AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Baker Spielvogel Bates (BSB), venant aux droits de la société anonyme Ted Bates, dont le siège est … (Hauts-de-Seine), en cassation d’un arrêt rendu le 2 octobre 1992 par la cour d’appel de Versailles (5e chambre, section B), au profit de M. Gilles X…, demeurant … (Val-de-Marne), défendeur à la cassation ;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 1er juin 1994, où étaient présents :
M. Lecante, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Brissier, conseiller rapporteur, MM. Carmet, Boubli, conseillers, Mme Bignon, conseiller référendaire, M. de Caigny, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Brissier, les observations de la SCP Lesourd et Baudin, avocat de la société Baker Spielvogel Bates, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. X…, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les deux moyens réunis :
Attendu que, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 2 octobre 1992), M. X…, employé en qualité de « directeur artistique » par la société Baker Spielvogel Bates (BSB), venant aux droits de la société Ted Bates, a été licencié le 19 octobre 1989, pour faute grave en raison des faits énoncés dans la lettre de licenciement comme suit :
« Nous vous avions confié en mars 1989 la création d’annonces publicitaires pour notre client… que vous étiez chargé d’élaborer avec… Vous avez utilisé à notre insu une campagne « Nescafé » en Angleterre pour réaliser ce qui constitue à l’évidence un plagiat… » ;
Attendu que la société BSB fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents, d’une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’au remboursement à l’ASSEDIC d’indemnités de chômage versées à M. X…, alors, selon le premier moyen, que, d’une part, la faute grave reprochée était d’avoir commis un plagiat ;
qu’il incombait aux salariés soutenant avoir commis le plagiat reproché, au su de leurs supérieurs hiérarchiques et avec leur assentiment, d’établir cette connaissance et cet accord ; qu’en déclarant qu’il y avait doute à cet égard, devant profiter au salarié, la cour d’appel a donc violé, par refus d’application, l’article 1315 du Code civil et, par ailleurs, par fausse application, l’article L. 122-14-3 du Code du travail, exclusivement applicable à la cause réelle et sérieuse ; alors que, d’autre part, la société BSB, venant aux droits de la société Ted Bates conseil, soutenait et démontrait que celle-ci avait eu connaissance de l’existence du plagiat par sa cliente, en octobre 1989, au moment des premières publications de l’annonce litigieuse ; que la cour d’appel a déclaré que l’employeur aurait eu connaissance des faits plus tôt et a, en conséquence, déclaré ces faits prescrits, en se
fondant sur la seule attestation de Mme Y…, évoquée en termes dubitatifs, et a, par conséquent, violé les articles 455 du nouveau Code de procédure civile et L. 122-44 du Code du travail ; alors que, selon le second moyen, la disqualification d’une faute grave ne prive pas pour autant le licenciement de cause réelle et sérieuse ;
qu’en l’espèce, en écartant d’emblée l’existence d’une cause réelle et sérieuse par les mêmes motifs que la faute grave, sans rechercher si le plagiat reproché à M. X… constituait à lui seul une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 122-14-4 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d’appel, qui a relevé que le plagiat n’avait pas été réalisé ni utilisé à l’insu de l’employeur, a pu en déduire que les faits invoqués dans la lettre de licenciement ne constituaient pas une faute grave et a décidé, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation qu’elle tient de l’article L. 122-14-3 du Code du travail que le licenciement ne procédait pas d’une cause réelle et sérieuse ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur la demande formée au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que M. X… sollicite sur le fondement de ce texte l’allocation d’une somme de 11 860 francs ;
Attendu qu’il y a lieu d’accueillir cette demande ;