conséquence, alors qu’il n’est pas discuté que la clause est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, qu’elle est limitée dans le temps et tient compte des spécificités de l’emploi, les moyens tirés du caractère dérisoire de la contrepartie financière et du caractère indéterminable de la limitation géographique seront rejetés et la clause de non-concurrence est licite.
2-2- Sur l’atteinte au principe d’égalité de traitement
L’atteinte au principe d’égalité de traitement n’a pas pour effet de rendre nulle la clause de non-concurrence, mais seulement inopposable, en sorte que le moyen tiré de l’atteinte à l’inégalité de traitement sera rejeté comme moyen au soutien de la demande de nullité.
Il est tout de même précisé que les situations des salariées invoquées par l’appelant au soutien de l’inégalité de traitement ne sont pas comparables à la sienne, s’agissant de contrats conclus en 2016 et 2017, soit bien postérieurement au sien datant de 2014 et conclus avec des entités juridiques distinctes de celle de son employeur.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande tendant à déclarer nulle la clause de non-concurrence.
Sur la rupture du contrat de travail
Le salarié fait grief au jugement entrepris de le débouter de sa demande tendant à déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement en faisant valoir que :
– le conseil de prud’hommes a excédé ses pouvoirs en requalifiant le licenciement disciplinaire pour faute grave en licenciement non disciplinaire pour insuffisance professionnelle ;
– ses compétences et qualités professionnelles étaient reconnues par l’employeur au travers notamment de l’évaluation annuelle du 12 février 2015,
– déniant la valeur probante du compte rendu d’entretien préalable rédigé par l’employeur, les faits tenant à la gestion sans mandat et le retard dans l’organisation des assemblées générales ne sont pas prouvés, s’agissant de différés de la saisie des dates de fin de mandat dans le logiciel, les assemblées ayant été tenues et les mandats renouvelés (copropriété Horizon bleu) et d’un défaut d’information de la perte de la copropriété Mona Lisa qui ne lui est pas imputable alors même qu’il avait donné des consignes à ses équipes, qu’il menait des réunions hebdomadaires au service de copropriété en effectuant un suivi rigoureux de chaque dossier et rappelant aux gestionnaires les calendriers de leurs copropriétés ; hormis la copropriété Mona Lisa, aucun mandat cité n’a été perdu et au 28 février 2018, la société comptait 12 copropriétés dont les mandats étaient expirés et non réactualisés ;
– l’employeur ne rapporte pas d’élément de preuve de ce que la perte de 7 mandats gérés par Mme [E] au profit de la société CDS gestion présidée par M. [M], ancien salarié et collaborateur, lui est imputable et qu’il a détourné la gestion de ces copropriétés au profit de la société tierce ; l’attestation de M. [T], salarié de la société n’est pas suffisamment probante en raison du lien de subordination existant ; il n’est pas resté inactif : il a alerté la direction de la perte du mandat Palais Saint Lambert et a négocié sur directive de sa direction, la rupture conventionnelle de Mme [E] ; il a rappelé à ses équipes la procédure à tenir en cas de perte de mandat ; il ne peut pas être tenu responsable des agissements de Mme [E] et ne pouvait présumer des seules relations entre cette dernière et M. [M] l’existence d’actes de concurrence déloyale, alors même qu’il n’est pas encore à ce jour certain que de tels actes ont été commis par ces deux personnes ; le rapport du détective privé est un moyen de preuve illicite et ne démontre en outre aucune collusion, dès lors que les rencontres ont eu lieu cinq mois après le licenciement et qu’il lui était nécessaire de rencontrer plusieurs de ses anciens collaborateurs et clients pour préparer sa défense ; la société confond les accusations de concurrence déloyale postérieures à la rupture du contrat de travail avec les motifs invoqués au soutien du licenciement;
– il n’a commis aucun acte malveillant concernant les dates erronées de perte des copropriétés renseignées sur le logiciel, s’agissant de tâches incombant aux gestionnaires de copropriétés et Mme [E] a reconnu au sein d’une attestation avoir volontairement omis de déclarer la perte du mandat [Adresse 10], par crainte de la rétractation de la rupture conventionnelle ;
– la lettre ne précise pas quels seraient les actes de gestion irresponsables dans les autres services en souffrance ; tout grief fondé sur la relance du 31 mai 2017 est prescrit ; le grief tiré de la remise tardive du bilan de copropriété de la résidence Anastacia reproché par Mme [D] copropriétaire selon mail est imputable à cette dernière et est prescrit ;
– même à considérer qu’il a commis des manquements dans la gestion des copropriétés de l’agence, l’employeur ne rapporte pas la preuve qu’il a été volontairement négligent ou qu’il fait preuve de laxisme ou d’irresponsabilité ; les faits reprochés sont constitutifs d’une insuffisance professionnelle non fautive et conduisent à déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement.
