Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 16 JUIN 2022
(n° 2022/ , 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10555 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA2CC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Septembre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 17/09130
APPELANTE
Madame [O], [D] [M]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Martine CHOLAY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0242
INTIMÉE
SAS C2H COMMUNICATION
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Antoine MORAVIE, avocat au barreau de PARIS, toque : J098
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 mars 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,
Madame Nelly CAYOT, Conseillère
Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère
Greffier : Madame Chaïma AFREJ, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
Par contrat de travail à durée indéterminée du 25 juillet 2016, à effet au 1er septembre 2016, Mme [O] [M] a été engagée par la SAS C2H communication en qualité d’assistante de publicité, sous le statut de cadre – niveau 7, moyennant une rémunération mensuelle brute de 3 500 euros versée sur treize mois, pour 39 heures hebdomadaires. Une période d’essai de 4 mois, renouvelable une fois, était prévue au contrat.
Mme [M] a été en congé maternité du 1er décembre 2016 au 22 mars 2017, la période d’essai arrivant à terme le 22 avril 2017. Le 20 décembre 2016, la société C2H communication a informé Mme [M] du renouvellement de sa période d’essai pour une nouvelle période de quatre mois devant se terminer le 31 août 2017.
Par courrier du 30 mars 2017, Mme [M] s’est vu notifier la rupture de sa période d’essai à effet au 31 mai 2017.
La société C2H communication occupait moins de onze salariés au jour de la rupture des relations contractuelles et est soumise à la convention collective de la presse.
Contestant la rupture de la période d’essai et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris par requête enregistrée au greffe le 7 novembre 2017, afin d’obtenir la condamnation de l’employeur à lui verser diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 12 septembre 2019, auquel il convient de se reporter pour l’exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris, section encadrement, a :
– débouté Mme [M] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné Mme [M] aux entiers dépens.
Mme [M] a régulièrement relevé appel du jugement le 17 octobre 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions d’appelante transmises par voie électronique le 16 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [M] prie la cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes et de :
– dire que la rupture de sa période d’essai est nulle ;
– condamner la société C2H communication à lui payer la somme de 65 000 euros au titre de l’indemnité de rupture ;
à titre subsidiaire,
– dire que la rupture de sa période d’essai est abusive ;
– condamner la société C2H communication à lui payer la somme de 65 000 euros à titre de dommages et intérêts à raison du caractère brutal et des motifs non inhérents aux compétences de la salariée ;
– dire que la rupture de la période d’essai emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société C2H communication à lui payer les sommes suivantes :
* 45 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10 500 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
* 1 050 euros au titre des congés payés sur préavis,
* 27 562,50 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 2 306,88 euros au titre des heures supplémentaires effectuées durant son congé maternité,
* 230,69 euros au titre des congés payés afférents,
* 35 000 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,
* 4 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la partie adverse aux entiers dépens,
– rejeter toutes demandes plus amples ou contraires.
Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée transmises par voie électronique le 4 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société C2H communication prie la cour de :
– juger irrecevables les demandes nouvelles formulées par Mme [M] en cause d’appel au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse et la demande d’indemnisation en découlant ;
– sur l’exécution du contrat de travail :
* dire que Mme [M] n’apporte pas la preuve de l’accomplissement d’heures supplémentaires,
* dire que l’infraction de travail dissimulé n’est pas caractérisée,
* confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [M] de l’intégralité de ses demandes à ce titre,
– sur la rupture du contrat de travail :
* dire que la période d’essai a été valablement convenue entre les parties,
* dire que la rupture de la période d’essai ne repose pas sur un motif discriminatoire,
* dire que la rupture de la période d’essai n’est pas abusive,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [M] de l’intégralité de ses demandes à ce titre ;
– débouter Mme [M] de sa demande relative au paiement d’une indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [M] au paiement de la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 février 2022.
MOTIVATION
Sur l’exécution du contrat de travail :
Sur l’absence de validité du recours à la période d’essai :
Mme [M] conteste la légitimité pour la société C2H communication du recours à une période d’essai dans son contrat de travail, au visa de l’article L. 1221-20 du code du travail, au regard de son passé professionnel avec le même employeur. Elle soutient qu’elle a exercé successivement les mêmes fonctions d’assistante de publicité auprès des mêmes interlocuteurs, tant au sein de la société Le Monde du regard durant 15 ans, qu’au sein des sociétés WIS, MMH ou C2H communication, lesquelles exerçaient la même activité, à savoir l’édition de revues et périodiques, sous la direction de M. [L] [N], en sa qualité de gérant de droit ou de fait, la soeur de ce dernier, Mme [Y] [N], étant associée à 30% de C2H communication.
Elle précise qu’au cours de son parcours professionnel, elle a exercé certaines de ses missions sans contrat écrit, qu’elle n’a jamais rencontré de difficulté particulière dans l’exercice de ses fonctions dès lors que les activités exercées par les différentes sociétés étaient identiques, qu’elle-même occupait le même poste et travaillait avec les mêmes interlocuteurs, les mêmes collègues, Mme [R] [X], présidente de la société C2H communication, ayant travaillé précédemment avec elle, et les mêmes clients.
Mme [M] indique qu’elle avait ainsi pour mission la coordination, le suivi technique et commercial des plans média pour plusieurs magazines professionnels de photographie et d’optique tels que Le Monde de l’Image, Le Monde de l’Optique ou encore Image Pro Magazine, ainsi que des magazines grand public comme le Guide Fnac ou Masterchef ; qu’elle se chargeait également de faire le lien avec les annonceurs et les agences de communication et de création pour la mise en ‘uvre des campagnes publicitaires et assurait le suivi production, le suivi budgétaire, qu’elle gérait elle-même le routage des magazines et le suivi des livraisons ainsi que la négociation et les devis auprès des imprimeurs et le suivi intégral de l’impression des magazines et enfin qu’elle était présente aux salons de la photographie et de l’optique et assurait la gestion de l’agenda du PDG, de ses mails y compris lors des déplacements de ce dernier en France et à l’étranger.
La société C2H communication conteste tout lien entre les différents employeurs de Mme [M] et fait valoir que :
* s’agissant de la société Le monde du regard :
– la société Le Monde du regard présidée par M. [L] [N] a été placée en liquidation judiciaire le 25 juin 2015 et la salariée licenciée pour motif économique ;
– aucun actionnaire ni mandataire social de la société Le Monde du regard n’est présent au sein de la société C2H communication, un an s’étant écoulé entre la liquidation judiciaire de l’une et la création de l’autre ;
– rien n’interdit à la société C2H communication de profiter du réseau d’affaires de la société Le Monde du regard, par l’intermédiaire de M. [L] [N] et de bénéficier de l’expertise de ce dernier ;
– la société C2H communication a développé un portefeuille de clientèle différent de celui de la société Le monde du regard représentant 70% de la clientèle ;
– la gestion de fait par M. [N] n’est pas établie ;
* s’agissant de la société MMH :
– Mme [M] a accompli des prestations pour le compte de la société MMH, entre le mois de septembre 2015 et le mois de novembre 2015, en tant que salariée de la société WIS, dont le président était M. [V], qui en était actionnaire, étant précisé que l’objectif d’édition de magazines Fnac entre décembre 2015 et mai 2016 n’ayant pas abouti, les prestations assurées par Mme [M] ont profité à la société C2H communication ;
La société C2H communication réfute, enfin, le fait que les compétences de la salariée aient été éprouvées précédemment, dès lors que le suivi budgétaire était assuré par la direction administrative et financière au sein de la société Le Monde du regard, de même que le suivi de l’impression des magazines était assuré par le directeur artistique. Elle rappelle que Mme [M] était sous la subordination de Mme [J] au sein de la société C2H communication sous les ordres de laquelle elle n’avait jamais travaillé auparavant et que les employeurs étant différents, la période d’essai se justifiait.
Aux termes de l’article L.1221-20 du code du travail, la période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.
L’employeur ne peut pas prévoir une période d’essai s’il a déjà pu tester le salarié antérieurement.
La cour relève en l’espèce, qu’il résulte des statuts de la société C2H communication que Mme [M] est actionnaire de ladite société à hauteur de 45 actions d’une valeur totale de 450 euros à la souscription, au même titre et dans les mêmes proportions que Mme [Y] [N], la présidente, Mme [R] [J], étant majoritaire avec 60 actions représentant une valeur de 600 euros.
En outre, par courriel du 4 juillet 2016, Mme [M] a elle-même envoyé à l’expert comptable de la société les modèles de contrat de travail concernant Mme [J] et elle-même et lui a communiqué les éléments la concernant personnellement quant au montant de sa rémunération, son statut de cadre, sa période d’essai d’une durée de 4 mois, renouvelable une fois, étant précisé qu’hormis la présidente et Mme [M], la société C2H communication ne comporte aucun autre salarié.
S’agissant des fonctions exercées par Mme [M] au sein de la société Le Monde du regard, il résulte du contrat de travail à durée indéterminée du 2 janvier 2001 au 30 Juillet 2015, que Mme [M], embauchée en qualité d’employée de publicité, a terminé son contrat en qualité d’assistante de publicité, sous le statut de cadre et a fait l’objet d’un licenciement pour motif économique suite à la liquidation judiciaire de la société prononcée le 22 juillet 2015, soit un an avant son embauche au sein de la société C2H communication, laquelle a été créée le 31 mars 2016.
Dès lors, la cour observe qu’il n’existe aucune communauté d’intérêts entre la société Le Monde du regard et la société C2H communication, qu’il s’agit de deux entités juridiques totalement distinctes, peu important que la société C2H communication ait repris la clientèle précédemment exploitée par la société Le Monde du regard, s’agissant du même domaine d’activité.
En outre, la cour relève que, pour la période intermédiaire, Mme [M] ne justifie que de brèves expériences professionnelles, soit l’existence d’un contrat de travail à durée déterminée avec la société WIS du 28 septembre 2015 au 25 novembre 15 et d’un emploi au sein de la société EPCH, justifié uniquemen par l’existence de 3 courriels en 2016, à savoir les 3 mars 2016, 13 mai 2016 et 22 juin 2016 sans que le poste occupé ne soit précisé.
Enfin, il résulte des attestations de M. [G], ancien collaborateur du monde du regard, que Mme [M] produit aux débats et de M. [N], communiquée par la société C2H communication, que Mme [M] ne disposait d’aucune expérience financière contrairement à ses allégations.
S’agissant de la qualité d’employeur de M. [N], la cour relève qu’ancien président de la société le Monde du regard, l’intéressé apparaît dans les pièces produites par la salariée en qualité de directeur de rédaction d’une revue ainsi qu’en tant que dirigeant de la société EPCH, prestataire de services au profit de la société C2H communication, sans qu’il ne soit établi qu’il en assure la direction de fait.
Ainsi, la société C2H communication verse aux débats l’ensemble des échanges entre Mme [M] et Mme [J] afférents à la gestion interne et l’activité commerciale de la société C2H communication, sans aucune intervention de M. [N], de sorte que Mme [M] était exclusivement et pour la première fois, sous la subordination directe de la présidente de la société C2H communication.
En conséquence de l’ensemble des éléments qui précèdent, la cour retient que la société C2H communication a légitimement prévu une période d’essai dans le contrat de travail de Mme [M], notamment en l’absence de tout transfert du contrat de la salariée par l’effet de l’article L. 1224-1 du code du travail et de contrats de travail successifs conclus entre les mêmes parties, étant rappelé que Mme [M] a parfaitement adhéré à celle-ci et y a consenti expressément.
Dès lors, la cour, suivant les premiers juges, écarte ce moyen.
Sur le caractère illicite du renouvellement de la période d’essai :
Mme [M] soutient, au visa de l’article L. 1221-21 du code du travail, que le renouvellement de la période d’essai était illégal comme n’étant autorisé ni par la convention collective des cadres et employés de la presse hebdomadaire et/ou périodique et régionale parisienne, mentionnée sur ses bulletins de paie, ni par celle des éditeurs de la presse magazine, recommandée par l’expert comptable de la société, peu important qu’elle ait accepté la clause le prévoyant .
La société C2H communication reconnaît qu’elle a procédé le 20 décembre 2016 au renouvellement de la période d’essai de Mme [M] en infraction avec les stipulations de la convention collective. Elle souligne cependant que Mme [M] a approuvé celui-ci et que la rupture est intervenue durant la période initiale, de sorte qu’aucun manquement ne peut lui être reproché à cet égard.
Aux termes de l’article L. 1221-21 du code du travail, la période d’essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement. La durée de la période d’essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser:
1° Quatre mois pour les ouvriers et employés ;
2° Six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;
3° Huit mois pour les cadres.
En l’espèce, la convention collective applicable à la relation contractuelle ne prévoyait aucun renouvellement de la période d’essai, ce qui n’est pas contesté par les parties. Dès lors, la clause du contrat de travail prévoyant son renouvellement est nulle, quand bien même la salariée l’aurait acceptée.
Il en résulte que la période d’essai, compte étant tenu de sa suspension durant le congé maternité de la salariée, expirait le 22 avril 2017.
Sur les heures supplémentaires :
Mme [M] allègue avoir été sollicitée régulièrement durant son congé de maternité par son employeur et se référe aux mails échangés entre eux durant cette période, et avoir dû gérer les factures et devis. Elle soutient par ailleurs que son statut d’associée minoritaire n’autorisait pas l’exercice d’une activité salariée durant son congé.
Elle revendique conséquemment le paiement de 80 heures supplémentaires, soit la somme de 2 306,88 euros outre les congés payés afférents à hauteur de 230,39 euros brut.
La société C2H communication conteste l’exécution d’heures supplémentaires par Mme [M], allègue que cette dernière a été remplacée durant son congé de maternité, et qu’elle a même organisé une passation des dossiers avec sa remplaçante, et ce, plus d’un mois avant le début de son congé maternité. Elle fait valoir que Mme [J] a demandé à Mme [M], à maintes reprises, de lui transmettre les codes d’accès à sa messagerie pour qu’elle puisse directement traiter ses courriels, codes qu’elle a enfin accepté de communiquer au mois de février 2017. Elle allègue que Mme [M] s’est abstenue de transmettre des mails qu’elle recevait à Mme [J], ou à sa remplaçante Mme [A] [C] ; que la salariée n’a jamais revendiqué le paiement d’heures supplémentaires accomplies pendant son congé maternité et qu’elle n’apporte pas la preuve que ces heures supplémentaires aient été demandées par son employeur.
Aux termes des dispositions conjuguées des articles L. 1225-17 et L. 1225-24 du code du travail, le congé de maternité entraîne la suspension du contrat de travail.
Durant la période de suspension du contrat de travail, les parties sont dispensées de l’exécution de leurs obligations réciproques sauf conventions contraires notamment s’agissant de la garantie de salaire.
Par ailleurs, l’article L. 3171-4 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
En outre, il résulte de ces dispositions, qu’il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, la cour observe qu’aucun décompte des heures supplémentaires dont Mme [M] se prévaut, n’est produit aux débats, la salariée se contentant de communiquer divers mails échangés avec son employeur ou des tiers entre le 1er décembre 2016 et 5 janvier 2017, revêtant un caractère professionnel.
Cependant, ces courriels étant intervenus durant la période de suspension du contrat de travail, la cour considère que Mme [M] présente des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
A cet égard, la cour relève que par courriels des 14 décembre 2016, 19 décembre 2016 et 18 janvier 2016, produits par la société C2H communication, Mme [J] a insisté auprès de Mme [M] pour obtenir le mot de passe lui permettant d’avoir accès à la messagerie professionnelle de la salariée afin de gérer ses mails et l’a incitée à se reposer.
En outre, la société C2H communication justifie que Mme [M] a été remplacée par Mme [A] [C] et il ressort de l’attestation de cette dernière et des courriels versés aux débats, que dès le mois de novembre 2016, Mme [C] a été formée par Mme [M] et que cette dernière a avisé l’ensemble des contacts de la société de son congé de maternité et de son remplacement durant cette période, précisant qu’elle conservait sa messagerie et invitant ses correspondants à mettre tous leurs messages en copie à sa remplaçante.
Enfin, l’analyse des courriels émanant de Mme [M] révèlent que pour la plupart, ils ont été adressés de sa seule initiative et non sur la demande de son employeur.
En considération des observations qui précèdent, la cour déboute Mme [M] de ce chef de demande et confirme le jugement à cet égard.
Sur le travail dissimulé :
Mme [M] se fonde sur l’existence d’heures supplémentaires et sur le fait qu’elle a travaillé sans contrat de travail sur la période de janvier à août 2016, pour revendiquer une indemnité au titre du travail dissimulé à hauteur de 35 000 euros.
La société C2H communication s’oppose à la demande, contestant l’existence des heures supplémentaires et alléguant que Mme [M] n’a pas même transmis le détail des tâches accomplies pendant son congé maternité. S’agissant de la période litigieuse de janvier à août 2016, la société C2H communication fait valoir qu’associée à hauteur de 30%, il est normal qu’elle ait contribué à la création de la société, et qu’en outre, durant cette période, elle était indemnisée par Pôle emploi. Elle soulève enfin le caractère irrecevable de la demande au regard du quantum fixé à l’article L. 8223-1 du code du travail.
Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail, en sa version applicable au litige :
‘ Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.’
Il résulte de l’article L. 8223-1 du code du travail,en sa version applicable au litige,qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
La cour n’ayant pas retenu l’existence d’heures supplémentaires, ce moyen ne saurait prospérer utilement pour fonder la demande de Mme [M].
S’agissant de l’absence de contrat de travail pour la période de janvier à août 2016, la cour a précédemment observé que Mme [M] a versé aux débats trois courriels pour justifier de son emploi durant cette période au sein de la société EPCH, selon l’adresse électronique de la salariée, société n’ayant pas été attraite dans la cause, de sorte que les demandes formées au titre de la dissimulation d’emploi à l’encontre de la société C2H communication, concernant cette période, ne sont pas fondées.
Mme [M] sera conséquemment déboutée de cette prétention et le jugement confirmé à cet égard.
Sur la rupture du contrat de travail :
Sur la nullité de la rupture de la période d’essai fondée sur un motif discriminatoire :
Mme [M] soutient que le renouvellement infondé et injustifié de sa période d’essai ne repose que sur une volonté non dissimulée de l’employeur tendant à s’assurer de la possibilité de rupture du contrat au retour de son congé maternité
.
Elle sollicite la somme de 65 000 euros correspondant à 18 mois de salaires compte tenu de son ancienneté et de l’important préjudice financier résultant de la perte de son emploi.
La société C2H communication conteste toute forme de discrimination et soutient que Mme [M] est défaillante dans l’administration de la preuve de celle-ci.
Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, ‘Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi N°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3 de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.’
L’article L. 1231-1 du code du travail dispose que pendant la période d’essai, les règles relatives à la rupture du contrat de travail ne sont pas applicables, l’employeur comme le salarié peuvent mettre fin au contrat sans avoir à motiver cette décision.
Si les dispositions protectrices de la femme enceinte exposée à un licenciement ne s’appliquent pas pendant cette période, il ressort toutefois de l’aticle L. 1225-1 du code du travail que l’état de grossesse d’une salariée ne doit pas être la cause de la rupture de cette période d’essai.
En outre, aux termes de l’article L. 1225-2 du code du travail, la femme candidate à un emploi ou salariée n’est pas tenue de révéler son état de grossesse, sauf lorsqu’elle demande le bénéfice des dispositions légales relatives à la protection de la femme enceinte.
Enfin l’article L. 1225-3 du code du travail précise qu’ en cas de litige relatif à l’application des articles L. 1225-1 et 1225-2, l’employeur communique au juge tous les éléments de nature à justifier sa décision. Lorsqu’un doute subsiste, il profite à la salariée enceinte.
En l’espèce, comme le souligne à juste titre la société C2H communication, la rupture de la période d’essai est intervenue durant la période initiale et non au cours du renouvellement de la période d’essai, à l’issue du congé de maternité et alors que Mme [M] ne se trouvait plus en état de grossesse.
Enfin, la cour relève que l’employeur avait eu connaissance préalablement àl’embauche de Mme [M] de son état de grossesse, ce qui n’est pas contesté par la salariée et résulte des échanges de SMS du 29 juin 2016 et qu’en outre, il s’est réjoui de l’évènement par l’envoi de messages amicaux suite à l’accouchement, les 10 et 11 janvier 2017.
Dans ces conditions, la cour retient que le motif discriminatoire lié à l’état de grossesse de la salariée n’est pas établi en l’espèce, de sorte que Mme [M] sera déboutée de sa demande en nullité de la rupture de la période d’essai fondée sur ce celui-ci et des demandes financières en résultant, le jugement étant confirmé à cet égard.
Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse :
La société C2H communication soulève l’irrecevabilité des demandes nouvelles de Mme [M] au visa des articles 910-4 et 564 du code de procédure civile. Elle soutient que les demandes concernant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, ainsi que l’indemnité conventionnelle de licenciement ont été formées pour la première fois devant la cour, dans le cadre des dernières écritures régularisées par l’appelante le 4 janvier 2022 et non dans ses écritures déposées dans le délai prévu à l’article 908 du code de procédure civile.
Mme [M] soutient que le délai de prévenance a expiré au-delà de la fin de la période d’essai, de sorte que la rupture de son contrat s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle fait valoir que dès l’origine, elle a soutenu que:
– le recours à la période d’essai n’était pas justifié et valable ;
– le renouvellement de la période d’essai n’était pas légal ;
– les motifs de la rupture de la période d’essai étaient discriminatoires, étrangers à toute considération professionnelle, abusifs et non respectueux du délai de prévenance.
Elle indique qu’elle n’a jamais modifié le sens de son argumentation mais a simplement ventilé différemment ses demandes indemnitaires.
Elle rappelle qu’en tout état de cause, ses demandes tendent aux mêmes fins, à savoir l’indemnisation des conséquences de la rupture injustifiée de son contrat de travail.
Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, en sa version applicable au litige, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
En outre, il résulte de l’article 566 du code de procédure civile, en sa version applicable au litige issue du décret N°2017-891 du 6 mai 2017, que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire et de l’article 565 que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Enfin, les demandes formées par un salarié au titre d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis d’un licenciement nul, tendent à l’indemnisation des conséquences de son licenciement qu’il estime injustifié, de sorte que ces demandes tendent aux mêmes fins et que la demande en nullité de licenciement est recevable.
En l’espèce, la cour observe que les demandes indemnitaires afférentes au caractère abusif de la rupture et à un licenciement sans cause réelle et sérieuse tendent aux mêmes fins, à savoir l’indemnisation du préjudice issu de la cessation du contrat de travail de Mme [M].
Dans ces conditions, ce moyen sera écarté.
Aux termes des dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile, en sa version applicable au litige, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 783, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
La cour observe que le dispositif des écritures signifiées le 16 janvier 2020 par Mme[M] est rédigé comme suit :
‘La Cour devra :
-INFIRMER en totalité le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de PARIS le 12 septembre 2019 en ce qu’il a débouté Madame [M] de l’ensemble de ses demandes et condamné aux dépens de la procédure.
Statuant à nouveau, la Cour devra, à titre principal :
DIRE que la rupture de la période d’essai de Madame [M] est nulle car fondée sur un
motif discriminatoire
En conséquence :
CONDAMNER la société C2H COMMUNICATION à payer à Madame [M] la somme de 52.000 euros au titre de l’indemnité de rupture
A titre subsidiaire :
DIRE que la rupture de la période d’essai de Madame [M] est abusive
En conséquence :
CONDAMNER la société C2H COMMUNICATION à payer à Madame [M] la somme de 52.000 € au titre des dommages et intérêts
En tout état de cause :
CONDAMNER la société C2H COMMUNICATION au paiement des 80 heures supplémentaires, soit 2306,88 € effectuées par Madame [M] durant son congé
maternité outre la somme de 230,69 € au titre des congés payés afférents ;
CONDAMNER la société C2H COMMUNICATION au paiement de la somme de 35.000 € au titre du travail dissimulé ;
CONDAMNER la société C2H COMMUNICATION la somme de 4 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la partie adverse aux entiers dépens.’
La cour observe que Mme [M] n’a formulé dans ces écritures aucune prétention afférente au licenciement sans cause réelle et sérieuse, que ses nouvelles demandes formées de ce chef ne rentrent pas dans les exceptions prévues à l’article 910-4 du code de procédure civile précité, de sorte qu’en application dudit texte, elle sera déclarée irrecevable en sa demande tendant à la requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’en ses demandes subséquentes en paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés incidents et de l’indemnité conventionnelle de licenciement.
Sur la rupture abusive :
– sur le bien fondé de la demande :
Mme [M] invoque le caractère abusif de la rupture de la période d’essai, soutenant que celle-ci n’avait aucun sens dans la mesure où ses compétences et aptitudes ne faisaient aucun doute compte tenu de son expérience professionnelle de plus de 15 ans au même poste, que M. [N] demeurait bien son interlocuteur privilégié en dépit des changements de sociétés le faisant passer du statut de président de la société Le monde du regard au statut de « pseudo associé » de la société MMH, puis de la société C2H communication intervenant de manière cachée au sein de ces sociétés et n’hésitant pas à faire passer des frais personnels sur le compte de celle-ci.
Ainsi, elle évoque unéchange de courriels du 11 décembre 2016 avec Mme [X], dont il résulte que M. [N] avait acheté un agenda pour le prix de 25 euros avec la carte bancaire de la société C2H communication, ainsi que son opposition à la rémunération revendiquée par ce dernier qu’elle jugeait excessive, pour en déduire que M. [N] a considéré qu’elle représentait une menace pour lui et décidé de s’en séparer tout en éludant les règles relatives à la procédure de licenciement. Elle excipe ainsi de la volonté de l’employeur de s’assurer de la possibilité de rompre son contrat à son retour de congé de maternité et qu’à peine rentrée de son congé maternité, elle était congédiée sans ménagement.
De même, elle fait valoir que durant son congé, M. [N] n’a pas hésité à facturer à la société C2H communication des prestations ‘conseil et commerciales’de plus en plus importantes et Mme [X] à s’octroyer d’importantes primes.
Elle soutient que les motifs de la rupture de la période d’essai étaient discriminatoires, étrangers à toute considération professionnelle, abusifs et non respectueux du délai de prévenance.
La société C2H communication s’oppose à la demande alléguant que Mme [M] ne rapporte pas la preuve de l’intervention de M. [N] dans la rupture de la période d’essai ni qu’il se soit senti menacé par la salariée. Elle souligne à cet égard, que Mme [M] disposant de 30% des parts sociales, elle était toujours en mesure d’intervenir, de sorte que la cessation de la période d’essai ne la privait pas d’agir à l’encontre de M. [N].
La société C2H communication soutient que la période d’essai a été rompue car la salariée n’était pas suffisamment compétente et apte à occuper son emploi et lui reproche son manque d’investissement et de motivation ainsi que les erreurs commises.
Si l’employeur peut discrétionnairement mettre fin aux relations contractuelles avant l’expiration de la période d’essai, ce n’est que sous réserve de ne pas faire dégénérer ce droit en abus.
En outre, aux termes de l’article L.1221-25 du code du travail :
‘ Lorsqu’il est mis fin, par l’employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d’essai définie aux articles L. 1221-19 à L. 1221-24 ou à l’article L. 1242-10 pour les contrats stipulant une période d’essai d’au moins une semaine, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :
1° Vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ;
2° Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;
3° Deux semaines après un mois de présence ;
4° Un mois après trois mois de présence.
La période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.
Lorsque le délai de prévenance n’a pas été respecté, son inexécution ouvre droit pour le salarié, sauf s’il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. Cette indemnité est égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise.’
La cour relève en l’espèce, qu’après avoir notifié à la salariée en congé de maternité, par lettre du 20 décembre 2016, que sa période d’essai qui expirait le 22 avril 2017 serait renouvelée pour une période de quatre mois, et ce, en dépit du fait que la convention collective ne l’y autorisait pas, l’employeur l’a finalement informée de la rupture de leurs relations contractuelles dès le 30 mars 2017, soit quelques jours à peine après le retour de Mme [M] à son poste de travail le 22 mars 2017.
En outre, comme le soulève Mme [M], le délai de prévenance de un mois prévu à l’article L.1221-25 précité, a pris fin le 30 avril 2017, soit postérieurement à l’issue de la période d’essai.
Dans ces conditions, la cour retient, sans qu’il soit besoin de répondre à l’ensemble des allégations de Mme [M], que la société C2H communication a agi avec une légèreté blâmable à son égard et que dès lors, la rupture de la période d’essai se révèle abusive, le jugement étant infirmé de ce chef.
– sur les conséquences financières de la rupture de la période d’essai :
Mme [M] sollicite, au visa de l’article 1240 du code civil, une somme de 65 000 euros correspondant à 18 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts. Elle fait valoir l’importance de son préjudice moral et financier résultant de la perte de son emploi, ayant organisé sa vie et son emploi du temps autour de son travail, trouvé une place en crèche pour son enfant les mercredis et vendredis et conclu un contrat avec une personne pour que son enfant puisse être gardé à domicile les trois autres jours de la semaine, jusqu’au mois de septembre 2017 et qu’à peine rentrée de son congé maternité, elle était congédiée sans ménagement. Elle invoque la précarité de sa situation étant restée sans emploi de 2017 au 9 décembre 2021 et que depuis, elle a bénéficié d’un contrat de travail à durée déterminée du 9 décembre 2021 au 7 janvier 2022 à mi-temps, puis d’un « stage probatoire à 100% » du 8 janvier 2022 au 7 janvier 2023.
La société C2H communication s’oppose à la demande et soutient que Mme [M] ne justifie pas des préjudices qu’elle invoque. Elle fait valoir que la durée maximale d’indemnisation par Pôle emploi est de 24 mois, que Mme [M] ne produit pas de recherche d’emploi infructueuse alors qu’elle a quitté la Société depuis près de cinq années, qu’elle n’apporte pas davantage la preuve d’avoir suivi une formation, un bilan de compétences ou autre, qu’elle ne communique aucun renseignement sur sa situation de famille et ses charges ; qu’en outre, elle réfute la force probante des pièces afférentes à la garde de son enfant soulignant l’absence d’éléments concernant la prise en charge des frais de garde par la Caisse d’allocations familiales.
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise inférieur à 11 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [M], de son âge à la date de la rupture du contrat de travail, soit 39 ans, de son ancienneté au jour de la rupture du contrat (3 mois), Mme [M] ne pouvant se prévaloir d’une ancienneté acquise au sein des sociétés Le monde du regard , MMH ou ECPH, distinctes de la société C2H communication, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, Mme [M] justifiant de son inscription à pôle emploi depuis le 1er juin 2017 jusqu’au 19 novembre 2021, de la perception d’allocation d’aide au retour à l’emploi à compter du 18 juillet 2018 à hauteur de 1 780 euros par mois et de sa situation professionnelle telle qu’elle l’a décrite, la cour condamne la société C2H communication à payer à Mme [M] la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d’essai, suffisant à réparer son entier préjudice, le jugement étant infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de cette prétention.
Sur les intérêts :
La cour rappelle qu’en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.
Sur les mesures accessoires :
La société C2H communication, partie succombante, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel, le jugement étant infirmé quant à la charge des dépens de première instance.
En outre, la société C2H communication est condamnée en application de l’article 700 du code de procédure civile à indemniser Mme [M] des frais irrépétibles non compris dans les dépens, à hauteur de la somme de 3 000 euros, le jugement étant infirmé en ce qu’il a débouté Mme [M] de ce chef de demande et confirmé en ce qu’il a débouté la société C2H communication de sa demande relative à l’article 700 du code de procédure civile.
La société C2H communication sera déboutée de sa demande formée devant la cour sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par décision contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté Mme [O] [M] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d’essai et de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare Mme [O] [M] irrecevable en sa demande tendant à la requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’en ses demandes subséquentes en paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés incidents et de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
Condamne la SAS C2H communication à payer à Mme [O] [M] la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d’essai prévue à son contrat de travail,
Rappelle que les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce,
Condamne la SAS C2H communication au paiement d’une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et la déboute de ce chef de demande,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SAS C2H communication aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE