Dommages de chantier : Responsabilité et préjudice

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Dommages de chantier : Responsabilité et préjudice

Monsieur Didier FORTON, Premier Vice-Président, a présidé l’affaire le 18 juin 2024, avec le rapport entendu par les membres de la Chambre. La société S.A.R.L. GARAGE LE PLESSIS, représentée par Me Emilie RONNEL et assistée de Me Sébastien TO et Me Anne BAUDOIN, a assigné la société S.A.S. ROISSY TP, représentée par Me Laetitia GERNEZ et assistée de Me Benjamin PORCHER, suite à des dommages causés à des véhicules par une poussière abrasive.

En avril 2021, GARAGE LE PLESSIS a constaté cette poussière et a fait appel à un huissier. Une expertise a été réalisée le 7 juillet 2021, concluant à des dommages sur les véhicules, avec un devis de remise en état de 14.040 euros. Malgré une mise en demeure et une demande d’indemnisation de 14.440 euros par l’assureur de GARAGE LE PLESSIS, ROISSY TP a refusé toute responsabilité.

Le 17 novembre 2022, GARAGE LE PLESSIS a assigné ROISSY TP devant le Tribunal judiciaire de Pontoise pour obtenir réparation. Dans ses conclusions, GARAGE LE PLESSIS a demandé 14.840 euros de dommages et intérêts, le déboutement de ROISSY TP et 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. ROISSY TP a demandé le déboutement de GARAGE LE PLESSIS, une réduction du préjudice allégué, et 3.000 euros pour abus de prétentions.

Les plaidoiries ont été fixées au 18 juin 2024, et la décision sera rendue le 24 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Pontoise
RG
22/06096
PREMIERE CHAMBRE

24 Septembre 2024

N° RG 22/06096 – N° Portalis DB3U-W-B7G-M2QI
64B

S.A.R.L. GARAGE LE PLESSIS

C/

S.A.S. ROISSY TP

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Première Chambre du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort assistée de Cécile DESOMBRE, Greffier a rendu le 24 septembre 2024, par mise à disposition au greffe, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Monsieur Didier FORTON, Premier Vice-Président
Madame Anne COTTY, Première Vice-Présidente Adjointe
Madame Aude BELLAN, Vice-Présidente

Sans opposition des parties l’affaire a été plaidée le 18 juin 2024 devant Didier FORTON, Premier Vice-Président, siégeant en qualité de Juge Rapporteur qui a été entendu en son rapport par les membres de la Chambre en délibéré.

Jugement rédigé par Anne COTTY, Première Vice-Présidente Adjointe

–==o0§0o==–

DEMANDERESSE

S.A.R.L. GARAGE LE PLESSIS, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Emilie RONNEL, avocat postulant au barreau du Val d’Oise, et assistée de Me Sébastien TO et de Me Anne BAUDOIN, avocat plaidant au barreau de Paris

DÉFENDERESSE

S.A.S. ROISSY TP, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Laetitia GERNEZ, avocat postulant au barreau du Val d’Oise, et assistée de Me Benjamin PORCHER, avocat plaidant au barreau de Paris

–==o0§0o==–
La société GARAGE LE PLESSIS exerce une activité d’entretien et réparation de véhicules automobiles légers sis [Adresse 2].

La société ROISSY TP, entreprise de terrassements est intervenue sur un chantier sis [Adresse 3] à [Localité 4].

Au cours mois d’avril 2021, la société GARAGE LE PLESSIS a constaté la présence d’une poussière grise sur les véhicules entreposés dans ses locaux et elle a fait appel à un huissier de justice afin que celui-ci vienne constater la présence de cette poussière.

Le 7 juillet 2021, une réunion d’expertise s’est tenue, hors la présence de ROISSY TP dûment convoquée, dans les locaux de la société GARAGE LE PLESSIS laquelle a par la suite fait établir un devis de remise en état des véhicules lequel s’élève à 14.040 euros, l’expert ayant conclu que les carrosseries des véhicules ont été endommagées par un dépôt de poussière abrasive.

Le 4 novembre 2021, I’assureur protection juridique de la société GARAGE LE PLESSIS a adressé à la société ROISSY TP un courrier lui réclamant la somme de 14.440 euros au titre du coût du constat d’Huissier de justice ainsi que des frais de remise en état des véhicules.

La société ROISSY TP n’a pas donné suite à ce courrier, estimant n’avoir aucune responsabilité dans la prétendue survenance de ce désordre.

Le 11 janvier 2022, l’assureur protection juridique de la société GARAGE LE PLESSIS a mis en demeure la société ROISSY TP d’avoir à indemniser son assuré.

Le 26 janvier 20221, la société ROISSY TP a informé l’assureur de la société GARAGE LE PLESSY de son refus de toute prise en charge.

C’est à la suite de ce refus que le 17 novembre 2022, la société GARAGE LE PLESSIS a assigné la société ROISSY TP devant le Tribunal judiciaire de PONTOISE aux fins de la voir condamner au paiement des travaux de remise en état des véhicule outre aux dépens et à une somme au titre des frais irrépétibles.

Par conclusions n°2 régulièrement notifiées par RPVA le 28 février 2024 auxquelles il convient de se référer pour l’exposé des moyens, la société GARAGE LE PLESSIS sollicite du tribunal :

– qu’il reçoive l’intégralité des moyens et des prétentions de la société GARAGE LE PLESSIS,

En conséquence,

– qu’il condamne la société ROISSY TP à payer à la société GARAGE LE PLESSIS la somme de 14.840 € à titre de dommages et intérêts,

– qu’il déboute la société ROISSY TP de l’ensemble de ses demandes,

– qu’il condamne la société ROISSY TP à payer à la société GARAGE LE PLESSIS la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 mai 2024 auxquelles il convient de se référer pour l’exposé des moyens, la société ROISSY TP sollicite du tribunal :

-qu’il déboute la société GARAGE LE PLESSIS de toute prétention dirigée à l’encontre de la société ROISSY TP,

A titre subsidiaire :

– qu’il rapporte le préjudice allégué à de plus juste proportions,

– qu’il condamne la société GARAGE LE PLESSIS à payer à la société ROISSY TP la somme de 3.000 euros au titre du caractère parfaitement abusif de ses prétentions,

En tout état de cause :

– qu’il condamne la société GARAGE LE PLESSIS à payer à la société ROISSY TP, la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, et aux dépens

– qu’il écarte l’exécution provisoire.

L’ordonnance de clôture du 16 mai a fixé les plaidoiries au 18 juin 2024. La décision a été mise en délibéré au 24 septembre 2024.

MOTIFS

Sur la responsabilité de la Société ROISSY TP

La société GARAGE LE PLESSIS sollicite la condamnation de la société ROISSY TP à lui payer la somme de 14.840 € à titre de dommages et intérêts.

Elle explique qu’en avril 2021, la société ROISSY TP a entrepris un chantier sis [Adresse 3] à [Localité 4] et que lors des manipulations du ciment, une poussière s’est déposée sur les véhicules stockés au titre de son activité ce qui a été constaté tant par l’étude BENHAMOUR et [O], huissiers de justice, le 26 juillet 2021 que par l’expertise contradictoire réalisée en juillet 2021.

Elle précise que le chantier réalisé par la société ROISSY TP est à l’origine du dépôt poussiéreux et que les allégations péremptoires de la société ROISSY TP, qui conteste sa responsabilité ne sont appuyées par aucune pièce.

S’agissant de la date de fin de chantier pour la société ROISSY TP, elle expose que le compte-rendu de chantier datant du 08 juin 2020 versé aux débats est relatif à un autre chantier sis au [Localité 5] ce qui n’a strictement rien à voir.

S’agissant de l’intervention d’autres sociétés, elle relève que la société ROISSY TP ne fournit aucune information sur les éventuelles autres responsabilités en cause et rappelle que les entrepreneurs présents sur le chantier sont responsables de plein droit vis-à-vis du voisin victime, ces derniers étant considérés comme des voisins occasionnels pendant la durée du chantier.

Elle ajoute que le gérant de la société ADA a également fait les mêmes et qu’il s’est trouvé dans « l’obligation de nettoyer les véhicules quasiment tous les jours tellement la poussière de ciment était importante. » faisant exploser son budget de lavage auto.

En réponse, la S.A.S. ROISSY TP conclut au principal au débouté de la demanderesse et, subsidiairement, à la réduction à de plus justes proportions de sa demande.

Elle rappelle qu’il incombe à la société GARAGE LE PLESSIS de rapporter la triple preuve à l’encontre de la société ROISSY TP, d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité direct et certain entre la prétendue faute et le préjudice allégué ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Elle expose que si le procès-verbal du 26 avril 2021, mentionne bien la présence de poussières grisâtre «type ciment» sur les véhicules appartenant au GARAGE LE PLESSIS, il n’y est à aucun moment affirmé que la présence de ces poussières serait liée au chantier sur lequel est intervenu ROISSY TP et encore moins que cette poussière proviendrait, précisément, des opérations menées par elle étant précisé qu’elle n’était que l’un des intervenants du chantier en question.

Elle ajoute qu’aucune analyse précise et sérieuse de ces résidus de poussière n’a été faite et que seule une analyse approfondie par comparaison chimique aurait pu permettre d’affirmer que ces résidus correspondaient à des résidus de ciment émanant du chantier entrepris par la société ROISSY TP et non des chantiers alentours.

Elle en déduit qu’aucun lien formel et certain entre l’activité dela société ROISSY TP et le dépôt de poussière sur les véhicules, lien qui apparaît d’autant plus improbable qu’il apparaît en réalité que la société ROISSY TP avait terminé ses travaux le 9 juin 2020 soit près d’un an avant l’apparition des désordres.

Elle ajoute qu’aucune des pièces versées aux débats ne permet de démontrer que le chantier est à l’origine des dégâts causés aux véhicules, le constat d’huissier faisant par ailleurs mention de la présence d’un déchargement de ciment dans les silos d’une entreprise autre que ROISSY TP, de celle d’un camion portant l’inscription BELISLE (en réalité DELISLE, à en croire la photographie annexée au constat), de l’existence d’un permis de construire accordé à la SCCV COURS LIBERATION, maître d’ouvrage du chantier et de deux silos portant l’inscription « SILOMIX CANTILLANA ››.

S’agissant du rapport d’expertise, elle explique que le rapport fait mention de ce qu’elle aurait été convoquée en juin 2021, sans plus de précision et sans qu’il ne soit justifié de la réception de la convocation, étant au surplus souligné que la convocation aurait été envoyée en période estivale, en vue d’une réunion le 7 juillet et que si l’expert est habilité à évaluer les dégâts causés sur les véhicules, il ne l’est pas pour émettre un avis sur des travaux effectuéspar une entreprise et notamment sur la causalité de ces dégâts.

Elle rappelle que le chantier était «géré ›› par la SCCV COURS LIBERATION, ce qui apparaissait clairement sur le permis de construire affiché sur le chantier, elle-même n’étant qu’une entreprise de terrassement.

Elle relève enfin que les propos de la société GARAGE LE PLESSIS semblent incohérents puisque cette dernière a fourni une liste des véhicules présents sur son garage, les quantifiant à 60 véhicules alors même que dans le devis fourni par cette dernière, 65 véhicules y sont mentionnés de telle sorte que l’on peut raisonnablement laisser penser que la société GARAGE LE PLESSIS mentionne un nombre plus élevé de véhicules afin d’obtenir une indemnisation plus élevée qu’elle n’aurait dû.

Elle indique enfin que si les entrepreneurs sont responsables au titre du trouble anormal de voisinage qu’ils peuvent causer en qualité de voisins occasionnels, encore faut-il démontrer que lesdits troubles ont été causés alors que l’entreprise était présente sur le chantier.

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l’espèce, la société GARAGE LE PLESSIS soutient que la responsabilité de la S.A.S. ROISSY TP est engagée, cette dernière ayant commis une faute ayant engendré la dégradation des véhicules stationnés sur son terrain.

A l’appui de ce qu’elle allègue, elle verse aux débats :

– des photographies qui ne sont pas datées et sur lesquelles il n’est pas possible de déterminer le lieu ou elles ont été prises,

– un procès-verbal de constat dressé le 26 avril 2021 par Maître [O] huissier de justice dont il ressort les constatations suivantes :

º existence d’un chantier en cours de réalisation face au lieu de l’exposition de l’autre côté de la nationale, présence sur le chantier de deux silos portant les inscriptions « SILOMIX CANTILLANA », présence de différents compagnons s’afférant à des travaux,
º le béton présente un aspect récent,
º le parc de la société GARAGE LE PLESSIS exposant des véhicules est ciel ouvert, situé à une vingtaine de mètres du lieu de la construction,
º sur les pare-brises et les carrosseries de nombreux véhicules du parc, une pellicule grisatre de fine poussière est visible, elle est de type ciment,
º un camion portant l’inscription « BESLISLE » s’est positionné devant le chantier,

– un rapport d’expertise de BCA USC COVEA en date du 23 septembre 2021 dont il ressort les choses suivantes :
º les véhicules présents sur le Parc du Garage Le Plessis subissent des retombées de poussières de béton
º au mois d’avril 2021, des poussières de béton se disperssent et retombent sur les véhicules en exposition,
º un chantier de travaux publics est en cours en face des établissements concernés, il est géré par la société ROISSY TP et semble être à l’origine de la production de poussière de béton,
º la pose de béton pulsé engendre un nuage dans la zone environnante,

– l’attestation de Monsieur [W] [U] qui indique que depuis l’ouverture du chantier de construction, il subit des projections de caillous, poussière de ciment et détritus sur ses véhicules, l’un d’eux ayant été recouvert de ciment sur toute la carrosserie et les vitres,

– les attestations de trois personnes confirmant la présence d’un dépôt grisâtre sur les véhicules de la société,

– un courrier de la société ROISSY TP en date du 26 janvier 2022 dans lequel cette dernière indique avoir réalisé un chantier en face de la société Garage Le Plessis pour le compte de son client Green City Immobilier et contestant sa responsabilité,

La S.A.S. ROISSY TP pour sa part verse aux débats :

– différents documents relatifs du 10 avril 2020 pour un programme « SCCV Le Clos Veneto » lesquels sont sans aucun lien avec le chantier litigieux,

En conséquence, il convient de constater que les pièces versées aux débats ne permettent pas d’établir la présence de la société ROISSY TP sur le chantier litigieux à la date à laquelle les constatations ont été faites, de même que la preuve d’une faute dont cette dernière serait à l’origine n’est pas rapportée.

En conséquence, la société GARAGE LE PLESSIS sera déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Sur la demande reconventionnelle de la société Roissy TP

La société ROISSY TP sollicite la condamnation de la demanderesse à lui verser la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Elle expose n’être pas responsable des dégâts qui ont été causés aux véhicules stockés dans les locaux de la demanderesse et que c’est avec une particulière mauvaise foi que la société GARAGE LE PLESSIS a intenté la présente action.

En réponse, le Garage Le plessis conclut au débouté de la demande exposant que la société ROISSY TP ne justifie sa demande reconventionnelle ni dans son principe, ni dans son quantum.

Toutefois, il est constant que la société Garage Le Plessis a subi un préjudice.

L’action qu’elle a intenté à l’encontre de la société ROISSY TP n’est que la simple traduction de son droit d’ester en justice sans que la preuve d’une particulière mauvaise foi ou d’une intention de nuire soit démontrée.

En conséquence, il convient de débouter la Société ROISSY TP de sa demande à ce titre.

Sur les frais du procès

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

La société GARAGE LE PLESSIS, partie perdante, supportera la charge des dépens.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.

La société GARAGE LE PLESSIS sera condamnée à verser à la Société ROISSY TP la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Déboute la société Garage Le Plessis de l’ensemble de ses demandes ;

Déboute la S.A.S. ROISSY TP de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la société Garage Le Plessis à verser à la S.A.S. ROISSY TP la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Garage Le Plessis aux dépens ;

Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.

Ainsi fait et jugé à Pontoise, le 24 septembre 2024.

Le Greffier, Le Président,
Madame DESOMBRE Monsieur FORTON


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