Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Statuant sur les pourvois formés par :
– M. Louis X…,
– La société Bois debout,
contre l’arrêt de la cour d’appel de BASSE-TERRE, chambre correctionnelle, en date du 13 janvier 2015, qui, pour homicide involontaire, a condamné, le premier, à un an d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende, la seconde, à 50 000 euros d’amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 7 juin 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Larmanjat, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller LARMANJAT, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, THOUVENIN et COUDRAY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LAGAUCHE ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
» en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré le gérant d’une personne morale (M. X…, demandeur) ainsi que celle-ci (la société Bois debout, également demanderesse), tous deux coupables du délit d’homicide involontaire par la violation délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail, et d’avoir en conséquence condamné le premier à la peine d’un an d’emprisonnement avec sursis et à la peine de 10 000 euros d’amende, la seconde à celle de 50 000 euros d’amende ;
» aux motifs que, sur la relation de causalité entre le non-respect reproché de la réglementation et le décès du salarié, les pièces de l’enquête et les débats à l’audience faisaient ressortir que : le poste principal de travail de ce dernier se trouvait sur la plate-forme supérieure de la remorque du tracteur, à partir de laquelle il coupait des branchages et il n’en descendait, selon les indications données par son frère, que pour avancer le tracteur, le corps de la victime avait été trouvé dans une position compatible avec une chute à partir de la remorque comportant un basculement vers l’avant, une culbute et un choc premier sur la nuque, le coutelas du salarié se trouvait sous sa jambe, ce qui laissait présumer qu’il le tenait au moment de l’accident, les lésions présentées d’une part par les vertèbres et d’autre part par le fémur de la victime résultaient d’un choc violent, incompatible avec une simple chute de sa hauteur ; qu’il était suffisamment établi que le salarié avait chuté du haut de la remorque du tracteur alors qu’il s’y trouvait en action de travail ; que le rapport d’autopsie, selon lequel les lésions cervicales s’étaient compliquées d’une hémorragie de la base du crâne pouvant entraîner des troubles de la conscience et une atteinte de la commande de la respiration générant le décès par asphyxie, des stigmates compatibles avec l’asphyxie étant, par ailleurs, relevés, permettait de présumer que le décès de Simon Y… avait découlé de la chute ; qu’aucun élément médical ne venait enfin soutenir objectivement que ce dernier avait pu être victime d’un malaise ni qu’un tel malaise aurait pu entraîner son décès ; qu’en toute hypothèse, quand bien même la chute aurait été la conséquence d’un malaise, le non-respect des règles de sécurité aurait joué un rôle causal ; qu’enfin, si les mouvements occasionnés par l’intervention du frère de la victime après l’accident avaient pu aggraver le pronostic vital en précipitant la rupture médullaire, ils avaient seulement contribué au décès sans être la cause de la chute ; qu’un rapport de causalité direct et certain était établi entre la faute reprochée aux prévenus et le décès du salarié ;
» 1°) alors que le délit d’homicide involontaire prévu par l’article 221-6 du code pénal exige, pour recevoir application, l’existence certaine d’un lien causal entre la faute reprochée au prévenu et le décès de la victime ; qu’en l’espèce, les pièces de la procédure révélaient que l’accident dont avait été victime le salarié par suite d’une chute était survenu sans témoin, que le frère de ce dernier avait expressément admis qu’il avait pu se trouver au sol au moment de l’accident, qu’en outre, il souffrait d’hypertension artérielle et avait déjà chuté sur le lieu de son travail quelques semaines auparavant, de sorte que l’incertitude sur les circonstances précises du décès, et par conséquent sur le lien causal entre celui-ci et la faute reprochée, résultait desdites pièces ; que la cour d’appel ne pouvait, sans violation de la loi, retenir la certitude d’une chute du salarié d’une hauteur de deux mètres et, en conséquence, l’existence d’un rapport de causalité direct et certain entre la faute reprochée à l’employeur et le décès ;
» 2°) alors que parmi les pièces de procédure figurait un rapport d’expertise toxicologique établissant que le salarié décédé souffrait d’hypertension artérielle ; que la cour d’appel ne pouvait affirmer, sans dénaturation par omission, qu’aucun élément médical ne venait soutenir objectivement que le salarié aurait pu être victime d’un malaise » ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que Simon Y…, salarié de la société Bois debout, ayant pour activité la production de bananes et pour gérant M. X…, est décédé alors qu’il effectuait un travail d’élagage à partir d’une plate-forme d’une hauteur de 2, 27 mètres et que son frère, également salarié de l’exploitation, l’a découvert allongé au sol, sur le dos, à un mètre de la plate-forme ; qu’à l’issue de l’enquête, des constatations de l’inspection du travail et du rapport médico-légal, la société précitée et son gérant ont été poursuivis du chef d’homicide involontaire pour n’avoir mis à la disposition du salarié aucun équipement de protections collective et individuelle ; qu’ayant considéré que les causes du décès de Simon Y… étaient demeurées indéterminées, le tribunal correctionnel a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite ; que la partie civile et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour infirmer le jugement, l’arrêt retient qu’il est suffisamment établi que Simon Y… a chuté de la plate-forme sur laquelle il se trouvait en action de travail, qu’il ressort du rapport d’autopsie que son décès a découlé de sa chute et qu’en outre, M. X… avait admis que le plan de travail utilisé par Simon Y…, sur lequel celui-ci ne disposait d’aucun équipement de protection individuelle, était dangereux ;
Attendu que les juges ajoutent qu’alors que la société avait près de deux cent employés et générait un chiffre d’affaires d’environ 6 millions d’euros, M. X…, qui n’avait consenti aucune délégation en matière de sécurité et n’avait mis en place aucune instance représentative des salariés, n’avait ni organisé la formation de ceux-ci en matière de sécurité ni établi de document unique d’évaluation des risques ; qu’ils en concluent à l’existence d’un rapport de causalité certain entre la faute reprochée aux prévenus et le décès de Simon Y… ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel, qui a démontré que les manquements successifs relevés par elle constituaient des violations manifestement délibérées à l’obligation de prudence et de sécurité prévue par la loi ou le règlement et que ceux-ci avaient contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage, a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six septembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.