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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4IA
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/07612
N° Portalis
DBV3-V-B7F-U47W
AFFAIRE :
[R] [C]
….
C/
[Y] [C]
….
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Décembre 2021 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES
N° chambre :
N° Section :
N° RG : 2021L00902
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Corinne ROUX
Me Franck LAFON
MP
TC VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [R] [C]
né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 10] (ROUMANIE)
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentant : Me Corinne ROUX de l’ASSOCIATION ASSOCIATION ROUX PIQUOT-JOLY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 564
APPELANT
SELARL ML CONSEILS, prise en la personne de Me [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société VIOTECH COMMUNICATIONS
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20220051
Représentant : Me Marc LENOTRE de la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 459
APPELANTE et INTIMEE
****************
Monsieur [Y] [C]
né le [Date naissance 4] 1977 à [Localité 11] (ROUMANIE)
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentant : Me Corinne ROUX de l’ASSOCIATION ASSOCIATION ROUX PIQUOT-JOLY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 564
LE PROCUREUR GENERAL
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
[Adresse 7]
[Localité 8]
INTIMES
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Juin 2022, Madame Sophie VALAY-BRIERE, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN
En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont les avis ont été transmis les 04/01/2022 et 29/03/2022 au greffe par la voie électronique.
La SARL Viotech communications exerçait une activité de commerce de produits informatiques.
Faisant suite à une décision du tribunal de grande instance de Versailles en date du 13 septembre 2018 la condamnant au paiement d’une somme de 199 289,57 euros TTC au titre des loyers impayés du 14 avril 2011 au 30 juin 2016 et sur déclaration de cessation des paiements régularisée par son gérant, M. [R] [C], le 14 septembre 2018, le tribunal de commerce de Versailles, par jugement en date du 20 septembre 2018, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l’égard de celle-ci, fixé la date de cessation des paiements au 30 décembre 2017 et désigné la Selarl ML conseils, prise en la personne de maître [J] [L], en qualité de liquidateur judiciaire.
Considérant que les opérations de la liquidation judiciaire avaient mis en évidence des fautes de gestion, par actes d’huissier des 22 et 24 juin 2021, la Selarl ML conseils, ès qualités, a fait citer MM. [R] et [Y] [C], en qualité de gérant de droit et de fait, devant le tribunal de commerce de Versailles, lequel, par jugement contradictoire assorti de l’exécution provisoire du 14 décembre 2021 a :
– débouté la Selarl ML conseils, ès qualités, de sa demande de qualifier M. [Y] [C] de gérant de fait de la société Viotech communication ;
– condamné M. [R] [C] à payer la somme de 30 000 euros entre les mains de la Selarl ML conseils, ès qualités, pour être affectée à l’apurement de l’insuffisance d’actif de la société Viotech communications ;
– condamné M. [R] [C] à payer à la Selarl ML conseils, ès qualités, la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [R] [C] aux dépens.
Pour prononcer cette sanction, le tribunal a retenu une insuffisance d’actif de 206 150,12 euros et les fautes de gestion relatives au retard dans le dépôt de la déclaration de cessation des paiements, au non-paiement des cotisations sociales et à une gestion contraire à l’intérêt de la société.
Par déclaration du 22 décembre 2021, M. [R] [C] a interjeté appel de ce jugement en intimant le ministère public et le liquidateur judiciaire. La procédure a été enrôlée sous le numéro RG 21/07612.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 7 février 2022, il demande à la cour de :
– le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné à payer à la Selarl ML conseils, ès qualités, les sommes de 30 000 euros, et de 2 000 euros et les dépens ;
statuant à nouveau,
à titre principal,
– dire et juger qu’il n’a commis aucune faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société Viotech communications d’un montant de 203 150,12 euros ;
– débouter la Selarl ML conseils, ès qualités, de toutes ses demandes ;
à titre subsidiaire,
– dire et juger inexistante l’insuffisance d’actif susceptible de présenter un lien de causalité avec les fautes de gestion invoquées par la Selarl ML conseils, ès qualités, à son encontre et contestées ;
– débouter la Selarl ML conseils, ès qualités, de toutes ses demandes ;
– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La Selarl ML conseils, ès qualités, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 15 février 2022, demande à la cour de :
– débouter M. [R] [C] de son appel ;
– la juger recevable et bien fondée en son appel incident ;
en conséquence,
– infirmer la décision en ce qu’elle a limité à 30 000 euros la condamnation de M. [R] [C] pour être affectée à l’insuffisance d’actif ;
et statuant à nouveau,
– juger que M. [R] [C] en sa qualité de gérant de droit et M. [Y] [C] en sa qualité de gérant de fait ont commis les fautes de gestion qui leur sont reprochées ;
– juger que les fautes de gestion énoncées ont contribué à l’insuffisance d’actif constatée ;
– juger qu’elle bien fondée en son appel dirigé à l’encontre de M. [Y] [C] ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que M. [Y] [C] n’était pas gérant de fait de la société Viotech communications ;
– condamner solidairement MM. [C] à lui payer une somme laissée à l’appréciation de la cour aux fins de combler tout ou partie de l’insuffisance d’actif dans la limite de la somme de 206 269,12 euros;
– confirmer le jugement en ce qu’il a reconnu M. [R] [C] coupable de différentes fautes de gestion ;
– condamner solidairement MM. [C] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner solidairement MM. [C] aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans son avis notifié par RPVA le 4 janvier 2022, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement considérant que les fautes de gestion sont graves, l’insuffisance d’actif élevée et la sanction patrimoniale juste et proportionnée.