La société soutient démontrer la réalité des griefs reprochés et leur imputabilité au salarié, s’agissant de fautes professionnelles grossières et récurrentes, d’actes malveillants de sa part au préjudice de l’entreprise, d’inactions fautives, sont de nature disciplinaire et vont au-delà d’une insuffisance professionnelle.
Aux termes de la lettre de licenciement du 27 octobre 2017 qui fixe les limites du litige, il est reproché à M. [V] les faits suivants :
‘Lors de notre entretien du 20 octobre 2017, nous vous avons exposé les motifs qui nous amenaient à envisager votre licenciement.
Vous occupez la fonction de directeur au sein de notre agence depuis le 13 janvier 2014.
Malheureusement et malgré les moyens dont vous disposez pour vous permettre de remplir vos missions avec le professionnalisme et les résultats attendus à votre niveau de poste, nous avons découvert une gestion particulièrement irresponsable du service copropriété de l’agence. En effet, les faits qui vous sont reprochés sont les suivants.
Alors même que l’activité copropriété représente 71 % du chiffre d’affaires de l’agence, vous avez au cours des derniers mois fait preuve d’un laxisme particulièrement inquiétant, en laissant dériver l’activité malgré des indicateurs largement préoccupants.
Tout d’abord, nous avons évoqué lors de l’entretien préalable le cas des copropriétés gérées sans mandat pour lesquelles vous avez tenté de reporter la responsabilité sur vos gestionnaires, et de confirmer avoir fait le nécessaire par le biais de rappel lors des réunions hebdomadaires et de remise de courrier d’avertissement. Or, en tant que dirigeant de l’agence, vous êtes le garant du respect de la législation et de la pérennité de notre parc. Il vous appartenait donc, bien évidemment et a minima d’alerter vos équipes, mais surtout d’anticiper les échéances et de veiller à ce que les dérives soient corrigées sans délai.
Par exemple, il n’est pas admissible que la copropriété le [Adresse 16], dont le mandat a expiré le 30/09 dernier, n’est pas été convoqué à temps, compte tenu des risques avérés, et que vous connaissiez, de pertes à venir sur le portefeuille de la gestionnaire de cette résidence, Mme [E], dont le départ était pourtant engagé depuis plusieurs mois.
De la même façon, le suivi des assemblées générales, qui doivent se tenir dans les 6 mois de la date de clôture des comptes, doit être maîtrisé et encadré, ce qui n’est manifestement pas le cas de votre agence. Votre argument consistant à dire que les équipes ont été alertées, que la direction métier, et bien léger au regard de votre fonction et des risques encourus sur le portefeuille de l’agence. Le contexte de perte massive de copropriété au cours de ces derniers mois aurait pourtant dû vous amener à vigilance et à une prise en main personnelle de ses dossiers.
Plus grave, vous avez affirmé, lors de l’entretien, que vous n’aviez nullement connaissance du fait que la société CDS gestion avait récupéré le mandat de syndic des 3 copropriétés [Adresse 10], alors que :
‘ les risques de perte de copropriété au profit de la société CDS gestion, société concurrente récemment créée par l’un de vos anciens collaborateurs, Monsieur [W] [M], était connue et avéré ‘ pour preuve, vous étiez déjà informés de la perte de la copropriété [Adresse 13] depuis le 29/06 2017 ;
‘ le 30/06 2017, vous avez signé de votre main 3 chèques sont des copropriétés [Adresse 10] venant régler des remises de fonds ‘ si l’on en croit vos propos, à cette date vous ignoriez toujours quel confrère avait repris la gestion de ces résidences, ce qui ne vous a pas empêché de valider le règlement de plus de 10’000 euros de fonds sans vous soucier du cabinet nouvellement mandaté pour les gérer ;
‘ les liens personnels entre la gestionnaire de ses copropriétés, Mme [E] et M. [M] étaient ouvertement affichés, y compris au sein de l’agence puisque ce dernier s’était rendu à plusieurs reprises dans le cabinet, et avait insisté avec votre accord au pot de départ que vous aviez organisé le 29/09 pour Mme [E] ;
‘ votre responsable administratif et financier c’était aux données le 25/09 que personne n’ait pu l’informer du nom du nouveau syndic ayant récupéré ces 3 copropriétés perdues depuis presque 3 mois (le 30/06/2017).
Cet exemple n’est malheureusement pas isolé, puisqu’au début du mois d’octobre 2017, vos équipes ont également découvert à retardement 3 nouvelles copropriétés ayant rejoint CDS gestion, confirmant ainsi votre gestion irresponsable de ses dossiers. En effet les résidences 12 Angleterre, [K] et Mona Lisa, à leur tour, rejoint ce cabinet concurrent sans que vous ne vous en inquiétez. Pourtant, la copropriété Mona Lisa était perdue depuis le 30/06/2017 !
Au total, c’est une liste non exhaustive de cette résidence représentant 243 lots qui ont rejoint un même cabinet concurrent ayant des liens avérés avec l’une de vos collaboratrices.
Vous avez indiqué lors de l’entretien avoir fait preuve de naïveté ; or, il s’agit d’une inconscience grave que de ne pas vous être inquiété au nom du syndic qui avait repris certaine copropriété de votre portefeuille dans le contexte de perte massive demanda par l’agence ! D’autant que la non-transmission aux équipes de ces informations essentielles les a conduits à générer, à tort et pendant plusieurs mois, des appels de fonds, factures et salaire sur ses copropriétés perdues.
Enfin, nous avons découvert en octobre dernier que des actes malveillants avaient été opérés visant à dissimuler les dates de perte de 4 propriétés (les 3 Saint-Michel, et le palais Saint-Lambert) sur l’exercice en cours. En effet, ses copropriétés perdues en juin 2017 ont été renseignées sur notre logiciel avec une date de fin aux 30/06/2016. Il ne peut s’agir d’une erreur puisque la manipulation était reproduite par 3 fois sur chacune des copropriétés Saint-Michel, ainsi que sur la copropriété palais Saint-Lambert.
Lors de l’entretien, vous avez reconnu l’acte produit les sans en porter la responsabilité. Or cette man’uvre a été mise à jour grâce à la diligence et à la persévérance de votre RAF qui, malgré le manque d’information de votre part, a pu rapidement identifier les incohérences évidentes. Votre inertie, votre absence de prise en main de ses dossiers cruciaux, voire la rétention d’informations essentielles, ont créé un réel danger pour la pérennité économique et sociale de l’agence.
Cette situation d’irresponsabilité dans la gestion de votre entreprise ne semble malheureusement pas concerner uniquement l’activité copropriété, puisque les autres services nous apparaissent également en souffrance tendant l’application des processus métiers que dans l’animation des équipes.
Lors de notre entretien, vous ne nous avez pas laissé entrevoir que vous aviez pris la pleine mesure de cette situation et que vous étiez disposés à tout mettre en ‘uvre pour l’améliorer.
Dans ces conditions, nous avons, après réflexion, décidé de vous licencier.
S’agissant d’un licenciement pour faute grave, n’effectuerez pas le préavis habituellement prévu. Vous ne bénéficierez pas d’indemnité compensatrice de préavis, ni d’indemnité de licenciement.
Conformément à l’article 13 de votre contrat de travail, vous demandons de respecter votre obligation de non-concurrence”
La lecture de la lettre de licenciement confirme au regard de la faute grave mentionnée, la nature disciplinaire du licenciement opéré. L’employeur reproche au salarié dans un contexte de perte massive de contrats, son inaction fautive :
– en manquant de vigilance et en ne reprenant pas en main les dossiers de copropriété alors que le service de gestion des copropriétés était en proie à des dysfonctionnements (copropriétés gérées sans mandat, absence d’assemblées générales dans les six mois de la clôture des comptes, actes de malveillance),
– en méconnaissant le fait que les trois copropriétés [Adresse 10] étaient passées aux mains de la société CDS gestion,
– en ne s’inquiétant pas de la perte de sept copropriétés qui avaient rejoint le cabinet CDS gestion créé par un ancien salarié dont il connaissait les liens personnels avec sa collaboratrice Mme [E] en charge de copropriétés,
– en ayant signé trois chèques de remises de fonds à des copropriétés sans se soucier du nom du cabinet nouvellement mandaté,
– en retenant de l’information essentielle dans la découverte de la manoeuvre frauduleuse portant sur la manipulation des dates de perte des mandats [Adresse 10] et [Adresse 13]).
Contrairement à ce que prétend le salarié, le licenciement n’est pas fondé sur le détournement des copropriétés et la question n’est pas de vérifier la réalité de ces détournements par ce dernier.
Aux termes de l’article L 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis pas les parties, le doute profitant au salarié.
Toutefois, la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l’employeur et tel est le cas d’espèce.
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Dès lors que l’employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire en prononçant le licenciement pour faute grave, la juridiction a la possibilité de requalifier la faute grave en cause réelle et sérieuse. Dans ce cadre, elle ne peut requalifier le licenciement en licenciement pour insuffisance professionnelle sans caractériser une faute imputable au salarié. A défaut de toute faute caractérisée, le licenciement disciplinaire est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le compte rendu d’entretien préalable rédigé par l’employeur qui n’est pas corroboré par d’autres éléments versés au dossier ne revêt pas de force probante des propos tenus par le salarié qui y sont énoncés.
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Pour dix copropriétés ( [Adresse 16], [Adresse 3], [Adresse 9], [Adresse 5], [Adresse 6], [Adresse 1], [Adresse 7], [Adresse 11], [Adresse 2], [Adresse 17]) il est établi que les mandats de gestion avaient expiré avant le licenciement du salarié (les mandats de gestion ou procès-verbal d’assemble générale désignant le nouveau syndic n’étant pas fournis pour les 66 autres copropriétés visées dans les tableaux). Or la société se contente de fournir un tableau qu’elle a élaboré mentionnant les dates d’assemblées générales fixées, sans élément venant corroborer ces mentions, à l’exception de la copropriété [Adresse 9], pour laquelle il est établi par le procès-verbal d’assemblée générale du 10 juillet 2017 que celle-ci avait eu lieu postérieurement à l’expiration du mandat de gestion le 29 juin 2017 et également à l’exception de la copropriété le [Adresse 16] dont le mandat expirait le 30 septembre 2017 et pour laquelle le courriel de Mme [J] du 18 octobre 2017, qui indique ‘je viens de vérifier le contrat de mandat de syndic du [Adresse 16], nous ne somme plus syndic de cet immeuble depuis le 30/09/2017. Je pense qu’on va perdre cette copropriété’, confirme incidemment que l’assemblée générale n’avait pas été convoquée alors même qu’il est prouvé que la présidente du conseil syndical était en possession des comptes depuis le 17 août 2017 sans que les échanges qui ont pu avoir lieu par la suite entre la présidente et la gestionnaire aient pu avoir un effet sur la date de fixation de l’assemblée générale dont la présidente avait rappelé la nécessaire tenue avant le 30 septembre 2017. Ce faisant, seulement deux faits portant sur l’expiration du mandat de gestion avant la date fixée pour l’assemblée générale sont prouvés.
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Concernant le non-respect du délai de six mois entre la clôture des comptes et la tenue des assemblées générales dont l’engagement contractuel de la société découle des contrats types, il ressort du courriel de Mme [Y] du 20 décembre 2017, aux termes duquel elle indique que l’objectif était de tenir toutes les AG dons les comptes se clôturaient au 31 décembre 2016, au 31 mars 2017, au 30 juin 2017 avant le 31 décembre 2017 et que l’objectif 2018 est de tenir toutes les AG dans les six mois, corrobore le non respect du délai de six mois de convocation des assemblées générales au cours de la période d’emploi de M. [V] et l’ampleur de ce dysfonctionnement, au regard des tableaux fournis par l’employeur concernant plus de 50 copropriétés.
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Aux termes de son attestation du 5 mars 2018, Mme [E] indique qu’elle n’avait pas informé M. [V] de la perte du mandat de syndic de la copropriété [Adresse 10] à [Localité 12] le 30 juin 2017, en sorte que la méconnaissance par le salarié de la perte des trois copropriétés [Adresse 10] au profit de la société CDS gestion est établi.
Il est également prouvé par les procès-verbaux d’assemblées générales et courriers de CDS gestion à la société Tordo- TSM Immogestion que les mandats de gestion des trois copropriétés 12 Angleterre, le [K] et Mona Lisa, qui faisaient partie du portefeuille de Mme [E], ont été confiés à la société CDS gestion à la suites des assemblées générales qui se sont déroulées fin juin et fin septembre 2017 sous son égide.
Il ressort également de la série de courriels entre M. [T] et M. [V] entre le 25 septembre et le 9 octobre 2017, que le salarié avait informé le responsable administratif et financier que le mandat de gestion de la copropriété Le palais Saint Lambert était également passé aux mains du cabinet CDS gestion le 29 juillet 2017, portant à sept le nombre des copropriétés passées sous mandat de gestion du cabinet CDS gestion en l’espace de trois mois.
Il est en outre établi par les courriels de M. [T] (responsable administratif et financier de la société) à Mme [E] et à Mme [J] des 14 au 19 septembre 2017 outre l’attestation de ce dernier du 5 avril 2018, dont le lien de subordination qui ressort clairement de ses assertions, n’est pas de nature à altérer la valeur probante, que la date de la perte des mandats des trois copropriétés [Adresse 10] (30 juin 2017) inscrite au registre était inexactement mentionnée au 30 juin 2016 au lieu du 30 juin 2017, sans pour autant qu’il soit établi que l’acte a été commis personnellement par le salarié.
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Selon les attestations de Mmes [Z] et [E], M. [V] procédait chaque semaine à une réunion du service de la copropriété au cours de laquelle il analysait les dates de mandat de chaque immeuble, que les équipes de gestion procédaient à un suivi scrupuleux des données saisies, que les dates d’arrêté comptable, de clôture, de vérification des comptes, de convocation d’assemblées générales et de diffusion des procès-verbaux étaient contrôlées, que M. [V] faisait chaque semaine de fréquents rappels par mails à chacun des équipes de gestion copropriété de ces données extraites de ICS et du ‘Cockpit Citya’.
Ces deux attestations ne sont pas probantes de la réalité de l’action de suivi et de contrôle du directeur au regard de l’ampleur des dépassements de délai et du nombre des copropriétés concernées, alors même que M. [V] ne justifie pas de ses actions concrètes face à ces dysfonctionnements ni d’ailleurs de la sanction qu’il prétend avoir infligé à une salariée pour ne pas avoir organisé d’assemblées générales à temps pour renouveler les deux mandats au sujet de laquelle il omet d’indiquer la date. En outre, Mme [Z] a été licenciée pour faute grave le 30 mars 2018 pour violation de son obligation de loyauté et de confidentialité, pour comportement irrespectueux et pour opacité volontaire dans la transmission des informations nécessaires au suivi de son activité notamment concernant les mandats échus sur son portefeuille et il n’est pas discuté qu’elle n’a pas saisi le conseil de prud’hommes dans les douze mois qui ont suivi son licenciement.
En outre, il résulte de l’attestation de M. [T] sus-visée dont la valeur probante n’est pas utilement contestée, qu’en sa qualité de responsable administratif et financier, il avait au cours des second et troisième trimestres 2017, alerté M. [V] à plusieurs reprises de la perte de copropriétés et d’éléments douteux sur celles-ci. Il précise que M. [V] n’a pris aucune mesure pour rétablir la situation et qu’il a été très surpris de ses réponses désengagées par rapport aux sujets importants des pertes de copropriété, estimant que ce transfert caché des copropriétés au profit de CDS gestion aurait nécessité de sa part une action immédiate et des investigations qu’il n’a manifestement pas voulu faire et que ce comportement l’a alerté d’autant qu’il avait également constaté à plusieurs reprises depuis avril 2017 la présence de [W] [M] dans les bureaux avec l’assentiment de M. [V].
Il est ainsi établi sans que le salarié n’apporte pas la preuve contraire qu’il est resté inactif tant par rapport aux alertes de M. [T] que dans le cadre général de la gestion de l’agence lors des réunions du service des copropriétés.
L’inaction du directeur d’agence, relève d’un manquement contractuel à ses obligations inhérentes à ses fonctions d’une gravité telle qu’elle rend impossible la poursuite du contrat de travail, dès lors d’une part, qu’il savait, comme il ressort de l’entretien d’évaluation du 16 mars 2016 que l’année 2016 avait été une ‘année noire en copro’ et que ses équipes n’étaient pas rigoureuses, que l’agence avait perdu la gestion de 303 lots de copropriétés en 2016, comme il ressort du compte-rendu de réunion du service de copropriété du 28 juin 2017 et de celui du 27 septembre 2017, d’autre part qu’il avait été alerté de pertes suspectes de mandats par le responsable administratif et financier dès le second trimestre 2017 et enfin que la directrice de copropriété, Mme [E] qui était en charge des sept copropriétés parties pour CDS gestion et des deux mandats expirés avant la tenue des assemblées, avait des liens personnels qu’il connaissait (comme il résulte des attestations de M. [T] et de Mme [R], du courriel d’invitation au pot de départ de Mme [E]) avec M. [M], ancien salarié de l’entreprise devenu président du cabinet CDS gestion, et que cette dernière avait quitté l’entreprise le 30 septembre 2017, dans le cadre d’une rupture conventionnelle sensible liée au contexte de perte des contrats, qu’il avait lui-même menée.
Ce faisant, le licenciement pour faute grave de M. [V], privatif des indemnités de rupture est justifié et le salarié sera débouté de l’intégralité de ses demandes indemnitaires et salariales subséquentes.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse en estimant que les erreurs commises par le salarié manifestaient une insuffisance professionnelle de sa part et en ce qu’il a condamné la société Tordo- TSM Immogestion au paiement au salarié des sommes à ce titre (rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 3 487,18 euros, congés payés afférents : 348,72 euros, indemnités compensatrices de préavis : 26 626 euros, congés payés afférents : 2 662,50 euros, indemnité de licenciement : 8 875 euros ).
Sur la demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale
La société a formé appel incident en ce qu’elle avait été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et fait valoir que le salarié a multiplié les actes de concurrence déloyale à son préjudice, de connivence avec M. [M], Mme [Z] et Mme [E], en ‘s’attaquant’ à 36 copropriétés qu’elle gérait et dont la plupart faisait partie des portefeuilles de Mme [Z] et de Mme [E], alors même qu’il doit s’interdire de tout acte de concurrence déloyale au préjudice de son ancien employeur même en l’absence de clause de non-concurrence valable et qu’il lui a causé un préjudice consistant en la perte de chiffre d’affaires et de clientèle, en des risques de pertes, en la perte de chance de conserver des clients conjugués au préjudice moral.
Le salarié conclut à la confirmation du rejet de la demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, en faisant valoir que le demandeur ne rapporte pas la preuve du lien de causalité et du préjudice subi à raison des prétendus actes de concurrence déloyale qu’il conteste, qu’aucune collusion n’est démontrée et n’a existé entre Mme [E] et lui ou entre la société CDS gestion et lui, qu’il ne peut pas être condamné à des dommages et intérêts à défaut d’avoir été licencié pour faute lourde outre qu’une procédure est déjà pendante devant le tribunal de commerce sur le même fondement. Il conteste avoir commis des actes de détournement ou de concurrence tant pendant l’exécution du contrat que postérieurement à la rupture ainsi que toute collusion avec Mme [E] dont il a géré la rupture et qui a pu lui manifester son ire pendant cette période.
Il dénie toute valeur probante au rapport d’enquête du cabinet de détectives privés versé aux débats, alléguant l’illicéité de ce mode de preuve et soutenant par ailleurs que les rencontres avec ses anciennes collaboratrices étaient nécessaires pour l’organisation de sa défense en justice tant dans le cadre de la présente procédure que devant le tribunal de commerce. Il estime par ailleurs que les sommations interpellatives versées aux débats ne démontrent pas la collusion et les actes de concurrence déloyale invoqués.
Il est de jurisprudence constante que la responsabilité pécuniaire du salarié n’est engagée envers l’employeur qu’en cas de faute lourde.
En cas de licenciement pour faute grave, l’employeur est tenu par la qualification qu’il a retenu aux faits reprochés visés par la lettre de licenciement. La faute lourde ne peut être retenue que pour des faits distincts de ceux visés par la lettre de licenciement. (Soc 25 janvier 2017 n°14-26071).
La faute lourde requiert de la part du salarié l’intention de nuire vis-à-vis de l’employeur ou de l’entreprise.
Il n’a pas été reproché au salarié au sein de la lettre de licenciement d’avoir commis des actes de concurrence déloyale, en sorte qu’il appartient à la cour de vérifier la réalité de tels actes de concurrence déloyale pendant l’exécution du contrat de travail.
Postérieurement à la rupture du contrat de travail, le salarié est tenu d’une obligation de non concurrence devant la juridiction prud’homale en application de la clause de non-concurrence considérée comme valable mais la société n’a pas fondé sa demande de dommages et intérêts sur la violation de la clause de non-concurrence, en sorte que seuls des actes de concurrence pendant l’exécution du contrat manifestant l’intention de nuire du salarié et découverts postérieurement peuvent conduire à sa condamnation à des dommages et intérêts.
Le rapport d’investigation du 9 mars 2018 établi par le cabinet d’investigation et de renseignement HARP ne sera pas pris en considération par la cour. En effet, il fait état de preuves obtenues au moyen de filatures par un détective privé à l’encontre de salariés et d’ex-salariés soupçonnés d’exercer une activité de concurrence déloyale et constitue en conséquence un mode de preuve illicite comme portant atteinte au respect de la vie privée.
Il résulte des sommations interpellatives du 8 mars 2018 envers M. [U] et M. [F] de la résidence [Adresse 15] qu’ils ont rencontré M. [V] pour les besoins de la copropriété entre le 27 octobre 2017 et l’assemblée générale du 17 janvier 2018 et qu’il leur a vanté l’avantage que la copropriété aurait à travailler avec la société CDS gestion et qu’à leur connaissance, M. [V] travaillait pour cette société CDS gestion, étant précisé que les autres sommations interpellatives de Mmes [A], [N] et [G] ne sont pas révélatrices d’acte de démarchage de M. [V].
Ce faisant s’il est établi que le salarié a commis un acte de démarchage de la copropriété [Adresse 15] au profit de la société CDS gestion, c’est postérieurement à la rupture du contrat de travail, en sorte qu’à défaut d’avoir fondé sa demande de dommages et intérêts sur la violation de la clause de non-concurrence, la société ne peut qu’être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, étant précisé qu’aucune collusion entre M. [V], Mme [Z] et Mme [E] ne résulte de ces éléments de preuve recevables.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la société Tordo- TSM Immogestion de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il convient de préciser qu’aucun des appels n’a dévolu à la cour les dispositions portant sur l’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens.
Le salarié succombe en son appel, en sorte qu’il sera condamné aux entiers dépens de l’appel. Sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sera en conséquence rejetée.
L’équité ne commande pas de faire bénéficier la société Tordo- TSM Immogestion des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et elle sera déboutée de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile;
Rejette la demande de révocation de l’ordonnance de clôture ;
Ecarte les conclusions de l’appelant du 7 octobre 2022 ;
Dans la limite de la dévolution,
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné la société Tordo- TSM Immogestion à payer à M. [V] les sommes suivantes : rappel de salaire sur mise à pied conservatoire : 3 487,18 euros, congés payés afférents : 348,72 euros, indemnités compensatrices de préavis : 26 626 euros, congés payés afférents : 2 662,50 euros, indemnité de licenciement : 8 875 euros ;
Statuant à nouveau dans cette limite,
Déclare que le licenciement pour faute grave est justifié ;
Déboute M. [V] de l’intégralité de ses demandes ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la clause de non-concurrence était valable et en ce qu’il a débouté la société Tordo- TSM Immogestion de sa demande de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ;
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes respectives d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [V] aux entiers dépens de l’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT