Dirigeant de fait : 7 septembre 2022 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 19/02844

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Dirigeant de fait : 7 septembre 2022 Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion RG n° 19/02844
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Arrêt N°22/

SP

R.G : N° RG 19/02844 – N° Portalis DBWB-V-B7D-FI5T

[X]

[B]

C/

S.E.L.A.R.L. [T]

COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2022

Chambre commerciale

Appel d’une ordonnance rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-DENIS en date du 28 AOUT 2019 suivant déclaration d’appel en date du 04 NOVEMBRE 2019 rg n°: 19/1030

APPELANTES :

Madame [Z] [X] épouse [B]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentant : Me Mathieu GIRARD de la SELARL HOARAU-GIRARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Madame [O] [B]

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représentant : Me Jacques HOARAU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMEE :

SELARL [T] La SELARL Louis et [V] [T], Mandataires judiciaires, domiciliée au [Adresse 4]), prise en la personne de Maître [V] [T], Mandataire Judiciaire, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société SACER, société à responsabilité limitée, dont le siège est sis [Adresse 5]), immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Saint Denis sous le numéro 413 392 812, désignée à ces fonctions par jugement rendu le 10 août 2016 par le Tribunal mixte de commerce de Saint Denis

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentant : Me Sophie LE COINTRE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉBATS : en application des dispositions des articles 778, 779 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 mars 2022 devant la cour composée de :

Président :Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Conseiller :Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller :Madame Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.

A l’issue des débats, la présidente a indiqué que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 25 mai 2022 prorogé par avis au 07 septembre 2022.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le  07 septembre 2022.

Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière.

* * * * *

LA COUR

Par jugement en date du 12 août 2015, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la SARL SACER et a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 31 décembre 2014.

Cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 10 août 2016.

Par actes d’huissier des 31 juillet 2018 et 8 août 2018, la SELARL [T], prise en la personne de Me [V] [T], mandataire judiciaire agissant en qualité de liquidateur de la société SACER, a fait assigner M. [L] [U] [B], Mme [O] [B] (M. [B]) et Mme [Z] [X] épouse [B] (Mme [X] ou Mme [R] [B]), en leur qualité d’anciens gérants de la société SACER, et Mme [E] [M], en qualité de contrôleur, afin de voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, condamner solidairement les consorts [B] au comblement de passif pour la somme de 342.000 euros et de prononcer à l’encontre de chacun d’entre eux une mesure de faillite personnelle pour une durée de 15 ans.

C’est dans ces conditions que, par jugement rendu le 28 août 2019, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a :

-condamné M. [L] [U] [B] à combler le passif de la société SACER pour un montant de 342.000 euros (trois cent quarante deux mille euros) et à verser cette somme à la SELARL [T], prise en la personne de Me [V] [T], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société SACER

-condamné solidairement Mme [O] [B] et Mme [Z] [B] à payer cette somme à la SELARL [T] prise en la personne de Me [V] [T], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société SACER, dans la limite de la somme de 50.000 euros (cinquante mille euros)

-prononcé la faillite personnelle de M. [L] [U] [B] demeurant au [Adresse 6] – pour une durée de 15 années

-prononcé à l’encontre de Mme [O] [B] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale ayant une activité économique, pour une durée de 5 années

-prononcé à l’encontre de Mme [Z] [B] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale ayant une activité économique, pour une durée de 5 années

-dit qu’en application de l’article 768-5° du code de procédure pénale, la présente décision sera mentionnée au casier judiciaire, qu’elle fera l’objet à la diligence du Greffier des publicités prévues à l’article R621-8 du code de commerce et qu’elle sera adressée aux autorités mentionnées à l’article R621-7 du même code

-dit qu’en application de l’article R651-3 du code de commerce, le présent jugement sera communiqué par le Greffe à M. le Procureur de la république

-condamné M. [L] [U] [B] au paiement des entiers dépens

-ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration au greffe en date du 4 novembre 2019, Mme [Z] [X] a interjeté appel de cette décision et intimé la SELARL [T] es qualité de liquidateur de la SARL SACER (RG 19-2844).

Par déclaration au greffe en date du 22 novembre 2019, Mme [O] [B] et M. [B] ont interjeté appel de cette même décision et intimé Mme [X] et la SELARL [T] es qualité de liquidateur de la SARL SACER (RG 19-2972).

M. [B] est décédé le [Date décès 3] 2020 à [Localité 11] de la Réunion.

Par arrêt en date du 17 février 2021, la cour d’appel a :

-ordonné la jonction desdites procédures sous le numéro RG 19-2844

-ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture

-fait injonction à Mme [B] (fille du défunt) et Mme [X] (veuve du défunt) de communiquer dans le cadre de la procédure la liste des ayants droits de feu [L] [B] et le nom du notaire éventuellement désigné, dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt

-dit qu’à défaut l’affaire sera radiée du rôle

-renvoyé le dossier de l’affaire à l’audience de circuit court du 19 mai 2021

-réservé l’ensemble des demandes

-réserver les dépens.

Une disjonction a été prononcée par simple mention au dossier le 19 mai 2021 concernant feu [L] [U] [B] et la SELARL [T] et enrôlé sous le numéro 21-1510. Puis le retrait du rôle de cette affaire a été ordonné par simple mention au dossier le 16 février 2022.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 avril 2021, Mme [X] demande à la cour, au visa de l’article L651-2 du code de commerce, de :

-infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

.condamné solidairement Mme [X] à payer à la SELARL [T] une somme de 50.000 euros

.prononcé à l’encontre de Mme [X] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale ayant une activité économique, pour une durée de 5 années

Et statuant à nouveau

A titre principal

-juger qu’en l’absence de preuve d’une faute de gestion imputable à Mme [X], sa responsabilité pour insuffisance d’actif ne peut être engagée

-débouter la SELARL [T] agissant en qualité de liquidateur de la société SACER de l’ensemble de ses demandes à l’égard de Mme [X]

A titre subsidiaire

-juger que si une faute devait être retenue à l’encontre de Mme [X] il ne pourrait s’agir que d’une simple négligence

-juger que la simple faute de négligence n’est pas susceptible d’engager la responsabilité du gérant pour insuffisance d’actifs

-débouter la SELARL [T] agissant en qualité de liquidateur de la société SACER de l’ensemble de ses demandes à l’égard de Mme [X]

A titre très subsidiaire

-juger que si une faute de Mme [X] était démontrée, il appartient au demandeur de prouver qu’il s’agit d’une faute de gestion, et que cette faute de gestion aurait créé ou contribué à l’insuffisance d’actif

-juger qu’en l’espèce la preuve de ces éléments n’est pas rapportée

-débouter la SELARL [T] agissant en qualité de liquidateur de la société SACER de l’ensemble de ses demandes à l’égard de Mme [X]

En tout état de cause

-juger qu’en cas de condamnation de Mme [X], seule pourrait lui être réclamée la quote-part correspondante à l’insuffisance d’actif créée pendant la période où elle exerçait ses fonctions de gérante

-juger qu’il n’est pas justifié d’un tel quantum

-débouter la SELARL [T] agissant en qualité de liquidateur de la société SACER de l’ensemble de ses demandes à l’égard de Mme [X]

-juger que Mme [X] a communiqué les pièces réclamées dans l’injonction de l’arrêt rendu le 17 février 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 novembre 2021, Mme [B] demande à la cour, au visa des articles L651-1 et L651-2 du code de commerce, de :

-recevoir Mme [B] en son appel et au fond l’y dire bien fondée

-infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris

Statuant à nouveau

-débouter la SELARL [T], ès-qualités de liquidateur de la SARL SACER, de son action à l’encontre de Mme [B]

-condamner la SELARL [T], ès-qualités de liquidateur de la SARL SACER à payer à Mme [B] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

-laisser les dépens à la charge de la SELARL [T], ès-qualités de liquidateur de la SARL SACER dont distraction au profit de Me Jacques Hoarau.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 novembre 2021, la SELARL [T] es qualité de liquidateur de la SARL SACER demande à la cour, au visa des articles L651-2 et L653-1 et suivants du code de commerce, de :

-déclarer irrecevables les conclusions des appelants M. [B] et Mmes [B] et [X] et en conséquence, juger leur appel non soutenu

-prononcer la disjonction de l’instance relative à feu [B] de celle relative à Mme [B] ensuite de quoi, constater l’interruption de l’instance relative à feu [L] [B] ensuite de la notification de son décès et radier ladite affaire du rang des affaires en cours

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris

-condamner Mme [X] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

-condamner M. [B] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

-condamner Mme [B] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

-condamner solidairement les appelants aux entiers dépens, en ce compris notamment la somme de 225 euros au titre du timbre fiscal.

Dans un avis du 6 septembre 2021, Mme la procureure de la république a requis la confirmation du jugement entrepris.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 décembre 2021 et l’affaire a reçu fixation pour être plaidée à l’audience circuit court du 15 décembre 2021 renvoyé au 16 mars 2022. Le prononcé de l’arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 25 mai 2022 prorogé au 7 septembre 2022.

SUR CE, LA COUR

A titre liminaire

D’une part, les demandes formées par la SELARL [T] es qualité de liquidateur de la SARL SACER tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions des appelants M. [B] et Mme [B], juger en conséquence leur appel non soutenu, prononcer la disjonction de l’instance relative à feu [L] [B] de celle relative à Mme [B], constater l’interruption de l’instance relative à feu [L] [B] ensuite de la notification de son décès et radier ladite affaire du rang des affaires en cours, ainsi que celle tendant à voir condamner M. [B] au paiement d’une indemnité de procédure, sont sans objet, la disjonction sollicitée ayant déjà été ordonnée ainsi que le retrait du rôle.

D’autre part, la cour constate que nonobstant un appel portant sur la totalité des chefs de l’ordonnance, Mme [B] a, par conclusions récapitulatives du 29 novembre 2021, limité ses prétentions à la contestation de sa condamnation solidaire avec Mme [X] à payer la somme de 342.000 euros à la SELARL [T] prise en la personne de Me [V] [T], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société SACER, dans la limite de la somme de 50.000 euros et le prononcé à son encontre d’une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale ayant une activité économique, pour une durée de 5 années.

Par ailleurs, la cour constate qu’elle n’est pas saisie des dispositions concernant M. [B].

Enfin, il sera rappelé qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif », et que les demandes de « constater », « donner acte » ou « dire et juger » ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des prétentions.

Sur la responsabilité pour insuffisance d’actif

Mme [X] considère qu’elle n’a commis aucune faute de gestion car elles ont été commises postérieurement à la cessation de ses fonctions de gérante qu’elle n’a exercé que du 19 janvier 2005 au 3 octobre 2006. Elle estime que les fautes mises à sa charge ne concernent en réalité que des faits commis par M. [B], seul. Elle ajoute que lors de la constitution en 1997, seuls M. [B] et Mme [O] [B] étaient associés de la société, cette dernière étant la première gérante de la société, nommée pour une durée illimitée.

Subsidiairement, Mme [X] estime que si, par extraordinaire, une faute était retenue à son encontre, il ne pourrait s’agir que d’une simple négligence insusceptible d’engager sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif.

Très subsidiairement, Mme [X], elle considère qu’il n’existe pas de lien de causalité entre une supposée faute de sa part et la situation d’insuffisance d’actif.

En tout état de cause, Mme [X] soutient qu’il est impossible de lui imputer la totalité des sommes dues au titre de l’insuffisance d’actif mais seulement la quote-part correspondante à l’insuffisance d’actif créé pendant la période où elle exerçait ses fonctions de gérante (moins de deux ans et plus de dix années avant que la société SACER ne soit mise en liquidation judiciaire).

Mme [X] verse aux débats (hormis les documents relatifs au décès de son époux) :

-les statuts constitutifs de la SARL Société National d’Exploitation forestière (SNEF) en date du 1er mai 1997 immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) sous le numéro 413 392 812 ayant pour objet l’abattage, l’élagage, le débardage, tous travaux forestiers, VRD et lotissements au capital social de 50.000 francs divisé en 500 parts de 100 francs réparti entre M. [L] [B] (490 parts) et Mme [O] [B] (10 parts) alors juste majeure de 18 ans pour être née le [Date naissance 2] 1979 ; Mme [B] était désignée première gérante pour une durée illimitée

-une fiche société.com de la société SACER éditée le 26 janvier 2019 (RCS 413 392 812) dont il ressort que Mme [X] a été gérante du 19 janvier 2005 au 3 octobre 2006, Mme [B] du 3 octobre 2006 au 27 juillet 2010 et M. [B] à compter du 25 juillet 2010.

Mme [B] estime qu’il n’est pas démontré que l’insuffisance d’actif de la SARL SACER est née d’une faute de gestion qu’elle aurait commise, en tant qu’ancienne gérante, durant l’exercice de ses fonctions exercées sur la période du 3 octobre 2006 au 25 juillet 2010 et que les conséquences de cette faute de gestion conduisent à la démonstration d’une insuffisance d’actif à la date de sa démission.

Mme [B] verse aux débats, outre les documents relatifs au décès de son père, [L] [B] :

-une copie du procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire du 17 octobre 2007 par laquelle, sous sa présidence en tant que gérante, les associés de la société SACER M. [J] [B] (né le [Date naissance 1] 1987) 325 parts, Mme [I] 69 pars, Mme [D] 46 parts et Mme [M] 10 parts) ont adopté à la majorité absolue la résolution suivante : « Les associés présents décident d’autoriser la gérance à procéder à toutes opérations utiles et nécessaires quant au morcellement et à la vente des actifs immobiliers de la société, ce dans le but de rétablir l’équilibre financier de la société »

-un extrait K bis de la société SACER édité le 14 septembre 2018

-les éléments d’identification de la société SACER concernant la période du 1er janvier 2016 au 10 août 2013 (régime simplifié d’imposition)

-un courrier de la direction régionale des finances publiques de la réunion du 28 septembre 2016 relatif à une vérification de la comptabilité de la société SACER du 13 au 21 septembre 2016 concernant la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et pour la TVA du 1er janvier 2013 au 30 juin 2016 ayant aboutit à un montant de TVA due de 8.853 euros outre 71 euros d’intérêts de retard la TVA collectée n’ayant pas été déclarée

-son avis d’impôt 2019 concernant les revenus de l’année 2018 : revenu imposable de 13.269 euros (soit 1.105,75 euros par mois)

-un courrier de Pôle Emploi du 11 août 2020 certifiant qu’elle a été admise au bénéfice de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (AARE) à compter du 12 mai 2020 après la fin de son contrat de travail du 30 avril 2020 et qu’elle a bénéficié de 85 allocations journalières, sans autre précision quant au taux journaliers de l’AARE notamment.

La SELARL [T], es qualité de liquidateur de la SARL SACER, soutient que la lettre de l’article L652-1 du code de commerce exige pour engager la responsabilité d’un dirigeant que la faute de gestion ait contribué à l’insuffisance d’actif : cette condition est essentielle mais aussi suffisante en elle-même pour admettre une telle action. Elle précise que, cependant, s’agissant de la mise en cause d’un ancien dirigeant, la jurisprudence y a ajouté, à l’occasion de plusieurs arrêts dont un arrêt n° 14-13843 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 5 avril 2016, une nouvelle condition : l’insuffisance d’actif doit exister à la date à laquelle l’ancien dirigeant avait cessé ses fonctions et ce, peu importe le montant de l’insuffisance d’actif. Elle fait encore valoir l’existence de l’insuffisance d’actif au 23 juin 2006, date à laquelle Mme [X] avait cessé ses fonctions et la persistance de la situation jusqu’à la cessation des fonctions de Mme [O] [B] en 2010.

La SELARL [T] es qualité de liquidateur de la SARL SACER verse aux débats, notamment :

-un extrait K bis du 10 juillet 2015 relatif à la SARL SACER immatriculée le 20/08/1997 au capital social de 333.622,45€ ; gérant M. [B] ; début d’exploitation 01/05/1997 ; activité : restauration avec licence de restauration dite de grande licence, hôtellerie, gestion de bungalows, animation d’un parc touristique, assistance conseil aux entreprises, terrassements divers vrd travaux forestier

-un relevé de l’historique des événements du RCS 14/09/2018 : relatif à la société SACER : changements de gérant : partant : Mme [Z] [B], nouveau gérant : Mme [O] [B] à compter du 23/06/2006 ; capital porté de 77.622,45 euros à 166.622,45 euros au 17/02/2007 ; 19/04/2010 : gérant partant : Mme [O] [B], nouveau : M. [L] [B] (date de l’événement : 19/04/2010) ; réduction de capital de 333.622,45€ à 137.622,45€ à compter du 02/09/2015

-sur les sociétés dirigées par les consorts [B] :

.SCI DE LA [Localité 10] ECRITE  : création gérant M. [L] [B] : activité : gestion, location, acquisition de tous biens immobiliers à compter du 21/06/2010

.SCI VAL FLEURI  : immatriculée depuis le 30/10/2007 associé gérant Mme [Z] [B] depuis le 27/11/2007

-SARL DE LA [Localité 10] ECRITE :création : activité à compter du 21/06/2010 : restauration et hôtellerie, gérant : M. [L] [B]

-changement d’activité, de dénomination et suppression du nom commercial de la SARL DE LA [Localité 10] ECRITE en SARL SACER

-SARL RIMEX immatriculée depuis le 17/09/1999 activité de commerce de voitures et de véhicules automobiles légers gérant : Mme [O] [B]

-SCI ROBERTS création gérant associé : M. [F] [BH] ; associé : Mme [O] [B] activité à compter du 01/08/2008 : acquisition de biens immobiliers, gestion, location

-les liasses fiscales des exercices 2009 à 2016

-la liste des créances

-des extraits de grands livres relatifs aux comptes, 706, 52, 1643 et 455152

-les justificatifs comptables des cessions

-des extraits des balances relatifs aux comptes, 641 et 644

-divers documents relatifs à la situation de Mme [N] [G], associée de la société SACER : lettre de sa tutrice adressée à Me [T] courant 2016, jugement d’ouverture d’une tutelle à son profit du 16 janvier 2013, attestation de la résidence [Adresse 8] (EPAD), lettre recommandé avec AR de Me [BY] adressée à la gendarmerie de [Localité 11] le 23 mai 2013 signalant la situation préoccupante dans laquelle se trouve Mme [G] : occupation par la société SACER sans droit ni titre d’une partie de l’immeuble dont le droit d’usage est réservé à Mme [G] ainsi que l’encaissement d’un chèque de 12.000 euros sans justification et des menaces proférées à l’encontre de la tutrice, lettre recommandée avec AR adressée à la société SACER et réponse de cette dernière niant les menaces et justifiant le paiement de la somme de 12.000 euros par des frais que la société aurait payé à la place de Mme [G] (travaux de ménage, impôts, charges et assurance pour la maison, grosses réparations, facture d’électricité et divers services)

-courrier commun adressé par Mme [D] et [M] et M. [BH] à Me [T] expliquant que « En 2007, [K] [P] [B], en manque de trésorerie pour l’activité hôtellerie restauration, recherche des personnes qui seraient d’accord pour lui prêter de l’argent pour une durée de 5 ans . Ces créanciers se retrouvent plus tard avec un statut d’associé de la SARL SACER sans avoir pu savoir où passait l’argent et sans aucune précision concrète sur les difficultés réelles de la société. Au fil des discussions informelles, il ressortait qu’une partie de l’argent avait été utilisée pour acheter une voiture [Y] [JP] pour sa fille [O] et une partie pour rembourser ses crédits auprès des banques » et faisant, état des paiements suivants : Mme [I] environ 193.000€ (a été remboursée après avoir porté plainte), Mme [D] 130.000€, Mme [M] 30.000€ et M. [BH] 110.000€ ; ces sommes sont justifiées par des relevés bancaires, des extraits de grand-livre, le procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 17 février 2007 (apports des « associés apporteurs de fonds, de surface de terrain pour l’édification de structures destinées à leurs besoins respectifs et correspondant à leurs activités au sein de la société »

-reconnaissance de dette de M. [B] à Mme [D] pour 130.000€ (16/10/2013) et à M. [BH] pour 90.000€ (29/01/2013)

-courrier de M. [BH] du [Date décès 3] 2016 adressé à Me [T] dans lequel il dénonce les agissements dont il a été victime à partir de 2008 (constitution d’une SCI avec Mme [B] à la demande de M. [B] afin d’emprunter des fonds à hauteur de 110.000 euros pour aider la société SACER en difficulté, la SCI Roberts achetant sa propre maison et M. [B] s’engageant à rembourser le prêt ; M. [BH] devient momentanément associé de la société SACER à hauteur de 20 parts ; à compter de 2012 M. [B] accumule les retards de paiements et le compte de M. [BH] est bloqué en mai 2013 ; M. [BH] alors cuisinier au sein de la société SACER est licencié dans la foulée et doit rembourser le prêt ; est convaincu par M. [B] de se porter caution pour un prêt de 429.000 euros contracté auprès du crédit agricole en juin 2011) ; il évoque un train de vie dispendieux de la part des consorts [B] (4×4 Range [VD] pour M. [B], [Y] [JP] de fonction pour Mme [B], femme de chambre, gros travaux de rénovation réalisés dans la maison appartenant à Mme [X] notamment).

1°) Sur la demande de sanction pécuniaire

Aux termes de l’article L651-2 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige :

« Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée.

Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l’activité d’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l’insuffisance d’actif. La somme mise à sa charge s’impute sur son patrimoine non affecté.

L’action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

Les sommes versées par les dirigeants ou l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés. »

L’action pour insuffisance d’actif est une action en responsabilité civile délictuelle spécifique, ayant pour objet la réparation du préjudice collectif subi du fait de l’insuffisance d’actif d’une personne morale.

Conformément aux dispositions de l’article L651-1 du code de commerce, la responsabilité de tout dirigeant, même de fait, peut être recherchée, personne physique ou morale, de droit privé ou public, ainsi que celle de la personne physique représentant permanent d’une personne morale dirigeante. L’action à l’encontre d’autres personnes est en revanche irrecevable.

La faute de gestion susceptible d’engager la responsabilité pour insuffisance d’actif doit avoir été commise dans l’administration de la société et prouvée par le demandeur. Elle peut également résulter d’une abstention.

La faute doit être imputable au dirigeant poursuivi, pour des faits commis durant l’exercice de ses fonctions.

La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 (Loi Sapin 2), jugée immédiatement applicable aux procédures collectives en cours et aux instances en responsabilité en cours, exclut la responsabilité pour insuffisance d’actif en cas de simple négligence du dirigeant.

Un intérêt personnel n’est pas exigé.

En vertu du principe de proportionnalité, si plusieurs fautes de gestion sont retenues, il importe que chacune d’elles soit légalement justifiée.

L’insuffisance d’actif représente le préjudice subi par la personne morale (ou le patrimoine affecté de l’EIRL), apprécié au jour où la juridiction statue. Elle s’établit à la différence entre le passif (créances vérifiées et admises) et l’actif de la personne morale ou du patrimoine affecté, disponible ou non (valeur de réalisation du patrimoine).

Le seul constat d’un passif ne suffit pas.

Un lien de causalité doit être établi entre la faute de gestion et l’insuffisance d’actif. Si plusieurs fautes de gestion sont reprochées, le lien de causalité doit être établie pour chacune d’elles. La faute doit avoir seulement «contribué» à l’insuffisance d’actif. Il n’est pas nécessaire que la faute soit la cause directe et exclusive du dommage.

Même si les conditions sont établies, le juge apprécie souverainement l’opportunité de la condamnation et s’il y a lieu de faire jouer la solidarité entre dirigeants de droit ou de fait, fautifs. Le comportement du dirigeant, ayant fourni des efforts pour tenter de sauver son entreprise, peut être pris en compte pour exclure toute sanction pécuniaire ou en réduire le montant.

Le montant du passif mis à la charge du dirigeant ou de l’entrepreneur est déterminé après mise en cause du mandataire judiciaire ou du liquidateur. Il est apprécié souverainement par les juges du fond. Le plafond de la condamnation est égal au montant de l’insuffisance d’actif, et non à la totalité du passif (sauf en l’absence d’actif). Il peut être tenu compte de la situation particulière du condamné pour fixer le montant du passif.

Pour rappel, la mise en jeu de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif suppose l’existence d’une insuffisance d’actif et de faute de gestion y ayant contribué.

En l’espèce, le montant du passif définitif de la liquidation judiciaire tel qu’il résulte de l’état définitif des créances s’élève à la somme de 352.982,06 euros, à savoir :

-pôle recouvrement spécialisé (CFE 2013 à 2014) 3.715,00€

-pôle recouvrement spécialisé (taxe foncière 2011) 1.902,00€

-pôle recouvrement spécialisé (TVA, 2011 à 2015) 17.900,20€

-UNEDIC AGS 706,39€

-caisses réunionnaises de retraites complémentaires 10.352,07€

-CGSS réunion 60.561,75€

-caisse d’épargne CEPAC 9.857,96€

-Mme [E] [M] 30.000,00€

-Mme [S] [C] Fock124.000,00€

-intermétra 69,46€

-M. [F] [BH] 99.000,00€

De la différence entre le montant du passif ci-dessus et de l’actif, lequel est uniquement composé des postes « vente mobilière » (6.480,46€), « recouvrement et encaissement » (3.650,42€) et « intérêt CDC » (15,31€) à hauteur du montant total de 10.146,19 euros, il ressort une insuffisance d’actif de 342.835,87 euros, montant par ailleurs non contesté par les appelants.

L’insuffisance d’actif est donc certaine, étant précisé qu’en cas de succession de dirigeants, la condamnation d’un dirigeant suppose un insuffisance d’actif apparu sous sa direction.

En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que :

-la SARL SACER immatriculée au RCS sous le numéro 413 392 812 le 20 août 1997 s’est d’abord dénommée Société Nationale d’Exploitation Forestière (SNEF) ayant pour objet l’abattage, l’élagage, le débardage, tous travaux forestiers, VRD et lotissements et a eu, pour première gérante, Mme [O] [B] associé minoritaire, juste majeure pour être née le [Date naissance 2] 1979 ; à une ou des date(s) inconnue(s), la société SNEF a changé, et de dénomination sociale pour s’appeler SACER, et d’activité, à savoir, la restauration avec licence de restauration dite de grande licence, l’hôtellerie, la gestion de bungalows, l’animation d’un parc touristique, l’assistance conseil aux entreprises, le terrassement, divers vrd et les travaux forestiers

-d’après la fiche société.com du 26 janvier 2019 Mme [X] a été nommée gérante du 19 janvier 2005 au 3 octobre 2006, Mme [B] a exercé les mêmes fonctions du 3 octobre 2006 au 27 juillet 2010 puis M. [B] a remplacé sa fille en tant que gérant à compter du 25 juillet 2010

-d’après le relevé historique du RCS du 14 septembre 2018 : Mme [B] a remplacé Mme [X] à la gérance à partir du 23 juin 2006, elle-même remplacée par son père à une date non précisée mais portant indication de la date de l’événement modificatif, à savoir le 19 avril 2010

-Mme [X] affirme avoir exercé les fonctions de gérante du 19 janvier 2005 au 3 octobre 2006

-Mme [B] indique avoir été gérante du 3 octobre 2006 au 25 juillet 2010 « en remplacement de Mme [X], la seconde épouse de son père ».

Compte tenu de la divergence entre les informations délivrées par le site société.com et l’historique des événements tiré du RCS, a priori plus fiable, de l’absence de toute justification de la part des appelants quant aux modifications opérées dans la gestion de la société (procès-verbaux d’assemblée, récépissé de déclaration de modifications et/ou publications dans un journal d’annonces légales) et des déclarations de Mmes [X], il convient de retenir les périodes de gérance suivantes :

-pour Mme [B] du 20 août 1997 au 19 janvier 2005 puis du 3 octobre 2006 au 19 avril 2010, date à laquelle la modification de la gérance apparaît dans le relevé historique des événements tiré du RCS

-pour Mme [X] du 19 janvier 2005 au 3 octobre 2006

-pour M. [B] à partir du 19 avril 2010

La SELARL [T] es qualité de liquidateur de la société SACER reproche à Mmes [Z] [X] et/ou [O] [B] un certain nombre de faute de gestion :

a) la tenue d’une comptabilité totalement irrégulière, incomplète et dénuée de sincérité

Mme [X] soutient que les manquements éventuels survenus dans la tenue de la comptabilité sont imputables uniquement à M. [B] qui tenait la comptabilité en interne. Elle estime qu’il n’a jamais été démontré que la comptabilité était incomplète et irrégulière sur la période du 19 janvier 2005 au 3 octobre 2006, seule période durant laquelle elle a été gérante.

Mme [B] fait valoir pour l’essentiel qu’ayant cessé ses fonctions de gérante de droit de la société SACER le 25 juillet 2010, et n’ayant jamais été gérante de fait de la société, elle ne peut pas être jugée avoir commis, durant les années 2013 à 2015, des fautes relatives aux comptes de celle-ci ayant contribué à la constitution du passif social retenu au jour du jugement de liquidation. Elle considère que le mandataire liquidateur ne peut pas, d’une part, procéder par voie d’affirmation et par des considérations exprimées de façon générale, soutenir que la comptabilité de la SACER est irrégulière et dénuée de toute sincérité, alors qu’il a en sa possession toutes les pièces justifiant les éléments déclarés et que la charge de la preuve lui incombe, d’autre part, méconnaître ses droits de la défense alors qu’elle ne dispose en l’état d’aucun grief vérifiable autre que les affirmations générales pour se défendre en justice alors que l’article 6 de la CEDH impose qu’elle soit informée avec justesse des griefs qui lui sont reprochés afin d’organiser utilement sa défense. Elle ajoute que les articles L123-25 à L123-27 prévoient pour les entreprises, de la dimension de la SACER un dispositif d’allègement des obligations comptables.

La SELARL [T], es qualité de liquidateur de la société SACER, rappelle que la comptabilité est un instrument de contrôle indispensable de l’activité. Elle considère que les écritures comptables recèlent de graves irrégularités (articles L210-1, L123-12, L123-14, R123-173, R123-174, R123-76 et L241-3 du code de commerce) en ce que :

-les prestations de services, opérations affectant le patrimoine ne sont pas enregistrées jour par jour ni même mensuellement mais au 31 décembre de chaque exercice sans jamais viser aucune pièce ou libeller précisément les opérations ; les faits sont consciencieusement perpétrés d’un exercice à l’autre, les extraits grand-livre versés aux débats couvrent la période 2004 à 2014, autrement dit ils couvrent également la période où les appelantes, et plus particulièrement Mme [X], ne contestent pas avoir occupé les fonctions de gérantes

-l’enregistrement de produits jamais perçus sur les comptes bancaires de la SARL SACER : depuis 2010, les seuls comptes financiers actifs sont à la Banque de la Réunion ; la société SACER a pourtant enregistré des chiffres d’affaires sur les exercices 2013 à 2015 très largement supérieurs aux flux enregistrés sur ces comptes financiers ; des contrôles plus poussés n’ont pas été possibles sur les exercices antérieurs, en l’absence de rapprochement bancaire tandis que les écritures enregistrées sur les comptes financiers sont nombreuses mais ne visent aucune pièce, aucun client ni même une opération précise ; les écritures enregistrées sont également injustifiées durant les mandats de Mmes [X] et [B]

-l’utilisation inconsidérée du compte courant d’associé des époux [B] : les principaux flux de la SARL SACER, en ce compris d’importantes cessions d’actifs immobiliers, transitaient uniquement par le compte associé de M. [B] ; ces faits ont été commis et réitérés sous la gérance de chacun des appelants

Elle ajoute que les consorts [B] ne pouvaient ignorer la gravité de tels manquements, et plus particulièrement les époux [B], tous deux comptables de métier.

Aux termes de l’article R123-174 du code de commerce :

« Les mouvements affectant le patrimoine de l’entreprise sont enregistrés opération par opération et jour par jour pour le livre-journal.

Tout enregistrement comptable précise l’origine, le contenu et l’imputation de chaque donnée ainsi que les références de la pièce justificative qui l’appuie.

Les opérations de même nature, réalisées en un même lieu et au cours d’une même journée, peuvent être récapitulées sur une pièce justificative unique.

Les pièces justificatives sont classées dans un ordre défini au document mentionné à l’article R123-172. »

Conformément aux articles R123-175 et R123-176 du même code, les écritures du livre-journal sont portées sur le grand livre et ventilées selon le plan comptable. Le livre-journal et le grand livre sont détaillés en autant de journaux auxiliaires et de livres auxiliaires que les besoins du commerce l’exigent. Les écritures portées sur les journaux et les livres auxiliaires sont centralisées une fois par mois au moins sur le livre-journal et le grand livre.

Par ailleurs, en vertu de l’article L241-3 du même code dans sa rédaction applicable au litige :

« Est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375 000 euros :

1° Le fait, pour toute personne, de faire attribuer frauduleusement à un apport en nature une évaluation supérieure à sa valeur réelle ;

2° Le fait, pour les gérants, d’opérer entre les associés la répartition de dividendes fictifs, en l’absence d’inventaire ou au moyen d’inventaires frauduleux ;

3° Le fait, pour les gérants, même en l’absence de toute distribution de dividendes, de présenter aux associés des comptes annuels ne donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice, de la situation financière et du patrimoine à l’expiration de cette période en vue de dissimuler la véritable situation de la société ;

4° Le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement ;

5° Le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des pouvoirs qu’ils possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette qualité, un usage qu’ils savent contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou une autre entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement. »

Au vu des pièces comptables produites par le liquidateur, les premiers juges relèvent à juste titre que :

-l’enregistrement des prestations de services et de restauration de la société en une seule écriture au 31 décembre de l’exercice, et non pas jour par jour et opération par opération, ni même mensuellement comme prévu aux articles R123-173 et suivants du code de commerce

-les chiffres d’affaires enregistrés de 2013 à 2015 largement supérieurs au flux des comptes bancaires de la société

-des flux anormalement élevés s’agissant des comptes courants d’associés des époux [B] (compte 455152 concernant aussi bien M. [B] que Mme [X])

-la non-justification du droit de présenter une comptabilité allégée.

Par ailleurs, il est certain que si la comptabilité était tenue par feu [L] [B], ce grief peut être retenu à l’encontre des autres dirigeants de droit qui se sont succédés, à savoir Mme [B] du 20 août 1997 au 19 janvier 2005 puis du 3 octobre 2006 au 19 avril 2010 et Mme [X] du 19 janvier 2005 au 3 octobre 2006.

Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que les premiers juges ont estimé que, compte tenu des nombreuses anomalies relevées, il était démontré que la comptabilité de la société SACER n’était pas régulière et sincère.

b) la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire et l’absence de convocation des associés pour la reconstitution des capitaux propres

Mme [X] soutient en substance qu’aucun élément factuel, aucun acte positif, pouvant la relier à une prétendue dégradation de la situation financière de la société SACER pendant la période du 19 janvier 2005 au 3 octobre 2006 n’est apporté par Me [T] et que pendant les quelques mois où elle occupait les fonctions de gérante, elle ne pouvait se baser que sur les comptes établis antérieurement par M. [B] dont elle n’avait aucune raison de se méfier. S’agissant de la cession de biens immobiliers intervenue à compter de 2008, elle ne juridiquement lui être imputés car elle n’exerçait pas les fonctions de gérant à cette date. Elle fait remarquer que les attestations des anciens associés ne font état que de griefs à l’encontre de M. [B].

Mme [B] fait valoir que durant l’exercice social de l’année 2010, pendant lequel elle était gérante de droit, les capitaux propres de la société étaient positifs. Elle estime que si les capitaux propres de la société étaient négatifs depuis 2011, ni la gérante de droit, ni même le gérant de fait à supposer vraie l’affirmation, n’avait pour obligation jusqu’au 25 juillet 2010, de solliciter l’ouverture d’une procédure collective. Elle rappelle que lorsqu’elle est entrée en qualité de gérante de la société du 3 octobre 2006 au 25 juillet 2010, en remplacement de Mme [X], seconde épouse de son père, elle ne savait pas que la situation financière de la SARL SACER était plus que critique et que la poursuite de l’activité était compromise.

La SELARL [T] es qualité de liquidateur de la société SACER soutient que la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire est caractérisée par :

-une activité structurellement déficitaire avec des résultats déficitaires à l’exception des résultats « faussement » bénéficiaires suivant : en 2004 pour 2.400 euros uniquement grâce à un résultat exceptionnel de 15.504 euros et tandis que la société ne réglait pas ses dettes, en 2005 pour 13.054 euros tandis que la société ne réglait pas ses dettes, en 2008 pour 78.983 euros uniquement grâce à la cession d’un actif immobilier à la SCI familiale Val Fleuri pour 166.000 euros et en 2015 pour 35.103 euros grâce à des écritures en annulation d’amortissements pour 33.000 euros ainsi qu’à une chute remarquable de 54 % des charges d’exploitation pendant la période d’observation

-des dettes à court terme largement supérieures à l’actif circulant d’un exercice à l’autre reflet d’une trésorerie exsangue

-des charges d’exploitation totalement disproportionnées aux chiffres d’affaires générés

-des capitaux propres négatifs depuis 2011 et, en tout état de cause, une insolvabilité de la société constatée dès 2004

-une part de frais de personnel hors norme compte tenu de l’activité de la société.

Elle considère que l’exploitation était déficitaire, a minima, depuis 2004 et que la poursuite abusive a bien eu lieu du chef des dirigeants successifs dont la responsabilité est recherchée. Elle soutient que Mme [X] n’a jamais, sauf preuve contraire, pris aucune mesure adéquate de nature à redresser la situation, bien au contraire : elle a minimalisé ses apports financiers et ceux de la famille [B] en remboursant leurs comptes courant d’associé à mesure qu’étaient recherchés puis trouvés des investisseurs extérieurs qui supportaient les dettes sociales à leur place et, plutôt que de réorienter l’activité en réduisant notamment les charges, Mme [X] a augmenté l’endettement de la société SACER en souscrivant un prêt auprès de la BRED en 2005 pour 170.000 euros. Elle ajoute que le maintien artificiel de l’activité de la société SACER a permis aux consorts [B], d’abord de se défaire de leurs engagements financiers en faisant supporter les risques par de nouveaux associés, ensuite de se constituer un patrimoine immobilier conséquent au préjudice de ces derniers, enfin de pratiquer illégalement la profession d’expert-comptable.

Pour rappel, le fonds de roulement correspond à la somme d’argent constamment disponible pour couvrir les dépenses courantes d’une entreprise (payer les fournisseurs, les employés et les charges de fonctionnement) en attendant d’être payé par ses clients.

Le calcul du fonds de roulement (capitaux permanents ‘ actifs immobilisés) permet de vérifier si l’entreprise est en équilibre financier.

Quand le fonds de roulement est négatif, la situation est critique pour l’entreprise : cela veut dire qu’elle n’a pas suffisamment de ressources financières pour supporter la totalité de ses investissements.

Aux termes de l’article L223-42 du code de commerce :

« Si, du fait de pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social, les associés décident, dans les quatre mois qui suivent l’approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte s’il y a lieu à dissolution anticipée de la société.

Si la dissolution n’est pas prononcée à la majorité exigée pour la modification des statuts, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue, de réduire son capital d’un montant au moins égal à celui des pertes qui n’ont pu être imputées sur les réserves, si, dans ce délai, les capitaux propres n’ont pas été reconstitués à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social.

Dans les deux cas, la résolution adoptée par les associés est publiée selon les modalités fixées par décret en Conseil d’État.

A défaut par le gérant ou le commissaire aux comptes de provoquer une décision ou si les associés n’ont pu délibérer valablement, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société. Il en est de même si les dispositions du deuxième alinéa ci-dessus n’ont pas été appliquées. Dans tous les cas, le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser sa situation. Il ne peut prononcer la dissolution, si, au jour où il statue sur le fond, cette régularisation a eu lieu.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux sociétés en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou qui bénéficient d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire. »

En l’espèce, le liquidateur établit que les résultats des exercices 2004, 2005, 2008 et 2015 étaient « faussement » déficitaires du fait de la prise en compte d’un résultat exceptionnel de 15.504 euros, d’une cession d’un actif immobilier, d’une annulation d’amortissement ou encore d’une chute des charges d’exploitation et, surtout, le non-règlement des dettes de la société et relève à juste titre que les capitaux propres étaient négatifs depuis l’exercice 2011.

Pour mémoire, les résultats des autres exercices s’établissent comme suit pendant le temps de la gérance de Mme [X] et [B] :

2006 : -127.031,97€

2007 : -118.600,27€

2009 : -26.777,55€

2010 : -153.478,22€

C’est donc dès 2004 et sous la gérance de Mme [B] que la société se trouvait déjà en grande difficulté financière.

Il est établi que les capitaux propres de la société SACER étaient inférieurs à la moitié du capital social voire négatifs au cours des exercices suivants :

-2006 : capitaux propres = 62.097€ / capital social = 166.622€

-2007 : capitaux propres = 110.497€ / capital social = 333.622€

-2011 : capitaux propres = -66.202€ / capital social = 137.622€

-2012 : capitaux propres = -137.835€ / capital social = 137.622€

-2013 : capitaux propres = -352.891€ / capital social = 137.622€

-2014 : capitaux propres = -355.585€ / capital social = 137.622€

-2015 : capitaux propres = -320.482€ / capital social = 137.622€

-2016 : capitaux propres = -273.592€ / capital social = 137.622€

En l’espèce, Mme [B] ne justifie pas avoir convoqué les associés de la société SACER conformément aux dispositions de l’article L223-42 du code de commerce ; Mme [X] n’est pas concerné par ce grief n’ayant été gérante que du 19 janvier 2005 au 3 octobre 2006.

Il résulte également des témoignages de Mmes [D], [M] et [I] et de M. [BH] que ceux-ci ont été abusés par M. [B], durant la gérance de ce dernier mais aussi, pour certains alors que Mme [B] était la gérante et en tout état de cause, au profit tant de cette dernière que de Mme [X].

Par ailleurs, il est établi qu’entre octobre 2007 et juin 2010 :

-M. [B] a exercé les fonctions de gérant de la SCI et la SARL De la [Localité 10] Écrite, cette dernière ayant la même activité que la société SACER et ayant en réalité repris l’activité, les produits d’exploitation passant de 168.436,61 au 31 décembre 2009 à 73.726,85 euros au 31 décembre 2010 et la société De La [Localité 10] Écrite changeant de dénomination sociale en 2016 pour SACER

-Mme [X] a été nommé gérante de la SCI Val Fleuri

-Mme [B] était associée de la SCI Roberts

Il résulte de ce qui précède que le grief tenant à la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire est établi à l’encontre de Mmes [X] et [B].

c) l’aggravation de l’endettement

Mme [X] expose qu’il lui est reproché d’avoir sollicité un prêt d’un montant de 170.000 euros auprès de la BRED en 2005. Or, elle soutient que ce prêt a été entièrement remboursé en 2008 au moyen de son compte courant d’associé et qu’en conséquence cette opération n’a porté atteinte de quelconque manière à la société SACER.

La SELARL [T], es qualité de liquidateur de la société SACER, estime que Mme [X] a joué un rôle prépondérant pour permettre à la société SACER d’acquérir de nouveaux biens immobiliers en sollicitant notamment un prêt pour 170.000 euros auprès de la BRED et que, compte tenu de la faillite personnelle dont était frappé son époux, c’est elle qui a apporté à la société le crédit vis à vis des tiers qui lui faisant défaut. Elle considère que son implication est entière en ce qu’elle a contribué activement à l’endettement de la société SACER et au maintien artificiel de son activité. Elle ajoute que M. [B] a perçu des rémunérations en 2005, sous le libellé « rem jmd » (en 2005 : 13 écritures représentant 6.980 euros) alors qu’il n’était pas salarié de la société et ne pouvait en aucun cas exercer des fonctions de direction pour être lors frappé d’une mesure de faillite personnelle.

En l’espèce, Mme [X] ne dément pas avoir souscrit un prêt en 2005, alors qu’elle était associée de la société SACER, élément qui a contribué à l’endettement de ladite société déjà affaiblie financièrement et ce, peu important que le prêt ait été finalement remboursé.

S’agissant de la rémunération de M. [B], son versement est établi par le grand-livre sur l’année 2005, année pendant laquelle se sont succédées à la gérance de la société Mme [A] puis Mme [X], sans que celles-ci n’apportent la moindre explication.

Le grief d’aggravation de l’endettement est donc établi à l’encontre des appelantes.

d) le détournement de main-d”uvre

Mme [B] fait valoir pour l’essentiel que le grief détournement de main-d”uvre fait indistinctement à son encontre et aux autres appelants, prend appui sur une hypothèse du liquidateur, or, s’il y a eu prêt de main d”uvre, cela ne s’est pas fait durant sa gestion et, par ailleurs, une hypothèse, fut-elle avancée par le mandataire liquidateur, ne devient pas, par elle-même, la preuve d’un fait qualifié de « fautes de gestion caractérisant le délit d’abus de biens sociaux ».

La SELARL [T] es qualité de liquidateur de la société SACER soutient que l’activité de restauration de la SARL SACER a cessé en 2010, en même temps qu’ a été créée la SARL La [Localité 10] Écrite dirigée par M. [B] qui exerce une activité de restauration hôtellerie et dont la dénomination sociale deviendra « SACER » en 2016. Elle estime qu’il est vraisemblable que cette main d”uvre affectée en tout ou partie à l’entretien des bungalows et au restaurant dont la SCI familiale La [Localité 10] Écrite est devenue propriétaire en 2011 a été mise gratuitement au service des consorts [B] directement ou indirectement (par la SARL La [Localité 10] Écrite devenue SACER en 2015 ou par la SCI familiale). Elle considère que l’anormalité de la situation est plus ancienne : en attestant la part de frais de personnel dans la valeur ajoutée totalement disproportionnée (exemple : 285% en 2007). Elle ajoute que ces fautes de gestion caractérisent également le délit d’abus de biens sociaux.

En l’espèce, il est établi que la société SACER a cessé toute activité de restauration-hôtellerie en 2010, date à laquelle la société de la [Localité 10] Écrite a été constituée.

Pour autant, il ressort des comptes de résultat simplifiés que tandis que les produits d’exploitations passaient de 168.436 euros pour l’exercice 2009 à 73.726 euros en 2010, le poste rémunération du personnel passait sur la même période de 50.483 euros à 71.449 euros, et ce, sans aucune cohérence.

Ce grief est donc établi à l’encontre de Mme [B], seule gérante de droit à cette période.

e) la rétention du précompte salarial

La SELARL [T] es qualité de liquidateur de la société SACER fait valoir qu’après avoir précompté la contribution salariale à hauteur de 45.314 euros, les dirigeants n’en ont pas effectué le reversement à la CGSSR. Elle ajoute que cette infraction constituait autrefois un abus de confiance, que l’infraction est aujourd’hui une contravention de 5e classe (Article R. 244-3°du Code de la sécurité sociale) et qu’elle est consommée dès le non reversement de la contribution à la CGSS.

Ce grief qui ne concerne que la période allant du second trimestre 2010 au troisième trimestre 2015 n’est pas contestée et sera retenu à l’encontre de Mme [B] du temps de sa gérance.

* * *

En l’espèce, c’est par une juste appréciation des faits de la cause et par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont considéré que ces fautes avaient alourdi frauduleusement le passif de la société SACER et avaient nécessairement contribué à l’augmentation de l’insuffisance d’actif s’élevant à la somme de 342.000 euros.

C’est également à bon droit que les premiers juges ont condamné au comblement de passif de la société SACER Mmes [W] Si [H] et [B], solidairement avec leur époux et père pour un montant de 342.000 euros, à hauteur de 50.000 euros, compte de leur implication respective.

En effet, s’il est vrai que manifestement Mme [B] a pu être utilisée, à peine majeure, par son père frappé d’une faillite personnelle pour constituer la société SACER, elle a exercé les fonctions de gérant pendant près de 11 ans et en a tiré profit. S’agissant de Mme [X], comptable de formation, gérante de société par ailleurs, si elle n’a exercé ses fonctions de gérant que moins d’un an, elle a eu un rôle important dans le fonctionnement de la société et en a tiré profit ce qui a contribué également à l’augmentation de passif.

2°) Sur la demande de sanction économique

L’interdiction de gérer, comme la faillite personnelle, est une sanction professionnelle. Du fait de sa nature de sanction ayant le caractère de punition, elle est soumise aux exigences constitutionnelles applicables en matière pénale :

-elle ne peut être prononcée que dans les cas prévus par la loi, qui sont d’interprétation stricte

-elle est soumises aux principes de nécessité et de proportionnalité des peines, ce qui impose qu’elles soient motivées dans leur principe et leur quantum, la motivation devant prendre en compte la gravité des fautes et la situation personnelle de l’intéressé ; à l’instar de ce qu’il en est de l’action pour insuffisance d’actif, si plusieurs fautes sont reprochées, chacune d’elles doit être justifiée

-les dispositions nouvelles plus douces bénéficient du principe de la rétroactivité in mitius.

Plusieurs conditions de fond sont requises :

-les sanctions ne peuvent être prononcées à l’égard des personnes visées par la loi que si, au préalable, est intervenu un jugement ouvrant un redressement ou une liquidation judiciaire à leur encontre ou à l’encontre de la personne morale qu’elles gèrent ou qui est gérée par la société dont elles sont les représentants permanents ;

-la faillite personnelle et les autres mesures d’interdiction ne peuvent être prononcées qu’à l’encontre des personnes énumérées par les textes

-les personnes visées doivent s’être rendues coupables de certains agissements.

Ainsi, aux termes de l’article L653-1 I du code de commerce :

I.-Lorsqu’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du présent chapitre sont applicables :

1° Aux personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, aux agriculteurs et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;

2° Aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ;

3° Aux personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales définies au 2°.

Ces mêmes dispositions ne sont pas applicables aux personnes physiques ou dirigeants de personne morale, exerçant une activité professionnelle indépendante et, à ce titre, soumises à des règles disciplinaires.

L’article L653-1 du code de commerce ne subordonne pas le prononcé d’une faillite personnelle ou d’une interdiction de gérer à l’égard du dirigeant d’une personne morale à la circonstance que cette dernière ait déployé une activité effective.

Sont en revanche exclues les personnes exerçant une activité professionnelle indépendante soumise à des règles disciplinaires propres.

Les faits reprochés doivent avoir été commis avant le jugement d’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ce jugement prenant effet le jour de son prononcé à 0 heure, sous réserve de l’obstacle au bon déroulement de la procédure, nécessairement postérieur. En cas de résolution d’un plan de redressement, le juge peut retenir des faits postérieurs à la décision arrêtant ce plan et antérieurs à celle ouvrant, après sa résolution, une procédure de liquidation judiciaire.

Aux termes de l’article L653-3 du même code dans sa rédaction applicable au litige (antérieurement à la loi n°2016-486 du 22 mai 2019 qui a abrogé le 1° du II) :

« I.-Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée au 1° du I de l’article L. 653-1, sous réserve des exceptions prévues au dernier alinéa du I du même article, contre laquelle a été relevé l’un des faits ci-après :

1° Avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements ;

2° Abrogé.

3° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif.

II.-Peuvent en outre, sous la même réserve, être retenus à l’encontre d’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée les faits ci-après :

1° Avoir disposé des biens du patrimoine visé par la procédure comme s’ils étaient compris dans un autre de ses patrimoines ;

2° Sous le couvert de l’activité visée par la procédure masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de cette activité ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de l’entreprise visée par la procédure un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement. »

Aux termes de l’article L653-4 du même code :

« Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale, contre lequel a été relevé l’un des faits ci-après :

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres;

2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale ;

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale. »

Aux termes de l’article L653-5 du même code :

« Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l’article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l’un des faits ci-après :

1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d’administration d’une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;

2° Avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

3° Avoir souscrit, pour le compte d’autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l’entreprise ou de la personne morale ;

4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;

5° Avoir, en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;

7° Avoir déclaré sciemment, au nom d’un créancier, une créance supposée. »

Aux termes de l’article L653-6 du même code :

« Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle du dirigeant de la personne morale ou de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée qui n’ont pas acquitté les dettes mises à leur charge en application de l’article L651-2. »

Un intérêt personnel est toujours exigé.

La condamnation emporte radiation d’office du registre du commerce ou du répertoire des métiers (article R123-128).

Les condamnations de faillite personnelle et interdiction de gérer sont mentionnées au bulletin n° 2 du casier judiciaire, au registre du commerce, au répertoire des métiers, ou sur un registre spécial et sont publiées au BODACC et dans un journal d’annonces légales (articles R653-3 et R621-8). Depuis le 1er janvier 2016, elles sont aussi inscrites au fichier national des interdits de gérer créé par la loi du 22 mars 2012 (article art. R128-1 et suivants). Ces mesures de publicité jouent de plein droit et ne sont pas des sanctions accessoires.

Enfin, aux termes de l’article L653-8 du même code :

« Dans les cas prévus aux articles L653-3 à L653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

L’interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l’encontre de toute personne mentionnée à l’article L653-1 qui, de mauvaise foi, n’aura pas remis au mandataire judiciaire, à l’administrateur ou au liquidateur les renseignements qu’il est tenu de lui communiquer en application de l’article L622-6 dans le mois suivant le jugement d’ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l’obligation d’information prévue par le second alinéa de l’article L622-22.

Elle peut également être prononcée à l’encontre de toute personne mentionnée à l’article L653-1 qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation. »

Ainsi, le tribunal dispose d’un pouvoir souverain d’option entre la faillite personnelle et ‘l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci’.

Enfin, l’article R622-2 du code de commerce (prévu pour la sauvegarde mais applicable en redressement judiciaire sur renvoi de l’article R631-18 et en liquidation judiciaire sur renvoi de l’article R641-14) impose au débiteur l’obligation, dès le jugement d’ouverture, de signaler à l’administrateur ou, à défaut, au mandataire judiciaire, tous ses établissements et d’en faciliter l’accès, de communiquer la liste du personnel ainsi que tous éléments permettant de déterminer les salaires et indemnités à payer. Ces indications permettent entre autres d’établir un plan de licenciement et de déclencher la couverture par l’AGS des salaires et indemnités

La SELARL [T] es qualité de liquidateur de la SARL SACER soutient en substance que :

-les appelants ont poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements

-ils ont tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ; la grossièreté et la récurrence des anomalies comptables ne pouvaient échapper à la diligence des dirigeants successifs, Mme [X] laquelle de plus fort travaillait, en sus de ses fonctions, en tant que responsable de service comptable ; si Mme [O] [B] n’aurait servi que de prête nom, les faits ont bien été commis sous son entière responsabilité

-ils ont fait des biens de la SARL SACER un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser d’autres personnes morales dans lesquelles ils étaient intéressés directement ou indirectement (rémunérations injustifiées octroyées au dirigeant de fait M. [B] tandis qu’il était frappé d’une mesure de faillite personnelle, détournement de main d”uvre)

-ils ont détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la société (les recettes comme les cessions n’ont pas toujours abondé les comptes bancaires de la société sans qu’aucune justification ne soit jamais apportée sur la destination des fonds).

En l’espèce, c’est avec raison par des motifs que la cour approuve que les premiers juges ont considéré qu’il y avait lieu de prononcer à l’égard de Mme [O] [B] et de Mme [Z] [B] une mesure d’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale ayant une activité économique, pour une durée de 5 ans, compte tenu de leur implication respective.

Le jugement sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Mmes [X] et [B] succombant, il convient de les condamner aux dépens d’appel et de débouter Mme [B] de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d’appel.

L’équité commandant de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de la SELARL [T] es qualité de liquidateur de la SARL SACER, il convient de lui accorder de ce chef la somme de 1.000 euros pour la procédure d’appel (soit la somme totale de 2.000 euros).

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l’article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE sans objet les demandes formées par la SELARL [T] es qualité de liquidateur de la SARL SACER tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions des appelants M. [B] et Mme [B], juger en conséquence leur appel non soutenu, prononcer la disjonction de l’instance relative à feu [L] [K] [P] [B] de celle relative à Mme [O] [B], constater l’interruption de l’instance relative à feu [L] [K] [P] [B] ensuite de la notification de son décès et radier ladite affaire du rang des affaires en cours, ainsi que celle tendant à voir condamner M. [B] au paiement d’une indemnité de procédure ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 août 2019 par le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion ;

Y ajoutant

DEBOUTE Mme [O] [B] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE Mme [O] [B] à payer à la SELARL [T] es qualité de liquidateur de la SARL SACER la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [Z] [X] veuve [B] à payer à la SELARL [T] es qualité de liquidateur de la SARL SACER la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum Mme [O] [B] et Mme [Z] [X] veuve [B] aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRESIGNE LA PRÉSIDENTE

 


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