Directeur artistique : décision du 25 septembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/04631

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Directeur artistique : décision du 25 septembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/04631
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8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°302

N° RG 20/04631 –

N° Portalis DBVL-V-B7E-Q6ST

Mme [I] [G]

C/

Etablissement Public LE THEATRE DE [Localité 2], CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL DE BRETAGNE

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me Christophe LHERMITTE

– Me Gaëlle PENEAU-MELLET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 1er Juin 2023

devant Monsieur Philippe BELLOIR, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Septembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [I] [G]

née le 15 Janvier 1985 à [Localité 4] (27)

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]

Comparante à l’audience, ayant Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée à l’audience par Me Caroline COUTE, Avocat plaidant du Barreau de LORIENT

INTIMÉ :

L’Etablissement Public LE THEATRE DE [Localité 2], CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL DE BRETAGNE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Gaëlle PENEAU-MELLET de la SELARL PENEAU & DOUARD AVOCATS ASSOCIÉS, Avocat au Barreau de RENNES

Mme [G] a été embauchée comme responsable administratif et financier le 1er janvier 2018 par l’EPIC THEATRE DE [Localité 2], dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, assorti d’une période d’essai de trois mois. Elle bénéficiait d’une convention de forfait en jours de 217 jours annuels.

Des difficultés relationnelles sont apparues entre Mme [G] et sa hiérarchie, notamment M. [M], le directeur adjoint administratif et financier.

Mme [G] a été placée en arrêt maladie à deux reprises, le 1er octobre 2018, pour une semaine et le 17 décembre 2018, pour la même durée.

Le 1er octobre 2018, Mme [G] a écrit à M. [R], le directeur artistique, pour se plaindre du comportement de M. [M] à son encontre.

Au cours de son second arrêt maladie, Mme [G] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement fixé au 9 janvier 2019 avec mise à pied à titre conservatoire.

Mme [G] a saisi la médecine du travail, qui a, le 16 janvier 2019, écrit à l’employeur sur la situation de la salariée.

Le 31 janvier 2019, Mme [G] a été licenciée pour faute grave, motif pris d’accusations infondées à l’encontre de M. [M], et du non accomplissement de certaines de ses missions.

Le 8 février 2019, Mme [G] a envoyé un courrier recommandé à son employeur dans lequel elle contestait les griefs fondant son licenciement.

Le 10 avril 2019, Mme [G] a saisi le Conseil de prud’hommes de Lorient aux fins notamment de :

‘ Dire et juger que son licenciement est nul à titre principal ou subsidiairement dénué de cause réelle et sérieuse,

‘ Condamner l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] à lui verser :

– 7.000 € de dommages et intérêts pour atteinte à la santé,

– 10.725 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1.072,50 € bruts d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

– 1.266,14 € d’indemnité de licenciement,

– 28.600 €, à titre principal, de dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de travail pour licenciement nul comme résultant des faits de harcèlement moral et de discrimination,

– 14.300 €, à titre subsidiaire, de dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de travail pour licenciement abusif.

La cour est saisie de l’appel régulièrement interjeté le 1er octobre 2020 par Mme [G] contre le jugement du 10 septembre 2020, par lequel le Conseil de prud’hommes de Lorient a :

‘ Dit et jugé que le licenciement de Mme [G] était fondé,

‘ Débouté Mme [G] de l’ensemble de ses demandes,

‘ Condamné Mme [G] à verser à l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] la somme de 750 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Condamné Mme [G] aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 9 mai 2023, suivant lesquelles Mme [G] demande à la cour de :

‘ Infirmer en toutes ses dispositions le jugement en ce qu’il l’a déboutée de toutes ses demandes à l’encontre de l’EPIC THEATRE DE [Localité 2],

‘ Condamner l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] à lui verser des dommages et intérêts pour atteinte à sa santé à hauteur de 7.000 € au titre de l’exécution de son contrat de travail sur le fondement de l’article L.1152-1 du code du travail,

‘ Infirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que son licenciement était fondé,

A titre principal,

‘ Dire et juger que son licenciement est nul,

‘ Condamner l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] à lui verser les sommes suivantes :

– 10.725 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis de 3 mois de salaire,

– 1.072,50 € à titre de congés payés afférents,

– 1.266,14 € à titre d’indemnité de licenciement,

– 28.600 € à titre de dommages et intérêts au titre de la nullité de son licenciement,

Subsidiairement,

‘ Dire et juger que son licenciement pour faute grave est abusif,

‘ Condamner l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] à lui verser les sommes suivantes :

– 10.725 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis de 3 mois de salaire,

– 1.072,50 € à titre de congés payés afférents,

– 1.266,14 € à titre d’indemnité de licenciement,

– 14.300 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ Ordonner à l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] de lui remettre sous astreinte de 50 € par jour de retard commençant à courir à compter de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Rennes un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, un reçu pour solde de tout compte et un bulletin de salaire rectifié,

En tout état de cause,

‘ Ordonner la majoration de l’intérêt légal des sommes à caractère salarial à compter de la saisine du Conseil des prud’hommes de Lorient et à compter de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Rennes pour les sommes présentant un caractère indemnitaire,

‘ Condamner l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Condamner le même aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 26 janvier 2021, suivant lesquelles l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] demande à la cour de :

‘ Confirmer en tous points le jugement,

‘ Dire :

– que le licenciement de Mme [G] est fondé sur une faute grave,

– qu’il ne peut être relevé aucun harcèlement moral à l’endroit de Mme [G],

‘ Débouter Mme [G] de l’ensemble de ses demandes,

‘ La condamner à verser à l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ La condamner aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 11 mai 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions régulièrement notifiées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral :

Mme [G] fait valoir l’attitude agressive et les humiliations de M. [M] à son égard. Elle reproche à son employeur de ne pas lui avoir transmis de fiche de poste précise, l’empêchant de distinguer ses tâches de celles de M. [M] et ne pas l’avoir formé en comptabilité publique. Elle lui reproche également de l’avoir licenciée au moment même où intervenait le psychologue du travail, suite à une sollicitation des délégués du personnel en ce sens auprès de la direction.

Mme [G] se plaint des agissements suivants de son supérieur M. [M] :

– lui déléguer des dossiers pour finalement les reprendre, ou lui donner des tâches isolées avec des consignes floues,

– ne lui laisser aucune possibilité de s’exprimer et de se défendre,

– lui avoir répondu que ce n’est pas le sujet en présence d’autres salariés lorsqu’elle a lui posé une question,

– lui avoir refusé de se rendre à des répétitions,

– lui couper la parole quand elle pose une question en lui indiquant que sa question est totalement inintéressante,

– dénigrer ses propositions de travail,

– lui demander de nombreux documents et précisions en fin de matinée dans le seul et unique but de faire un point à 14h, lui laissant ainsi très peu de temps.

Pour confirmation à ce titre, l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] fait valoir essentiellement que Mme [G] a multiplié les fautes dans l’exercice de ses missions, que celles-ci étaient précisées dans son contrat de travail et que ne supportant pas de devoir rendre des comptes, elle aurait décidé de camoufler la situation par des allégations d’harcèlement moral à l’encontre de M. [M].

Selon les termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, même sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en ouvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte de ces dispositions et de l’article L.1154-1 du même code en sa rédaction applicable au litige que lorsque le salarié présente des éléments de faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral, il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [G] produit :

– un courriel du 7 juin 2018 adressé à M. [M], où elle lui fait part de son incompréhension quant aux objectifs attendus et au fonctionnement entre eux. Elle se plaint de s’être fait retirer le dossier de la médecine du travail qu’il lui avait délégué. Enfin, elle remarque que les tâches confiées le sont sans être inscrites dans la globalité du projet, et que les consignes sont floues. Elle demande également à M. [M] de refaire un point sur la répartition de leurs missions (pièce n°2).

– un courriel du 1er octobre 2018 adressé à M. [R], où elle lui relate des difficultés entre elle et M. [M], consignées dans son carnet. Ainsi, le 21 août 2017, elle note que M. [M] s’est énervé suite à une réorganisation des fichiers informatiques effectuée par Mme [G]. Elle dit n’avoir eu aucune possibilité de se défendre et que les larmes lui seraient venues aux yeux. Le 11 septembre, elle relate des remontrances de M. [M] consécutives au fait qu’elle ait assisté à des répétitions. Le 25 septembre, elle raconte s’être faite rabrouée par M. [M] en réunion. Des collègues et délégués du personnel se seraient étonnés auprès de Mme [G] de l’attitude de M. [M] à son égard. Du 25 au 27 septembre, il ne lui aurait plus adressé la parole. En février 2018, il lui aurait dit : ‘ce que tu fais ne sert à rien, tu n’as pas inventé l’eau chaude’ (pièce n°3).

– un second courriel adressé à M. [R] le 17 décembre 2018, où elle lui indique être à bout de forces et ne plus être capable de supporter sa vie professionnelle, d’où son arrêt de travail (pièce n°4).

– un courrier du 16 janvier 2019 du médecin du travail, le Docteur [B], adressé à M. [R], lui demandant de faire intervenir un psychologue pour l’ensemble du personnel et où il s’inquiète de la situation de Mme [G] qui l’a contacté sur ses difficultés. Il l’estime en ‘grande souffrance’ (pièce n°7).

– un courriel du 10 janvier 2019, adressé à M. [R], où elle reprend son journal de la fin de l’année 2018 afin d’expliquer qu’en l’absence de M. [M], arrêté, elle a eu des difficultés à effectuer les tâches normalement du ressort de son supérieur et qu’elle a du annulé ses congés pour pallier ce qu’elle estime être une surcharge de travail. Elle déplore également ne pas avoir reçu de formation en comptabilité publique. Elle s’estime épuisée après des reproches subis pour un oubli sur une tâche qui n’aurait pas été la sienne et pour laquelle elle n’aurait pas eu assez d’informations. Elle ajoute que cela ne correspond pas à la répartition des missions décidée en mars 2018. Elle reproche enfin à M. [R] de lui avoir proposé une rupture conventionnelle, et demande à ne plus travailler sous l’autorité de M. [M] (pièce n°5) .

– une attestation de M. [U], délégué du personnel, relatant avoir reproché à M. [R] de convoquer Mme [G] à un entretien préalable sans faire la lumière sur les faits de harcèlement moral (pièce n°18).

– un jugement du pôle social du Tribunal de grande instance de Quimper du 19 août 2019, qui a reconnu comme accident du travail le choc émotionnel subi par une autre collègue, Mme [K], lors d’un entretien le 23 avril 2018 avec M. [M] (pièce n°20).

– un questionnaire AUDIENS complété par le médecin de Mme [G] le 16 avril 2020, qui conclut que son arrêt de travail est du à une anxiété généralisée réactionnelle (pièce n°26).

– les courriers établis par le médecin généraliste de Mme [G], le Docteur [V], le 1er octobre 2018 et le 11 mars 2019, constatant notamment qu’elle présentait un ‘syndrome anxio-dépressif réactionnel important apparu fin 2018 dans un contexte professionnel’ (pièces n°13 et 15).

– l’attestation de sa psychologue clinicienne, Mme [E], qui précise la recevoir depuis le mois de juin 2018 et qu’à partir du mois d’août 2018 Mme [G] a ‘évoqué de plus en plus dans ses séances ses craintes concernant son supérieur hiérarchique direct’ (pièce n°16).

Mme [G] présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

En défense, l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] conteste tout harcèlement moral.

Il avance à ce titre les éléments suivants :

– le contrat de travail de Mme [G] et notamment les dispositions relatives aux fonctions de la salariée qui comportent cinq rubriques (responsabilité financière, responsabilité administrative, ressources humaines, collaboration avec l’ensemble des services, missions générales ), lesquelles sont détaillées en sous missions et notamment l’élaboration, la préparation et l’exécution du budget principal dans la rubrique financière, ainsi que la préparation et le suivi des demandes de subvention dans la rubrique administrative (pièce n°1).

– un courriel de M. [X] à M. [M] du 21 septembre 2018, ainsi que des courriels de ce dernier à Mme [G] les jours suivants, d’où il ressort que la salariée n’a pas transmis des éléments demandés par M. [X] (pièce n°6).

– un courriel du 20 juin 2018 de M. [M] à Mme [G], où il la relance sur de nombreuses tâches et fait état de retards et d’absence de nouvelles données (pièce n°7).

– un rapport du cabinet ProfilCulture Conseil du 12 décembre 2018, préconisant la mise en place d’un organigramme fonctionnel (pièce n°14).

– les arrêts de travail de M. [M] (pièces n°10 à 13).

– la restitution générale du 15 octobre 2019 de l’accompagnement du psychologue du travail ayant commencé en décembre 2018 concluant à l’adhésion de l’équipe aux valeurs et au sens du projet artistique, un plaisir à travailler, un fonctionnement plus rassurant du trio de direction qu’il y a 1 ou 2 ans. Il évoque enfin l’amélioration de la situation psycho-sociale, suite à l’auto évaluation positive de leur conditions de travail de 20 salariés sur 29 (pièce n°19).

– un courriel de M. [M] adressé à M. [R] du 18 décembre 2018, où il liste 17 messages envoyés à Mme [G], dont 8 individualisés et note que sa destinataire ne lui a répondu que deux fois (pièce n°21).

– un courriel de Mme [G] envoyé à M. [R] le 26 octobre 2018, où elle admet que la mise en place de la maquette budgétaire de 2019 devait attendre fin novembre-début décembre 2018, ainsi qu’un courriel de M. [M] à Mme [G] du 17 décembre 2018, où il lui demande ce qu’il en est de la maquette budgétaire. Enfin, un courriel de M. [X] à M. [M] du 4 janvier 2019, lui indiquant qu’il n’avait pas reçu la maquette budgétaire de 2019 de la part de Mme [G] (pièces n°4, 9, 5, et 22).

L’employeur relève que Mme [G] reconnaît qu’un point avait été fait sur la répartition des missions en février 2018 ‘Nous avions fait un point en février dernier sur tes missions à toi et les missions qui sont les miennes’. Il note également qu’elle fait mention de M. [X], et il explique que celui-ci intervenait en soutien des fonctions de Mme [G] (pièce adverse n°2).

De même, il souligne que Mme [G] admet le reproche sur les caisses enregistreuses en ce qu’elle ‘reconnais mon erreur de ne pas avoir solutionné le problème plus en amont’ (pièce adverse n°3).

Il ressort des éléments apportés par l’employeur que Mme [G] n’a pas réalisé des missions explicitement prévues dans son contrat de travail, à savoir l’élaboration du budget et le suivi des demandes de subvention pour l’année 2019 et qu’un point sur la répartition de ses tâches avec M. [M] avait déjà été fait en début d’année 2018.

Aussi à l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] démontre que les faits présentés par Mme [G] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ou ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement ; en effet les échanges entre la salariée et M. [M] sont des correspondances professionnelles qui ne caractérisent aucune faute ni aucun abus de la part du supérieur hiérarchique de Mme [G] lequel ne fait qu’exercer son pouvoir hiérarchique en exprimant ses attentes et ses insatisfactions à l’égard du travail réalisé par Mme [G].

Le moyen tiré du harcèlement est donc rejeté.

Par suite, le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a débouté Mme [G] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Sur la nullité du licenciement

Compte tenu de ce qui précède s’agissant du harcèlement moral, Mme [G] sera déboutée de sa demande principale de nullité de son licenciement.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur le licenciement pour faute grave

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

Selon l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du même code que le salarié licencié pour faute grave n’a le droit ni à l’indemnité de préavis, ni à l’indemnité de licenciement.

En matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Par ailleurs, les juges qui constatent que l’employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire, doivent examiner l’ensemble des motifs mentionnés dans la lettre de licenciement et doivent dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse s’ils retiennent qu’aucun d’entre eux ne présente de caractère fautif.

En l’espèce, les faits reprochés au salarié selon la lettre de licenciement datée du 31 janvier 2019 (pièce n°20 de l’employeur ) sont les suivants :

‘[…] Je vous notifie, par la présente, votre licenciement pour faute grave et ce pour les motifs suivants et qui vous ont été présentés lors de cet entretien :

– Vous n’avez eu de cesse de dénigrer et de porter des accusations injustifiées à l’encontre de votre hiérarchie et notamment de votre supérieur hiérarchique, Monsieur [M], tant auprès des délégués du personnel qu’auprès de divers interlocuteurs (médecine du travail, inspection du travail) ou les membres de votre équipe par SMS.

Vos propos touchent à sa vie personnelle et l’ont profondément affectés. Ce dernier a d’ailleurs fait part de son désarroi à la médecine du travail, par mail du 21 janvier 2019, décrivant l’acharnement dont vous faites preuve à son égard.

En réalité, votre comportement irrationnel compromet gravement le climat social de l’entreprise, voir le met en péril.

J’avais en effet ‘uvré au cours du mois de novembre, avec l’aide d’un psychologue du travail et l’assistance de nos délégués du personnel, pour rétablir un climat serein au sein du théâtre. J’avais ainsi initié diverses mesures, conscient que je devais préserver la santé et la sécurité des salariés du théâtre. Ainsi, j’avais notamment organisé un audit mené par le psychologue du travail permettant de réorganiser le travail de chacun et une formation au management de Monsieur [M], à son retour d’arrêt maladie. J’ai strictement associé la médecine du travail et l’inspection du travail à ces démarches.

La situation s’était considérablement améliorée et pacifiée au sein du Théâtre. Ces mesures ont été purement et simplement anéanties par vos accusations incessantes et infondées au cours du mois de décembre 2018, créant de nouveau le chaos parmi nos salariés et nos délégués du personnel.

– En réalité, celles-ci n’ont été menées que pour dissimuler vos diverses carences professionnelles, qui vous sont reprochées depuis plusieurs mois. Et cette tentative de déstabilisation a été instrumentalisée par vos soins et dans votre seul intérêt, sans vous préoccuper des conséquences dramatiques sur le Théâtre.

– Ainsi, début janvier 2019, j’ai constaté que vous n’avez réalisé aucun document pour préparer le BP 2019. J’ai pu constater qu’aucun élément ne figurait sur le serveur pour aider le montage budgétaire.

Ainsi, vous deviez, avant le 1er décembre, apporter la révision de la maquette budgétaire (mission lancée par PFC et [N] [Y] [X]),ajuster la ressource sociale permanente pour 2019 et faire le point avec les services production (activités diffusions et productions), secrétariat général (communication, relations publiques, accueil public, bar, librairie), technique (activités, frais non imputables, investissement), administration (frais de fonctionnement et commandes publiques), pour les besoins 2019.

Ces manquements ont compromis le montage du budget primitif 2019, menaçant l’activité du théâtre.

– J’ai constaté de nombreux retards ou la non-réalisation de diverses tâches malgré des consignes précises : mail de relance de votre supérieur concernant unido 2017, l’emploi artistiques 2017, les régies, le budget, etc ….), l’incident concernant les tiroirs caisses et les 2 caisses du bar,

l’absence de réponse à [N] [X] malgré ses diverses relances, mon mail concernant la subvention DRAC et la demande de subvention de la ville 2019.

– Malgré l’audit mené au sein du théâtre et la redéfinition de vos fonctions, vous ne faites pas face à vos missions : les délais qui vous sont fixés pour réaliser vos tâches ne sont jamais respectés, certains sujets dont vous avez la responsabilité ne sont pas maitrisés, tels que les ressources humaines (les contrats de travail non relus par exemple), les budgets mal montés, des

relations difficiles avec l’agence comptable, des difficultés pour piloter la fin de la régie billetterie et l’utilisation faible de wimi.

J’ai pourtant fait preuve de compréhension à votre égard, essayant de trouver diverses solutions avec vous. Or, vos mails accusateurs et vos démarches incessantes auprès des DP ou d’autres interlocuteurs ne laissent présager aucune amélioration et mettent en péril le théâtre.

Lors de l’entretien préalable, vous avez nié purement et simplement ces faits, ne mesurant pas la gravité de vos actes. Je suis soucieux de préserver la pérennité du théâtre et la direction du théâtre de vos dénigrements et diverses accusations. Cette situation fait obstacle à votre maintien même temporaire dans l’entreprise.

J’ai donc le regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave.[…]’

S’agissant du grief de dénigrement injustifié de M. [M] :

Si Mme [G] estime que ces faits, anciens de plus de 2 mois, ne pouvaient donner lieu à des poursuites disciplinaires, en ce qu’elle s’est plaint de M. [M] le 1er octobre 2018 et que ses plaintes du 10 janvier 2019 suites auxquelles son employeur l’a licencié reprendraient ses premières plaintes, force est de constater que la salariée formule de nouveaux reproches dans son courriel du 10 janvier 2019, notamment ceux relatifs au mi temps thérapeutique de M. [M].

Dans ces conditions, l’employeur pouvait toujours invoquer les reproches formulés par la salariée dès le 1er octobre 2018 en ce qu’ils n’étaient pas les seuls sur lesquels il engageait son pouvoir disciplinaire.

Sur le dénigrement fautif à l’égard de M. [M], l’employeur se réfère aux courriels de Mme [G] du 1er octobre 2018 et du 10 janvier 2019 ( pièces n°3 et 5 de la salariée). Il produit un SMS non daté de Mme [G] adressée à ‘[C]’ (pièce n°3), où l’ex salariée explique être, suite à son licenciement, à disposition du conseil d’administration pour l’informer sur le climat social du théâtre. Postérieur au licenciement et par là même aux faits y ayant conduit, ce SMS ne justifie pas qu’au moment des faits, Mme [G] entendait dénigrer son supérieur.

Dans son courriel 1er octobre 2018, Mme [G] relate des difficultés entre elle et M. [M], consignées dans son carnet, dont la teneur a été rappelée plus haut. Les propos sont descriptifs et plaintifs.

Dans son courriel du 10 janvier 2019, où elle reprend son journal, elle n’accuse pas M. [M] de mentir sur sa situation de santé comme le prétend l’employeur, mais estime que son mi-temps thérapeutique ‘doit l’arranger’ avant de se reprendre : ‘ce n’est pas très bienveillant de penser ainsi’, puis d’ajouter :’si la médecine du travail le conseille alors c’est justifié’. Enfin, elle déplore que la répartition de leurs missions ne corresponde pas au mi-temps thérapeutique de M. [M] et contribue à surévaluer le pourcentage de tâches qu’il accomplit : ‘[Z] est très fort ! Il arrive à faire son travail à 100% en étant présent à 60%’.

Aucun élément ne vient établir une quelconque mauvaise foi de Mme [G] dans ses courriels. Ses propos ne comportent aucun termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, elle n’abuse pas de sa liberté d’expression.

Ce grief n’est donc pas caractérisé.

S’agissant du grief de non accomplissement de certaines de ses missions

Mme [G] explique qu’elle n’a jamais reçu de formation en comptabilité publique et qu’il avait été convenu qu’elle en reçoive une.

Sur ce point, l’employeur allègue seulement dans ses conclusions quatre formations reçues par la salariée entre le mois de décembre 2017 et le 20 décembre 2018 auprès des organismes CPWIN, TIS, Atelier verso culture et Ressources. La Cour observe que l’employeur ne justifie par aucune pièce le suivi de ces formations par la salariée.

L’employeur n’apporte à cet égard aucune information contraire à l’explication avancée par Mme [G], de sorte que ce grief ne peut être retenu.

 

Au vu de ces éléments, le comportement de Mme [G] ne rendait pas impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée de préavis et ne caractérise une faute grave, ni plus une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement entrepris sera infirmé à ce titre.

Sur les conséquences financières

Dès lors que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, M me [G] a droit à une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité légale de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

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– Sur l’indemnité légale de licenciement

En vertu de l’article L. 1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d’un contrat à durée indéterminée licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement égale à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans et 1/3 de mois de salaire par année au-delà de 10 ans d’ancienneté ; le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, soit la moyenne mensuelle des 12 derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à 12 mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement, soit le 1/3 des 3 derniers mois, et dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel versée au salarié pendant cette période n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.

Sur la base des fiches de paie versées aux débats par Mme [G] (de février 2018 à janvier 2019), il apparaît au dernier jour de la relation de travail après expiration du délai de préavis non exécuté, que Mme [G] a perçu au cours des 12 derniers mois un salaire mensuel brut moyen de 3.557,65 €, dont le montant est plus favorable la salariée que la moyenne du salaire brut de ses 3 derniers mois d’activité. C’est donc ce montant qui sera ici retenu comme salaire de référence pour le calcul de l’indemnité de légale de licenciement.

À cette même date du 31 janvier 2019, Mme [G] avait une ancienneté dans l’entreprise de 1an.

L’indemnité de licenciement due à Mme [G] est donc de : (3.557,65 x 1/4 x 1)= 889,41 €.

– Sur l’indemnité de préavis

L’article L.1234-1 2° du code du travail énonce que lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d’un mois.

Mme [G] est fondée à solliciter, l’octroi d’une somme de 3.575 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 357 € brut au titre des congés payés afférents.

– Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui répare le préjudice résultant du caractère injustifié de la perte d’emploi. Le montant de cette indemnité est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés en nombre de mois de salaire, en fonction de l’ancienneté du salarié.

En l’espèce, Mme [G] disposait d’une ancienneté, au service du même employeur, d’une année entière et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, s’agissant d’une entreprise employant habituellement plus de onze salariés, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre un mois et deux mois de salaire.

Au regard de l’ancienneté de Mme [G], de son âge lors de la rupture (34 ans), de ce qu’elle n’a pas retrouvé d’emploi avant le mois de janvier 2023, du montant mensuel de son salaire brut treizième mois compris (3.575 €), il y a lieu de lui accorder la somme nette de 7.150 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’anatocisme

En application de l’article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu’elle est régulièrement demandée ; il sera donc fait droit à cette demande de la salariée.

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe, es circonstances de l’espèce ne rendant cependant pas nécessaire d’assortir cette décision d’une mesure d’astreinte.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société intimée, qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser l’appelant des frais irrépétibles qu’il a pu exposer pour assurer sa défense.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

JUGE le licenciement de Mme [I] [G] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] à verser à Mme [I] [G] les sommes suivantes :

– 889,41 € net à titre d’indemnité de licenciement,

– 3.575 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 357,50 € brut au titre des congés payés afférents,

– 7.150 € net à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail,

DEBOUTE l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE qu’en application de l’article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l’article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

DÉBOUTE Mme [I] [G] de ses autres demandes ;

et y ajoutant,

CONDAMNE l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] à remettre à Mme [I] [G] un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes à la présente décision ;

CONDAMNE l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] à verser à Mme [I] [G] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, outre la somme déjà allouée en première instance sur ce fondement ;

CONDAMNE l’EPIC THEATRE DE [Localité 2] aux entiers dépens.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché

Ph. BELLOIR, Conseiller

 


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