Directeur artistique : décision du 16 juillet 1998 Cour de cassation Pourvoi n° 96-45.321

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Directeur artistique : décision du 16 juillet 1998 Cour de cassation Pourvoi n° 96-45.321
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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Sogemédia, société anonyme dont le siège est …, actuellement en liquidation judiciaire, représentée par M. Bertrand Z…, ès qualités de liquidateur judiciaire, demeurant …, qui a déposé un mémoire en reprise d’instance ;

en cassation d’un arrêt rendu le 27 septembre 1996 par la cour d’appel de Paris (18ème chambre C), au profit de Mme Annie Y… dite Sheila, demeurant …, défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l’audience publique du 4 juin 1998, où étaient présents : M. Desjardins, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, M. Lanquetin, Mme Lemoine-Jeanjean, conseillers, M. Martin, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Boinot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Sogemédia, de Me Choucroy, avocat de Mme Y…, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à M. Z… de son intervention en qualité de mandataire liquidateur de la société Sogemédia pour reprendre l’instance engagée par celle-ci ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 septembre 1996), que la société Les Productions X… et Plait ont signé avec Mme Y…, dite Sheila, le 15 septembre 1962 un contrat d’exclusivité conférant à MM. X… et Plait la qualité de directeurs artistiques exclusifs de l’artiste Sheila, et à la société Les Productions X… et Plait l’exclusivité de ses enregistrements sur disques;

que, par contrat du 16 mars 1983, Mme Y… a obtenu de la société Productions Carrère un poste la désignant comme conseillère artistique;

qu’elle a été licenciée pour motif économique le 28 juin 1995;

que, se prévalant d’un contrat de travail exécuté depuis 1962, elle a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en condamnation de la société Carrère holding à lui payer diverses sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Sogemédia, qui vient aux droits des sociétés successives Les Productions X… et Plait, Productions Carrère et X… Holding, et M. Z…, ès qualité de mandataire liquidateur de cette société, font grief à l’arrêt d’avoir condamné la société Sogemedia à payer à Mme Y… un complément d’indemnité de licenciement en application de la Convention collective nationale des cadres et agents de maîtrise de l’édition de musique du 14 juin 1979, alors, selon le moyen, que, d’une part, la Convention collective nationale des cadres et agents de maîtrise de l’édition de musique du 14 juin 1979 règle, en vertu de son article 1er, les rapports entre employeurs et salariés des maisons d’édition de musique établies sur le territoire de la France métropolitaine;

que les maisons d’édition de musique visées à l’article 1er de cette convention et auxquelles se limite son champ d’application sont les seules entreprises d’édition de musique graphique;

que les entreprises dont l’activité est l’édition d’enregistrements phonographiques n’ont pas, dès lors, la qualité d’éditeurs de musique soumis à la convention collective susvisée;

qu’il s’ensuit qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé le texte susvisé;

et alors, d’autre part et en tout état de cause, que l’application d’une convention collective est déterminée par l’activité réelle de l’entreprise et non par les mentions contenues dans les statuts de la personne morale dont elle dépend;

que la cour d’appel, qui se borne à énoncer que l’activité principale de la société Les Productions Claude X… et de la société Carrère Holding, actuellement dénommée Sogemédia, telle qu’elle découle des statuts desdites sociétés et des extraits du registre du commerce les concernant, a pour objet la production d’éditions musicales par tous procédés de reproduction, y compris graphique, pour en déduire que l’entreprise en cause entre dans le champ d’application de la convention collective susvisée, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 132-5 du Code du travail et de la Convention collective des maisons d’édition de musique ;

Mais attendu que la Convention collective nationale des cadres et agents de maîtrise de l’édition de musique du 14 juin 1979 étendue le 27 juin 1985, dispose, en son l’article 1er qui définit son champ d’application, qu’elle règle les rapports entre employeurs, d’une part, cadres et agents de maîtrise, d’autre part, des maisons d’édition de musique établies sur le territoire de la France métropolitaine, sans limitation aux seules maisons d’édition de musique graphique;

qu’ayant constaté que l’activité principale réelle de l’entreprise en cause était la production d’éditions musicales par tous procédés de reproduction, la cour d’appel qui a décidé que cette activité relevait de la convention collective revendiquée par la salariée, a légalement justifié sa décision;

que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Sogemédia et M. Z…, ès qualité de mandataire liquidateur de cette société, font grief à l’arrêt d’avoir condamnée la société Sogemédia à payer à Mme Y… une indemnité conventionnelle de licenciement, un troisième mois de préavis, d’avoir dit que Mme Y… pouvait se prévaloir de la qualification de cadre du 13 septembre 1970 au 28 septembre 1995 et d’avoir en conséquence ordonné une mesure d’instruction, alors, selon le moyen, que, d’une part, en déduisant l’exercice par Mme Y… de fonctions répondant à la qualité de cadre “des explications fournies à la cour” d’appel, ce qui ne permet pas à la Cour de Cassation de contrôler l’admissibilité des éléments de preuve qui ont été retenus et notamment leur conformité à la règle selon laquelle nul ne peut se constituer une preuve à lui-même, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1315 du Code civil;

que, d’autre part, les fonctions de directeur artistique sont définies comme celles du cadre technique qui recherche les auteurs-compositeurs et interprètes susceptibles d’apporter un matériel nouveau ou d’enregistrer celui-ci, qui est à même de les orienter et de préparer les bases d’accords avec ces derniers, qui assure la direction artistique des séances de répétition ou d’enregistrement (maquettes et disques du commerce) des oeuvres de différents catalogues, et qui établit des contrats avec les entreprises de production en vue d’obtenir des enregistrements sonores;

qu’en se bornant à relever que Mme Y… avait, dans la réalisation et la promotion des disques de ses chansons, une autonomie et une importante part de responsabilité personnelle, tant dans la fixation et la sortie des enregistrements que dans leur promotion auprès des radios et des chaînes de télévision, qu’elle participait activement aux enregistrements, à la mise en valeur du catalogue de la société X…, au recrutement de nouveaux artistes, des musiciens, des danseurs, des assistants, attributions qui auraient été consacrées dans l’aménagement de ses attributions dans un poste de conseillère artistique en 1983, éléments qui ne suffisaient pas à caractériser l’exercice de fonctions de directeur artistique telles que ci-dessus définies, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’annexe I classification et salaires de la Convention collective nationale des cadres et agents de maîtrise de l’édition de musique du 14 juin 1979;

que, de troisième part, en retenant, pour estimer que Mme Y… avait la qualité de directeur artistique correspondant à une classification de cadre technique, à compter du 13 septembre 1970, date à laquelle la société Editions Claude X… qui l’employait l’avait expressément admise en la désignant en cette qualité de directeur artistique comme bénéficiaire des droits au régime d’allocations d’entraide de la SACEM alors que, dans ses conclusions, Mme Y… énonçait avoir effectué toute sa carrière au sein des sociétés Productions Carrère et Plait, Productions Claude X…, Productions X… puis X… holding, et n’avait jamais prétendu avoir été la salariée de la société Editions Claude X…, la cour d’appel a violé l’article 4 du nouveau Code de procédure civile;

qu’en outre, en déduisant la reconnaissance de la qualité de cadre à Mme Y… à compter du 13 septembre 1970, vis-à-vis de la société Carrère holding, venant aux droits successivement des sociétés Productions Carrère et Plait, Productions Claude X… et Productions Carrère, du comportement des associés de la société Editions Carrère ayant la qualité de tiers au regard du contrat de travail dont se prévalait Mme Y…, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1156 du Code civil, 1er de la Convention collective nationale des cadres et agents de maîtrise de l’édition de musique du 14 juin 1979, et 3 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947;

et qu’enfin, en tout état de cause, le fait d’indiquer la qualité de directrice artistique dans la désignation qui avait été faite de Mme Y… comme bénéficiaire des droits au régime d’allocations d’entraide de la SACEM n’était pas de nature, en l’absence de tout autre élément, à caractériser la volonté d’accorder conventionnellement à Mme Y… la qualité de cadre;

qu’en en décidant autrement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1134 du Code civil, de l’article 1er de la Convention collective nationale des cadres et agents de maîtrise de l’édition de musique du 14 juin 1979, et de l’article 3 de la Convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ;

 


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