Attendu, selon l’arrêt attaqué (Pau, 11 mai 1999), que la société Anaïs exploite des fonds de commerce de parfumerie à Pau et à Tarbes ; que se plaignant de la concurrence déloyale qu’auraient exercée la société Marie-Jeanne Godard (MJG), qui exploite un fonds de commerce de parfumerie à cette enseigne à Tarbes, et la société MJG Béarn, qui exploite un fonds de commerce de parfumerie à cette enseigne à Pau, en ne respectant pas les clauses des contrats de distribution sélective auxquelles elles sont soumises, et en se rendant coupables de pratiques de publicité trompeuse et de dénigrement, la société Anais a assigné les sociétés MJG et MJG Béarn en réparation de son préjudice ;
Sur le pourvoi principal :
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société MJG et la société Beauté parfums, venant aux droits de la société MJG Béarn, font grief à l’arrêt d’avoir dit que les sociétés MJG et MJG Béarn se sont rendues coupables d’actes de concurrence déloyale à l’égard de la société Anaïs et de les avoir condamnées chacune à payer la somme de 500 000 F à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1 ) qu’aux termes de l’article 1165 du Code civil, les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; que l’inexécution, par un distributeur, d’obligations contractuelle stipulées dans l’intérêt du fabricant afin de préserver l’image de la marque, n’est pas en elle-même de nature à engager la responsabilité délictuelle de ce distributeur envers d’autres distributeurs, tiers au contrat, si bien qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les articles 1165 et 1382 du Code civil ;
2 ) qu’en retenant que les sociétés MJG et MJG Béarn avaient commis des fautes délictuelles consistant en l’inexécution d’obligations contractuelles résultant de « l’ensemble des contrats de distribution sélective liant les parties à de grandes marques de cosmétiques de luxe », sans procéder à une analyse concrète des clauses de chacun des contrats invoqués et des conditions dans lesquelles ils étaient exécutés, la cour d’appel s’est déterminée par des motifs d’ordre général, violant ainsi l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu’en énonçant que l’effet relatif des contrats n’interdit pas aux tiers d’invoquer la situation de fait créée par les conventions auxquelles ils n’ont pas été parties, si cette situation de fait leur cause un préjudice de nature à fonder une action en responsabilité délictuelle, et en retenant que telle est la situation de la société Anaïs, qui fonde son action en concurrence déloyale sur le non-respect par les sociétés mises en cause, des obligations que leur imposent les contrats de distribution sélective qu’elles ont signés les unes et les autres, et sur les avantages qu’elles en tirent, notamment en terme d’économies d’exploitation, leur permettant ainsi de réduire, de manière déloyale à son égard, leurs prix de vente des produits distribués dans le cadre de ces réseaux sélectifs, la cour d’appel, qui a motivé sa décision sur le droit pour la société Anaïs d’invoquer la violation prétendue de leurs obligations contractuelles par ses concurrentes, a statué à bon droit ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que la société MJG et la société Beauté parfums font encore le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :
1 ) qu’en statuant ainsi, par une affirmation générale, sans préciser en quoi une forme de distribution permettant le libre accès au produit était incompatible avec l’exigence de mise à la disposition de la clientèle d’un service de conseil et de démonstration suffisant, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil, de l’article 85 du Traité CEE et de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;
2 ) qu’en se déterminant par un motif général sans préciser la nature et les caractéristiques des produits dont la vente était reprochée aux sociétés MJG Béarn et MJG, ni en quoi ils étaient susceptibles de déprécier l’image des produits cosmétiques de luxe, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile et de l’article 1382 du Code civil ;
3 ) que le tribunal de première instance des communautés européennes a jugé que la vente d’autres produits n’est pas en soi de nature à nuire à l’image des produits cosmétiques de luxe pourvu que l’espace consacré à la vente de ces derniers soit aménagé de façon à ce qu’ils soient présentés dans des conditions valorisantes, si bien qu’en statuant comme elle l’a fait, par un motif général, sans préciser en quoi la présentation des produits cosmétiques de luxe dans les magasins exploités par les sociétés MJG Béarn et MJG n’était pas valorisante, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 85 du Traité CEE, de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 et de l’article 1382 du Code civil ;
4 ) qu’en se déterminant par un motif général, sans préciser en quoi et dans quelle mesure le personnel des sociétés MJG Béarn et MJG ne remplissait pas les conditions posées par les contrats, ni sur quels éléments de preuve elle se fondait, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que l’arrêt relève que l’examen des procès-verbaux de constat versés aux débats révèle que les sociétés MJG et MJG Béarn présentent dans leurs points de vente, à proximité immédiate et sans séparation physique des produits de luxe, des produits dits « food » relevant même pour certains des rayons « bazar » des grandes surfaces de distribution ; que l’arrêt estime que les marques de cosmétiques de prestige ne peuvent être que dépréciées par leur voisinage immédiat avec des produits disponibles dans tout magasin populaire et sans rapport avec l’image de luxe qu’elles entendent représenter et préserver ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, qu’en l’état des conclusions des sociétés MJG et MJG Béarn ayant seulement fait valoir que la qualité de leur personnel avait été reconnue par l’attribution de récompenses professionnelles, l’arrêt qui retient qu’il ne peut qu’être constaté que ces sociétés n’ont pas respecté leurs obligations contractuelles leur imposant, dans des termes quasiment identiques, de recruter un personnel ayant une formation sanctionnée par des diplômes précisément définis ou par une expérience professionnelle d’une durée minimum, n’encourt pas le grief de la quatrième branche du moyen ;
Qu’il suit de là que non fondé en ses deuxième, troisième et quatrième branches, le moyen, qui critique en sa première branche des motifs inopérants, mais surabondants, en l’état des autres manquements établis à la charge des sociétés MJG et MJG Béarn, ne peut être accueilli ;