Directeur de Collection : 29 mars 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 21/01584

·

·

image_pdfEnregistrer (conclusions, plaidoirie)

Arrêt n°

du 29/03/2023

N° RG 21/01584

MLB/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 29 mars 2023

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 6 juillet 2021 par le Conseil de Prud’hommes de REIMS, section Industrie (n° F 18/00333)

SELARL [X] [L]

agissant en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL DEFG

prise en la personne de son associé, M. [X] [L]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par la SELARL GP AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

INTIMÉS :

Monsieur [U] [S]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représenté par Me Marion POIRIER, avocat au barreau de REIMS et par Me Neli SOCHIRCA, avocat au barreau de PARIS

L’UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA d’AMIENS

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 février 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 29 mars 2023.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Madame Isabelle FALEUR, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller faisant fonction de président et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Se prévalant de l’existence d’un contrat de travail l’ayant lié à la SARL Editions DEFG, Monsieur [U] [S] a saisi, par requête du 9 juin 2017, le conseil de prud’hommes de Reims pour la voir condamner à lui payer des rappels de salaire du 5 septembre 2007 au 31 octobre 2011, les congés payés y afférents et une indemnité de procédure.

Par jugement en date du 13 juin 2017, le tribunal de commerce de Reims prononçait la liquidation judiciaire de la SARL DEFG et désignait la SCP Tirmant [L] (Maître [X] [L]) en qualité de liquidateur judiciaire.

Le mandataire liquidateur et l’Unédic délégation AGS CGEA d’Amiens étaient appelés en la cause.

Le 1er juin 2018, le conseil de prud’hommes ordonnait le retrait du rôle de l’affaire.

L’affaire était réinscrite à la demande de Monsieur [U] [S] le 24 juillet 2018.

Il réclamait notamment la fixation d’une créance de salaire du 31 octobre 2008 au 31 octobre 2011, des congés payés y afférents, d’une indemnité de travail dissimulé et d’une indemnité de procédure au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DEFG.

Le mandataire liquidateur et l’Unédic délégation AGS CGEA d’Amiens contestaient l’existence du contrat de travail.

Par jugement en date du 18 décembre 2018, le conseil de prud’hommes de Reims, retenant que Monsieur [U] [S] n’apportait pas la preuve de l’existence d’une relation de travail ayant lié les parties, se déclarait incompétent au profit du tribunal de commerce de Reims, déboutait le mandataire liquidateur ès qualités de ses demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [U] [S] interjetait appel de la décision, et par arrêt en date du 9 octobre 2019, la cour d’appel :

– infirmait le jugement,

statuant à nouveau,

– disait compétent le conseil de prud’hommes pour trancher le litige,

– renvoyait la procédure devant le conseil de prud’hommes de Reims pour qu’il soit statué au fond,

– disait n’y avoir lieu, à ce stade de la procédure, de statuer sur les demandes respectives des parties fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– réservait les dépens.

Par jugement en date du 6 juillet 2021, le conseil de prud’hommes a :

– dit que le dépassement du délai de prescription n’est pas retenu au travers des dispositions des articles 2241 et 2242 du code civil et suivant l’arrêt de la cour d’appel de Reims du 30 mai 2017 (s’agissant d’un arrêt qui opposait la SARL L’ECRIT ET L’IMAGE, dont Monsieur [U] [S] était le gérant, à la SARL DEFG),

– dit que l’action de Monsieur [U] [S] est recevable et bien fondée,

– pris acte de l’arrêt définitif du 8 octobre 2019 de la cour d’appel de Reims qui prononce l’existence d’une relation salariale entre les parties,

– constaté la compétence de la section industrie,

– donné acte de l’intervention du CGEA AGS d’Amiens,

– fixé la créance salariale de Monsieur [U] [S] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DEFG aux sommes suivantes :

. 62218,44 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 31 octobre 2008 au 31 octobre 2011,

. 6221,84 euros au titre des congés payés y afférents,

. 10369,74 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

. 10000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure dilatoire,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision,

– débouté la SCP Tirmant-[L] et l’AGS CGEA d’Amiens de leurs demandes reconventionnelles,

– condamné la SCP Tirmant-[L] à verser à Monsieur [U] [S] la somme de 8000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens et ce compris par exception les frais prévus par l’article 10 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale.

Le 30 juillet 2021, la Selarl [X] [L] (nouvelle dénomination de la SCP Tirmant [L]) ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL DEFG, prise en la personne de Maître [X] [L] a fait appel du jugement en ce qu’il a :

– dit que le dépassement du délai de prescription n’est pas retenu au travers des dispositions des articles 2241 et 2242 du code civil et suivant l’arrêt de la cour d’appel de Reims du 30 mai 2017,

– dit que l’action de Monsieur [U] [S] est recevable et bien fondée,

– fixé la créance salariale de Monsieur [U] [S] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DEFG aux sommes suivantes :

. 62218,44 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 31 octobre 2008 au 31 octobre 2011,

. 6221,84 euros au titre des congés payés y afférents,

. 10369,74 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

. 10000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure dilatoire,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision,

– débouté la SCP Tirmant-[L] de ses demandes reconventionnelles,

– condamné la SCP Tirmant-[L] à verser à Monsieur [U] [S] la somme de 8000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens et ce compris par exception les frais prévus par l’article 10 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale.

Par ordonnance définitive en date du 6 juillet 2022, le conseiller de la mise en état a notamment dit que la demande de Monsieur [U] [S] au titre de la remise de l’attestation Pôle Emploi sous astreinte était prescrite.

Dans ses écritures en date du 16 septembre 2022, la Selarl [X] [L] ès qualités demande à la cour :

– d’infirmer le jugement et de débouter Monsieur [U] [S] de ses demandes dans la mesure où l’action engagée est irrecevable car prescrite,

en tout état de cause,

– de déclarer irrecevable, car se heurtant au principe d’arrêt des poursuites, toute demande de condamnation formulée à l’encontre de la SARL DEFG ou à l’encontre de son liquidateur judiciaire pour des causes nées antérieurement à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et rappeler que l’action de Monsieur [U] [S] ne saurait tendre tout au plus qu’à la fixation de sa créance au passif de la procédure collective de la SARL DEFG,

– de déclarer irrecevables car nouvelles les demandes visant à obtenir des dommages-intérêts en réparation du préjudice issu de la perte de retraite prétendue causé par le travail dissimulé et les demandes de dommages-intérêts pour le défaut de remise de l’attestation Pôle Emploi et du certificat de travail,

– de débouter Monsieur [U] [S] de l’ensemble de ses autres demandes,

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SCP Tirmant-[L] au versement d’une indemnité de procédure alors que celle-ci n’a jamais été présente à l’instance, seule la Selarl [X] [L] ès qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL DEFG ayant été attraite dans la cause,

– de débouter Monsieur [U] [S] de toute demande de frais irrépétibles,

– de condamner Monsieur [U] [S] à lui payer ès qualités la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel,

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SCP Tirmant [L] aux dépens, alors qu’elle n’était pas présente à l’instance,

– de condamner Monsieur [U] [S] aux dépens de première instance et d’appel.

Dans ses écritures en date du 13 septembre 2022, Monsieur [U] [S] demande à la cour de :

– juger son action et ses demandes recevables et fondées,

– débouter la Selarl [X] [L] ès qualités de ses demandes,

– confirmer le jugement sauf au titre des dispositions relatives au quantum des salaires, congés payés afférents et dommages-intérêts,

statuant à nouveau sur le quantum des sommes allouées :

– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DEFG sa créance salariale sur les trois dernières années de son contrat de travail du 31 octobre 2008 au 31 octobre 2011 aux sommes de :

. 35139 euros bruts du 31 octobre 2008 au 31 octobre 2009,

. 36017 euros bruts du 1er novembre 2009 au 31 octobre 2010,

. 36916 euros bruts du 1er novembre 2010 au 31 octobre 2011,

. 10807 euros au titre des congés payés y afférents,

– condamner la Selarl [X] [L] ès qualités à lui payer la somme de 18458 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé et en conséquence ordonner l’inscription de cette créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DEFG,

– condamner la Selarl [X] [L] ès qualités à lui payer la somme de 40125 euros en réparation du préjudice de perte de retraite causé par le travail dissimulé et en conséquence ordonner l’inscription de cette créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DEFG,

– condamner la Selarl [X] [L] ès qualités à lui payer la somme de 20000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure dilatoire et en conséquence ordonner l’inscription de cette créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DEFG,

– condamner la Selarl [X] [L] ès qualités à lui payer la somme de 4200 euros en remboursement des frais d’expert pour l’établissement du rapport sur le quantum des préjudices et en conséquence ordonner l’inscription de cette créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DEFG,

en conséquence,

– enjoindre à la Selarl [X] [L] ès qualités de corriger le relevé des créances salariales et le relevé des créances et les lui remettre sans délai à compter de la décision, sous astreinte et dans les termes qu’il détaille,

– enjoindre à la Selarl [X] [L] ès qualités de justifier de l’exécution de la décision en lui fournissant le relevé des créances mis à jour par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai de 10 jours à compter de la décision sous astreinte,

sur ses demandes reconventionnelles :

– enjoindre à la Selarl [X] [L] ès qualités de remettre à Pôle Emploi l’attestation d’emploi et le certificat de travail sans délai à compter de la décision et d’en justifier concomitamment auprès de lui sous astreinte,

– se réserver le droit de liquider l’astreinte,

– condamner la Selarl [X] [L] ès qualités à lui payer la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice moral subi du fait du refus d’envoi de l’attestation d’emploi et du certificat de travail et en conséquence ordonner l’inscription de cette créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DEFG,

– enjoindre à la Selarl [X] [L] ès qualités de corriger le relevé des créances salariales en y mentionnant que les 59902,04 euros versés par les AGS ne couvrent que les sommes allouées au titre des rappels de salaires et congés payés du 31 octobre 2008 au 31 octobre 2011,

en tout état de cause,

– juger que la décision sera opposable à l’AGS-Unédic délégation d’Amiens,

– condamner la Selarl [X] [L] ès qualités à lui payer la somme de 8000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de l’indemnité de procédure allouée en première, et ordonner l’inscription de cette créance au passif à titre de créance postérieure privilégiée frais de justice de la liquidation judiciaire de la SARL DEFG,

– condamner la Selarl [X] [L] ès qualités aux dépens en ce compris ceux de la procédure d’incident devant le conseiller de la mise en état et les frais prévus par l’article 10 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996 et en conséquence ordonner l’inscription de cette créance au passif à titre de créance postérieure privilégiée frais de justice de la liquidation judiciaire de la SARL DEFG,

– se réserver le droit de liquider l’astreinte,

– juger que compte tenu de ses fonctions de garant de la régularité de la procédure de liquidation judiciaire, la Selarl [X] [L] est solidairement responsable de l’exécution de la présente décision.

Dans ses écritures en date du 8 juillet 2022, l’Unédic délégation AGS CGEA d’Amiens demande à la cour d’infirmer le jugement, de juger Monsieur [U] [S] irrecevable en ses demandes, car prescrites, de débouter en tout état de cause Monsieur [U] [S] de l’ensemble de ses demandes et de le condamner à lui rembourser les sommes trop-perçues au titre de l’exécution provisoire du jugement dont appel à hauteur de 70704 euros et de condamner tout autre qu’elle aux dépens.

Motifs :

– Sur la prescription :

La Selarl [X] [L] ès qualités soutient que :

– l’action de Monsieur [U] [S] tendant à se voir reconnaître un statut de salarié est prescrite dès lors que la relation contractuelle a pris fin le 17 octobre 2011 et qu’il n’a saisi le conseil de prud’hommes que le 9 juin 2017, soit au-delà du délai de 5 ans qui a pris fin le 17 octobre 2016, et que l’arrêt de la cour d’appel de Reims du 9 octobre 2019 n’a pas statué sur la prescription de l’action,

– l’action de Monsieur [U] [S] tendant à la fixation d’une créance de salaires est prescrite dès lors que la relation contractuelle a pris fin le 17 octobre 2011 et qu’il n’a saisi le conseil de prud’hommes que le 9 juin 2017, soit au-delà du 17 juin 2016, calculé en application de l’article L.3245-1 du code du travail dans sa nouvelle rédaction et de l’article 2222 du code civil,

– l’action de Monsieur [U] [S] au titre de l’indemnité de travail dissimulé est irrecevable comme n’ayant pas été engagée dans le délai de 5 ans à compter du 17 octobre 2011.

Elle soutient par ailleurs que contrairement à ce que prétend Monsieur [U] [S], l’instance -à laquelle il était étranger- engagée par la société l’Ecrit et l’Image contre la société DEFG et qui a donné lieu à un arrêt de la cour d’appel en date du 30 mai 2017 ne saurait avoir eu le moindre effet interruptif de prescription, qu’en toute hypothèse si la cour d’appel dans son arrêt du 9 octobre 2019 a pu reconnaître sur la base des écritures de la SARL DEFG que Monsieur [U] [S] avait bien eu une qualité de salarié en retirant les écrits du contexte, celles-ci ne contiennent aucune reconnaissance de salaires dûs à Monsieur [U] [S], de sorte qu’il ne peut être invoqué à ce titre un aveu judiciaire interruptif de prescription.

Monsieur [U] [S] réplique que sa qualité de salarié a été définitivement tranchée par la cour d’appel de Reims dans son arrêt du 9 octobre 2019 et que l’existence ou l’absence de prescription ne saurait dès lors être valablement soulevée par l’appelante.

En toute hypothèse, il soutient que la prescription de l’action en reconnaissance de sa qualité de salarié a été valablement interrompue par l’aveu judiciaire de la SARL DEFG contenu dans ses écritures en date du 19 juin 2014 dans le cadre du contentieux commercial de sa qualité de salarié et qu’il importe peu que l’aveu intervienne dans un acte non destiné à la personne à qui cet aveu profite. Dans ces conditions, il prétend qu’un nouveau délai de 5 ans a commencé à courir à compter du 19 juin 2014 et que son action engagée le 9 juin 2017, n’est pas prescrite.

S’agissant de la demande en paiement des salaires, il soutient que la prescription qui courait jusqu’au 17 juin 2016 a été interrompue par l’aveu judiciaire, de sorte qu’un nouveau délai de 3 ans a couru à compter du 19 juin 2014 et qu’en saisissant le conseil de prud’hommes le 9 juin 2017, son action n’est pas prescrite.

S’agissant de la prescription de la demande au titre de l’indemnité de travail dissimulé, il forme des développements identiques à ceux présentés pour l’absence de prescription de la reconnaissance de son statut de salarié.

L’Unédic délégation AGS CGEA d’Amiens s’en rapporte aux écritures du mandataire liquidateur sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Les parties s’opposent sur la portée de l’arrêt définitif de la cour d’appel du 9 octobre 2019.

Dès lors que celle-ci a retenu que le conseil de prud’hommes était compétent pour connaître de la demande de Monsieur [U] [S] à l’encontre de la SARL DEFG, la qualité de salarié de ce dernier est définitivement reconnue et la Selarl [X] [L] ès qualités n’est pas recevable à soulever la prescription d’une action en reconnaissance du statut de salarié, laquelle se heurte à l’autorité de chose jugée.

C’est à tort en revanche que Monsieur [U] [S] soutient que l’arrêt, en retenant sa qualité de salarié a écarté toute prescription, une telle reconnaissance étant sans effet sur la recevabilité de l’action en paiement des salaires et au titre de l’indemnité pour travail dissimulé, et alors même qu’il ne ressort nullement du dispositif de l’arrêt que la cour se soit prononcée sur la prescription de telles actions.

S’agissant de l’action en paiement au titre des salaires, les parties s’accordent sur le fait que le délai butoir pour agir était fixé au 17 juin 2016.

Un tel délai peut être interrompu par la reconnaissance du droit du créancier figurant dans un document qui ne lui est pas adressé s’il contient l’aveu non équivoque par le débiteur de l’absence de paiement.

Les parties sont en désaccord sur la portée du contenu des écritures de la SARL DEFG en date du 19 juin 2014 dans le cadre du contentieux commercial qui l’opposait à la société l’Ecrit et l’Image.

La SARL DEFG s’exprimait en ces termes : ‘Encore une fois, la société DEFG n’est qu’une petite maison d’édition, et la qualité d’associé de Monsieur [S] et les relations de confiance font qu’il n’y a pas de contrat de direction de collection ou de directeur d’éditorial. Toutefois, ses fonctions étaient effectives, Monsieur [U] [S] disposant de cartes de visite en qualité de directeur de collection de la société DEFG’.

Cet écrit ne comporte donc aucune reconnaissance par la SARL DEFG du non-paiement des salaires.

Dans ces conditions, la prescription n’a pas été interrompue le 19 juin 2014, et l’action de Monsieur [U] [S], qui a saisi le conseil de prud’hommes le 9 juin 2017, alors qu’il aurait dû agir au plus tard le 17 juin 2016, est prescrite.

S’agissant enfin de l’action en paiement de l’indemnité pour travail dissimulé, les parties s’accordent sur la fixation du délai butoir pour agir à la date du 17 octobre 2016 au plus tard. C’est encore vainement que Monsieur [U] [S] soutient que la prescription a été interrompue à la date du 19 juin 2014, et ce pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être précédemment exposées. L’action de Monsieur [U] [S] est donc aussi prescrite à ce titre.

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

Les demandes de Monsieur [U] [S] tendant à voir fixer des créances salariales et au titre de l’indemnité de travail dissimulé au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DEFG doivent donc être déclarées irrecevables.

– Sur la remise de l’attestation Pôle Emploi et du certificat de travail sous astreinte à Pôle Emploi et sur sa justification concomitante à Monsieur [U] [S] :

Monsieur [U] [S] demande à la cour qu’il soit enjoint à la Selarl [X] [L] ès qualités de remettre à Pôle Emploi l’attestation d’emploi sous astreinte tandis que la Selarl [X] [L] ès qualités lui oppose à raison l’autorité de chose jugée attachée à l’ordonnance définitive en date du 6 juillet 2022 du conseiller de la mise en état aux termes de laquelle celui-ci a dit que la demande de Monsieur [U] [S] au titre de la remise de l’attestation Pôle Emploi sous astreinte est prescrite.

La Selarl [X] [L] ès qualités concluant au rejet de la demande de Monsieur [U] [S], et non pas à son irrecevabilité, ladite demande sera rejetée.

S’agissant de la remise du certificat de travail sous astreinte à Pôle Emploi, une telle demande doit être rejetée, en ce qu’il n’y a pas d’obligation de délivrance envers celui-ci.

Les demandes de Monsieur [U] [S] tendant à ce qu’il soit justifié de la remise desdits documents auprès de celui-ci doivent par voie de conséquence être rejetées.

– Sur les demandes de Monsieur [U] [S] tendant à obtenir la condamnation de la Selarl [X] [L] ès qualités à lui payer la somme de 40125 euros en réparation du préjudice de retraite causé par le travail dissimulé et à obtenir des dommages-intérêts à hauteur de 5000 euros en réparation de son préjudice moral du fait du refus d’envoi de l’attestation Pôle Emploi et du certificat de travail, et en conséquence ordonner l’inscription de ces créances au passif :

. Sur la recevabilité des demandes :

La Selarl [X] [L] ès qualités demande à la cour de déclarer irrecevables de telles demandes à hauteur d’appel comme étant nouvelles.

Or, s’agissant du préjudice de retraite, une telle demande est l’accessoire de la demande formée en première instance au titre de l’indemnité de travail dissimulé, puisque Monsieur [U] [S] soutient que l’infraction de travail dissimulé le prive de ses droits à la retraite, de sorte qu’elle est recevable.

S’agissant en revanche des dommages-intérêts pour refus d’envoi de l’attestation Pôle Emploi et du certificat de travail, une telle demande est nouvelle au regard des demandes initiales dont était saisie la juridiction relatives à des demandes en paiement de salaire et au titre de l’indemnité de travail dissimulé, de sorte qu’elle est irrecevable.

. Sur le bien fondé de la demande au titre du préjudice de retraite :

Une telle demande doit être rejetée, alors même que la SARL DEFG n’est reconnue débitrice d’aucun salaire envers Monsieur [U] [S].

– Sur le remboursement des frais d’expert :

Monsieur [U] [S] demande vainement à la cour de condamner la Selarl [X] [L] ès qualités à lui payer la somme de 4200 euros et à voir ordonner l’inscription de cette somme au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DEFG, s’agissant d’un rapport destiné à évaluer des préjudices qui ne sont pas retenus.

Monsieur [U] [S] doit par voie de conséquence être débouté de cette demande qu’il n’avait pas soumise aux premiers juges.

– Sur la correction des relevés de créances et leur envoi :

La demande de Monsieur [U] [S] tendant à ce qu’il soit ordonné à la Selarl [X] [L] ès qualités de rectifier les relevés de créances et à les lui envoyer est sans objet, en l’absence de toute fixation de créance.

– Sur les dommages-intérêts pour procédure dilatoire :

Les premiers juges ont fixé la créance de dommages-intérêts au profit de Monsieur [U] [S] pour procédure dilatoire au passif de la SARL DEFG à la somme de 10000 euros que celui-ci entend voir porter à la somme de 20000 euros tandis que la Selarl [X] [L] ès qualités conclut au rejet d’une telle demande.

Monsieur [U] [S] soutient que la Selarl [X] [L] ès qualités a mis en oeuvre des manoeuvres dilatoires, notamment en contestant la compétence du conseil de prud’hommes alors que la SARL DEFG ‘avouait’ qu’il avait la qualité de salarié, puis en contestant la compétence de la section industrie, et en continuant à contester sa qualité de salarié dans ses écritures après l’arrêt définitif de la cour d’appel du 9 octobre 2019, en développant des arguments d’opportunité en première instance et des analyses juridiques erronées, en faisant appel sans invoquer aucun fait sérieux de nature à renverser l’analyse des premiers juges, en saisissant le conseiller de la mise en état pour rallonger la procédure et en lui demandant de renvoyer l’affaire au fond, lesquelles sont à l’origine d’un préjudice à la fois financier et moral.

La Selarl [X] [L] ès qualités conteste à raison la caractérisation d’une faute à son endroit alors que son comportement n’a pas visé à retarder la procédure mais à exercer son droit de se défendre en justice, jusqu’en appel -en saisissant le conseiller de la mise en état comme l’intimé d’un incident- aux termes duquel Monsieur [U] [S] a échoué en toutes ses prétentions financières.

Dans ces conditions, Monsieur [U] [S] doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure dilatoire et le jugement doit être infirmé en ce sens.

– Sur la demande tendant à voir dire la Selarl [X] [L] solidairement responsable de l’exécution de la décision :

La Selarl [X] [L] ès qualités fait à raison valoir qu’aucune demande de Monsieur [U] [S] ne saurait prospérer à l’encontre de la Selarl [X] [L] à titre personnel dès lors qu’elle n’est pas en la cause.

Dès lors qu’elle ne conclut toutefois pas à l’irrecevabilité de cette demande mais à son rejet, Monsieur [U] [S] en sera débouté.

– Sur la demande de l’Unédic délégation AGS CGEA d’Amiens :

L’Unédic délégation demande la condamnation de Monsieur [U] [S] à lui rembourser les sommes trop perçues au titre de l’exécution provisoire du jugement.

Cependant, l’arrêt infirmatif constituant le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, il n”y a pas lieu de statuer sur la demande de l’Unédic délégation AGS CGEA d’Amiens.

**********

Partie succombante, Monsieur [U] [S] doit être condamné aux dépens de première instance et d’appel en ce compris ceux de l’incident ayant donné lieu à l’ordonnance du 6 juillet 2022, débouté de ses demandes d’indemnité de procédure au titre des deux instances et condamné en équité à payer à la Selarl [X] [L] ès qualités la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Par ces motifs :

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Statuant dans les limites de l’appel ;

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit la Selarl [X] [L] ès qualités irrecevable à soulever la prescription de l’action en reconnaissance du contrat de travail ;

Dit Monsieur [U] [S] irrecevable en ses demandes tendant à voir fixer des créances de salaires et au titre de l’indemnité pour travail dissimulé au passif de la liquidation judiciaire de la SARL DEFG ;

Déclare Monsieur [U] [S] irrecevable en sa demande de dommages-intérêts pour remise tardive de l’attestation Pôle Emploi et du certificat de travail ;

Déboute Monsieur [U] [S] de ses demandes de dommages-intérêts au titre du préjudice pour perte de retraite, de remboursement de la somme de 4200 euros, de remise à Pôle Emploi de l’attestation Pôle Emploi et du certificat de fin de travail et de justification concomitante auprès de lui sous astreinte, de dommages-intérêts pour procédure dilatoire et d’indemnité de procédure au titre des deux instances, ;

Dit la demande de rectification des relevés de créance et d’envoi desdits relevés sans objet ;

Déboute Monsieur [U] [S] de sa demande à l’encontre de la Selarl [X] [L] à titre personnel ;

Déclare le présent arrêt opposable à l’Unédic délégation AGS CGEA d’Amiens ;

Condamne Monsieur [U] [S] à payer à la Selarl [X] [L] ès qualités la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Dit n”y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l”exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;

Condamne Monsieur [U] [S] aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris ceux de l’incident ayant donné lieu à l’ordonnance du 6 juillet 2022.

LE GREFFIER LE CONSEILLER