Votre panier est actuellement vide !
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
10e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 15 MARS 2018
N° 2018/ 140
Rôle N° 17/08852
SARL LA VAGUE SWEETY LOUNGE
C/
GAN ASSURANCES
Grosse délivrée
le :
à :
Me Didier HOLLET
Me Isabelle FICI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 27 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 16/02264.
APPELANTE
SARL LA VAGUE SWEETY LOUNGE,
dont le siège social est [Adresse 1]
représentée par Me Didier HOLLET de l’AARPI DIDIER HOLLET-NICOLE HUGUES, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
GAN ASSURANCES,
dont le siège social est [Adresse 2]
représentée par Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Romain CHAREUN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Philippe BARBIER, avocat au barreau de TOULON substitué par Me MARCERON, avocat au barreau de TOULON.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 30 Janvier 2018 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, Monsieur Olivier GOURSAUD, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier GOURSAUD, Président
Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller
Madame Anne VELLA, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2018
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2018,
Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par exploit d’huissier en date du 19 avril 2016, la société Vagues Sweety Lounge a fait assigner la société Gan Assurances devant le tribunal de grande instance de Toulon aux fins d’obtenir l’indemnisation de son préjudice consécutif à l’accident de la circulation dont son salarié, M. [V] [D] a été victime le 2 janvier 2014 impliquant un véhicule assuré auprès du Gan.
Elle a soutenu en effet que M. [V] [D] avait du être licencié le 13 novembre 2015 en raison de son inaptitude résultant des suites de l’accident de la circulation du 2 janvier 2014 et elle a demandé à être indemnisée du coût de ce licenciement.
Par jugement réputé contradictoire en date du 27 février 2017, le tribunal de grande instance de Toulon a :
– débouté la société Vagues Sweety Lounge de toutes ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Vagues Sweety Lounge aux dépens.
Le tribunal a considéré que par application des articles 29 et 32 de la loi du 5 juillet 1985, l’employeur était seulement admis à demander, au titre du recours contre la personne tenue à réparation, les salaires et accessoires du salaire maintenus pendant la période d’inactivité consécutive à l’événement qui a occasionné le dommage et au titre de l’action directe contre le responsable des dommages ou son assureur, le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées à la victime pendant la période d’indisponibilité et que la société Vagues Sweety Lounge n’était donc pas fondée à réclamer le paiement de l’indemnité de licenciement.
Par déclaration en date du 9 mai 2017, la société Vagues Sweety Lounge a interjeté appel total de cette décision.
Dans ses dernières conclusions en date du 9 janvier 2018, la société Vagues Sweety Lounge demande à la cour de :
– déclarer son appel recevable,
– déclarer ses conclusions récapitulatives notifiées le 8 janvier 2018 recevables,
– réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulon le 27 février 2017,
vu la loi du 5 juillet 1985,
– condamner la société Gan Assurances à lui payer la somme de 22.571,55 € avec intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2015 jusqu’à parfait paiement,
– condamner la société Gan Assurances à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Gan Assurances aux entiers dépens de la procédure d’appel et de première instance.
La société Vagues Sweety Lounge qui relève que la responsabilité de l’assuré du Gan est entière, sommation lui étant faite en appel de communiquer le jugement ou le protocole d’accord intervenu avec M. [D], et qui constate d’ailleurs que le Gan conclut au rejet de la demande sans pour autant contester la responsabilité de son assuré, fait valoir sur le bien fondé de sa demande que :
– l’accident dont M. [D] a été victime est un accident du travail-trajet,
– à la suite de cet accident, M. [D] a été déclaré inapte à son poste de directeur artistique et elle a été contrainte de le licencier en l’absence d’un poste adapté dans l’entreprise,
– ce licenciement est donc une conséquence directe et certaine de l’accident de la circulation causé par l’assuré de la société Gan,
– l’accident dont M. [D] a été victime s’est produit pendant l’exécution de son contrat de travail et alors qu’il se trouvait sous le lien de subordination de son employeur et elle est donc bien victime par ricochet et bénéficie d’une action propre contre le responsable et son assureur,
– la société Gan doit donc réparer son préjudice lequel, s’il n’est pas le remboursement des indemnités de licenciement s’évalue en dommages et intérêts ne pouvant être inférieurs au coût de l’arrêt de travail et du licenciement de M. [D].
Aux termes de ses conclusions en date du 30 août 2017, la société Gan Assurances demande à la cour de :
– débouter la société Vagues Sweety Lounge des fins de son appel et confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
– condamner la société Vagues Sweety Lounge à lui payer la somme de 5.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens distraits au profit de la selarl Liberas Fici & Associés, avocats.
La société Gan Assurances fait valoir que :
– l’accident invoqué et ses circonstances ne sont pas justifiés et l’appelante ne peut rechercher sa responsabilité sans rapporter la preuve du fait dommageable prétendument à l’origine de ses préjudices,
– elle ne justifie pas davantage du préjudice dont elle demande réparation,
– en tout état de cause, la preuve de ce préjudice financier ne fonderait pas pour autant son action à son encontre,
– les articles 29 et 32 de la loi du 5 juillet 1985 ne visent pas les indemnités de licenciement au titre des prestations qui peuvent ouvrir droit à recours contre la personne tenue à réparation ou contre son assureur,
– cette limitation s’explique par le fait que la victime par ricochet doit établir l’existence d’un lien de causalité entre le préjudice allégué et l’accident alors que l’indemnité de licenciement qui n’est que la contrepartie du droit de résiliation unilatérale de l’employeur a pour cause exclusive la rupture du contrat de travail.
Par conclusions en date du 9 janvier 2016, la société Gan Assurances a demandé à la cour de dire et juger que la signification des conclusions et d’une pièce le 8 janvier 2018 par l’appelante sont dilatoires et de les rejeter purement et simplement.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2018 et l’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 30 janvier 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION
* sur la demande de rejet des dernières conclusions signifiées par la société Vagues Sweety Lounge et de la pièce qui y est jointe :
Ces conclusions sont intervenues le 8 janvier 2018, soit 8 jours avant la date annoncée pour la clôture de l’affaire et elles ne contiennent pas de prétentions ou moyens nouveaux.
La société Gan Assurances a donc disposé du temps nécessaire, au besoin en sollicitant un report de l’ordonnance de clôture, pour une réponse éventuelle à ces écritures et discuter la pièce qui y était jointe dont il convient de relever qu’elle n’est pas déterminante pour l’issue du litige.
Il y a lieu de déclarer recevables ces conclusions et la pièce N° 24.
* sur le bien fondé de la demande de la société Vagues Sweety Lounge :
Les pièces médicales et avis d’arrêt de travail produits démontrent que M. [D], salarié de la société Vagues Sweety Lounge, a été victime d’un accident le 2 janvier 2014.
Par courrier en date du 11 mars 2015, le conseil de M. [D] a demandé à la société Vagues Sweety Lounge d’établir une attestation de perte de salaire suite à l’accident de trajet dont M. [D] avait été victime le 2 janvier 2014 et a précisé que le débiteur indemnitaire dans cette affaire était la société Gan Assurances.
Par courrier du 2 décembre 2015, le conseil de la société Vagues Sweety Lounge a sollicité auprès de la société Gan Assurances le règlement du coût du licenciement de M. [D] et par courrier en réponse, cette compagnie a opposé un refus à cette demande au motif que la nature de la prestation réclamée n’était pas visée par l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985.
Elle n’a pas contesté dans ce courrier la survenance de l’accident dont M. [D] a été victime ni son obligation à indemnisation des conséquences dommageables de cet accident et ces éléments suffisent à établir la réalité du fait dommageable à l’origine des préjudices allégués, la contestation de la société Gan Assurances sur ce point étant inopérante.
La société Vagues Sweety Lounge sollicite à titre d’indemnisation le coût des indemnités qu’elle indique avoir du verser à son salarié en raison de la rupture du contrat de travail qu’elle estime imputable à l’accident de la circulation.
Si les dispositions des articles 29 à 33 de la loi du 5 juillet 1985 limitent le recours subrogatoire de l’employeur auprès du tiers responsable au paiement des salaires et accessoires de salaire maintenus pendant l’arrêt de travail consécutif à l’accident et au remboursement des charges patronales afférentes à ces rémunérations, il convient de relever que la demande en paiement par la société Vagues Sweety Lounge du coût des indemnités de licenciement n’est pas une action subrogatoire engagée par un tiers payeur mais l’action en réparation de son préjudice personnel par une victime par ricochet qui n’est pas interdite par la loi et est même expressément reconnue par l’article 6 de la même loi.
Toutefois, pour obtenir la réparation de son préjudice par ricochet, l’employeur doit établir l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre le préjudice qu’il allègue et l’accident.
Selon le courrier de la société Vagues Sweety Lounge en date du 13 novembre 2015, ce licenciement fait suite à un avis d’inaptitude de la médecine du travail et une impossibilité de reclassement dans l’entreprise.
Il n’est pas versé aux débats d’autres éléments permettant d’apprécier que la société Vagues Sweety Lounge n’avait d’autre choix que de procéder à ce licenciement.
L’indemnité de licenciement versée au salarié est la contrepartie du droit de résiliation unilatérale dont dispose l’employeur qu’il a exercé après avoir apprécié les reclassements qu’il était susceptible de proposer
En l’espèce, ce licenciement a pour cause exclusive la rupture du contrat de travail décidée par l’employeur et il n’est donc pas justifié d’un lien de causalité direct et certain entre l’obligation de payer l’indemnité de licenciement et l’accident.
Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a débouté la société Vagues Sweety Lounge de ses demandes vis à vis de la société Gan Assurances.
Les dispositions du jugement relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens sont confirmées.
La cour estime que l’équité ne commande pas en l’espèce de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Gan Assurances en cause d’appel.
Les dépens d’appel sont mis à la charge de la société Vagues Sweety Lounge qui succombe en ses prétentions de remise en cause du jugement.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare recevable les conclusions signifiées le 8 janvier 2018 et la pièce N° 24 qui y était jointe.
Confirme le jugement entrepris,
y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Condamne la société Vagues Sweety Lounge aux dépens d’appel et accorde à la selarl Liberas & Fici, avocats, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT