Donation d’oeuvres assortie de charges : affaire Simon Hantaï

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Donation d’oeuvres assortie de charges : affaire Simon Hantaï
Ce point juridique est utile ?

La vente d’œuvres d’art assortie de charges par le bénéficiaire peut être totalement interdite par l’artiste donateur par le biais d’une clause d’inaliénabilité.  

L’affaire Simon Hantaï

Dans ce nouveau rebondissement dans l’affaire Simon Hantaï, il a été jugé que le fait, notamment, d’avoir laissé vendre l’oeuvre intitulée « Le Monochrome Bleu » en violation de l’article 900-1 du code civil ou d’avoir laissé le président de l’association bénéficiaire du don des œuvres de l’artiste, utiliser les oeuvres à des fins personnelles (une partie des oeuvres a été donnée au département des Hauts-de-Seine dans la perspective de créer un musée d’art contemporain sur l’Ile Saint-Germain par l’intermédiaire d’une Fondation à son nom) ou encore de n’avoir pas réagi aux saisies pratiquées peuvent être regardées comme de graves négligences, au surplus susceptibles de justifier la révocation des donations pour inexécution fautive des charges prévue aux articles 953 et suivants du code civil.

Leg d’œuvres d’art affecté d’une clause d’inaliénabilité

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 900-1 du code civil que, par principe, le bien donné ou légué affecté d’une clause d’inaliénabilité constitue une condition affectant la donation sous peine de révocation, ne peut faire l’objet d’une saisie, dont la validité doit s’apprécier au moment où elle est pratiquée, tant que cette clause est en vigueur.

Contexte de l’affaire  

Pour rappel, la Cour de cassation en son arrêt du 16 janvier 2019, a condamné l’association bénéficiaire de certaines œuvres de Simon Hantai, au paiement de la somme indemnitaire de 400.000 euros en réparation du préjudice causé par la vente, en dépit d’une donation assortie de charges, d’une oeuvre d’art de leur auteur, s’agissant de l’oeuvre « le Monochrome Bleu »

A l’époque, la Régie Renault avait offert aux artistes de reprendre la propriété de ses oeuvres puis d’en faire don à l’association IAC, sous condition d’inaliénabilité et d’usage à des fins d’exposition non commerciale.

Les héritiers avaient découvert l’existence d’une vente judiciaire organisée par la société Digard Auction, d’une oeuvre de leur auteur intitulée « le Monochrome Vert » qui faisait partie de la donation assortie de charges et conditions de quatorze œuvres l’association IAC, ceci à la requête de la société Total Lubrifiants, créancier du président de l’association bénéficiaire, en vertu d’une condamnation pénale d’un montant de près de 14 millions d’euros.

L’association IAC avait saisir cette oeuvre et une procédure de saisie-revendication a été introduite en 2013, étendue à douze autres oeuvres de l’Artiste, destinées à être vendues aux enchères.

Suivant courriers officiels entre avocats de juillet 2020, ces douze oeuvres ont été retirées de la vente aux enchères publiques organisée le 23 juillet 2020.

Action oblique des héritiers infructueuse

Les héritiers de l’artiste ont toutefois été déboutés de leur action oblique car ils n’ont pu  satisfaire aux entières conditions d’exercice de l’action oblique pour obtenir paiement de leur créance dans le contexte particulier des faits de l’espèce.

L’article 1341-1 du code civil exige que la carence du bénéficiaire compromette les droits du créancier, comme a pu encore l’énoncer la Cour de cassation dans un arrêt de censure rendu au visa de l’article 1166 (ancien) du code civil (Cass civ 3ème, 12 juillet 2018, pourvoi n° 17-20680).

En effet, un créancier n’a intérêt à exercer une action oblique que si elle lui permet, quand bien même ne lui octroie-t-elle pas un droit de préférence, d’obtenir paiement de sa créance à la faveur de la réintégration des actifs dans le patrimoine de son débiteur et de la reconstitution du droit de gage général de ses créanciers.

L’action en distraction prévue à l’article R 221-51 du code des procédures civiles d’exécution n’est ouverte qu’au « tiers qui se prétend propriétaire d’un bien saisi ».

Par ailleurs, il résulte des dispositions de l’article 900-1 du code civil que, par principe, le bien donné ou légué affecté d’une clause d’inaliénabilité constitue une condition affectant la donation sous peine de révocation, ne peut faire l’objet d’une saisie, dont la validité doit s’apprécier au moment où elle est pratiquée, tant que cette clause est en vigueur.

La propriété sur ces oeuvres de l’association IAC, dans l’ensemble de ses attributs et, en particulier du fructus et de l’abusus permettant au propriétaire d’en tirer un profit financier, n’était pas établie par les héritiers.

De plus, l’article 1341-1 du code civil, ajoutant aux stipulations de l’article 1166 ancien, précise que le domaine de l’action oblique porte sur les droits et actions à caractère patrimonial et exclut ceux qui sont attachés à la personne.

En l’espèce, quand bien même l’action en distraction peut être considérée comme entrant dans la catégorie des actions à caractère patrimonial, la réintégration des biens saisis dans son patrimoine constituant le gage général de ses créanciers exigerait du débiteur saisi, dans le cas particulier d’une donation grevée de clauses et charges, qu’il exerce une action à caractère personnel, à savoir la levée de la clause d’inaliénabilité et des conditions prohibant un usage commercial qui assortissent la donation afin de pouvoir en tirer un profit financier.

 
 
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
 
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-2
ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2022
 
N° 2022/492
 
Rôle N° RG 22/05764 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJIEK
 
[W] [N] épouse [X]
 
S.A.R.L. GALERIES FRANCAISES
 
C/
 
[G] [U] [O] [I]
 
Copie exécutoire délivrée
 
le :
 
à :
 
Me Alain CURTI
 
Me Samih ABID
 
Décision déférée à la Cour :
 
Ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat de la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE en date du 05 Avril 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 21/8443.
 
APPELANTES
 
Madame [W] [N] épouse [X]
 
née le 26 Février 1979 à [Localité 7], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
 
représentée par Me Alain CURTI, avocat au barreau de NICE,
 
assistée de Me Marc MEISNER, avocat au barreau de PARIS, plaidant
 
S.A.R.L. GALERIES FRANCAISES
 
dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège
 
représentée par Me Alain CURTI, avocat au barreau de NICE,
 
assistée de Me Marc MEISNER, avocat au barreau de PARIS, plaidant
 
INTIME
 
Monsieur [G] [U] [O] [I]
 
né le 09 Octobre 1938 à [Localité 6] (BELGIQUE), demeurant [Adresse 1]
 
représenté et assistée de Me Samih ABID, avocat au barreau de NICE, plaidant
 
*-*-*-*-*
 
COMPOSITION DE LA COUR
 
L’affaire a été débattue le 14 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme LIS-SCHAAL, présidente, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
 
La Cour était composée de :
 
Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre
 
Madame Muriel VASSAIL, Conseiller
 
Madame Agnès VADROT, Conseiller
 
qui en ont délibéré.
 
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
 
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Octobre 2022.
 
ARRÊT
 
Contradictoire,
 
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Octobre 2022,
 
Signé par Madame Michèle LIS-SCHAAL, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
 
***
 
M. [G] [I] est un artiste céramiste internationalement reconnu depuis les années 60. Il commercialise ses oeuvres dans différentes galeries d’art et principalement dans les galeries « l’ATELIER 55 », enseignes de la société GALERIES FRANCAISES.
 
Il a été informé le 2 juin 2019 que la société GALERIES FRANCAISES proposait également la vente dans les enseignes ATELIER 55 notamment les galeries de [Localité 4] et de [Localité 5], des oeuvres en céramique très ressemblantes aux siennes étiquetées [W] [X] avec la mention « by [I] student ».
 
Estimant que ces actes étaient des actes de contrefaçons , M. [I] a saisi le tribunal de commerce de Marseille
 
Par jugement du 8 avril 2021, le tribunal de Marseille a, sur le fondement des articles L 111-1 et L 112-1 du code de la propriété intellectuelle, constaté que Mme [W] [X] et la société Galeries françaises ont commis des actes de contrefaçon de droit d’auteur au préjudice de M. [I] et les a condamnés in solidum à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte au droit moral de l’auteur et avant dire droit a ordonné une expertise pour l’évaluation des autres postes de préjudices.
 
Contestant le caractère protégeable de l’ oeuvre « Totem », la société Galeries Françaises et Mme [X] ont interjeté appel de cette décision le 7 juin 2021.
 
Le conseiller de la mise en état de la chambre 3-1 a rendu le 5 avril 2022 une ordonnance de caducité au motif que les conclusions des appelantes ne contenaient aucune demande d’infirmation du jugement entrepris.
 
La société GALERIES FRANCAISES et Mme [X] ont déféré cette décision devant notre chambre.
 
Elle soutiennent que pour soutenir une demande de caducité, l’intimé aurait dû préalablement soulever la nullité des conclusions, que l’absence de demande d’infirmation dans le dispositif constituait une erreur matérielle que le conseiller de la mise en état aurait du rectifier et que le terme « statuant à nouveau » extérieur au dispositif équivalait au mot infirmer et qu’il aurait du être intégré au dispositif apr le conseiller de la mise en état.
 
Par conclusions notifiées par le RPVA du 8 septembre 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, M. [G] [I] au visa des articles 542 et 954 du code de procédure civile, conclut:
 
Débouter la société GALERIES FRANCAISES et Mme [X] de toutes leurs demandes fins et conclusions,
 
Confirmer l’ordonnance d’incident déférée,
 
Les condamner in solidum à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du CPC,
 
Les condamner in solidum à tous les dépens d’appel et de première instance avec distraction au profit de Me Samih HABID.
 
Il rappelle le principe posé par les arrêts de la Cour de Cassation des 17 septembre 2020 et 9 et 30 septembre 2021, 4 novembre 2021 qui exigent, au visa des articles 542 et 954 du CPC , que l’appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu’il demande l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation.
 
La Cour de Cassation ajoute qu’en cas de non respect de cette règle, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue par l’article 914 du CPC, de relever d’office la caducité de l’appel. Lorsque l’incident est soulevé par une partie, ou relevé d’office par le conseiller de la mise en état, ce dernier ou le cas échéant la cour d’appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d’appel si les conditions en sont réunies.
 
Il expose que le dispositif des conclusions en date du 5 septembre 2021 des appelantes ne contient aucune demande d’infirmation ou de réformation.
 
Il réplique que la demande de caducité n’est pas une exception de procédure et n’avait pas à être soulevée in limine litis comme l’a indiqué la Cour de Cassation , qu’il n’ y avait pas de violation de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme alors que les appelantes avaient pu saisir la cour d’appel et que les termes « statuant à nouveau » non présents dans le dispositif ne pouvaient suppléer l’absence de demande d’infirmation.
 
Par conclusions notifiées par le RPVA du 29 août 2022, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, Mme [X] et la société GALERIES FRANCAISES concluent:
 
A titre principal,
 
Déclarer irrecevables les conclusions d’incident de M. [I] du 6 décembre 2021 après ses conclusions au fond du 3 décembre 2021,
 
En conséquence, débouter M.[I] de sa demande en caducité de leur appel,
 
A titre subsidiaire,
 
Déclarer recevables et bien fondées les appelantes en leur demande de rectification d’erreur matérielle des conclusions régularisées le 5 septembre 2021 au soutien de leur appel;
 
Dire que l’expression « statuant à nouveau » figure dans le dispositif des conclusions;
 
Constater que cette expression saisit valablement la Cour d’une demande réformation au sens de l’article 542 du CPC;
 
En conséquence, débouter M. [I] de sa demande tendant à voir constater la caducité de leur appel;
 
Réserver sur les dépens.
 
Les appelantes soutiennent que la demande de M. [I] constitue une exception de procédure au sens des articles 73 et 74 du code de procédure civile qui devait être introduite in limine litis avant la défense au fond et qu’elle est donc irrecevable.
 
Elles ajoutent que le dispositif comportait une erreur matérielle qui pouvait être redressée à l’aide du contexte que la Cour pourra rectifier en tant que de besoin en disant incluse dans le dispositif des conclusions d’appelant la mention « évoquant et statuant à nouveau ».
 
SUR CE;
 
Attendu qu’il ne peut être contesté que dans leurs conclusions du 5 septembre 2021, les appelantes, Mme [X] et la société GALERIES FRANCAISES n’ont pas dans le dispositif, qui est défini comme le récapitulatif des prétentions, formulé une demande d’infirmation ou de réformation partielle ou totale du jugement entrepris, se contentant de solliciter de la Cour la constatation de certaines choses et le débouté des demandes de M. [I],
 
que la demande de caducité sollicitée par M. [I] en procédure d’ incident devant le conseiller de la mise en état ne devait pas être soulevée in limine litis ne constituant pas une exception de procédure, la Cour de Cassation ayant rappelé que « la caducité est un incident d’instance qui n’est pas assujetti à l’application de l’article 74 du Code de procédure civile »,
 
que l’attendu de la Cour de Cassation invoqué par Mme [X] et la société GALERIES FRANCAISES ne porte pas sur la question de la nullité des conclusions,
 
que les termes « évoquant et statuant à nouveau » non présents dans le dispositif ne peuvent être assimilés à une demande d’infirmation ou de réformation du jugement entrepris, d’autant plus que la notion d’évocation est totalement différente de celles de l’infirmation ou de la réformation d’une décision,
 
qu’il ne relève pas des pouvoirs du conseiller de la mise en état de rectifier d’office ce que les appelantes qualifient à tort, d’ erreur matérielle ,
 
qu’il résulte d’une jurisprudence établie de la Cour de Cassation que l’appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu’il demande l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation,
 
qu’en cas de non respect de cette règle, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue par l’article 914 du CPC, de relever d’office la caducité de l’appel,
 
que lorsque l’incident est soulevé par une partie, ou relevé d’office par le conseiller de la mise en état, ce dernier ou le cas échéant la cour d’appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d’appel si les conditions en sont réunies,
 
que c’est donc à juste titre que le conseiller de la mise en état a rendu un ordonnance de caducité de la déclaration d’appel de Mme [X] et de la société GALERIES FRANCAISES,
 
qu’en conséquence, il convient de confirmer l’ordonnance déférée;
 
Attendu que l’équité impose de condamner Mme [X] et la société GALERIES FRANCAISES à payer à M. [I] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
 
PAR CES MOTIFS;
 
La Cour statuant sur déféré, publiquement et par arrêt contradictoire,
 
Confirme l’ordonnance déférée,
 
Condamne in solidum Mme [X] et la société GALERIES FRANCAISES à payer à M. [I] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
 
Condamne in solidum Mme [X] et la société GALERIES FRANCAISES aux dépens de la procédure d’appel avec distraction au profit de Me Samih HABID.
 
LA GREFFIERE,LA PRESIDENTE,
 

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