M. [Y] [C], qui a constitué avocat, n’a pas déposé de conclusions dans cette instance.
Par déclaration du 4 février 2022, la Selarl ML conseils, ès qualités, a également interjeté appel de ce jugement en intimant M. [Y] [C]. La procédure a été enrôlée sous le numéro de RG 22/00709.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 mars 2022, elle demande à la cour de :
– statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel de M. [R] [C] ;
– débouter M. [R] [C] de son appel ;
– la juger recevable et bien fondée en son appel incident à l’encontre de M. [R] [C] ;
en conséquence,
– infirmer la décision en ce qu’elle a limité à 30 000 euros la condamnation de M. [R] [C] pour être affectée à l’insuffisance d’actif ;
et statuant à nouveau,
– juger que M. [R] [C] en sa qualité de gérant de droit et M. [Y] [C] en sa qualité de gérant de fait ont commis les fautes de gestion qui leur sont reprochées ;
– juger que les fautes de gestion énoncées ont contribué à l’insuffisance d’actif constatée ;
– la juger bien fondée en son appel dirigé à l’encontre de M. [Y] [C] ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que M. [Y] [C] n’était pas gérant de fait de la société Viotech communications ;
– condamner solidairement MM. [Y] et [R] [C] à lui payer une somme laissée à l’appréciation de la cour aux fins de combler tout ou partie de l’insuffisance d’actif dans la limite de la somme de 206 269,12 euros ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a reconnu M. [R] [C] coupable de différentes fautes de gestion ;
– condamner solidairement MM. [Y] et [R] [C] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner solidairement MM. [Y] et [R] [C] aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
M. [Y] [C], dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 29 mars 2022, demande à la cour de :
à titre principal,
– se déclarer exclusivement saisie de la question relative à sa qualification en qualité de gérant de fait de la société Viotech communications ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la Selarl ML conseils, ès qualités, de sa demande tendant à le voir qualifié de gérant de fait de la société Viotech communications ;
à titre subsidiaire,
– dire et juger qu’il n’a commis aucune faute de gestion en lien avec l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de la société Viotech communications ;
– débouter la Selarl ML conseils, ès qualités, de toutes ses demandes ;
en tout état de cause,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la Selarl ML conseils, ès qualités, de toutes ses demandes à son encontre ;
– condamner la Selarl ML conseils, ès qualités, à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans son avis notifié par RPVA le 29 mars 2022, le ministère public demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas considéré M. [Y] [C] comme dirigeant de fait et de réformer la condamnation prononcée à l’égard de M. [R] [C].
S’agissant de M. [Y] [C], il expose que celui-ci a exercé des actes positifs de gestion, direction et administration en toute indépendance, soulignant qu’il était associé majoritaire de la société depuis 2010, qualité exclusive de tout lien de subordination ; que sa rémunération était disproportionnée par rapport au statut de simple salarié de même que son indemnité conventionnelle au titre de la rupture de son contrat de travail six fois supérieure au montant qui aurait dû être versé au regard de son ancienneté ; qu’il agissait en parfaite autonomie au sein de la société ; que la date de cessation des paiements correspond au jour où M. [Y] [C] a quitté la société ; qu’il a fait de M. [R] [C] un homme de paille, ce dernier, ni associé, ni salarié de la société, s’étant vu attribuer la qualité de dirigeant en 2013 et étant devenu associé unique en 2018 ; qu’il bénéficiait de la signature bancaire de la société dont il avait l’usage exclusif et donnait des directives à M. [R] [C].
Il soutient ensuite que plusieurs fautes de gestion ayant contribué à l’aggravation de l’insuffisance d’actif peuvent être retenues à son encontre, à savoir l’absence de déclaration de l’état de cessation des paiements dans le délai légal, l’absence de règlement des cotisations sociales et la gestion dans un intérêt contraire à la société, notamment son indemnité de rupture conventionnelle qui est l’une des causes principales de la déconfiture de la société, en sorte qu’il convient de condamner M. [Y] [C] au paiement de tout ou partie de l’insuffisance d’actif.
S’agissant de M. [R] [C], il demande à la cour de ne pas limiter sa condamnation à la somme de 30 000 euros.
Par ordonnance du 23 mai 2022, les procédures ont été jointes dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Aucun moyen n’étant soulevé ou susceptible d’être relevé d’office, il convient de déclarer les appels principal et incident recevables.
1- Sur le périmètre de l’effet dévolutif de l’appel du liquidateur judiciaire
Invoquant l’article 562 du code de procédure civile, M. [Y] [C] prétend qu’aux termes de sa déclaration d’appel, la Selarl ML conseils, ès qualités, n’a critiqué que le seul chef du jugement qui porte sur la qualification de gérant de fait que le tribunal n’a pas entendu lui conférer sans déférer à la cour le chef du jugement qui l’a déboutée de sa demande de condamnation à lui verser tout ou partie de l’insuffisance d’actif, en sorte que la cour n’est pas saisie de ce chef de prétention. Il précise qu’aucune régularisation de la déclaration d’appel n’est à ce jour envisageable.
La Selarl ML conseils, ès qualités, n’a formulé aucune observation sur ce point dans ses écritures.
Selon l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
La déclaration d’appel ayant donné lieu à l’instance RG 22/00709 est ainsi rédigée : ‘L’appel tend à la réformation ou à l’annulation de la décision en ce qu’elle a débouté la SELARL ML CONSEILS de sa demande de qualifier Monsieur [Y] [C], gérant de fait de la SARL VIOTECH COMMUNICATIONS. Et tous autres chefs non compris dans le dispositif et faisant grief à l’appelant.’
Contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal n’a pas débouté le liquidateur judiciaire de sa demande de condamnation de M. [Y] [C] au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif puisqu’il n’a pas statué sur celle-ci, considérant qu’il n’était pas dirigeant de fait.
Le liquidateur judiciaire ne pouvait pas dès lors mentionner dans la déclaration d’appel ce chef qui ne figurait pas dans le dispositif de la décision déférée à la cour.
Les éléments relatifs à l’existence de fautes de gestion en lien avec l’insuffisance d’actif, imputables ou non à M. [Y] [C], dépendant de la caractérisation préalable de sa qualité ou non de dirigeant
de fait, la cour est saisie, par l’effet dévolutif de l’appel, de l’intégralité de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif engagée par la Selarl ML conseils, ès qualités, à l’encontre de M. [Y] [C].
2- Sur la responsabilité pour insuffisance d’actif
L’article L. 651-2 du code de commerce dispose notamment que ‘lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut pas être engagée’.
* La direction de la société
La Selarl ML conseils, ès qualités, expose que la société Viotech communications est dirigée depuis le 26 avril 2013 par M. [R] [C], gérant de droit, associé unique depuis le 31 mai 2018, et par M. [Y] [C], son fils, gérant de fait, associé fondateur devenu associé majoritaire en 2007 et jusqu’à la cession des parts du 31 mai 2018.
S’agissant de M. [Y] [C], elle s’interroge tout d’abord sur l’existence d’un lien de subordination entre ce dernier, salarié, et son employeur, observant que la rémunération de celui-ci a fluctué, à la hausse ou à la baisse, sans régularisation d’avenants, et qu’il a même pu s’absenter de l’entreprise en mai et juin 2017 ; que c’est manifestement au jour de la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. [Y] [C] que la société a pris la décision de déposer le bilan ; que le montant de l’indemnité convenue est six fois supérieur à celui auquel il pouvait prétendre et qu’aucune pièce n’est annexée à la rupture conventionnelle justifiant de l’existence d’un entretien préalable, de la réalité d’un désaccord ou d’un souhait du salarié de quitter l’entreprise ; que le jugement du conseil de prud’hommes qui a refusé d’annuler le contrat de travail de M. [Y] [C] n’est pas définitif et n’a pas autorité de chose jugée, rappelant que les juridictions commerciale et sociale sont saisies de question distinctes.
Elle soutient, ensuite, que M. [Y] [C] a accompli des actes positifs de gestion en tout indépendance en ce qu’il avait depuis 2010 la signature bancaire sur le compte ouvert par la société Viotech communications dans les livres de la Caisse d’épargne et pouvait donc engager financièrement la société alors que le gérant de droit ne disposait pas de la signature bancaire, qu’il gérait la société en donnant des directives à son père, qu’il lui appartenait de procéder au paiement de factures, qu’il était l’interlocuteur de l’Urssaf et du comptable, qu’il devait réunir les éléments nécessaires au Centre des finances publiques en lieu et place du dirigeant de droit ; qu’aux termes de son contrat de travail et de l’avenant régularisé en 2014, M. [Y] [C] était en réalité en charge des tâches incombant normalement au dirigeant de droit sans que la preuve d’un quelconque ‘reporting permanent’ soit rapportée ; enfin, que le protocole du 15 mai 2017 de cession d’un véhicule au profit de M. [Y] [C] et son acte additionnel du 15 décembre 2017 indiquent que celui-ci aurait payé des sommes pour la société sur ses deniers personnels.
M. [Y] [C] réplique que selon une jurisprudence constante ne sont pas des critères décisifs de la qualification de dirigeant de fait la qualité d’associé majoritaire et la procuration sur un compte bancaire, soulignant que le liquidateur judiciaire ne verse aux débats aucune preuve de ce qu’il aurait effectué directement un paiement hors de tout contrôle et de toute instruction de la gérance. Il estime, par ailleurs, qu’il est ‘incongru’ d’affirmer que le gérant de droit n’aurait pas disposé de la signature bancaire alors que l’évolution des procédés de conservation des modèles de signature justifie que la signature de son père ne soit pas apposée sur un carton mais sur un support informatique. Il affirme avoir agi en qualité de salarié de la société, conformément aux termes de son contrat et sous la direction du premier gérant puis de son père, qualité reconnue par le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles du 22 septembre 2021 qui a autorité de chose jugée en l’absence d’infirmation à ce jour. Il précise que ce lien de subordination est antinomique avec la qualité de gérant de fait. Après avoir rappelé ses fonctions, il soutient n’être jamais intervenu sous une autre qualité ou en toute indépendance. Concernant sa rémunération, il explique que l’avenant conclu le 23 juin 2014 qui a ajouté à ses responsabilités techniques celles inhérentes à la gestion financière des projets et des subventions publiques a eu pour contrepartie une augmentation de sa rémunération portée à 5 361,66 euros bruts pour un temps plein et qu’aux termes de cet avenant les parties ont contractuellement anticipé les éventuels décalages de paiement. Il précise que sa rémunération n’a ensuite augmenté que de 2% par an ce qui ne peut pas être qualifié d’excessif et détaille les différentes sommes qu’il a reçues à titre non pas de primes mais de rappel partiel de salaires. Il considère ensuite que son absence de l’entreprise pour raison personnelle, période durant laquelle il n’a pas été rémunéré, ne peut être considérée comme un acte positif de gestion, que le montant de son indemnité conventionnelle de rupture est conforme, compte tenu de son ancienneté, à ce qui est habituellement négocié dans le cadre des PSE, que la saisine du conseil de prud’hommes postérieurement à l’ouverture de la liquidation judiciaire ne peut pas constituer un acte positif de gestion, qu’il n’existe aucun lien entre la rupture de son contrat de travail et la déclaration de cessation des paiements laquelle est la conséquence non de son départ mais du jugement de condamnation du tribunal judiciaire de Versailles du 13 septembre 2018, que la preuve n’est pas rapportée par le liquidateur judiciaire de ce qu’il aurait fait usage de la signature bancaire en toute indépendance, que les courriels produits montrent qu’il sollicitait systématiquement l’accord du gérant et lui laissait la responsabilité de l’envoi, que seul le gérant était le responsable financier au yeux des tiers et l’interlocuteur de l’Urssaf, enfin que le liquidateur judiciaire ne peut pas décorréler les paiements qu’il a opérés sur ses deniers personnels conformément à son engagement contractuel en contrepartie de la cession d’un véhicule.
Il est établi, et au demeurant non contesté, que la société Viotech communications, dont il était devenu l’associé unique à compter du 31 mai 2018 a été gérée par M. [R] [C] du 26 avril 2013 au jour du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire.
