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Filmer des personnes en milieu psychiatrique nécessite d’obtenir leur accord préalable et écrit ou celui de leurs tuteurs légaux.
L’atteinte au droit à l’image d’un patient filmé dans le cadre du film documentaire « 12 jours », n’a pas été retenue.
Le film documentaire réalisé par Raymond Depardon porte sur l’hospitalisation psychiatrique sans consentement et filme des audiences publiques présidées par un juge des libertés et de la détention, à l’issue desquelles ce dernier est appelé à se prononcer sur la poursuite ou non de l’hospitalisation sous contrainte au-delà de 12 jours.
Le film, destiné à une diffusion en salle, dans les médias et sur supports numérique, montre le déroulement de l’audience au cours de laquelle s’instaurent des échanges entre le patient atteint de pathologie(s) psychiatrique(s) et le magistrat.
Parmi les 72 patients ayant accepté d’être filmés, directement ou avec l’assistance de leur tuteur ou curateur pour ceux bénéficiant d’une procédure de protection, 10 ont été sélectionnés pour paraître dans le film. Le père de l’un d’entre eux s’est rapproché de la société de production du film, la SAS Palmeraie et Désert, pour lui faire connaître son opposition à la présence de son fils dans ce documentaire, qui selon lui « était exposé aux railleries des personnes qui ne connaissaient pas sa maladie, et l’absence de consultation de ses parents préalablement à toute diffusion ».
Dans ce cadre, une offre financière compensatoire a été formalisée par la SAS Palmeraie et Désert qui n’a pas été acceptée par la famille. La famille du patient s’est également plainte des conditions dans lesquelles sont intervenues les prises de vue et la diffusion du film, en invoquant des effets négatifs pour leur fils.
La juridiction a considéré que la chronologie des faits militait très largement en faveur de l’absence d’urgence. En effet, l’assignation a été délivrée 30 mois après le tournage et 16 mois après le refus d’un arrangement financier amiable. Or, l’impact médiatique du documentaire était déjà limité dès sa sortie, eu égard à la particularité de son sujet assez confidentiel et au seul intérêt d’un public averti. Même si des DVD restaient à la vente, l’impact médiatique initialement limité était objectivement retombé.
L’article 809 ancien (devenu 835 nouveau) du code de procédure civile dispose « Le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».
En l’espèce, l’objet du documentaire était informatif et éducatif, et le film ne possédait aucune dimension récréative. Le tournage de la séquence incriminée n’était intervenu qu’après accord écrit exprès du patient lui-même et l’accord de son avocat et après avis médicaux.
Au jour des faits ni postérieurement, le patient ne faisait pas l’objet d’une mesure de protection (absence de tuteur ou curateur dans les actes de procédure). Ceci témoignait bien de la capacité juridique du patient à consentir à être filmé, même si son état médical l’empêchait de consentir à une mesure de soin, ce qui ne se situait pas sur le même plan.
Dans la séquence incriminée, l’image proposée au public était celle d’une personne atteinte d’une pathologie psychiatrique, filmée fidèlement et présentée sans artifice ni commentaire. Cette séquence ne présentait aucunement un caractère ridicule ou donnant une image indigne du patient. De plus, le nom de ce dernier a été volontairement modifié dans le film et seuls ses proches, nécessairement au courant de sa maladie, ont pu l’identifier.
Quant à l’impact de la diffusion, le tournage a été précédé d’une phase de préparation de plusieurs mois au cours desquels ont été consultés la direction de l’établissement de soins psychiatriques, les équipes médicales, les magistrats du tribunal de grande instance et le barreau de Lyon. Un protocole a été mis en place préalablement au tournage afin que les dispositions légales soient respectées.
S’agissant de l’impact négatif du film sur l’état de santé du patient, aucune preuve ne l’établissait. L’ensemble de ces éléments permettait de conclure à l’absence de trouble présentant un caractère manifestement illicite.