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SOC.
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 septembre 2018
Rejet non spécialement motivé
M. X…, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10987 F
Pourvoi n° N 16-25.789
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. Y….
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 27 janvier 2017.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société Toaster, dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 14 septembre 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l’opposant à M. Laurent Y…, domicilié […] ,
défendeur à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 19 juin 2018, où étaient présents : M. X…, conseiller doyen faisant fonction de président, M. F… , conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Toaster, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. Y… ;
Sur le rapport de M. F… , conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Toaster aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Toaster à payer à la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille dix-huit.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Toaster.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit abusif le licenciement de M. Laurent Y… et d’avoir condamné la société Toaster à lui payer les sommes de 6 898,08 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 689,80 euros au titre des congés payés afférents, 1 819,71 euros à titre de salaire durant la mise à pied et 180,97 euros au titre des congés payés afférents, 5 094,48 euros à titre d’indemnité légale de licenciement et 17 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement est ainsi rédigée : «
Nous avons eu à déplorer de votre part, depuis plusieurs semaines, une errance comportementale et, malgré de nombreuses remarques verbales adressées en présence de vos collègues de travail, nous avons été contraints de vous adresser un premier courrier d’avertissement en LRAR le 16 mai 2012, la situation n’étant plus acceptable. Ce courrier d’avertissement, que vous n’avez pas contesté, faisant état d’un non-respect patent de vos horaires de travail, du refus d’arrêter de vous garer sur ma place de parking et de votre attitude m’interrogeant sur ce que je pourrais bien faire si vous continuiez à le faire, le tout accompagné d’une attitude à ce point menaçante à mon égard que vous avez cru bon d’ajouter « c’est bon, je n’ai pas levé la main ». (
) Le 19 juin 2012, je suis rentré de rdv client vers 17 h. Vous étiez à nouveau en train de rédiger un e-mail personnel et de vaquer à vos occupations personnelles. Je vous ai demandé de fermer votre boite mail et de retourner à votre travail. Vous m’avez répondu « oui, oui je vais le faire» avec un sourire et un air très provoquant. Environ 10 mn après, je suis repassé devant votre poste de travail et vous étiez toujours sur vos e-mails personnels. Je vous ai alors intimé l’ordre de fermer votre boîte mail et de travailler à la tâche qui vous était assignée. Je vous ai fait alors remarquer que vous aviez pris 2h15 pour déjeuner ce qui était inacceptable et que votre travail était en retard et compromettait les plannings de l’entreprise. Vous m’avez alors répondu: « Oui, j’ai été déjeuné avec une vieille copine que je n’avais pas vu depuis longtemps et j’avais besoin de temps », puis vous êtes retourné à vos mails en ignorant ma présence. J’ai noté la stupéfaction sur le visage de deux de vos collègues qui étaient dans le même bureau à ce moment et tout au long de l’incident qui s’est ensuite déroulé. Je vous ai alors très explicitement ordonné d’arrêter de rédiger vos e-mails personnels et de commencer à travailler, Vous m’avez alors répondu « non, je ne vais pas le faire, et tu ne peux rien faire, tu n’en as pas les moyens ». Votre attitude était très provocante accompagnée d’un sourire de défiance. Je n’ai pas répondu à ce comportement inacceptable et, situé sur le pas de la porte de communication de nos 2 bureaux, je vous ai de nouveau intimé l’ordre de travailler. Vous vous êtes alors très rapidement levé, vous vous êtes approché de moi rapidement et vous vous êtes collé à 10 cm de mon visage en me regardant dans les yeux et en me disant « tu n’as pas les moyens physiques de me contraindre à quoi que ce soit ». Je n’ai pas répondu à votre provocation, je vous ai signifié que dans la mesure où vous ne vouliez pas travailler et, au vu de la tournure que vous souhaitiez faire prendre à cet incident, il était préférable que vous quittiez les locaux. Vous m’avez alors répondu « non.je ne pars pas », toujours en souriant. J’ai alors éteint votre ordinateur et je vous ai demandé de quitter l’entreprise sur le champ. Vous m’avez à nouveau dit « non.je fais ce que je veux», puis vous vous êtes levé et vous êtes allé rallumer votre ordinateur. Vous m’avez alors regardé de nouveau en me disant « tu ne peux rien faire ». Le climat que vous avez installé était tellement violent que j’ai vu une de vos collègues, Aurélie Z…, blêmir et se sentir mal. Ne sachant plus comment mettre fin aux menaces physiques et redoutant que vous ne mettiez vos menaces à exécution, je me suis résigné à téléphoner au commissariat afin de demander de l’aide. A ce moment-là, sachant que j’étais en train de téléphoner à la police, vous vous êtes levé et vous êtes parti (
) Au cours de l’entretien préalable au licenciement qui s’est déroulé dans nos locaux en présence de Laurent A…, représentant syndical venu vous assister et d’Elisabeth B…, salariée de l’entreprise, vous nous avez confirmé les points suivants sans sembler vous rendre compte de la gravité de vos propos et de vos attitudes: -« J’ai toujours eu des soucis pour arriver à l’heure et tu le sais » – « Oui j’ai bien pris 2h15 pour déjeuner sans te prévenir mais j’avais besoin de voir cette copine »,- « Oui nous avons bien eu une altercation verbale mais je n’estime pas avoir été menaçant » – « Non, je ne regardais pas un match en vidéo sur mon ordinateur, je regardais un résumé de match en vidéo ». – « Oui, j’envoie très souvent des mails personnels mais je ne suis pas le seul chez Toaster ». Vous avez reconnu m’avoir dit que vous continueriez à vous garer sur ma place de parking. Vous avez reconnu avoir refusé de retourner à votre poste de travail alors que je vous l’ai commandé à de nombreuses reprises mais avez essayé de m’expliquer que c’était parce que vous n’aviez pas de travail à faire et que vous attendiez que je vous en donne, ce qui est notoirement faux. L’ensemble de ces faits, qui ont fortement désorganisé et perturbé l’entreprise, constitue une faute grave rendant impossible le maintien de la relation contractuelle » ; que les faits antérieurs au 16 mai 2012, date d’un avertissement délivré à M. Y… les sanctionnant, ne peuvent fonder une seconde mesure disciplinaire ; que la société Toaster reproche à M. Y… les agissements suivants : le 19 juin 2012, avoir refusé de façon répétée de cesser de vaquer à ses occupations personnelles malgré la demande de l’employeur de se consacrer à la tâche qui lui était assignée, avoir pris 2h 15 pour déjeuner alors que son travail était en retard et compromettait les plannings de l’entreprise et enfin avoir adopté une attitude et des propos provoquants puis menaçants ; que sur le premier grief : pour établir le fait que M. Y… vaquait à ses occupations personnelles en rédigeant un e-mail et n’avait pas obtempéré à une injonction d’avoir à fermer sa boîte mail et de travailler, ce à deux reprises, la société Toaster verse aux débats les attestations rédigées par deux salariés, Mmes Z… et C… ; que ces attestations émanent de personnes placées dans un lien de subordination à l’égard de la société Toaster et ne sont pas corroborées par des éléments objectifs de sorte que leur valeur probante est insuffisante ; que sauf abus ou usage déraisonnable, ou encore violation d’une interdiction exprimée par l’employeur, au cas d’espèce non démontrés, l’utilisation à des fins personnelles par le salarié du matériel informatique mis à sa disposition par l’entreprise ne constitue pas une faute ; que le grief n’est pas établi ; que sur le second grief, la société Toaster fait grief à M. Y… d’avoir pris 2 heures 15 de pause pour déjeuner, alors que, selon elle, les horaires de l’entreprise ne prévoient qu’une pause d’une heure et qu’il était en retard dans son travail ; que M. Y… répond que sur son contrat, les dispositions relatives à l’horaire de travail sont restées volontairement non renseignées, qu’il conteste qu’un horaire collectif de travail a été fixé par son employeur et soutient que la « note sur les horaires » produite aux débats n’a jamais été affichée, ni n’a été transmise à l’inspection du travail ; qu’il estime qu’on ne peut lui reprocher d’avoir pris exceptionnellement une pause déjeuner de 2 heures ; que pour établir le caractère fautif de la durée de la pause méridienne de M. Y… le 19 mai 2012, et alors que le contrat de travail de l’intéressé ne mentionne pas ses horaires de travail, la société Toaster produit aux débats une « note sur les horaires » datée du 18 avril 2011, selon laquelle les quatre salariés de l’entreprise ont pour horaire journalier 9h30-18h30, avec pause déjeuner de 12h30 à 13h30 ; que ce document n’est pas revêtu de la signature de l’employeur ; qu’il ne justifie pas l’avoir préalablement adressé à l’inspecteur du travail comme il ne justifie pas de son affichage apparent dans l’établissement ; qu’aucun des salariés ayant établi une attestation ne mentionne l’existence de cette note et l’un d’eux, Mme C…, a indiqué travailler de 9 heures à 18 heures, soit selon des modalités non-conformes à celles édictées par la note en question ; qu’en conséquence, l’existence d’un horaire collectif de travail limitant la coupure méridienne à une heure n’est pas démontrée ; que la société Toaster ne démontre pas que M. Y… faisait durer d’une manière excessive et habituelle sa pause déjeuner, ni qu’elle avait déjà été amenée à lui faire des remontrances à ce sujet, qu’elle ne produit pas d’élément probant de ce que M. Y… était, ce jour-là, en retard dans son travail, ce qui aurait dû le conduire à abréger son absence pour prendre son repas ; que le second grief n’est pas établi ; que sur le troisième grief, la société Toaster verse aux débats des attestations rédigées par deux de ses salariés qui, selon elle, démontrent l’attitude provocatrice et menaçante de M. Y… à l’égard du dirigeant de l’entreprise le 19 juin 2012 ; que le salarié fait valoir que son employeur s’est adressé à lui sur un ton dur et agressif, qu’il a débranché son ordinateur avant de le sommer de quitter son poste de travail ; qu’il souligne qu’il n’a pas été aussitôt mis à pied, cette mesure n’étant intervenue que le 22 juin 2012 ; que si l’existence d’une discussion vive sur un fond de différends opposant le dirigeant de la société Toaster à M. Y… n’est pas contestée, la forme de celle-ci et les propos tenus par le salarié ne sont pas clairement établis, dans la mesure où les attestations de Mmes Z… et C… émanent de personnes placées sous un lien de subordination vis-à-vis de la société Toaster et que, par ailleurs, leur contenu est loin de reproduire l’ensemble des propos prêtés au salarié ; qu’en conséquence, il n’est pas prouvé qu’à l’occasion de cette discussion, M. Y… a adopté une attitude provocatrice et menaçante à l’égard de M. D… lequel, de son côté, venait de débrancher l’ordinateur de ce salarié et lui intimait l’ordre de quitter sur le-champ le lieu de son travail ; que pas plus que les deux autres, ce grief n’est prouvé ; qu’en l’absence de grief établi, le licenciement de M. Y… est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
1-ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour établir les faits reprochés à M. Y…, la société Toaster a versé notamment aux débats deux attestations émanant de Mme Elisabeth B…, chef de projet, en date des 6 juillet 2012 et 7 décembre 2012 et qu’elle a cité ce double témoignage à de nombreuses reprises dans ses conclusions pour illustrer aussi bien l’attitude générale de M. Y…, la question des horaires de travail et les incidents du 19 juin 2012 ; qu’en se bornant à écarter les attestations rédigées par Mme Z… et par Mme C…, sans aucunement examiner celles rédigées par Mme B…, la cour d’appel a privé sa décision de motifs et ainsi violé l’article 455 du code de procédure civile.
2- ALORS encore QUE pour écarter les témoignages de Mmes Z… et C… la cour d’appel a retenu que ces attestations émanent de personnes placées dans un lien de subordination à l’égard de la société Toaster et ne sont pas corroborées par des éléments objectifs de sorte que leur valeur probante est insuffisante ; qu’en statuant ainsi sans examiner l’attestation également produite de Mme E…, qui, ayant quitté la société en 2009 ainsi qu’elle l’indiquait, n’était plus sous la subordination de l’employeur, en sorte que cet élément était objectif, la cour d’appel a encore violé l’article 455 du code de procédure civile
3-ET ALORS QUE les évènements se déroulant à l’intérieur de l’entreprise ne peuvent avoir d’autres témoins que les salariés de cette entreprise ; qu’en déniant toute valeur probante aux attestations des salariés au seul motif qu’ils sont placés dans un lien de subordination et que leurs attestations ne sont pas corroborées par des éléments extrinsèques, sans examiner la cohérence de ces attestations intrinsèquement et entre elles, et partant leur contenu, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil
4- QU’à tout le moins, ce faisant, elle statué par un motif général, équivalent à une absence de motifs et violé l’article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir condamné la société Toaster à verser à M. Laurent Y… la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice professionnel et de carrière ;
AUX MOTIFS QUE M. Y… fait valoir qu’il a été embauché en qualité de directeur artistique, que ses bulletins de paie font ressortir que sa rémunération était supérieure à celle des graphistes de la société Toaster, mais qu’il n’a jamais été en mesure d’occuper le poste pour lequel il avait été embauché, ce qui lui occasionne un préjudice, notamment lors de ses recherches d’emploi ; que le contrat de travail stipule que M. Y… est engagé par la société Toaster « en qualité de directeur artistique » ; que la société répond que la qualité de « directeur artistique » figurant au contrat résulte d’une erreur de plume mais qu’elle ne démontre nullement que cette mention de « directeur artistique » résulte d’une erreur ; que M. Y… ne revendique pas une reclassification comme cadre, de sorte que les observations de la société sur ses fonctions sont sans emport ; qu’il est établi que M. Y… n’a, en définitive, occupé dans l’entreprise qu’une fonction de graphiste, tout au long de la durée de la relation de travail ; que ce faisant, son employeur n’a pas satisfait à son obligation de lui fournir un travail conforme à celui contractuellement prévu ; que ce manquement a occasionné à M. Y… un préjudice, notamment au plan de son avenir professionnel, dans la mesure où, durant sept ans, il a occupé des fonctions moindres que celles pour lesquelles il avait été recruté, ce qui obère son curriculum vitae, préjudice qui sera réparé par l’allocation de dommages et intérêts d’un montant de 10 000 euros.
ALORS QUE la société Toaster exposait que la preuve de ce que la mention de « directeur artistique » figurant dans le contrat de travail était une erreur de plume résidait dans le fait que M. Y…, durant 7 ans, n’avait jamais revendiqué l’exercice de fonctions de directeur artistique, ni contesté la mention « graphiste » figurant sur ses bulletins de salaire ; qu’elle citait les attestations de Mme B… et de Mme Z… témoignant toutes deux de ce que Laurent Y…, en 7 ans, ne s’était jamais plaint de ne pas avoir le statut d’un directeur artistique qu’il serait censé être ; qu’en se bornant à affirmer que la société ne démontre pas que la mention de « directeur artistique » dans le contrat de travail résulte d’une erreur et qu’elle a manqué à son obligation de fournir un travail conforme à celui contractuellement prévu, sans examiner, comme elle y était invitée, si le fait que M. Y… se soit, sans protestation aucune, contenté, tout au long de la relation de travail, d’occuper une fonction de graphiste et de voir cet emploi mentionné sur ses fiches de paie, n’établissait pas que pour lui aussi, la mention litigieuse procédait d’une erreur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1222-1 du code du travail, ensemble l’article 1103 du code civil.