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18 mai 2018
Cour d’appel de Besançon
RG n°
17/00690
ARRET N° 18/
LM/KM
COUR D’APPEL DE BESANCON
– 172 501 116 00013 –
ARRET DU 18 MAI 2018
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 20 Mars 2018
N° de rôle : 17/00690
S/appel d’une décision
du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE [N]
en date du 80A
Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
APPELANTE
SAS FROMAGERIES ARNAUD FRERES, [Adresse 1]
représentée par Me Ludovic PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant, substitué par Me Robert DUMONT, avocat au barreau de BESANCON et par Me Floriane PETITJEAN, avocat au barreau de BESANCON, avocat plaidant
INTIMES
Monsieur [Q] [F], demeurant [Adresse 2]
assisté de Me Marie-Lucile ANGEL, avocat au barreau de JURA
Union Départementale des Syndicats CGT du Jura, [Adresse 3]
représentée par Me Marie-Lucile ANGEL, avocat au barreau de JURA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 786 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Mars 2018 , en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Christine K-DORSCH, Présidente de Chambre et Monsieur Laurent MARCEL, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
– Mme Christine K-DORSCH, Présidente de Chambre
– Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller,
– Monsieur Laurent MARCEL, Conseiller,
GREFFIER, lors des débats : Mme Karine MAUCHAIN
Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 18 Mai 2018 par mise à disposition au greffe.
**************
Faits, procédure et prétentions des parties
Suivant contrat à durée indéterminée du 8 janvier 1979, M. [Q] [F] a été embauché par la SAS Fromageries Arnaud Frères en qualité de saleur caviste, coefficient 145.
A la suite d’un accident du travail survenu le 28 juin 1994, M. [Q] [F] a été reclassé au sein de l’entreprise dans le poste de laveur de planches, tout en conservant son coefficient de rémunération (145).
Soutenant être victime de faits de harcèlement moral et de discrimination de la part de son employeur en raison de son activité syndicale, M. [Q] [F] a saisi le conseil de prud’hommes de [N] aux fins de voir condamné son employeur à l’indemniser des préjudices en résultant.
Par conclusions déposées le 12 novembre 2015 l’Union Départementale des syndicats C.G.T. du Jura est intervenue à l’instance.
Par jugement du 22 février 2017, le conseil de prud’hommes de [N], statuant en formation de départage, a:
– déclaré l’action initiée par le demandeur, en tant que fondée sur la base des faits antérieurs au 15 juin 1999 irrecevable,
– condamné la SAS Fromageries Arnaud Frères à payer à M. [Q] [F] la somme de 8.000,00 € à titre de dommages intérêts pour discrimination syndicale,
– condamné la SAS Fromageries Arnaud Frères à payer à l’Union Départementale des syndicats C.G.T. du Jura la somme de 500,00 € à titre de dommages intérêts,
– rejeté les autres chefs de demande,
– condamné la SAS Fromageries Arnaud Frères à payer à M. [Q] [F] la somme de 2.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Par déclaration enregistrée le 22 mars 2017 la SAS Fromageries Arnaud Frères a relevé appel de la décision.
Dans ses dernières écritures déposées le 22 février 2018, la SAS Fromageries Arnaud Frères poursuit l’infirmation du jugement déféré sauf en ce qu’il a déclaré l’action de M. [Q] [F] irrecevable en tant que fondée sur des faits antérieurs au 11 juin 1999. Pour le surplus la société appelante demande à la cour de céans, statuant à nouveau, de:
– débouter M. [Q] [F] et l’Union Départementale des syndicats C.G.T. du Jura de l’ensemble de leurs prétentions,
– condamner M. [Q] [F] à payer à la SAS Fromageries Arnaud Frères la somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner l’Union Départementale des syndicats C.G.T. du Jura à payer à la SAS Fromageries Arnaud Frères la somme de 1.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [Q] [F] et l’Union Départementale des syndicats C.G.T. du Jura aux dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées le 15 mars 2018 M. [Q] [F] réclame la réformation de la décision entreprise sauf en ce qu’il a consacré le principe de la discrimination syndicale dont il a été victime de la part de son employeur. Pour le surplus l’intimé demande à la présente juridiction, sur appel incident de:
– déclarer son action fondée sur la base des faits antérieurs au 15 juin 1999 recevable,
– reconnaître l’existence de faits de harcèlement à son endroit,
– condamner la SAS Fromageries Arnaud Frères à payer à M. [Q] [F] la somme de 200.000,00 € à titre de dommages intérêts pour discrimination syndicale et harcèlement moral,
– condamner la SAS Fromageries Arnaud Frères à payer à M. [Q] [F] la somme de 2.500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Dans ses dernières écritures déposées le 15 mars 2018, l’Union Départementale des syndicats C.G.T. du Jura poursuit la confirmation du jugement critiqué sauf en ce qu’il a limité le quantum de son indemnisation à 500,00 €. Sur appel incident l’organisation syndicale réclame à ce titre l’allocation de la somme de 10.000,00 € ainsi que celle de 1.500,00 € au titre des frais irrépétibles et la condamnation de la société appelante aux dépens.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2018.
Motifs de la décision
I) – Sur l’application du principe de l’unicité de l’instance à une partie des faits allégués
Attendu que l’article R.1452-6 du code de travail, pris dans sa rédaction antérieure, applicable à la présente affaire, disposait: ‘Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu’elles émanent du demandeur ou du défendeur, l’objet d’une seule instance. Cette règle n’est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes ‘;
Attendu que le 27 avril 1998, M. [Q] [F] a saisi le conseil de prud’hommes de [N] aux fins de voir la SAS Fromageries Arnaud Frères condamnée à lui payer un rappel de salaires ainsi que des dommages intérêts; que dans cette instance l’Union Départementale CFDT est intervenue volontairement, en invoquant une discrimination à l’encontre de son délégué;
Attendu que dans la décision aujourd’hui déférée à la cour, les premiers juges ont justement relevé que dans plusieurs courriers adressés à l’inspection du travail en 1987, 1991 et 1995 M. [Q] [F] dénonçait déjà de prétendus faits de discrimination à son encontre en raison de sa qualité de délégué syndical; qu’ils en ont justement déduit que le salarié avait déjà eu la révélation d’une situation de discrimination syndicale antérieurement à l’introduction de la première instance;
Attendu que dans le jugement rendu le 15 septembre 1999, aujourd’hui passé en force de chose jugée, le conseil de prud’hommes de [N] a considéré qu’aucune discrimination à caractère syndical n’était établie ajoutant également que la référence à une seule procédure de licenciement initiée en 1985 ne pouvait être retenue pour caractériser la discrimination alléguée; qu’il échet de constater que l’existence d’une discrimination syndicale figurait déjà dans les débats;
Attendu que le salarié ne saurait, pour échapper aux conséquences de la règle sus-énoncée du code du travail, opérer une confusion entre la révélation de la prétendue discrimination syndicale et la preuve de cette dernière; qu’il s’ensuit que la sommation délivrée en juin 2013 à l’employeur de communiquer les bulletins de salaires d’autres salariés, est insuffisante à combattre les constatations précédentes;
Attendu qu’il échet en conclusion de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a dit que M. [Q] [F] ne pouvait fonder ses prétentions sur des faits antérieurs au 15 juin 1999, date de la clôture des débats devant le conseil de prud’hommes;
II)- Sur l’existence de discriminations syndicales
Attendu qu’en application de l’article L. 1132-1du Code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure de discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap;
Attendu que les dispositions d’ordre public des articles L. 2141-5 et L. 2145-7 interdisent à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail et toute mesure prise par l’employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts.
Attendu qu’en cas de litige relatif au respect de ces dispositions, l’article L. 1134-1 du Code du travail prévoit que lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination;
Sur la discrimination en matière de participation aux réunions des délégués du personnel
Attendu que M. [F] soutient avoir saisi le 20 octobre 2001 l’inspection du travail au motif qu’il n’était pas convié à participer aux réunions des délégués du personnel; que pour justifier du bien fondé de ce grief, il produit un courrier de cette administration dans lequel il est indiqué qu’un rappel des obligations en la matière sera adressé à la SAS Fromageries Arnaud Frères ;
Attendu que la SAS Fromageries Arnaud Frères fait valoir que dans cette correspondance il est également indiqué ‘ je ne manquerai pas de vous tenir informé des suites données’; qu’elle ajoute qu’aucune suite n’avait été effectivement donnée puisque l’inspection du travail n’avait relevé aucun fait de discrimination;
Attendu que la SAS Fromageries Arnaud Frères verse également à son dossier des comptes-rendus de réunions des délégués du personnel des années 2010 et 2011; qu’il est avéré que M. [H] y a participé régulièrement; que d’autres délégués du personnel de l’entreprise confirment l’absence de toute discrimination envers M. [F] ajoutant que celui-ci a été traité à l’égal des autres;
Attendu que M. [F] appuie également ses dires sur des documents qualifiés ‘de comptes-rendus’; que ceux-ci ne peuvent avoir aucune valeur probante dès lors qu’ils ont été confectionnés par le seul salarié; qu’il échet d’ajouter que dans un courrier du 27 octobre 2011 l’inspection du travail s’est interrogée sur ‘ le flou ‘entretenu par ces documents, considérant qu’il s’agissait en réalité de tracts;
Sur la discrimination en matière de détermination des congés d’été
Attendu que M. [Q] [H] prétend qu’en 2004 la SAS Fromageries Arnaud Frères a modifié unilatéralement ses congés d’été et que cette décision n’était autre qu’une mesure de rétorsion prise à la suite de l’arrêt de la cour de cassation reconnaissant la faute inexcusable de l’employeur dans la survenance de son accident de travail;
Attendu que la SAS Fromageries Arnaud Frères explique que compte-tenu de son activité, l’entreprise ne peut fermer et que les congés doivent être pris par roulements, une procédure d’arbitrage à laquelle participent les délégués du personnel et la direction de l’entreprise étant prévue pour régler les difficultés; que l’existence de cette procédure est confirmée dans une déclaration écrite émanée d’une déléguée du personnel (Mme [Z]) ;
Attendu qu’il s’évince de l’attestation d’un autre délégué du personnel de l’entreprise (m. [M] ) qu’en 2004 il a été fait application des règles applicables à l’ensemble du personnel et précise que les congés de M. [F] n’ont été décalés que d’une semaine; qu’il échet d’ajouter qu’en 2016 une situation similaire à celle rencontrée en 2004 s’est produite et que la procédure d’arbitrage a confirmé les souhaits émis par M. [F] au détriment d’un autre salarié (m. [O]) lequel a du accepter de reporter ses congés;
Sur la discrimination en matière de conditions de travail
Attendu qu’il est constant que depuis son reclassement M. [Q] [F] exerce les fonctions de laveur de planche; qu’à la suite d’un contrôle effectué le 18 février 2010 l’inspection du travail a invité la SAS Fromageries Arnaud Frères à adopter la solution technique de son choix pour rendre les conditions de travail du local des planches conformes aux dispositions légales;
Attendu que la SAS Fromageries Arnaud Frères ne conteste pas que lors de ce contrôle, le local dont s’agit n’était pas chauffé mais expose que les conditions climatiques ont toujours été les mêmes avant et après le reclassement de M. [F]; qu’elle estime en conséquence ne pas pouvoir être suspectée de discrimination; que la SAS Fromageries Arnaud Frères fait surtout valoir que de nouveaux locaux ont été aménagés depuis plusieurs années et qu’un local de planches, chauffé, a été installé;
Sur la discrimination au titre de la prime d’intéressement
Attendu qu’à la suite de la négociation annuelle obligatoire organisée en 2011, la SAS Fromageries Arnaud Frères a instauré unilatéralement une prime d’intéressement proportionnelle aux résultats de la société répartie de fonction de la présence des salariés dans l’entreprise; qu’il résulte des dispositions mises en place que toute absence quelle qu’en soit le motif (hors les périodes de formation, de congés payés, ou découlant d’arrêt de maladie professionnelle ou accident professionnel ) conduit à une réduction de la prime de 25 % pour une absence de 2 a 4 jours ouvrés d’absence, de 50% pour une absence de 5 a 10 jours ouvrés; qu’il est prévu que pour toute absence supérieure à 10 jours ouvrés, la réduction est de 100 %, étant ajouté que les jours d’hospitalisation sont systématiquement neutralisés ;
Attendu qu’au vu des bulletins de paie produits par l’employeur, M. [F] a perçu la prime litigieuse sauf en 2011 en raison d’une absence de 31 jours; que la production des fiches de paie et des avis d’arrêt de travail attestent de cette absence ;
Attendu que si deux salarié(Mme [L] et M. [E]) ont effectivement perçu ladite prime en 2011 alors qu’ils ont été absents, c’est en raison du motif de leur absence, à savoir une hospitalisation ; que la SAS Fromageries Arnaud Frères verse aux débats les justificatifs de leurs hospitalisations ; que s’agissant d’un troisième salarié, M [K], il est établi que sa prime a été réduite de moitié en raison d’une absence de 5 jours ouvrés;
Sur la discrimination en matière de voyages offerts par l’employeur
Attendu qu’il est avéré que la SAS Fromageries Arnaud Frères a mis en place un usage d’entreprise consistant à offrir aux salariés et à leur conjoint à l’occasion de diverses occasions un voyage, lequel s’accompagne de l’attribution d’une semaine supplémentaire de congés payés; qu’il est démontré que M. [F] en a bénéficié en 2007,2008,2010,2012,2014 et 2016; qu’il ne peut donc sérieusement invoquer avoir été discriminé à ce titre;
Sur la discrimination en matière de formation
Attendu qu’il est de jurisprudence constante que sauf accord collectif ou stipulation particulière du contrat de travail prévoyant une progression de carrière, l’employeur n’est pas tenu d’assurer cette progression par des changements d’emploi ou de qualification; que le salarié tenant de son contrat de travail le droit de s’opposer à la modification de tels éléments, leur absence d’évolution ne peut être imputée à l’employeur dès lors que le salarié a bénéficié des mêmes possibilités de formation que les autres et que, face aux opportunités de carrière dont il a été informé dans les mêmes conditions que les autres, il a manifesté sa volonté de demeurer dans son emploi;
Attendu qu’en 1989,à l’occasion de la vacance de deux postes de chauffeurs, la SAS Fromageries Arnaud Frères a proposé aux ouvriers de l’entreprise intéressés par ces postes de leur faire passer le permis poids lourds ; qu’il résulte d’une pièce versée par M. [F] (pièce n°12) que ce dernier a décliné cette proposition; qu’il échet de préciser qu’eu égard aux restrictions émises par la médecine du travail, M. [F] ne pouvait par la suite être affecté à un poste de chauffeur lequel exigeait de charger et décharger des meules de comté de 40 kg chacune;
Attendu qu’en 1996 M. [F] a souhaité bénéficier d’un congé de formation pour se réorienter professionnellement et passer les concours d’entrée de moniteur- éducateur; que dans un courrier du 26 juin 1996, le salarié écrivait à la direction de l’entreprise : ‘ Malheureusement, j’aurai cette année encore investi à perte dans ce projet malgré le soutien de l’entreprise et mon travail de préparation. J’ai en effet échoué à ces concours…’; qu’il est d’autre part constant que M. [F] a participé à des sessions de formation en 1996, 1999, 2004, 2007 et 2008 organisées par les syndicats et rémunérées par son employeur;
Attendu que lors de l’entretien annuel réalisé en 2010 M. [F] a souhaité être formé à la conduite des machines et aux postes de préparation de commandes; que le salarié fait grief à son employeur de l’avoir écarté de la formation aux automates organisée en 2011;
Attendu qu’il s’évince des éléments du débat que la formation aux automates était destinée aux saleurs-cavistes, fonction à laquelle M. [F] avait été déclaré inapte par la médecine du travail;
qu’il résulte par ailleurs de trois attestations, dont celle d’un saleur-caviste et du responsable de maintenance que lorsque les automates connaissent des avaries, le manipulateur desdits automates doit être en mesure de déplacer les meules de comté;
Attendu que compte-tenu de la finalité de la formation, d’une part, de la déclaration d’inaptitude de M. [F], d’autre part, la SAS Fromageries Arnaud Frères a pu légitimement considérer, sans pratiquer la moindre discrimination, que cette formation ne présentait pas d’intérêt pour le salarié et pour l’entreprise, étant ajouté que l’employeur n’avait aucune obligation d’interroger la médecine du travail sur ce point;
Attendu enfin que s’agissant de la formation à un poste de préparateur de commande, M. [F] ne pouvait ignorer que son inaptitude au port de charges répétées l’excluait de facto de ce type de poste ; qu’il ne peut être reproché à la SAS Fromageries Arnaud Frères de ne pas lui avoir proposé une formation à cet emploi;
Attendu enfin que s’il n’est pas contesté que la SAS Fromageries Arnaud Frères a tardé à mettre en place les dispositifs prévoyant un entretien annuel en matière de formation professionnelle et un entretien professionnel des seniors, il est également établi que cette carence a concerné l’ensemble des salariés ;
Sur la discrimination en matière de salaires et d’évolution de carrière
Attendu que pour apprécier le bien fondé de ces griefs il convient de procéder à une comparaison de l’évolution de la situation professionnelle de M. [F] avec celle des autres salariés qui se trouvaient dans une situation identique à la sienne; qu’à titre liminaire il échet de rappeler que M. [F] a exercé au sein de l’entreprise les fonctions de saleur-caviste de 1979 à mai 1998, puis a été reclassé, à la suite de sa déclaration d’inaptitude, sur le poste de laveur de planches; qu’il s’évince d’une attestation établie par l’expert-comptable à partir du registre du personnel de la société et des fiches de paie des salariés, qu’il n’existait pas antérieurement à 1998 de poste de laveur de planches;
Attendu que pour faciliter ladite comparaison, la SAS Fromageries Arnaud Frères produit aux débats les fiches de paie de 16 salariés qui ont tous été , à un temps donné durant la période 1979 à 2011, saleurs-cavistes dans l’entreprise (M. [J], M [Q], M. [P], M [C], M.[G], M.[U], M.[I], M.[B], M. [S], M. [V], M.[E],M. [A], M. [X],M. [T], M. [N], M. [D]); qu’il est avéré qu’aucun d’eux n’a bénéficié de la moindre évolution salariale lorsqu’ils étaient saleurs-cavistes, tous étant restés à l’indice 145 comme M. [F];
Attendu que M. [F] étaye ses allégations de quelques exemples qui appellent les observations suivantes :
– la comparaison de la situation salariale de M. [F] avec celle de M. [B] au titre de l’année 2001 n’est pas pertinente dès lors que le premier était laveur de planches, le second saleur-caviste,
– la comparaison de la situation salariale de M. [F] avec celle de M. [U] au titre de l’année 1991 conduit à renvoyer à l’exposé des motifs de la présente décision relatifs à la recevabilité de l’action en tant que fondée sur des faits antérieurs au 15 juin 1999;
– la comparaison de la situation salariale de M. [F] avec celle de M. [V] fait apparaître que ce dernier perçoit depuis plusieurs années une prime liée à la modernisation de l’entreprise (prime de ‘ mise en route prototype’) laquelle correspond à une spécificité de son poste. M. [F] ne peut invoquer un traitement différencié à son endroit dès lors qu’il est avéré que les autres saleurs-cavistes de la société n’ont pas perçu cette prime,
– la comparaison de la situation salariale de M. [F] avec celle de M. [R] ne peut pas davantage être considérée comme probante puisque ce dernier a été embauché en 2007 à un poste de préparateur de commandes et qu’il n’a jamais exercé les fonctions de saleur-caviste.
Attendu que M. [F] fait référence dans ses écritures à l’évolution de carrière de M. [A]; qu’il ressort des explications de l’employeur, lequel n’est pas contredit sur ce point, que la carrière de ce salarié a favorablement évolué en raison de l’acceptation par ce dernier de quitter le site de [Localité 1] pour travailler sur celui du [Localité 2]; qu’il n’est donc pas choquant qu’en contrepartie des désagréments résultant de cette ‘délocalisation’, le salarié ait bénéficié d’une évolution de carrière qui l’a conduit à devenir chef de cave, M. [F] ne démontrant pas par ailleurs avoir postulé pour cet emploi;
Attendu que M. [Q] [F] omet dans ses conclusions de prendre en considération deux éléments déterminants, d’une part, la taille de l’entreprise et les profils de carrières offerts par cette dernière, et d’autre part les restrictions médicales posées par la médecine du travail ; qu’il y a lieu de retenir en effet que la SAS Fromageries Arnaud Frères compte un effectif d’environ quarante salariés, dont un peu plus de la moitié est composée d’ouvriers (chauffeurs, saleurs-cavistes et ouvriers d’exécution); qu’il est établi que ces postes ne peuvent être occupés par M. [Q] [F] dès lors que la médecine du travail a exclu toute manipulation ou port de charges; que ces mêmes restrictions physiques interdisent également à M. [Q] [F] d’occuper d’autres postes, comme ceux de conducteurs d’automates ou de préparateur de commandes lesquels requièrent le port [Établissement 1];
Attendu que M. [Q] [F] se garde dans ses écritures de préciser à quelles fonctions il aurait pu prétendre dans l’entreprise au regard non seulement de l’avis de la médecine du travail mais aussi de sa formation et de ses diplômes ; que la SAS Fromageries Arnaud Frères ne saurait être contrainte, au nom du principe de la non-discrimination, de faire stagner la carrière des saleurs-cavistes qui ne sont atteints d’aucune inaptitude au port ou à la manipulation de charges;
Attendu qu’au vu des allégations de M. [Q] [F], d’une part, des explications et éléments probants produits par la SAS Fromageries Arnaud Frères, d’autre part, il y a lieu de conclure à l’absence de toute discrimination de la part cette dernière à l’encontre du salarié en raison de son appartenance syndicale; qu’il s’ensuit que M. [Q] [F] sera débouté de l’ensemble de ses demandes, ainsi que par voie de conséquence, l’Union Départementale des syndicats C.G.T. du Jura;
III)- Sur l’existence d’un harcèlement moral
Attendu que M. [Q] [F] reprend à l’appui de cette prétention une partie des faits sus-examinés qu’il avait invoqués pour démontrer l’existence de discriminations syndicales (absence d’évolution de carrière et de convocations aux réunions des délégués du personnel ) ; que la cour n’ayant retenu aucun manquement de la SAS Fromageries Arnaud Frères sur ces points, les faits dont s’agit ne sauraient donc constituer des faits d’harcèlement;
Attendu que M. [Q] [F] fait ensuite état de propos qui lui auraient été adressés par un chef de cave en septembre 2005 (‘ tout ce que je souhaite, c’est de ne pas avoir un fils comme toi…, si j’avais un fils comme toi, je le pendrais par les c…’); que dans une attestation le salarié concerné conteste énergiquement avoir tenu de tels propos; qu’en l’absence d’autres témoignages venant conforter les allégations du salarié, il convient de les juger non établies;
Attendu que M. [Q] [F] explique également qu’il s’est vu reprocher le 10 février 2014 le non-port de la charlotte ainsi qu’une tenue inadéquate lors d’un contrôle réalisé par la direction des services vétérinaires ; que dans un courrier adressé au directeur de la société le 9 mai 2014, M. [F] reconnaît pourtant ne pas voir porté une charlotte lors de l’audit des services vétérinaires ; qu’il relevait du pouvoir de direction de l’employeur de rappeler au salarié le respect des règles d’hygiène applicables dans l’entreprise; que ces faits ne sauraient donc constituer des faits de harcèlement;
Attendu que M. [Q] [F] mentionne aussi des menaces proférées par un salarié à son endroit (‘ si on a pas l’intéressement, on va faire sauter ta voiture’ ) ; que la SAS Fromageries Arnaud Frères soutient ne pas avoir été informée en son temps de cet incident et ajoute avoir convoqué le salarié dont s’agit pour le sommer de s’expliquer; qu’elle précise que lors de l’entretien ce dernier avait catégoriquement contesté les affirmations de M. [Q] [F];
Attendu en conclusions que les menaces et insultes dont se prévaut M. [Q] [F] ne sont pas démontrées; qu’ils ne sauraient donc constituer des faits de harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail;
Sur les demandes accessoires
Attendu que le jugement critiqué sera infirmé dans ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens; qu’il y a lieu de dire qu’au titre de la première instance il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile et que les dépens seront supportés par M. [Q] [F] ;
Attendu que M. [Q] [F] et l’Union Départementale des syndicats C.G.T. du Jura qui succombent à hauteur de cour seront condamnés à payer à la SAS Fromageries Arnaud Frères la somme de 500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel, lesdites condamnations emportant nécessairement rejet de leurs prétentions formées à ces titres;
–
PAR CES MOTIFS –
La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement rendu le 22 février 2017 par le conseil de prud’hommes de [N] sauf en ce qu’il a déclaré les demandes de M. [F] irrecevables en tant que fondées sur des faits antérieurs au 15 juin 1999,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute M. [Q] [F] et l’Union Départementale des syndicats C.G.T. du Jura de l’ensemble de leurs prétentions formées à l’encontre de la SAS Fromageries Arnaud Frères.
Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance ;
Déboute M. [Q] [F] et l’Union Départementale des syndicats C.G.T. du Jura de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les condamne sur ce fondement à payer la SAS Fromageries Arnaud Frères la somme de cinq cents euros (500,00 €).
Condamne M. [Q] [F] et l’Union Départementale des syndicats C.G.T. du Jura aux dépens de première instance et d’appel.
Ledit arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe le dix huit mai deux mille dix huit et signé par Mme Christine K-DORSCH, Présidente de Chambre et Mme Gaëlle BIOT, Greffier.
LE GREFFIER, LA PRESIDENTE DE CHAMBRE,