Dirigeant de fait : 14 septembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/02575

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Dirigeant de fait : 14 septembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/02575
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ARRÊT N°

N° RG 20/02575 – N° Portalis DBVH-V-B7E-H2IF

CO

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

22 septembre 2020

RG:2019J223

S.A.R.L. SOCIETE FB INVEST

C/

[O] ÉPOUSE [P]

[U]

[W]

[Y]

[F]

S.A.R.L. HPPH

S.A.R.L. TRANS ALLIANCE CONTENEURS

S.A.R.L. TRANSBENNES

Grosse délivrée le 14 septembre 2022 à :

– Me [G]

– Me MENDY PIETRI

COUR D’APPEL DE NÎMES

4ème CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

FB INVEST, SARL immatriculée au RCS de NÎMES sous le numéro 480 948 900, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Stéphane GOUIN de la SCP LOBIER & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Madame [X] [O] ÉPOUSE [P] épouse [P]

née le 21 Septembre 1949 à [Localité 13]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentée par Me PAOLINETTI Enzo, substituant Me Xavier GARRIOT de la SELARL LEX PHOCEA, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Représentée par Me Elisabeth MENDY PIETRI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Madame [N] [U] épouse [W]

née le 31 Mars 1961 à [Localité 18]

[Adresse 14]

[Localité 7]

Représentée par Me PAOLINETTI Enzo, substituant Me Xavier GARRIOT de la SELARL LEX PHOCEA, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Représentée par Me Elisabeth MENDY PIETRI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [Z] [W]

né le 02 Février 1959 à ALGRANCE

[Adresse 14]

[Localité 7]

Représentée par Me PAOLINETTI Enzo, substituant Me Xavier GARRIOT de la SELARL LEX PHOCEA, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Représenté par Me Elisabeth MENDY PIETRI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [J] [Y]

né le 28 Août 1948 à [Localité 12]

[Adresse 17]

[Localité 10]

Représentée par Me PAOLINETTI Enzo, substituant Me Xavier GARRIOT de la SELARL LEX PHOCEA, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Représenté par Me Elisabeth MENDY PIETRI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Monsieur [C] [F]

né le 08 Novembre 1945 à [Localité 19]

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représentée par Me PAOLINETTI Enzo, substituant Me Xavier GARRIOT de la SELARL LEX PHOCEA, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Représenté par Me Elisabeth MENDY PIETRI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

S.A.R.L. HPPH, Société à responsabilité limitée au capital de 1 308 000 €uros, immatriculée sous le registre du commerce et des sociétés de Nice sous le numéro 451 676 225, pris en la personne de son représentant légal.

[Adresse 20]

[Adresse 15]

[Localité 1]

Représentée par Me PAOLINETTI Enzo, substituant Me Xavier GARRIOT de la SELARL LEX PHOCEA, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Représentée par Me Elisabeth MENDY PIETRI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

S.A.R.L. TRANS ALLIANCE CONTENEURS, société à responsabilité limitée au capital de 8 000 €uros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Aix-en-Provence sous le numéro 328 702 527, pris en la personne de son représentant légal

[Adresse 16]

[Localité 3]

Représentée par Me PAOLINETTI Enzo, substituant Me Xavier GARRIOT de la SELARL LEX PHOCEA, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Représentée par Me Elisabeth MENDY PIETRI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

S.A.R.L. TRANSBENNES, société à responsabilité limitée au capital de 7 622,45 €uros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Aix-en-Provence sous le numéro 335 146 841, pris en la personne de son représentant légal.

[Adresse 11]

[Localité 4]

Représentée par Me PAOLINETTI Enzo, substituant Me Xavier GARRIOT de la SELARL LEX PHOCEA, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Représentée par Me Elisabeth MENDY PIETRI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,

Mme Corinne STRUNK, Conseillère,

Madame Claire OUGIER, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 4ème chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

À l’audience publique du 30 Juin 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 Septembre 2022.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 14 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour.

EXPOSÉ

Vu l’appel interjeté le 14 octobre 2020 par la SARL FB invest à l’encontre du jugement prononcé le 22 septembre 2020 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l’instance n°2019J223 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 9 mai 2022 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 13 mai 2022 par Madame [X] [B] épouse [P], Madame [N] [U] épouse [W], Monsieur [Z] [W], la SARL HPPH, Monsieur [J] [Y], Monsieur [C] [F], la SARL Trans alliance conteneurs et la SARL Tranbennes, intimés, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu l’ordonnance du 10 décembre 2021 de clôture de la procédure à effet différé au 16 juin 2022.

* * *

Le 25 juillet 2016, la SARL FB invest a souscrit 501 actions représentant 51% du capital de la SAS XF pneus dont le président, Monsieur [A], était jusque là l’associé unique.

Le 24 août 2018, elle cédait 30 de ces actions à la société HPPH pour 60.000 euros.

Le 17 septembre 2018, elle en cédait 10 à la société Transbennes pour 20.000 euros.

Le 25 septembre 2018, elle en cédait 15 à Madame [P], 15 à Monsieur [Y], 15 à la société Trans alliance conteneurs pour 30.000 euros chacun, et 10 à (Monsieur et Madame) [W] pour 20.000 euros.

Et le 26 septembre 2018, l’appelante cédait encore 15 actions de la société XF pneus à Monsieur [F] pour 30.000 euros.

Par jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 18 mars 2019, la société XF pneus était placée en liquidation judiciaire immédiate et la date de cessation des paiements fixée au 1er janvier 2018.

Par exploit du 20 mai 2019, les huit intimés ont assigné l’appelante en répétition de l’indû, et, subsidiairement, en annulation de la transaction pour dol et en restitution des sommes versées à ce titre.

Par jugement du 22 septembre 2020, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa des articles 1104, 1130,1131, 1137, 1138, 1302 et 1302-1 du code civil, et des articles 9, 515, 696 et 700 du code de procédure civile,

« Dit et jugé que la transaction ayant entrainé le versement de la somme totale de 220.000 € s’est inscrite dans un processus dolosif,

annulé la cession des parts,

condamné (l’appelante) à payer la somme de :

30.000 € à la société Trans alliance conteneurs,

30.000 € à Monsieur [J] [Y],

30.000 € à Madame [X] [P],

20.000 € à la société Transbennes,

60.000 € à la société HPPH,

30.000 € à Monsieur [C] [F],

20.000 € à Monsieur [Z] [W],

ordonné l’exécution provisoire,

condamné (l’appelante) à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 2.000 € (à chacun de ces sept intimés),

rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,

condamné (l’appelante) aux dépens de l’instance ».

La société cédante a relevé appel de ce jugement pour le voir infirmer en toutes ses dispositions.

***

Au terme de ses dernières écritures et au visa des articles 1137 à 1139, et 1353 du code civil, l’appelante demande à la Cour :

« Accueillant (son) appel contre le jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 22 septembre 2020,

Juger qu(‘elle) n’est pas dirigeant de fait de la société XF pneus et que la preuve de cette gestion de fait n’est donc pas rapportée,

Juger qu(‘elle) n’a commis aucun dol, y compris par le biais d’un tiers de connivence, n’a commis aucune dissimulation intentionnelle d’une information déterminante pour les intimés, dont le caractère déterminant aurait été connu par (elle),

En conséquence,

Statuant à nouveau

Réformer en toutes ses dispositions le jugement (déféré),

Débouter (les intimés) de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Condamner :

– Madame [X] [B] épouse [P] à (lui) porter et payer la somme de 30.000€,

– Monsieur [C] [F] à (lui) porter et payer la somme de 30.000 €,

– Monsieur [J] [Y] à (lui) porter et payer la somme de 30.000 €,

– Madame [N] [U] épouse [W] et Monsieur [Z] [W], solidairement entre eux, à (lui) porter et payer la somme de 20.000 €,

– la société HPPH à (lui) porter et payer la somme de 60.000 €,

– la société Trans alliance conteneurs à (lui) porter et payer la somme de 30.000 €,

– la société Transbennes à (lui) porter et payer la somme de 20.000 €,

(et ce,) avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l’arrêt à venir jusqu’à parfait paiement,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamner (chacun des huit intimés) à lui porter et payer la somme de 2.000 €,

Les condamner in solidum aux entiers dépens. »

L’appelante conteste tout d’abord la décision rendue par le tribunal de commerce en ce qu’elle l’a retenue comme dirigeante de fait de la société XF pneus via son propre dirigeant Monsieur [S].

Elle fait valoir que les instructions ponctuelles que celui-ci a pu donner aux salariés, comme les divers éléments évoqués par les intimés ne suffisent pas à démontrer une gestion de fait de sa part, mais relèvent bien au contraire d’un suivi normal de l’activité de la société XF pneus en sa qualité d’actionnaire principal, de créancier et de caution solidaire des engagements bancaires de cette société.

Elle conclut encore à l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a retenu le caractère dolosif des cessions d’actions intervenues en faveur des intimés.

Or, elle ne peut elle-même être l’auteur de ce dol puisqu’elle n’a de fait jamais été en contact avec les cessionnaires, toutes les opérations s’étant faites par le seul intermédiaire de Monsieur [A], le dirigeant de la société cédée. Et aucune connivence n’est davantage démontrée entre eux de sorte que le dol que celui-ci aurait commis ne peut lui être reproché.

Elle ajoute qu’au moment des cessions, elle ignorait la situation économique et financière de la société cédée. Ainsi, si les comptes certifiés par le commissaire aux comptes pour l’exercice clos le 31 décembre 2017 révélaient un résultat déficitaire, un plan de réduction du déficit était prévu sur cinq ans, et ce commissaire aux comptes n’a déclenché la procédure d’alerte que le 1er mars 2019. L’appelante fait valoir qu’elle demeurait créancière principale de cette société et actionnaire pour en avoir conservé encore 400 actions, mais que, pour autant, elle ne pouvait avoir plus ample connaissance des difficultés économiques que n’en avait alors ce commissaire aux comptes.

En outre, l’absence de toute diligence des cessionnaires comme de toute démarche de leur part auprès d’elle exclut que leur erreur ait pu être déterminante sur l’opération envisagée.

Et enfin, l’appelante rappelle que le non respect de l’obligation pré-contractuelle d’information n’est plus retenue comme constitutive d’une réticence dolosive et pouvant de ce chef affecter la validité de l’acte même, mais ouvre seulement droit à indemnisation.

***

Les intimés demandent quant à eux à la Cour, au visa des articles 1302, 1302-1, 1130, 1131, 1137, 1138 et 1139 du code civil, de :

« Dire et juger que la transaction ayant entraîné le versement de la somme totale de 220.000 euros s’est inscrite dans un processus dolosif et en conséquence annuler cette transaction et ainsi prononcer la restitution des sommes perçues par (l’appelante),

En conséquence,

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nîmes dans toutes ses dispositions,

Condamner (l’appelante) à payer la somme de 3.000 € à chaque intimé en application de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens. »

Ils expliquent avoir acquis les actions de la société XF pneus parce qu’ils avaient confiance en l’ancienneté, la notoriété et le volume d’activité du groupe de la société appelante et parce que sa situation leur était présentée comme connaissant un important développement nécessitant de nouveaux investissements.

Aussitôt après les cessions, les deux dirigeants de la société FB invest et de XF pneus auraient « disparu », et ils auraient appris des salariés la situation financière catastrophique de la société dont ils venaient d’acquérir des parts ainsi que le « pillage en règle des actifs de la société le 13 février 2019 » qu’aurait organisé le dirigeant de la société appelante, « scellant définitivement la déconfiture de la société ».

Ils soutiennent que l’implication du dirigeant de la société FB invest dans la gestion de la société XF pneus est profonde et ancienne, qu’elle va au-delà de ce que serait celle d’un simple actionnaire même majoritaire, de telle sorte qu’il était devenu le véritable dirigeant de fait de cette société, donnant des instructions directes aux salariés, fixant les règles de facturation des clients, gérant la communication avec les partenaires de la société, et ayant mainmise sur ses comptes bancaires.

L’appelante avait ainsi toutes les informations nécessaires à la juste valorisation des actions et a caché toutes ces informations aux intimés lors de la vente.

Elle leur a également dissimulé qu’elle avait, en sa qualité de fournisseur et d’actionnaire majoritaire, privé la société de son stock et de son principal fournisseur début août 2018.

Ce faisant, elle a obtenu un consentement qui était vicié par des man’uvres dolosives commises par le dirigeant de la société XF pneus, agissant au nom de l’appelante dans le cadre de la vente sous contrainte de l’appelante qui lui a donné des instructions claires.

***

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur le fond :

L’article 1130 du code civil dispose que « l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné ».

L’article 1137 suivant -dans sa version en vigueur à la date des cessions litigieuses et donc antérieurement au 1er octobre 2018- précise que « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ».

Enfin, l’article 1138 du même code ajoute que « le dol est également constitué s’il émane du représentant, gérant d’affaires, préposé ou porte-fort du contractant. Il l’est encore lorsqu’il émane d’un tiers de connivence ».

La validité du consentement des contractants est appréciée au moment de la formation des contrats, c’est à dire, pour les intimés, au jour où ils ont respectivement acquis leurs actions dans la société XF pneus. Civ 1è 12 juillet 2007 n°06-15.090.

Et le prononcé d’une mesure de liquidation judiciaire immédiate moins de six mois après ne suffit pas à caractériser le dol, pas plus que la fixation rétroactive de la date de cessation des paiements de la société XF pneus à une date antérieure aux cessions.

Pour autant, les événements postérieurs, s’ils n’ont évidemment pas pu avoir une incidence sur leur consentement, peuvent être utilisés pour apprécier l’existence d’un vice du consentement au moment de la formation du contrat. Com 1er mars 2011 n°10-11.260.

Enfin, c’est à la partie qui prétend que son consentement a été vicié d’apporter la preuve du dol. Com 5 octobre 2004 n°03-12.006

Il appartient donc aux intimés, pour obtenir l’annulation de leurs engagements, de démontrer qu’ils ont acquis des actions de la société XF pneus du 24 août au 26 septembre 2018 parce que leur consentement a été vicié par des manoeuvres ou une dissimulation intentionnelle de leur cocontractant -la société FB invest en la personne de son gérant- ou d’un tiers de connivence avec elle -Monsieur [A], sur un élément que ce cocontractant seul connaissait et qu’il savait déterminant pour eux.

Cet élément serait, selon leurs écritures, la situation financière compromise de la société XF pneus.

Les intimés retiennent tout à la fois dans leurs conclusions l’intervention d’un tiers de connivence, le dirigeant de la société XF pneus Monsieur [A] qui aurait « agi au nom de la société FB invest dans le cadre de la vente des actions litigieuses sous la contrainte de la société FB invest qui lui a donné des instructions claires dans le cadre de la revente de ses actions » (page 20) et le fait de la société FB invest elle-même dont le gérant serait devenu le dirigeant de fait de la société XF pneus et qui aurait volontairement dissimulé la connaissance qu’elle avait donc de la situation financière de celle-ci (pages 10 à 16).

L’appelante se prévaut principalement pour sa part de ce qu’elle n’a eu aucun contact avec les cessionnaires pour écarter toute possible man’uvre dolosive à leur égard, tout en contestant avoir géré de fait la société XF pneus.

Constitue un dol au sens de l’article 1137 du code civil, non seulement les man’uvres ou les mensonges mais encore la dissimulation intentionnelle.

L’assimilation du silence au dol se justifie par l’obligation de contracter de bonne foi et d’être loyal à l’égard de son cocontractant.

Ainsi, contrairement à ce que soutient l’appelante, l’absence de tout contact entre elle et les cessionnaires intimés -qui n’est pas véritablement contestée par eux- n’exclut pas la possibilité qu’elle soit l’auteur direct du dol en la personne de son gérant, puisque cette absence de contact constitue un silence de la part de ce cédant qui peut correspondre à une dissimulation intentionnelle d’information.

Parce qu’elle était leur cocontractante, la société FB invest se devait d’éclairer les intimés sur les éléments dont elle avait, contrairement à eux, connaissance quant aux actions de la société XF pneus qu’ils s’apprêtaient à acquérir.

Encore fallait-il donc que cette appelante ait eu pour sa part connaissance de la situation financière compromise de cette société pour que puisse lui être reprochée la dissimulation de cette information.

C’est précisément ce que soutiennent les intimés en affirmant en ce sens que le gérant de la société FB invest était devenu le dirigeant de fait de la société XF pneus.

Comme le rappelle à juste titre l’appelante, la qualité de gérant de fait impose que soit rapportée la preuve de l’exercice indépendant d’une activité positive de gestion et de direction de la société de nature à engager celle-ci. Il ne suffit pas de relever le rôle prépondérant d’une personne dans une société ni l’interventionnisme d’un associé pour assoir une telle qualification.

En l’espèce, sont produits aux débats en pièces 13, 14 et 15, plusieurs courriels adressés par le gérant de la société FB invest au dirigeant de la société XF pneus et à d’autres personnes qui seraient les salariés de cette société, en mars et juin 2018, aux termes desquels il insiste pour que soient réglées les factures fournisseurs et que soient obtenus les règlements des clients.

L’existence de ces demandes démontre en réalité que leur auteur est extérieur à la gestion de la société FB invest et sollicite de son dirigeant -qui en est destinataire- que celui-ci agisse comme il le souhaiterait.

C’est encore ce que confirme le message envoyé par un chef d’entreprise en relation commerciale avec XF pneus le 31 mai 2018, message dans lequel celui-ci s’offusque de l’interventionnisme du dirigeant de FB invest -qui agit alors au nom de sa société Fortpneus – mais lui répond qu’il ne peut pas valider sa « demande » même si il la comprend (pièce 22).

Les courriels des établissements bancaires produits en pièces 17 et 18 révèlent également que, si le dirigeant de FB invest a pu jouer un rôle dans la gestion financière de la société XS pneus (« merci de faire le point avec Mr [K] [A] au sujet de la société XF pneus et m’informer de la marche à suivre sur la gestion du compte »), c’est bien Monsieur [A] qui en demeure le seul dirigeant puisqu’il est en capacité de « mettre un terme aux pouvoirs de Mr [S] chez XF pneus » (pièce 19 également).

Enfin, la convention de prestation communiquée par les intimés en pièce 23 n’accrédite aucunement le fait que le dirigeant de la société FB invest serait devenu celui de la société XF pneus, bien au contraire, puisqu’elle porte sur la réalisation de « prestations rémunérées » confiées par XF pneus à FB invest et que l’engagement est signé pour la société XF pneus par son dirigeant Monsieur [A].

Les intimés échouent ainsi à démontrer que la société FB invest aurait acquis une information complète sur la situation de la société XF pneus parce que son dirigeant serait également le gérant de fait de celle-ci.

Pour autant, l’appelante admet dans ses écritures être à la fois l’actionnaire principal de la société XF pneus pour détenir 51% de son capital, avant cession d’actions aux intimés, l’un de ses créanciers principaux, directement et par le biais de ses deux sociétés filles, les sociétés Fort tread et Fort pneus, et être encore la caution solidaire des sommes dues par cette société à une banque à hauteur de 350.000 euros (page 8).

Et en ces qualités, la société FB invest était manifestement détentrice d’informations que ne pouvaient pas avoir les futurs cessionnaires, dont il n’est pas contesté qu’ils étaient tiers à toutes ces sociétés.

Ainsi, le 2 août 2018, le « PDG de la SAS Fb invest » sait que la société XF pneus « ne peut pour le moment régler ses factures dues envers ses principaux fournisseurs Fort pneus/ fort tread », qu’il existe un encours de plus de 2,5 millions d’euros avec cette société qu’il faut impérativement réduire sous ce seuil avant fin août « sous peine d’une mesure au TC de Montpellier », et demande à ce qu’une partie de ses stocks soit récupérée (pièce 11 des intimés).

Il savait également dès le 1er mars 2018 qu’il existe un « retard important face (au) fournisseur principal » (pièce 13), dès le 7 juin 2018 qu’il y a un retard de paiement au 31/05/2018 de 500K euros quand l’accord était de 100K euros, que XF pneus a enregistré sur le 1er bilan 2017 une perte d’ 1 M d’euros et que cette société doit en retard à Fort pneus et Fort tread 2.2 millions d’euros dont 1 million correspond à de la facturation normale. Il concluait d’ailleurs alors son courriel adressé à la société XF pneus en disant qu’il ne peut pas « tout seul faire des miracles » et qu’ « il en va de la pérennité d’XF aussi » (pièce 14).

Dirigeant de la SARL FB invest, il est également informé de ce que « les 26 véhicules d’XF appartenant à FB invest ne sont pas payés depuis 2017 », ce dont il fait état dans un message du 24 décembre 2018 (pièce 21).

Le 30 mai 2018, il met en garde les fournisseurs de XF pneus de ne plus prendre ses commandes en les informant qu’à défaut ils ne pourront être réglés (pièce 22).

Enfin, le 3 août 2018, le « point comptable » qu’il adresse au dirigeant de la société XF pneus précisément dans la perspective de la cession de ses actions, mentionne qu’à cette date, cette société doit à Fort pneus 1.167K, à Fort tread 383K, à FB invest 165K + 176K de compte courant, soit un total -après déduction des avoirs- de 3.075K, outre 150K de fournisseurs autres, et qu’elle dispose de 941K de stocks « théoriques ». Et il indique attendre sous huitaine une proposition pour le rachat de ses actions mais également pour « le remboursement de la dette envers Fort pneus/fort tread/FBI et notamment les 675K TTC restants après vente du stock et encaissements clients ».

De même, le rapport sur les comptes annuels de la société XF pneus établi par l’expert comptable le 6 juin 2018 pour l’exercice clos au 31/12/2017 et que l’appelante reconnaît avoir eu en sa possession avant de procéder à la cession de ses actions aux intimés, révèle un résultat déficitaire de -1.218.265,50 euros, avec aucun autre fonds propre que son capital social (pièce 15 de l’appelante).

Tous ces éléments démontrent que la société FB invest avait connaissance bien avant la cession de ses actions aux intimés de ce que la situation financière de la société XF pneus était non seulement difficile mais encore compromise du fait de ses dettes à son égard et à l’égard de ses sociétés filles, dette que ni ses stocks, ni ses encaissements clients n’étaient en mesure de solder. La vente du stock soldait en outre la fin de toute possible activité de la société XF pneus.

Or, il est admis par l’appelante qu’elle n’a rien confié de toutes ces informations aux intimés qui se portaient acquéreurs de ses actions dans la société XF pneus, puisque précisément, elle n’a jamais pris contact avec eux.

Rien de permet de retenir que les intimés en auraient eu une quelconque connaissance par ailleurs, ni même que les documents comptables de la société XF pneus leur auraient été communiqués avant qu’ils ne s’engagent -ce qu’ils contestent manifestement en affirmant s’être seulement fiés à la bonne réputation du cédant.

Et il est incontestable que ces informations relatives aux graves difficultés financières de l’entreprise qui affectaient les perspectives de la société cédée, faisaient peser un aléa sur la pérennité de la société, compromettaient la poursuite de son activité et donc son existence même, avaient nécessairement une incidence sur la valeur des droits sociaux qui pouvait se voir réduite à néant, de sorte que le cédant ne pouvait ignorer leur importance et que le silence qu’il a gardé à ce sujet était nécessairement intentionnel. Com 9 janvier 2019 n°17-28.725.

C’est vainement que l’appelante soutient que cette information n’était pas déterminante pour les intimés.

Les actions leur ont été vendues à 2.000 euros chacune, sans que la comparaison puisse d’ailleurs être faite avec le prix auquel elle les a elle-même acquises puisque cette information ne figure pas sur les ordres de mouvement communiqués en pièce 2 par ses soins.

Sans la dissimulation intentionnelle par la société cédante des informations relatives à la situation compromise de la société XF pneus dont elle disposait, les intimés n’auraient d’évidence pas contracté ou auraient contracté à des conditions substantiellement différentes puisqu’ils se sont portés acquéreurs de 10 à 30 actions chacun, engageant ainsi 20.000 à 60.000 euros dans une société qui n’était déjà plus viable.

La carence alléguée du dirigeant de la société XF pneus qui aurait commis des fautes, ou du commissaire aux comptes qui n’aurait lancé l’alerte que tardivement, comme soutenu par l’appelante, ne sont en tout état de cause pas de nature à l’affranchir de sa propre responsabilité.

La faute des intimés qui auraient négligé de s’informer sur la situation de la société n’est pas davantage utilement arguée par l’appelante.

En effet, en vertu de l’article 1139 du code civil, l’erreur provoquée par le dol est toujours excusable. Il n’y a pas lieu d’écarter l’existence d’un dol parce que la victime, quand bien même serait-elle un professionnel, aurait pu éviter d’être trompée sur la situation de la société en se renseignant elle-même alors qu’elle était en droit d’attendre de son cocontractant par loyauté une information utile. Com 8 mars 2016 n°14-23.135.

Surabondamment, la Cour observe que si certains des intimés exercent effectivement une activité dans le même secteur économique, rien ne permet de retenir qu’ils seraient pour autant aguerris en matière de reprise d’entreprises et de cession d’actions.

C’est ainsi à juste titre que les premiers juges ont retenu que le consentement des intimés à l’acquisition des parts sociales de la société XF pneus en aout et septembre 2018 a été vicié par le dol commis à leur égard par le cédant, la société FB invest, et qu’il convient en conséquence de prononcer la nullité de ces cessions d’actions.

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais de l’instance :

L’appelante, qui succombe, devra supporter les dépens de l’instance et payer aux intimés une somme équitablement arbitrée à 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit que la SARL FB invest supportera les dépens d’appel et payera aux intimés une somme de 2.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

La minute du présent arrêt a été signée par Madame Christine CODOL, Présidente, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


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