La direction de fait d’une personne morale suppose de démontrer l’exercice en toute indépendance d’une activité positive de direction.
M. [Y] [C] a été employé par la société Viotech communications à compter du 29 janvier 2007 en qualité de responsable de projet coopératif R&D. Son contrat de travail précise qu’il ‘sera encadré par le gérant de Viotech communications à qui il rapportera directement’ et qu’il ‘sera en charge des activités de soutien des projets européens auxquels Viotech participe. Cela consiste essentiellement en : 1- Les activités au sein des projets […], 2- Les activités pour la visibilité du projet […].’. La durée de son travail était fixée à 39 heures par semaine moyennant une rémunération brute mensuelle de 3 100 euros, le remboursement de ses frais professionnels en sus.
Selon avenant en date du 23 juin 2014, il s’est vu confier en outre la gestion financière des subventions publiques et son salaire brut mensuel a été porté à 5 361,66 euros, le contrat précisant que ‘ De par ses fonctions et compte tenu des éventuels décalages ou retards de versements des subventions publiques dont il a la charge, les versements des salaires sur la période concernée seront calés sur les versements pré-cités, le retard de versement ne pouvant excéder 6 mois suivant la date de versement du dernier salaire.’
La liste détaillée de ses activités montre qu’il était en charge de l’élaboration des projets, de la gestion administrative interne, de la communication et de la recherche de financements.
La qualité de salarié n’est pas incompatible avec celle de dirigeant de fait dès lors que la preuve de l’accomplissement d’actes de gestion et de direction excédant les fonctions est rapportée.
Elle l’est en revanche avec celle d’associé majoritaire, en ce qu’elle exclut tout lien de subordination, ce que M. [Y] [C] a été du 29 décembre 2010 au 26 avril 2013.
Il est démontré par les bulletins de salaire, l’attestation Pôle emploi du 31 décembre 2017, l’attestation de versement de salaires signée par M. [R] [C] le 8 décembre 2018 et le protocole d’accord de versement de salaires et indemnités du 28 décembre 2017, versés aux débats, que la rémunération effectivement perçue par M. [Y] [C] du 1er juillet 2016 au 1er novembre 2017 n’était pas en conformité avec son contrat de travail et son avenant. Le fait que M. [Y] [C] ait accepté des décalages à la baisse puis à la hausse dans le paiement de ses rémunérations se justifie, comme l’indique son contrat ‘par ses fonctions’, lesquelles sont manifestement plus étendues que celles d’un responsable de projet coopératif pour s’apparenter à celles d’un dirigeant.
Il est justifié par la production de la fiche de signature de la Caisse d’épargne en date du 28 janvier 2010, qu’à cette date, le gérant et M. [Y] [C] étaient accrédités pour faire fonctionner le compte. La preuve n’est rapportée ni par M. [Y] [C] ni par M. [R] [C] qu’à compter de sa nomination en qualité de gérant de droit ce dernier ait accompli les démarches nécessaires pour l’être également.
En outre, la preuve est rapportée par la production d’un mail du 19 octobre 2017 que M. [Y] [C] procédait au paiement des cotisations Urssaf.
Par ailleurs, les mails produits, sous les pièces 23 et 24 du liquidateur judiciaire, montrent en premier lieu que M. [Y] [C] était l’interlocuteur de l’expert-comptable qui lui a adressé une proposition financière pour ses prestations et à qui il donnait des instructions ; en deuxième lieu, que M. [R] [C] transmettait à son fils les mails reçus de la direction générale des finances publiques et lui réclamait les pièces à transmettre pour l’obtention des crédits impôts recherche ; en troisième lieu, que M. [R] [C] demandait à son fils de contrôler et de modifier son travail dans le cadre d’un projet ‘Delta’ et lui transmettait directement les mails qu’il recevait, notamment ceux adressés par ‘Celtic’ pour le projet ‘Odéon’, par Bpi France pour le programme Eurostars ainsi que ceux de l’Urssaf.
Il importe peu que certains de ces échanges témoignent d’une concertation entre MM. [R] et [Y] [C], dès lors qu’ils établissent surtout que ce dernier agissait en toute indépendance, l’une n’étant pas exclusive de l’autre.
Enfin, il est certain que le mode de paiement du prix du véhicule Toyota cédé par la société Viotech communication à M. [Y] [C], tel qu’il résulte du protocole d’accord du 15 mai 2017 et de l’acte additionnel daté du 15 décembre 2017, à savoir le règlement par l’acquéreur des factures dues par la société à l’Urssaf, au comptable et à des prestataires à concurrence du montant du prix, constitue un acte de gestion.
Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que la preuve de la direction de fait de la société Viotech communications par M. [Y] [C] est rapportée par le liquidateur judiciaire.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef, et la cour, qui est saisie d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif à son égard, tenue d’examiner les fautes qui lui sont reprochées et leur lien avec l’insuffisance d’actif.
* Le montant de l’insuffisance d’actif
La Selarl ML conseils, ès qualités, explique que le passif définitivement admis s’élève à la somme de 268 857,23 euros et l’actif réalisé à celle de 62 588,11 euros en sorte que l’insuffisance d’actif s’établit à 206 269,12 euros, soulignant que celle-ci pourrait augmenter si M. [Y] [C] obtenait gain de cause devant la chambre sociale de la cour d’appel.
M. [Y] [C] fait valoir que le montant de son indemnité de rupture, qui est contestée en justice par le liquidateur judiciaire ne saurait entrer dans le calcul de l’insuffisance d’actif. Il considère également qu’il convient d’extraire du passif chirographaire d’une part la créance du bailleur de 199 289,57 euros considérant que les fautes qui lui sont reprochées ne peuvent pas être à l’origine d’un passif antérieur, et d’autre part, le passif fiscal de 3 910 euros qui n’a été mis en recouvrement que le 21 août 2018, en sorte que né dans le délai de 45 jours avant la déclaration de cessation des paiements, il ne peut être en lien avec les fautes.
Reprenant le montant de la créance du bailleur (199 289,57 euros), le passif fiscal (4 029 euros) et l’actif réalisé (62 588,11 suros), M. [R] [C] soutient que l’insuffisance d’actif susceptible d’être retenue s’élève en réalité à 203 150,12 euros. Il s’associe également aux arguments de son fils sur la nécessité d’en extraire les dettes locatives et fiscales.
L’insuffisance d’actif est égale à la différence entre le montant du passif antérieur admis définitivement et le montant de l’actif réalisé de la personne morale débitrice. Elle s’apprécie à la date à laquelle le juge statue.
Il résulte de la synthèse du passif établie par le liquidateur judiciaire en date du 11 décembre 2019 que le passif définitif est de 268 857,23 suros, hors indemnité de rupture. Aucune créance déclarée et admise ne peut en être retirée.
Selon le rapport établi le 31 juillet 2020 par le liquidateur judiciaire, l’actif réalisé, non contesté, s’élève à 62 588,11 euros.
L’insuffisance d’actif, susceptible d’être mise à la charge des dirigeants de droit et de fait, s’établit donc à 206 269,12 euros.
* Sur les fautes
– La déclaration tardive de cessation des paiements
La Selarl ML conseils, ès qualités, soutient que la date de cessation des paiements qui est désormais définitive ne peut plus être contestée par les consorts [C] et que le retard apporté à la déclaration de cessation des paiements ne relève manifestement pas d’une simple négligence. Rappelant l’ancienneté de certaines créances et l’historique du litige avec le bailleur, elle estime que la société Viotech communications avait parfaitement conscience qu’elle serait, un jour, condamnée à payer des sommes importantes à son bailleur, qu’elle ne pourrait pas assumer, et qu’elle a fait le choix de spolier le bailleur tout en poursuivant son activité déficitaire le plus longtemps possible. Elle fait valoir que le choix fait par les dirigeants de payer quelques créanciers et pas d’autres leur a permis de fonctionner de façon déficitaire durant toute l’année 2017 et une partie de 2018, ce qui a eu un impact majeur sur l’insuffisance d’actif.
M. [R] [C] prétend que le fait d’avoir déposé la déclaration de cessation des paiements de la société Viotech communications le 14 septembre 2018 ne peut constituer une faute ayant contribué à l’insuffisance d’actif que dans l’hypothèse d’un passif né entre le 30 décembre 2017 et le 30 juillet 2018, soit 45 jours avant cette déclaration. Il en déduit qu’il convient d’exclure les créances nées antérieurement au 30 décembre 2017 (bailleur, Humanis et Urssaf au titre du quatrième trimestre 2017, facture Adera du 8 novembre 2017, moratoires consentis par les salariés courant 2017) ainsi que celles nées postérieurement au 30 juillet 2018. Il fait observer que l’Urssaf n’a déclaré aucune créance au titre de la période postérieure au 1er janvier 2018, que les seules cotisations Humanis admises l’ont été au titre du quatrième trimestre 2017 et que la seule dette fiscale admise a été mise en recouvrement après l’ouverture de la procédure collective, en sorte que la poursuite d’exploitation de la société au-delà du 30 décembre 2017 n’a généré aucune passif complémentaire.
M. [Y] [C] rappelle que la date de cessation des paiements a été fixée la veille de son départ de l’entreprise et soutient qu’en sa qualité de salarié, il ne lui appartenait pas de procéder à la déclaration de cessation des paiements.
Selon l’article L.640-4 du code de commerce, l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s’il n’a pas dans ce délai demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.
Le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours s’apprécie au regard de la date de cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report.
En l’espèce, le jugement d’ouverture, devenu définitif, l’a fixée au 30 décembre 2017 alors que M. [R] [C] n’a déposé la déclaration de cessation des paiements que le 14 septembre 2018. Le retard de près de sept mois apporté à la declaration de cessation des paiements est donc établi.
Entre le 15 février 2018 et le 14 septembre 2018, la comparaison entre l’état du passif et les déclarations de créance montre que le passif n’a augmenté que de la créance déclarée par la Trésorerie des Yvelines mise en recouvrement le 21 août 2018 à hauteur de 3 910 euros, laquelle est relative à des amendes pour des faits commis entre le 19 avril 2016 et le 19 avril 2018 et concerne à trois reprises le véhicule Toyota cédé à M. [Y] [C] dont une infraction commise le 15 janvier 2018. Seule une amende de 80 euros concerne des faits commis le 19 avril 2018.
Par ailleurs, aucune des créances déclarées par le bailleur, l’Urssaf, Humanis Arrco et Agirc n’a été admise pour cette période.
Ainsi le retard apporté à la déclaration de l’état de cessation des paiements, qui constitue un manquement des dirigeants à leurs obligations, n’a pas eu de conséquence significative sur l’insuffisance d’actif.
Cette faute sera par conséquent écartée.
– L’absence de règlement des cotisations sociales
La Selarl ML conseils, ès qualités, reproche aux dirigeants de ne pas avoir réglé les cotisations sociales à hauteur de 56 538,66 euros, soulignant que les moratoires sollicités, à supposer qu’ils aient été acceptés, n’ont pas été respectés.
M. [Y] [C] fait valoir que les dates d’exigibilité des créances sociales impayées sont toutes postérieures à son départ.
M. [R] [C] réplique qu’en raison du retard pris pour le versement des subventions et du crédit d’impôt recherche, il a pris l’initiative de négocier des moratoires tant auprès de l’Urssaf, qui l’a accepté le 27 avril 2018, que d’Humanis, qui n’ayant pas mis en oeuvre de mesure de recouvrement forcé, l’a tacitement accepté. Il considère que le fait de négocier et d’obtenir des moratoires pour s’adapter aux délais de versement de fonds publics dont le bénéfice est acquis ne saurait constituer une faute de gestion. Invoquant les dispositions de l’article L.651-2, alinéa 1 in fine, il précise que le non paiement de l’échéance de l’Urssaf de 2 858 euros reportée à fin juin 2018 résulte d’un oubli puisque la société disposait de la trésorerie nécessaire. A titre subsidiaire, il indique que cette faute n’a contribué à l’insuffisance d’actif qu’à hauteur de 2 858 euros.
La preuve du non paiement par la société Viotech communications de ses dettes sociales depuis le quatrième trimestre 2017 est rapportée par les déclarations de créance.
La preuve de l’obtention d’un moratoire de la part d’Humanis n’est pas rapportée, l’absence de réponse à la demande formulée ne pouvant pas s’analyser en une acceptation tacite.
En outre, l’obtention d’un moratoire de la part de l’Urssaf n’est pas plus de nature à exonérer les dirigeants de leur responsabilité dès lors qu’il n’a pas été respecté, la première échéance convenue de juin 2018 n’ayant pas été réglée.
La faute de gestion est donc établie, sans pouvoir s’analyser en une simple négligence. En effet, le non paiement de ces dettes a contribué à la constitution d’une trésorerie fictive qui a permis à la société de poursuivre son activité.
Elle a aggravé l’insuffisance d’actif à hauteur non de 2 858 euros mais de 56 538,66 euros, montant du passif social admis.
– La gestion contraire à l’intérêt de la société
La Selarl ML conseils, ès qualités, considère que les augmentations du salaire de M. [Y] [C], sans régularisation d’avenants à son contrat de travail, ainsi que le montant de l’indemnité conventionnelle de rupture convenue, d’un montant six fois supérieur à celui auquel il pouvait prétendre en application de l’article 1237-11 du code du travail et de la convention Syntec, alors que la société rencontrait en 2017 de grandes difficultés, constituent une faute de gestion qui a contribué à l’insuffisance d’actif, soulignant que M. [Y] [C] a perçu une partie de l’indemnité de rupture (53 000 euros) et sollicité le paiement du solde, de rappels de salaires et de dommages et intérêts devant la juridiction sociale. Elle réplique également que si la rupture conventionnelle n’avait pas abouti un licenciement aurait dû être décidé et que si celui-ci n’était pas intervenu l’obligation au paiement des salaires aurait asséché la trésorerie de la société et obligé les dirigeants à déclarer la cessation des paiements plus rapidement.
MM. [R] et [Y] [C] soutiennent que l’évolution des charges de travail de ce dernier a eu comme contrepartie une augmentation de sa rémunération et que depuis 2014 celle-ci n’a augmenté que de 2% par an ce qui n’est pas excessif. Ils précisent également que les augmentations relevées par les premiers juges s’expliquent par les heures supplémentaires accomplies. Ils estiment qu’eu égard à l’ancienneté de M. [Y] [C], la technicité de ses compétences et l’ampleur de ses attributions, ni l’augmentation de son salaire de base ni le rattrapage partiel de ses salaires ne sauraient être qualifiés d’excessifs et caractériser une gestion fautive de l’entreprise. S’agissant de l’indemnité de rupture conventionnelle, ils font valoir qu’elle est conforme à ce qui est habituellement négocié dans le cadre des PSE et que ce montant a été homologué par la Directe. Ils ajoutent que le caractère non excessif de cette indemnité résulte également de sa comparaison avec les conséquences financières qu’aurait eu la poursuite du contrat de travail de M. [Y] [C] jusqu’au licenciement économique que le liquidateur judiciaire aurait dû prononcer, lesquelles peuvent être évaluées à 130 027,54 euros.
Compte tenu des baisses des salaires perçus en 2016 et 2017 par M. [Y] [C] il ne résulte pas avec certitude des pièces versées que celui-ci ait bénéficié, au-delà des rattrapages, d’augmentations de salaire excessives durant cette période.
En revanche, il est certain que l’indemnité conventionnelle de rupture fixée en décembre 2017 à 120000 euros, soit à un montant très supérieur au minimum légal de l’ordre de 22 à 26 000 euros selon les parties, était excessive au regard des capacités financières de l’entreprise qui pour l’exercice clos au 30 juin 2017 a réalisé des pertes à hauteur de 346 293 euros.
L’homologation de cette indemnité par la Dirrecte ne peut pas exonérer les dirigeants puisqu’à l’occasion de celle-ci seul est vérifié le respect des minima légaux.
L’octroi de cette indemnité, même si le paiement de celle-ci n’a été effectué à ce jour que partiellement, est contraire à l’intérêt de la société en ce qu’elle l’a privée d’une partie de sa trésorerie. Il s’agit d’une faute de gestion qui a contribué à l’augmentation de l’insuffisance d’actif, à hauteur à tout le moins de 53 000 euros, sans pouvoir être qualifiée de négligence.
* Sur le quantum des condamnations
M. [R] [C], qui est âgé de 75 ans et retraité, justifie par la production de ses avis d’imposition avoir perçu 23 824 euros en 2019 et 24 387 euros en 2020. Il ne fournit aucune indication sur son patrimoine.
M [Y] [C] ne produit aucun élément relatif à sa situation personnelle, financière et patrimoniale.
Au regard du nombre et de la gravité des fautes retenues ainsi que de leur contribution à l’insuffisance d’actif, il convient infirmant le jugement, de condamner solidairement MM. [R] et [Y] [C] à payer au liquidateur judiciaire la sommes de 50 000 euros au titre de leur responsabilité pour insuffisance d’actif.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Déclare recevables les appels principal et incident ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Condamne solidairement M. [R] [C], né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 10] (Roumanie), de nationalité française, demeurant [Adresse 2] et M. [Y] [C], né le [Date naissance 4] 1977 à [Localité 11] (Roumanie), de nationalité française, demeurant [Adresse 6] à payer à la Selarl ML conseils, ès qualités, les sommes de 50 000 euros au titre de leur responsabilité pour insuffisance d’actif et de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement MM. [R] et [Y] [C] aux dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement au profit de maître Lafon, avocat, pour les frais dont il aurait fait l’avance, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,